1940.
Le lieutenant von
Hauerstadt avait retrouvé le sergent Otto Grass lors de l’entrée en Belgique
des régiments de la Wehrmacht derrière les sept divisions de Panzer du général
Guderian.

Sans rencontrer de difficultés, les Allemands avaient franchi le Canal Albert et purent ainsi foncer à travers les Pays-Bas et la petite Belgique sans obstacle notable car les Français se montraient impuissants à secourir leurs alliés. Quant à la Luftwaffe, elle était maîtresse du ciel.

Sans rencontrer de difficultés, les Allemands avaient franchi le Canal Albert et purent ainsi foncer à travers les Pays-Bas et la petite Belgique sans obstacle notable car les Français se montraient impuissants à secourir leurs alliés. Quant à la Luftwaffe, elle était maîtresse du ciel.
A croire que les
forces françaises avaient oublié les enseignements apportés par l’année 1918
lors du Premier conflit mondial. La suite allait le démontrer davantage encore.
Dès les 14 et 15 mai,
les sept divisions de chars d’assaut, incluses dans les quarante divisions
allemandes, lancèrent l’offensive contre Namur et Sedan. Avec quelques jours
d’avance sur le calendrier préétabli.
Durant ces premiers
combats, Franz fut un officier à la hauteur malgré son jeune âge. L’invasion de
la Pologne l’avait déjà quelque peu aguerri. Il se battait avec sang-froid et
n’hésitait pas tuer l’ennemi lorsque cela s’avérait nécessaire. Toutefois,
lorsque ses adversaires étaient blessés, il leur demandait de se rendre au
préalable. Il n’aimait pas abuser de sa supériorité physique. Mais,
souventefois, que ce fussent les Belges ou les Français, ils refusaient. Alors,
intérieurement, le lieutenant admirait ce courage inutile tout en le
maudissant.
Ce fut à Sedan que
les troupes de la Wehrmacht franchirent la Meuse. Désormais, la tête de pont
allemande en territoire français atteignait quinze kilomètres de profondeur.
Parallèlement, l’armée de Huntziger
se voyait dans l’obligation de se replier sur la Ligne Maginot et la Hollande capitulait.

se voyait dans l’obligation de se replier sur la Ligne Maginot et la Hollande capitulait.
Comme si elles
n’avaient rien en face, les troupes hitlériennes s’enfonçaient chaque jour
davantage à travers les plaines françaises. Que se passait-il donc ? Il y
avait là largement de quoi se poser des questions. Quelle débâcle !
Le lieutenant von
Hauerstadt ne comprenait pas. Il murmurait :
- C’est
impossible ! Cette déroute cache un piège… ou alors, les Français sont
devenus encore plus apathiques que je ne le croyais. Quant à leur Haut
Commandement, il n’est composé que d’incapables frappés de sénilité… ça pue la
traîtrise…
Mais qu’arrivait-il à
Antoine Fargeau, Marc Fontane et François Granier durant ces heures cruciales,
marquées d’une encre indélébile ?
Le jeune vendeur de
chaussures n’avait pas été mobilisé à cause de son dossier médical qui le
déclarait asthmatique sévère. Marc Fontane non plus mais pas pour les mêmes
raisons bien qu’il fût célibataire. En tant qu’unique médecin de
Sainte-Marie-Les-Monts, il était resté en Normandie, dans son village natal.
Certes, les deux amis n’étaient pas sur le front, mais ils n’en avaient pas moins
des obligations. Ils assuraient bon gré mal gré la défense passive auprès de la
population civile. On leur avait enseigné le maniement des armes, et,
désormais, tous deux savaient retraiter rapidement et protéger les civils en
cas d’alerte.
François Granier
n’avait pas eu autant de chance. Incorporé dans un régiment posté dans le Nord
de la France, il dut reculer avec des milliers d’autres soldats, dépassés par
l’impéritie d du commandement. Le jeune homme ne réchappa que de peu à la
capture et au stalag.
Un léger retour en
arrière s’impose afin de comprendre les états d’âme du frère aîné d’Elisabeth.
Dans une de ses lettres remontant au mois de mars, il décrivait longuement la
monotonie de la vie de caserne durant cette « drôle de guerre ». Il n’y mâchait
pas ses mots et, visiblement, ne craignait pas la censure.
…
L’état-major français n’est pas prêt d’attaquer. Et il semble bien que le Haut
Commandement pense que les Allemands n’attaqueront pas non plus. En fait, cette
situation arrange nos généraux. Ils savent bien que le moral des troupes laisse
à désirer. Nous n’avons pas envie de nous battre. Le pacifisme fait des ravages
dans bien des esprits. Nombreux sont mes camarades à se dire qu’après tout,
Hitler ramènera un peu d’ordre dans ce pays devenu une nation de mous…
hélas ! Ils n’ont pas pris la mesure du danger représenté par les nazis…
Or, comme décrit plus
haut, après l’invasion de la Belgique, les armées françaises refluaient à une
vitesse effrayante. Où était donc passée la furia
francese ?
La mémoire
collective, remontant aux sombres tragiques expériences de 1814,1870, 1914 et
même 1918 – lors de l’offensive des troupes du Kaiser au printemps – entraîna
les populations civiles à fuir sur les routes en un exode tragique afin de
réchapper à l’avance allemande et aux exactions des troupes nazies.
Bousculé,
un chien roux que les routes altèrent
Dévore
un enfant nu devant sa jeune mère.
Viennent
Pyrrha, Deucalion
Après
ce déluge et dans les sillons
Sur
des morts inconnus étendre de la chaux,
Semer
des haies d’affûts, des carcasses d’autos
Et
brandir les fourgons boiteux vers l’horizon.
…
Je
suis votre témoin, louis d’or auprès d’un titre
Le
témoin de fusils sur treize coussins brodés
D’un
coffre militaire auprès d’une layette
Entre
un cadavre d’homme et celui d’une bête,
Les
longs calculs du tir, les secrets du stratège
Envolés
dans un champ de seigle.
…
Ainsi, le poète Max
Jacob

décrirait-t-il ces tristes et funestes jours de cet exode,

de ce repli dans le plus grand désordre des troupes et des civils sur les routes et les chemins de ce qui avait été, il y a peu, la douce France…

décrirait-t-il ces tristes et funestes jours de cet exode,

de ce repli dans le plus grand désordre des troupes et des civils sur les routes et les chemins de ce qui avait été, il y a peu, la douce France…
Michel Granier avait
cru bien faire en expédiant sa femme Alice et sa fille Elisabeth chez de la
famille en Saintonge. Mais les routes étaient encombrées par les malheureux
vieillards, femmes, enfants et bébés, freinant la retraite des régiments en
déroute, des soldats hâves, abattus, perdus, sans chefs ni ordres, ne sachant
plus où ils devaient aller. Pour accabler davantage, pour rajouter au désordre
et à la panique, alors que la chaleur devenait insupportable en ce mois de juin
1940, les aviateurs de la Luftwaffe prenaient leur pied à bombarder et à
mitrailler ces hordes désespérées. Un carton, encore, oui, encore… les sirènes
des Stukas,

le sifflement des obus avant l’explosion, une symphonie infernale sonnant aux oreilles de ces gens affolés, se demandant ce qu’ils avaient pu faire pour se retrouver ainsi plongés dans un tel Pandémonium.

le sifflement des obus avant l’explosion, une symphonie infernale sonnant aux oreilles de ces gens affolés, se demandant ce qu’ils avaient pu faire pour se retrouver ainsi plongés dans un tel Pandémonium.
Quelque part à
mi-chemin de son objectif, Elisabeth se retrouva toute seule face à ce défilé
de la peur et de la détresse humaine. Malgré sa terreur, malgré sa douleur,
malgré sa faim, l’adolescente décida de retourner à pieds chez elle,
c’est-à-dire à Sainte-Marie-Les-Monts… ses vêtements déchirés, ses cheveux en
désordre, ses chaussures percées, sans un centime en poche, l’épuisement la
plongeant dans une espèce de cauchemar trouble dans lequel toutes les images se
bousculaient en un kaléidoscope démentiel, les instantanés surexposés succédant
au tourbillon de la souffrance, la jeune fille de quatorze ans s’acharna, un
pas après l’autre, les lèvres craquelées, les bras brûlés par le soleil, à
travers les routes et les sentiers, les ravines et les herbes folles, les
mouches et les cadavres aux blessures noires. Elle croisa ainsi maintes
personnes inconnues, encore plus harassées qu’elle, plus misérables, les yeux
hagards, la raison enfuie, des femmes belles autrefois, désormais à la
semblance des spectres, des ombres d’humains apparentées aux damnés des
tableaux de Jérôme Bosch, des pauvres hères tout dépenaillés aux regards
hallucinés ou vides, des lambeaux de compagnies françaises, des soldats
d’infanterie égarés, hirsutes, leur calot abandonné sous un talus ou une futaie,
la barbe leur mangeant le visage, n’ayant plus même la force de tenir un fusil,
des chiens redevenus sauvages, des individus poussés au désespoir capables de
voler, violer ou tuer le premier venu pour assouvir une rage brusquement
réveillée…
Et enfin, les Panzer
de Guderian qui n’avaient que faire de cette enfant perdue sur le macadam
menant à la victoire de la brutalité sur l’innocence.
Un soir, alors que
les ors venaient embellir un ciel digne d’une superproduction hollywoodienne, Michel
Granier ne put que recueillir son Elisabeth chérie dans ses bras. Dans quel
état lamentable elle était ! D’une saleté repoussante mais aussi d’une
maigreur à faire peur avec sa robe toute déchirée et ses pieds en sang. A
croire que la jeune fille n’avait ni bu ni mangé durant plusieurs jours… Cinq
en fait… et qu’elle avait erré durant des kilomètres et des kilomètres sur les
chemins. C’était miracle qu’elle revînt en vie…
- Maman ?
Alice ? Où est-elle ? S’enquit le gendarme d’une voix rauque.
- Pardon… papa…
morte… sur la route… d’un tir de Stuka…
- Non… Que dis-tu
là ? Ce ne peut être la réalité…
- Papa…
Hélas, Michel dut se
faire une raison. Comme s’il avait reçu un violent coup de couteau en pleine
poitrine, le gendarme perdit le souffle un instant. Son univers venait de
s’écrouler. Mais il lui fallait se reprendre… pour Elisabeth… pour François
dont il n’avait plus aucune nouvelle depuis plusieurs semaines…
Le fils aîné avait
été envoyé dans le Sud de la France in extremis avec les rescapés de son
régiment. Dans les environs de Bordeaux plus précisément. Enfin, démobilisé, le
jeune homme put revenir en Normandie par petites étapes. Mais
Sainte-Marie-Les-Monts appartenait désormais à la zone occupée par l’armée
hitlérienne. Ainsi, François dut montrer plusieurs fois ses papiers, justifier
du bienfondé de son désir de retourner dans son village natal.
Enfin, à la suite de
maintes péripéties qui alourdiraient ce récit, le jeune Granier retrouva ses
amis Marc et Antoine. Il put leur raconter, devant une bière, l’incroyable
désorganisation du front.
- Ce n’était pas
pensable le désordre qu’il y avait… on aurait dit qu’on baignait dans
l’improvisation la plus totale… à ce que je sais, les généraux passaient leur
temps à se disputer entre eux… problème d’ego, sans doute…
- Oui, je vois ça,
souffla Antoine. Continue, François… c’est terriblement instructif.
- Quant à nous, les
troufions, nous étions mal armés… on n’avait pas la hargne… tiens… j’avais des
munitions, des balles… oui… mais elles ne correspondaient pas au modèle et au
calibre de mon fusil.
- Du sabotage ?
Hasarda Marc, songeur.
- Oui, du sabotage,
délibéré, rajouta avec colère François. Quant à la boustifaille, une horreur…
quand elle parvenait… je pense qu’il y a eu trahison… de la part de notre
encadrement…
- Ce que tu avances
là est très grave, émit Antoine.
- Pourtant, c’est
l’impression que j’ai eue.
-Cela signifierait
que nos dirigeants espéraient cette défaite…

- Pas tous nos
dirigeants, Marc…
- Quand je pense que
ma mère est morte sur la route de l’exode, abattue par un de ces maudits Frisés…
- Méfie-toi, recommanda
Antoine… Il va falloir apprendre à cacher tes sentiments, ta haine mon vieux…
- Je jure de la
venger, Marc. Tu entends ?
- Oui, bien sûr,
opina le jeune médecin… mais pour l’heure, il faut penser à autre chose…
Ruminant sa colère,
François finit son bock et s’empara d’un geste vif de la feuille de chou qui
traînait sur la table. La mine sombre, il lit la prose du plumitif de service
avec dégoût.
*****
Fin Juin 1940,
quelque part sur la route du champagne.
Le régiment du
lieutenant von Hauerstadt s’était installé dans la sous-préfecture d’Epernay,

une cité autrefois calme et paisible. Le général commandant le corps d’armée avait réquisitionné les bâtiments officiels. Un après-midi, il convoqua le sous-préfet afin de lui énumérer les ordres et les directives que la population devait suivre. Attention à celui qui ne s’y conformerait pas !

une cité autrefois calme et paisible. Le général commandant le corps d’armée avait réquisitionné les bâtiments officiels. Un après-midi, il convoqua le sous-préfet afin de lui énumérer les ordres et les directives que la population devait suivre. Attention à celui qui ne s’y conformerait pas !
Couvre-feu dès dix
heures du soir ;
Organisation des
laisser-passer ;
Déplacements
restreints dans la région et dument justifiés ;
Mise en fiches des
mauvaises têtes, des éventuels opposants ;
Ravitaillement des
troupes allemandes d’occupation ;
Logement des soldats
de la Wehrmacht par les populations locales ;
Distribution
d’essence et de médicaments contrôlée…
Et ainsi de suite.
Or, l’officier
supérieur qui commandait les troupes d’occupation ne parlait qu’imparfaitement
le français. Ayant remarqué que ce n’était pas le cas du lieutenant von
Hauerstadt, il fit donc appel au jeune officier afin qu’il lui servît
d’interprète.
Lorsque le
sous-préfet Dubois entendit ce lieutenant ennemi s’exprimer dans la langue de
Molière sans le moindre accent, sans butter sur les mots ni faire des
contresens, il fut stupéfait !
Avec condescendance,
le comte von Hauerstadt expliqua à ce notable les raisons de cette incongruité.
- Monsieur Dubois, ma
mère est née française… elle a toujours veillé à ce que ses fils parlassent
aussi bien qu’elle sa langue maternelle.
Alors, durant les
jours qui suivirent, Auguste Dubois tenta de s’attirer les bonnes grâces du
lieutenant. Peine perdue ! En effet, si Franz écoutait placidement les
doléances du fonctionnaire, il répondait chaque fois par la négative à ses
demandes, mais avec la plus grande courtoisie.
Tout se passait à peu
près correctement, donc… mais l’Appel du Dix-huit Juin du général de Gaulle
lancé sur les ondes de la BBC allait avoir des conséquences pour les habitants d’Epernay.

lancé sur les ondes de la BBC allait avoir des conséquences pour les habitants d’Epernay.
Une nuit, cinq jeunes
Français patriotes inscrivirent sur les murs de la mairie des appels à la
résistance. Deux de ces courageux s’en prirent même à un soldat allemand
sortant d’un cinéma. Ils le battirent comme plâtre…
On le comprend, avec
de tels incidents, c’en était bien fini des sourires de l’occupant. Le
sous-préfet se retrouva manu militari convoqué auprès du général et sommé de
livrer sur le champ les noms des coupables… s’il n’obtempérait pas, ce serait
lui qui serait puni, emprisonné et sans doute, envoyé en Allemagne…
Courageusement,
Auguste refusa, s’obstinant dans le silence. Inévitablement, le général
s’emporta, devint violent et menaça de mort le fonctionnaire. Mais Dubois resta
imperturbable. Alors, à son tour le maire et ses adjoints furent arrêtés et
poussés à la dénonciation. Hélas pour le général Fahrein, ses éructations
n’aboutirent à rien.
Au bout de quelques
heures, le maire et ses édiles furent relâchés tandis que le sous-préfet
demeurait otage du haut officier. Une fois encore, il fut conduit devant
Fahrein.
- Monsieur Dubois,
fit Franz, la mine soucieuse, je vous conjure de parler. Le général ne se tient
plus de colère. C’est votre dernière chance de sauver votre vie.
- Monsieur von
Hauerstadt, je ne suis ni un traître ni un faible. Mon honneur me commande de
garder le silence… vous comprenez le sens du mot honneur, je suppose ?
- Oui, bien sûr.
- Sachez que toute la
ville partage mon point de vue. Tous ses habitants sont prêts à se sacrifier
pour préserver nos enfants qui ont eu le courage de tourner en ridicule vos
troupes d’assassins en uniforme.
- Euh… Vous ne voulez
tout de même pas que je traduise ces propos au général ?
- Et alors ?
Vous vous dérobez, jeune homme ?
- Non, bien
évidemment… mais… vous allez être fusillé sur le champ… vous perdez la raison…
- Qui est ici le plus
criminel ? Mes compatriotes ou votre général ? Jamais je ne
dénoncerai quiconque… j’ai décidé de mourir pour ma patrie… que ma mort serve
d’exemple à ceux qui oseront prendre la relève… et j’espère qu’ils seront
nombreux… qu’ils se lèveront en masse bientôt… très bientôt…
- Ce sont vos dernier
mots, monsieur Dubois ?
- Oui, lieutenant…
Avalant sa salive, le
lieutenant von Hauerstadt dut rendre compte à son supérieur.
- Général, vous ne
tirerez rien de monsieur Dubois… je suis navré mais… c’est ainsi…
- Ah oui ?
Alors, ce sera le poteau, lieutenant.
Moins d’une heure
plus tard, le peloton d’exécution réuni, le courageux fonctionnaire fut fusillé
par une douzaine de soldats dont le feu fut commandé non pas par le lieutenant
von Hauerstadt mais par le capitaine Hankel.
Le général Fahrein
venait de commettre là une grave erreur. Il aurait tôt fait d’être relevé de
ses fonctions, la Wehrmacht en étant encore à la phase de séduction de
l’Occupation. Maigre consolation pour le comte von Hauerstadt. Cette scène
devait le marquer profondément avec pour première conséquence de le faire sérieusement
réfléchir quant au comportement des Allemands, de la Wehrmacht et des Nazis.
- Mère a raison…
j’espère qu’elle n’a pas prophétisé ce qui m’attend… la cause du Reich ne peut
être la bonne… avec des généraux qui perdent ainsi leur sang-froid… des gradés
qui ne semblent pas comprendre ce que peuvent être et le véritable sens de
l’honneur et le courage… Nos dirigeants, le Führer ne seraient-ils donc que de
vils bandits ? Des assassins ? Certes, la Gestapo est partout, cela
j’ai pu m’en assurer. De plus, rien ne sort des déportés dans les camps de
rééducation… or, jusqu’à aujourd’hui, je ne m’en suis jamais préoccupé.
Peut-être ai-je eu tort ? Ah ! Et mère qui ne sait pas cacher ses
opinions… quant à père, c’est pis encore… Un jour ou l’autre, la coupe va
déborder… que va risquer ma famille ? Ai-je donc choisi le mauvais
camp ? Je porte un nom allemand… mais… mon sang ne l’est pas… Je me sens
plus Allemand que Français bien que je pense en français… J’ai toujours cru que
la République était indigne du courage de ses défenseurs… mais il semblerait
que ce ne soit pas le cas… en Pologne, l’an passé, je n’ai guère aimé
l’attitude de la troupe, méprisante, hautaine. Le plus obscur des soldats
agissait comme s’il était né d’un des dieux du Walhalla. Je me suis trompé…
désormais, je devrai faire attention, étouffer mes impulsions et mettre toute
ma famille en garde contre elle-même, ses sentiments si peu nationalistes et
patriotes… oui, mais cela ne sera certainement pas suffisant… il me faudra
faire davantage… donner des gages… Dieu du ciel ! Dans quel guêpier me
suis-je fourré ?
L’Armistice avait été
signé le 22 Juin 1940. Dès le 23, Hitler s’était rendu en grand secret à Paris
afin de visiter la capitale.
A des centaines de
kilomètres de là, toujours en cette fin du mois de juin 1940, David van der
Zelden et son fils Richard, désormais âgé de dix ans, résidaient tous deux en
Hollande. Leur pays subissait lui aussi l’Occupation. Le commandement allemand
exerçait sa pression pour persuader le marchand d’armes de collaborer avec
l’Allemagne nazie, désormais maîtresse de l’Ouest de l’Europe ou presque. Mais
voilà, David faisait preuve d’une certaine réticence… il arrivait en retard aux
convocations, tergiversait… monsieur van der Zelden trouvait en fait que
l’occupant ne payait pas assez bien. Secrètement, il poursuivait ses affaires
mais… avec les Britanniques ! Or, notre imprudent ignorait qu’il était
étroitement surveillé par les services secrets et, notamment, par la Gestapo.
Ses lignes téléphoniques avaient été mises sur écoute et ce n’était pas tout…
*****
2 Septembre 1993.
Etats-Unis.
Gregory Williamson
était enfin nommé officiellement général en chef des forces américaines par le
Président des Etats-Unis Malcolm Drangston. Si Franck Möll, apprenant la nouvelle,
se réjouit de celle-ci, il n’en fut pas de même pour sa fratrie, Patricia et
Stephen.
Le lendemain, La
Tunisie entrait en guerre tandis qu’Israël subissait un grave revers sur le
front jordanien. Quant aux Libyens, ils ravageaient l’Egypte. Alexandrie et la
ville du Caire étaient leurs cibles privilégiées. On n’y comptait plus les
ruines et les exactions.
De leurs côtés, les
milices soviétiques bombardaient systématiquement les objectifs de
ravitaillement israéliens. Déjà, l’Amérique comptabilisait ses morts.
Pendant ce temps, en
Europe, le blocus pétrolier se faisait de plus en plus sentir. Excédés par la
pénurie d’essence, les automobilistes saccageaient les stations-service,
faisant preuve d’un total incivisme. La loi martiale dut être proclamée en
Espagne, Italie, Grande-Bretagne et en Irlande.
A Londres, la régente
Diana fit appel à la force armée afin de ramener l’ordre dans les grandes
villes.
Comment expliquer
cette pénurie ? Qu’en était-il des réserves stratégiques censées palier le
non-ravitaillement des raffineries et des stations-service ? Lesdites
réserves n’avaient pas tenu trois mois par la faute des automobilistes
eux-mêmes qui s’étaient empressés de faire et refaire le plein. Mais il
existait un autre facteur. En effet, tous les puits de pétrole et les oléoducs
du Koweït et de l’Arabie Saoudite avaient été détruits par l’aviation
israélo-américaine, les deux Etats arabes s’étant rangés du côté des
Syro-Palestiniens. De plus, les autres pays musulmans, travaillés par les
Soviétiques, n’avaient pas hésité à gagner le camp de leurs frères syriens et à
combattre Israël et les Etats-Unis.
Dans ce contexte
dramatique, la CEE paraissait être au bord de la guerre civile.
Pour couronner le
tout, le 5 septembre, le plan d’invasion de Berlin-Ouest mai aussi de la RFA,
du Danemark et des Pays-Bas par les troupes soviétiques et celles de leurs
alliés était cautionné et n’allait pas tarder à être appliqué. De fortes
concentrations de corps d’armées avaient lieu sur les frontières de l’Europe du
Nord. Les satellites espions dénonçaient cet état de chose au Pentagone. Les
Etats-Unis, selon l’avis de Williamson, ne devaient pas tarder davantage à
réagir. Sinon, la défaite était assurée pour le pays de Lincoln. Or, Drangston
tergiversait encore. Il ne désirait pas attaquer le premier. Il lui fallait un casus belli plus avéré…
Cependant, du côté
des Russes, Paldomirov fixait la destruction des bases de l’OTAN en RFA comme
premières cibles, en y rajoutant d’importants secteurs industriels et
militaires aux Pays-Bas, au Danemark mais également en Belgique – alors que
celle-ci avait opté pour la neutralité – sans oublier la vallée de la Ruhr en
Allemagne et le couloir de la chimie en France… tout devait débuter le 14
octobre 1993…
Toutefois, quelque
chose encore retenait le Président du Soviet suprême et Secrétaire général du
Parti communiste. Diubinov refusait de porter la responsabilité d’avoir le
premier déclenché le feu nucléaire… il voulait utiliser de simples missiles à
charge conventionnelle dans la première phase de l’attaque.
Lors d’une de ces
innombrables réunions extraordinaires du Politburo, il asséna ceci à ses
pairs :
- Il faut que nos
chars franchissent d’abord le mur de Berlin et l’Elbe. Nous n’emploierons nos
missiles à tête nucléaire que si les Américains le font et visent nos grands
centres vitaux.
Le front de la
Troisième Guerre mondiale devait donc être triple :
- l’attaque de toutes
les forces progressistes – comprenez communistes – se ferait à la fois au
Danemark, en RFA, en Italie – grâce au renfort des troupes libyennes et
palestiniennes secondant les régiments de l’Armée rouge –
- l’Alaska n’était
pas négligé dans tout cela et constituait un objectif de choix,
- enfin les côtes
ouest des Etats-Unis, de l’Etat de Washington à celui de la Californie,
seraient également ciblées ainsi que celles des alliés des Américains dans le
Pacifique.


*****
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