dimanche 23 octobre 2011

Le nouvel envol de l'Aigle : 1ere partie : El Desdichado chapitre 2 2e partie.

À bord du Vaillant, qui ne méritait pas franchement son nom, du moins pas encore, Robin, le chat, surnommé Ufo par Violetta, allez savoir sous quelle impulsion, miaulait à fendre l’âme. Le malheureux animal, qui aimait son confort, n’en pouvait plus de respirer les effluves nauséabonds, mêlant les infectes odeurs de poubelles aux reflux et remugles provenant d’un liquide de refroidissement des moteurs usé jusqu’à plus soif, sans omettre les relents de créosote, d’ozone et les fumées d’huile rouillée et brûlée.

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Désespérément, voulant quitter cette cabine branlante et grinçante, le félin venait se frotter régulièrement contre les jambes de Craddock.

Le chat n’était pas simplement incommodé par les odeurs d’eau croupie qui envahissaient tout le vaisseau au fur et à mesure de son périple vers Bolsa de basura dos.

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- Cette esquisse ratée de Raminagrobis

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commence à me gonfler! Mugit Symphorien excédé par les manœuvres du gros chat.

Hé oui, notre Ufo, plus que jamais ventre sur pattes, réclamait sa pitance six fois par jour en moyenne. Et comme seul Craddock avait la clef de la cambuse, il traînait souvent autour du capitaine de fortune. Or, là, rien n’y faisait. Y compris ses miaulements pleurnichards, ses ronrons, ses frottements, sa queue presque préhensible qui s’en venait s’enrouler autour des jambes ou des bras du Cachalot de l’espace. Aucun résultat, aucun supplément de nourriture, aucune gâterie.

Cette bête phénomène mérite une description. Il s’agissait d’un jeune mâle de près d’un an. L’animal aurait dû présenter un corps efflanqué, presque maigre. Mais voilà: sa goinfrerie faisait qu’il était déjà bien replet et bien gras pour son âge. De plus, son poil mi long noir et blanc accentuait l’impression d’obésité précoce qu’il donnait. Et ses yeux bleu saphir vous toisaient d’une façon tout à fait méprisante!

Le règlement militaire très sévère en vigueur dans la flotte impériale n’expliquait pas la présence du félin auprès de l’enseigne Violetta Grimaud. L’adolescente et le chat avaient sympathisé un jour que le Lagrange s’était posé sur la planète Mingo pour une révision. La demoiselle l’avait récupéré alors qu’il tentait d’échapper à deux ilotes affamés. Depuis, tant bien que mal, tous deux avaient bravé les diktats. Le commandant Grimaud avait préféré fermer les yeux sur cette entorse, ne voulant pas se coltiner la mauvaise humeur de sa fille.

Au fait, personne n’avait percé le secret de l’acronyme UFO qui, ici, ne signifiait rien.

Après plus de trente minutes de gémissements et de simagrées, Ufo dut se résoudre à rejoindre la couchette crasseuse de sa maîtresse, le ventre toujours aussi creux. La voix ensommeillée, Violetta souffla:

- Où donc t’étais-tu fourrée, sale bestiole?

Tendrement, elle serra son animal contre elle et se rendormit. À cinq mètres à peine de là, Craddock pestait. Il y avait une fuite de réfrigérant dans la soute.

- Espèce de pirogue monoxyle des quarantièmes rugissants, tu ne vas pas me lâcher maintenant!

De rage, le vieux baroudeur lança un coup de pied contre un fût de plastacier contenant une quelconque marchandise illicite. Sous la douleur, il s’insulta lui-même.

- Ouille! Capitaine de passoire sans trous! Bonimenteur d’opérette! Mister Magoo de carnaval! Édouard Pailleron d’orchestique bouffe! Naufragé du Gigantic! hurla-t-il.

À quoi ressemblait le Vaillant, cette poubelle du système Sol, cette honte de l’espace intersidéral?

Vaisseau informe, sans poupe ni proue, que son propriétaire surnommait « l’absurdosaure sans queue ni tête d’Epsilon Eridani ». Polygone décati, rafistolé avec de la ficelle, mêlant le noir, le marron et la rouille, à la coque bosselée par des millions d’impacts de micro météorites, insulte aux lois de la physique, il semblait sorti tout droit d’un cauchemar cubiste de Braque. Sur les flancs, des tuyaux apparents dont on se demandait ce qu’ils pouvaient bien rejeter, et des quarts de sphères disséminées au petit bonheur la chance. Personne ne savait où se situaient précisément les moteurs. Bref, le Vaillant pouvait aussi bien fonctionner à l’énergie atomique, aux cristaux d’orona, à l’hydrogène liquide qu’à l’alcool de canne à sucre, aux voiles photoniques ou à l’antimatière. Le propergol ou l’éthanol n’étaient pas méprisés non plus. Lorsque Craddock parvenait à voler quelques centigrammes d’orona, son vaisseau dépassait le luminique 5. Sinon, la plupart du temps, il se traînait à 8000/km heure au grand maximum.

Comme nous le voyons, Symphorien aurait mérité les palmes pour son talent méconnu de mécanicien. Entre ses mains, n’importe quel engin mécanique parvenait à voler et à se déplacer dans l’espace, aussi bien une pascaline du XVIIe siècle

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qu’une locomotive Pacific 231!

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À bord du Firmament, enfermé à triples tours dans sa cabine, André Fermat, qui avait interdit à son ordonnance de franchir la porte sous peine de mort, méditait sombrement. Enfin, ce qu’il espérait depuis tant d’années se produisait. Sur une table solide, en dur acier le chrono vision reposait, son écran éteint. L’appareil, conçu par Stankin, le maître de Sarton, avait échu mystérieusement dans l’escarcelle du vice amiral depuis tantôt trente années. L’homme avait tout fait pour en obtenir l’usage exclusif, pistant l’engin à sa source.

À vrai dire, Fermat aurait très bien pu s’en passer, mais il préférait s’économiser et surtout que personne d’autre que lui-même ne s’en servît afin de ne pas modifier le continuum de cette chrono ligne.

Le chrono vision n’avait fait que confirmer le destin mouvementé du commandant Daniel Grimaud. Depuis des lustres, il était écrit que cet être exceptionnel serait traduit en Conseil de guerre et condamné aux travaux forcés sur Bolsa de basura dos. Ensuite, les faits le concernant devenaient plus flous et difficiles à anticiper. Mais cela n’inquiétait pas André. Il se doutait que quelque chose de prodigieux s’était produit sur le Lagrange, un contact puis une fusion devenue symbiose entre deux Daniel issus de deux pistes temporelles différentes.

De par sa véritable nature, Fermat était bien placé pour savoir que l’Univers portait mal son nom. Il aurait fallu l’appeler Panmultivers.

Désormais, le problème se posait ainsi. Comment non pas modifier la sentence du Conseil de guerre mais mettre la main sur l’ex-commandant Grimaud? Comment précéder les actes du phénomène? En effet, après la cruelle sentence, le chrono vision s’obstinait à ne révéler qu’une sorte de semoule pleine de grumeaux illisibles. Or André répugnait particulièrement à emprunter les routes interdites et brûlantes de la Supra Réalité, à se déplacer dans les interstices ô combien dangereux du Pantransmultivers.

« Ah, Surgeon! Soupirait-il fort humainement. Tu vas donc m’obliger à me projeter là où je ne veux pas aller… cet exercice me coûte. Mais je le dois car j’ai choisi de te protéger, de te suivre jusqu’à ce que l’heure soit venue. Oui, j’accompli ce sacrifice pour toi d’abord, pour l’humanité ensuite et enfin pour la sauvegarde de la Diversité ».

Qui était vraiment André Fermat?

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Betsy s’apprêtait à quitter son Loulou après une nuit relativement torride. Pour la récompenser de sa patiente indulgence, l’Empereur, qui n’avait plus autant d’allant qu’autrefois, lui dévoila son trésor égyptien, notamment, sa toute dernière acquisition. Cet horrible objet fit tomber en pâmoison la jeune femme. Il s’agissait d’une momie difforme d’anencéphale humain atteint de spina bifida.

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Napoléon présenta ladite momie comme la dépouille desséchée d’un babouin sacré de la XX e dynastie.

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Betsy jouait à ravir la jeune oie blanche, ce que cette usurpatrice n’était absolument pas. Mais la mission dont on l’avait chargée exigeait qu’elle trompât le vieux podagre.

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