dimanche 8 septembre 2013

Le Nouvel Envol de l'Aigle 3e partie : Nouvelle Révolution française chapitre 27 3e partie.



Il est temps de faire un léger retour en arrière dans ce récit multiple.
Dans une cave humide et peu confortable sise sur l’Île Saint-Louis, à Paris donc, une femme d’âge mur végétait depuis plusieurs jours déjà. Ses geôliers l’avaient certainement oubliée et son bourreau, la Russe Maïakovska, n’était pas venue la tourmenter depuis environ soixante-douze heures.
« Tant mieux dans un sens! », soupirait Bette Davis. 
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Mais d’un autre côté, sa situation devenait inquiétante. Jusqu’à maintenant, la comédienne n’avait survécu qu’en buvant le contenu d’un broc à eau et en rongeant l’os d’un jambon plus qu’entamé. Or, présentement, tous les vivres étaient épuisés.
Bette avait-elle été condamnée à mourir de faim? Pourquoi ne se souciait-on plus d’elle? Qui connaissait son emprisonnement? Elle aurait préféré être tuée là, par une main charitable, subir une mort rapide et non cette lente agonie.
La tête lui tournait tandis que ses oreilles bourdonnaient. La diète forcée faisait déjà ses ravages. Sa bouche était si sèche qu’elle n’avait plus assez de salive pour humecter ses lèvres douloureusement craquelées. Elle n’avait plus assez de force non plus pour se lever et se traîner jusqu’au soupirail. De toute manière, à quoi bon?
Trop faible dorénavant pour crier, appeler à l’aide, la comédienne se résignait insidieusement à crever là, dans cette cave sordide, telle une bête malfaisante.
Épuisée par la faim et la soif, brûlante de fièvre, Bette avait fini par fermer les yeux. Son cerveau ne lui envoyait plus que des images et des sons confus et saccadés. Elle gémissait doucement sous les hallucinations qui l’accablaient. Le délire s’emparait d’elle.
Ce fut pourquoi elle ne réalisa pas que sa délivrance venait d’avoir lieu. Une douce voix féminine parvint toutefois à percer la brume de son intelligence sous séquestre. Cette voix musicale appartenait à Brelan. Elle commandait à Pauline de déshabiller l’ex-prisonnière.
- Le plus urgent, c’est de mouiller son front et d’humecter ses lèvres, répliqua la Carton avec assurance.
- Certes, mais il faut d’abord lui ôter cette robe crasseuse et ces jupons souillés!
- Ne vous disputez donc pas, reprit Aure-Elise. Vous avez toutes deux raison. En premier, évidemment, réhydrater, progressivement, intérieurement et extérieurement, puis allonger notre rescapée sur des draps frais et propres. Ensuite, nous la nourrirons peu à peu. Un bouillon léger, cuiller après cuiller.
- Pas d’aliment solide? S’exclama Violetta. Mais nous allons l’achever!
- Surtout pas! Répondit l’ex-épouse de l’ambassadeur d’Elcourt. Ici, laissez-moi diriger. J’ai mon brevet de secouriste.
- Bon… en fait, il aurait mieux valu que ce fût mon père qui s’en occupât, jeta l’adolescente sarcastique.
- Oui, mais impossible pour l’instant. Réfléchis un peu. C’est déjà magnifique qu’il ait réussi à localiser et  récupérer Bette Davis dans son état. Nous pouvons bien nous charger des soins ordinaires, non?
- Pff! La Russe a été envoyée ad patres. Fermat et le Vaillant nous ont réconfortés. Je ne vois pas trop où se trouve l’exploit, moi…
- Violetta cesse de ronchonner! Assommée, tu n’as pas assisté à la dernière partie du combat lorsque Maïakovska est entrée en scène. Tu ne peux pas comprendre.
- Bah! Toi non plus! Tu as perdu connaissance au moins une minute avant moi. Quant à Louise, je ne veux pas être méchante mais il y avait belle lurette qu’elle était dans les vaps!
- Cela suffit! Gronda Pauline Carton. Toutes les deux sortez et plus vite que ça! Nous nous débrouillerons mieux sans vous, nous les femmes du passé. On saura quoi faire.
Rabrouées, Aure-Elise et Violetta quittèrent la chambre et se rendirent à l’office, deux étages plus bas. Craddock, toujours bandé et bougon, faisait un sort à un reste de chapon et à une tarte aux prunes.
- Délicieux ce dessert! Qui a confectionné cette pâtisserie?
- Moi, minauda DD. Une recette qui me vient de ma grand-mère. 
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- Formidable! S’esclaffa le vieux Cachalot de l’espace. Ma chère enfant, vous possédez des talents insoupçonnés. Je pensais, à tort, que vous vous contentiez d’être un bel ornement.
- Mufle!
Se levant vivement, Delphine gifla Craddock violemment. Sa main marqua de rouge la joue gauche du capitaine. En silence, afin de ne pas envenimer la situation, Aure-Elise et Violetta se partagèrent les parts qui restaient de la tarte.

***************

Vingt-quatre heures après le sauvetage de Bette Davis, l’adolescente avait enfin une conversation sérieuse avec son père. Après un bain chaud, divinement relaxant, parfumé à l’œillet mignardise, la jeune fille se sécha les cheveux avec une serviette de toile. Puis, elle se les brossa vigoureusement devant une glace baroque d’origine vénitienne. Toute à sa toilette, elle chantonnait légèrement faux, un air célèbre de Mozart, tiré de la Marche turque.
On toqua à la porte de la chambre. Comme la jeune fille ne répondait pas, quelqu’un entra malgré tout. Alors l’adolescente s’avisa de la présence d’un homme derrière elle, sa silhouette se profilant dans le miroir. Promptement, la métamorphe se retourna.
- J’ai frappé, ma fille, dit Daniel Lin, un léger sourire sur ses lèvres pâles. Absorbée dans tes pensées, tu ne m’as pas entendu.
- D’ac… Tu veux me parler. À cause d’hier sans doute.
- Oh! Pas pour ces billevesées. Tu permets que je m’asseye…
- Tu es mon père, tu fais ce que tu veux…
- Je sais que tu te poses beaucoup de questions depuis que nous nous trouvons dans ce Paris pré-napoléonien, commença l’ex-daryl androïde. Notamment sur toi-même, ta véritable nature, ton identité, la mienne…
- Oui, parce que j’ignore ce que tu es toi-même! Un Supra Humain? Ouiche! À d’autres!
- Ne fais donc pas preuve de vulgarité, veux-tu?
- Il paraîtrait que mon grand-père serait le vice amiral Fermat. Tu parles d’un cadeau! Lui, on voit tout de suite qu’il n’a rien d’humain. Il est dépourvu de tout sentiment, de toute compassion. De plus, il ne mange pas, ne dort pas… la plupart du temps, il vit en reclus, cloîtré dans la cabine de pilotage du Vaillant. Le plus souvent, tu es à ses côtés. Pour quoi faire? Pour ouvrir des couloirs transdimensionnels d’après les dires de Craddock. Comme ça. Hop! D’un coup de baguette magique… il y a aussi quelque chose d’autre qui me turlupine. Tu as…
-… anéanti l’avatar d’Irina Maïakovska, l’obligeant à se vider totalement de l’énergie sombre dont Fu l’avait empli.
- Ensuite, toujours d’après ce qu’il m’a été raconté, Fermat n’a plus eu qu’à tirer sur la Russe avec un pistolet à silex des plus ordinaires… Tu as employé le terme d’avatar… qu’entends-tu par là?
- Avatar signifie incarner en sanskrit. Moi aussi, présentement, je possède un avatar. Mon corps actuel est une enveloppe qui…
- … qui dissimule quoi?
- Non, Violetta. Qui renferme mon Essence véritable, celle d’un Ying Lung.
- Ying Lung? Explique!
- En fait un élément du Réseau Mondes, un Dragon de lumière, un Protecteur en quelque sorte.
- Tu peux me montrer?
- Là? Maintenant? Ce n’est guère prudent. Actuellement, il m’est interdit de quitter ce corps, vois-tu. L’ennemi de l’Unicité n’attend que cela.
- Ah! Débrouille-toi, mais moi, je veux savoir à quoi tu ressemble exactement. Toi qui es si puissant, qui as tant d’imagination, prouve-moi sans m’hypnotiser, bien sûr, que tu es réellement ce que tu prétends être.
- Violetta, ma fille, pour qui me prends-tu donc? T’ai-je jamais menti ou manipulé?
- Alors? Tu as trouvé la solution? Comment vas-tu faire?
- Tu as raison, je suis plein de ressources. Regarde donc mes iris. De plus près. Non, je te jure que je ne suis pas en train de t’hypnotiser. Penche-toi davantage… là, tu y es.
- Tes yeux bleu gris d’habitude se foncent. Pourtant, maintenant, j’y aperçois des étoiles, des nébuleuses et même des galaxies. C’est prodigieux! Mais tout bascule. C’est parce que tu prends de la hauteur? Que c’est beau!
- Oui, je sais.
- Une résille opalescente englobe tout l’Univers et le tend.
- Non, elle le maintient, ma fille.
- Tu focalises sur un fil particulier. Pourquoi?
- Regarde bien.
- Ce fil torsadé, aussi lumineux que mille soleils s’étire, se scinde, se fragmente, change de couleur, se charge de matière et s’alourdit, lui, tantôt si évanescent et aérien. Quelle tristesse soudain! J’en pleure! Il tourbillonne et tombe de plus en plus vite. Aïe! Quel dommage! Il s’est écrasé sur la Terre. Sur… mais je connais cet endroit, papa!
- La maison de la famille Wu, à Hokkaido. Nous sommes le 18 mai 2452.
- Cette date ne signifie rien pour moi.
- Ma première incarnation vient d’être conçue. Daniel Deng, mon premier avatar ne va pas tarder à naître.
- Euh… là, tu plaisantes, papa! Ton jumeau? Non, la date ne correspond pas; l’original alors?
- Tu peux employer ce terme, Violetta. Ma première incarnation humaine sera suivie de milliers d’autres; en aval de ce point du temps mais en amont également. Tant d’identités si nombreuses que je ne puis te les énumérer toutes. Des identités pas toutes terrestres en plus. Dans une ronde qui pourrait te paraître sans fin, fifille. Jusqu’à aujourd’hui.
- Super!
Violetta fronça les sourcils, réfléchissant. Après quelques secondes de cogitation, elle lança.
- En fait, pas si super que ça… je ne me trompe pas…
- Exactement. Je constate que tu commences à comprendre.
- Des incarnations répétées donc. Cela doit être usant. Attends! Tous ces types, ce DD, Daniel Deng, ils appartenaient aux méchants, aux dictateurs, aux assassins, aux pourris, aux manipulateurs? J’ai raison?
- Non, tu vois juste.
- Ouille! Alors cela signifie qu’au départ, tu n’étais pas quelqu’un de très fréquentable.
- Oh! J’étais surtout un idiot orgueilleux, fier de son intelligence, qui désirait le pouvoir absolu, le vrai, non seulement sur ses semblables mais aussi également sur les choses, la création, le Pantransmultivers…
- Tu veux dire sans doute refaire le Pantransmultivers?
- Le modeler selon mon caprice, mon bon plaisir. Admire le fat que j’étais!
- Hum… Quand as-tu saisi que c’était mal? Quand la mémoire t’est-elle revenue?
- Lorsque je devins Daniel Lin pour la première fois, pleinement.
- Au moment de ta fusion avec Daniel Lucien Napoléon?
- Tout à fait.
- Si j’ai bien compris et emmagasiné toutes tes informations, ce que tu as vécu, toutes ces expériences, c’était donc pour ton bien, pour t’améliorer?
- Il y a de cela mais pas seulement. D’abord pour l’équilibre du Pantransmultivers, Violetta.
- D’accord. Maintenant, passons à ce qui me concerne. Comment me situer là-dedans? Dans toute cette histoire?
- Hem…
- Que suis-je? Qui suis-je? Montre-toi sincère et ne me dissimule rien. Oublie ta gêne et tes réticences. Il me semble que je puis tout entendre.
- Ma grande, tu es bien humaine, à 75% tout du moins. Pour le reste, une métamorphe, futée, bavarde, courageuse, opiniâtre, fidèle et…
- Et? Ne me fais pas languir!
- Soupe au lait! Voilà! Tu m’en veux. Pourtant, je n’énonce que la stricte vérité. Cependant, alors que j’étais dans la plus grande détresse, tu as choisi, malgré les risques, de me sortir de l’enfer du bagne de Bolsa de basura dos. Depuis, quoi qu’il t’en ait coûté, tu es restée à mes côtés. Au plus profond de ton cœur, tu ne le regrettes pas. Tu as exercé ton droit au libre arbitre; je te promets de m’en souvenir lorsque le temps sera venu.
- Papa, tu triches! Tu lis dans mes pensées et tu emploies ta voix de Ying Lung!
- Crois-moi, j’essaie pourtant d’éviter ce tour de fakir. Quant à user de télépathie, ce n’est pas volontaire du tout. Violetta, sache que tout un chacun peut lire ouvertement sur ton visage la colère, la joie, le chagrin, le bonheur, ou l’amour que tu ressens. Tu es incapable de dissimuler tes sentiments. Ton innocence me réconforte. Reste toujours ainsi, ma fille!
- Euh… pour Guillaume…
- Gwen a vite compris et anticipé pour vous deux. Bien avant moi.
- Pour l’instant, il n’y a rien entre nous… enfin… que des choses de gosses, des fou rire, des farces, des propos tendres et absurdes… des trucs d’adolescents quoi! Je me sens bien avec lui, c’est tout.
- Comme toi, il se retrouve loin de chez lui, de ses racines. Vos deux solitudes vont s’accorder.
- Ah! Tu recommences tes tours. Tu vois notre avenir.
- Oui, votre avenir à la confluence de Shangri-La.
- Mais si Shangri-La est envahie et détruite?
- En aucun cas, la défaite ne doit être envisagée. Je n’ai pas le droit de renoncer, de perdre. Je m’attèle à la victoire de la vie. André Fermat aussi.
- Brr! Drôle de grand-père que j’ai là! Pas sympathique pour deux sous. Or, dans les autres chronolignes, du moins celles auxquelles j’ai eu accès, par ton intermédiaire, il paraissait plus abordable.
- Pardonne-lui. Ici, il n’y a plus ce faux-semblant qui lui donnait un vernis humain. Le filtre ne fonctionne plus. André a vu le jour bien avant le concept de l’Amour. Tout en lui s’oppose à ce sentiment. L’Unicité s’est crue et voulue logique par essence. Elle a refusé de créer avec compassion, partage et fusion. Or, ce sont bien l’Amour, la Compassion, l’Empathie qui la guident.
- Toi aussi…
- Moi aussi, c’est vrai. Mais pas au tout début du commencement. Il m’en a fallu des épreuves pour comprendre les véritables fondements du Pantransmultivers.
- Tu as progressé. Il en est allé de même pour Fermat.
- Certes, mais pas de la même façon ni au même rythme. Gana-El, c’est là le vrai nom de ton grand-père, est à la fois fort ancien, fort sage, plein d’expériences, mais aussi novice dans l’apprentissage des émotions.
- Je veux bien te croire. Pour l’état civil, tu es âgé de quarante-quatre ans. En réalité, quel âge as-tu?
- Euh… la préhension du temps humain dépend de nombreux facteurs…
- Pas de circonvolutions! En vrai, quel est ton âge?
- Difficile pour moi de convertir ce qui est relatif.
- Encore des hésitations… décidément… pourquoi? Tu ne veux pas m’avouer que ton âge frôle celui de la Terre ou du Système solaire, c’est cela?
- Oui, il y a un peu de vrai dans ce que tu dis… oh! Tu me mets sur un gril!
- Je ne puis rien te cacher. Fais de même, bon sang! Je crois l’avoir mérité.
- Bouddha! Que vas-tu penser de moi ensuite? Violetta, sur le plan de l’évolution mentale, hé bien… j’ai à peu près ton âge. Ouf! Je l’ai dit.
- Pff! Impossible! Je ne te crois pas.
- Pourtant, c’est la réalité. Je ne te mens pas. Tout est relatif en ce bas-monde… tu sais, j’ai commencé mes exploits alors que mon âge mental de très jeune Ying Lung n’atteignait pas trois ans. Lorsque je revêtis enfin l’identité de Daniel Lin pour la toute première fois, bref celui de la piste 1721, sans modification, j’arrivais à l’âge de raison chez les humains. Je savais distinguer le bien du mal.
- Ouche! Dans un sens, tu es un peu mon frère jumeau…
- Ne pousse pas.
- Maintenant, je comprends mieux pourquoi le vice amiral Fermat se montre parfois si sévère et si intransigeant avec toi.
- Il ne veut pas que je le déçoive, c’est tout. Il connaît mes sautes d’humeur… qui sont naturelles chez un adolescent… en attendant, dans ce 1782 de la chronoligne 1730, je reste ton père. Tu dois donc accepter mes suggestions et mes conseils.
- Tes ordres…Hum…
- Lorsqu’ils sont nécessaires et justifiés, ma fille. Cela a toujours été le cas jusqu’à maintenant, reconnais-le.
- Je n’ai pas le choix. La conversation franche et ouverte, d’égal à égale est terminée. Pff! Tu parles d’un retour sur Terre! Que dois-je donc faire les prochains jours?
- Je t’envoie avec Aure-Elise et Brelan à la recherche de Jean Simmons.
- Bah! Avec tous tes dons, tu pourrais la localiser fastoche!
- Sans doute, ma fille. Mais, désormais, vois-tu, je dois tendre toute mon énergie à traquer le comte Galeazzo di Fabbrini.
- A tes ordres, chef!
- Merci.
- Une seconde encore. Un autre point me tracasse. Pourquoi es-tu si pâle à présent? Le choc de ton combat avec la Russe?
- Non, Violetta. En fait, je ne peux plus me permettre de me « reposer » comme les humains ordinaires. Je suis définitivement passé en mode ordinateur en quelque sorte tout en conservant mes émotions et mon humanité. Je ne dors plus. Cela m’est strictement interdit. Une autre option, quitter ce corps, dissoudre cet avatar, n’était pas envisageable.
- Quelle cruauté! Je ne t’envie pas papa! Je préfère, et de loin, n’être que ce que je suis…
- Tout à fait, ma fille. Ton sort est plus enviable. Puisque tu peux dormir et rêver, profites-en tout ton saoul.
- Un bisou…
- Tout de suite, ma grande.
Avec un tendre amour paternel, Daniel Lin déposa un baiser sur la joue de Violetta. Puis, il s’éclipsa alors que l’adolescente sortait de sous un coussin un roman anachronique Notre Dame de Paris de Victor Hugo.
« Bon. Où en étais-je déjà? Ah! Esméralda a trouvé refuge dans la cathédrale grâce à Quasimodo. »
Comme pressenti, Jean Simmons
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 sera récupérée errant dans Paris, mendiant son pain et en partie amnésique par Brelan et la métamorphe. Louise sera la première à parvenir à amadouer la comédienne et à la prendre en charge. Celle-ci accompagnera ensuite les tempsnautes dans la suite de leur voyage.

***************

Au fond du précipice sur lequel donnait l’Agartha, la cité hors du Temps et des Mondes, les succédanés de Cao Kun et d’Ungern von Sternberg, renforcés par les maléfiques et orgueilleux p Mani Aniang, Malipiero et Gorni, tâtaient tous les interstices qui leur permettraient de s’infiltrer à l’intérieur de La Perle de Jade. Mais le tissu trame de contention résistait aux pressions encore et toujours. De tous côtés, de fulgurants éclairs sombres, d’une noirceur intégrale, venaient bombarder le treillis inutilement.
Alors, celui qui avait porté le nom de Mani Aniang, le plus remonté contre les humains, eut une idée. Si s’infiltrer « matériellement » s’avérait impossible, peut-être le parasitage des esprits se montrerait plus efficace! Toutefois, pas l’infestation du mental des hôtes de Shangri-La car le jeune Exilé s’en apercevrait aussitôt. Mais bel et bien les âmes des habitants des dimensions parallèles puisque, après tout, le Rot du Dragon était le point de confluence de toutes les histoires de la Terre.
Fort loin, Outre-Nulle-Part, Fu approuva ce plan. Immédiatement, des filins serpentiformes, d’une finesse inconcevable, vinrent s’entremêler aux structures de toutes les Agartha à venir sauf, naturellement, l’originale.
Des flagellés anthracite se glissèrent au sein même des parois, de la roche et du décor. Ainsi, la grotte du Roi du Monde, cœur de la sérénité la plus aboutie, revêtit, par touches imperceptibles, un aspect halluciné et fantasmatique des plus étranges. De ce lieu émanait maintenant quelque chose de malsain et de vicié.
Le Souverain, Sage parmi les Sages, les traits asiatiques, la plus grande quiétude habituellement inscrite sur son visage, muta lentement en un être inhumain, une déité ophidienne des plus repoussantes, totalement abjecte.
Malgré son hideuse transformation, nombreux étaient les sujets qui se pressaient afin de lui rendre un obséquieux et indécent hommage. Pauvres humains aux yeux vides et globuleux, au faces pustuleuses de crapauds, réduits à s’incliner mécaniquement devant ce dieu vivant, à ramper et à se contorsionner absurdement devant lui, sur un sol gluant et glacé à la fois, afin de déclencher chez ce démon un rictus d’approbation. Les trop longues langues bifides de ces malheureux s’en venaient parfois lécher quelques gourmandises de choix comme des pralines, des pastilles de mouches agglomérées ou bien des galettes de fiel et d’excréments.
Mais cela ne suffisait point à l’idole.
Alors, dans ce lieu jadis empli d’une haute et admirable spiritualité, sous les flammes tourmentées de torches vivantes, des créatures boursouflées, hideuses, trifides, les corps épouvantablement déformés tout hérissés de dards, les doigts comme des lames noires, se démenaient, se tordaient et ahanaient, s’évertuant à afficher ostensiblement leur zèle dans la plus ignoble des danses. Leurs contorsions atteignaient le summum de l’obscénité et cela faisait sourire l’ex-Roi du Monde. La voix de basse polyphonique, grondante, sur six octaves à la fois, approuvait bruyamment, encourageait toutes les formes de jouissances, des plus sanglantes aux plus perverties. Les massacres, les empalements, les étripements, les automutilations, les décapitations, les écartèlements, les éventrations, les démembrements, les cannibalismes, les masturbations, les fornications, les sodomisations et les viols devenaient monnaie courante.
L’orgie devenait générale et rien n’échappait à la saltarelle diabolique.
Le Sage priapique, tout son être en extase, donnait de sa personne dans cette fête insane, s’abreuvant à même le cou du sang de six de ses sujets  dont il avait tranché la tête. Il se remplissait la panse à en vomir, nouveau vampire obèse, son ventre prenant des proportions gigantesques, tout en bavant, hurlant, éructant, tambourinant des pieds sur le sol souillé de tous les sucs immondes.
Puis, sa monstrueuse soif apaisée, il pilonna quatre moines à la fois de ses sexes en érection apparus sur ses fesses adipeuses. Ses victimes le remercièrent, ravies de leur sort. Mais cela ne leur garantit pas la vie pour autant. Le dieu en rut les exécuta lorsque son désir s’éteignit une fraction de seconde puis en saisit d’autres lorsque son addiction sexuelle se ralluma. 
Mani Aniang vit tout cela et s’en délecta. Cao Kun rugit, imité par son compère. Les deux avatars, leurs sens en feu, voulaient se mêler à cette débauche, y prendre leur part. Malipiero les rappela à l’ordre durement. Il fallait investir une autre dimension.
Tandis que cette infestation débutait, dans le Rot du Dragon, les patios s’ornaient de tableaux tourmentés, copiés sur ceux de Munch, Otto Dix et Jérôme Bosch. Daniel Lin n’en était point l’auteur. À la place des portraits d’Arcimboldo
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trônaient désormais des danses macabres, des gisants ou encore des cires anatomiques de la Specola. Il y avait même des sculptures vivantes du Musée du Louvre des Napoléonides du XX e siècle.
Les yeux clos, l’Exilé perçut la présence délétère de Fu, rusé Dragon Noir qui ne visait qu’à affaiblir l’Agartha. De toutes ses forces, Dan El s’évertua à ériger un barrage, obligeant ainsi les filaments toxiques à rebrousser chemin avant d’être privés de leur source. Certains ne réussirent pas à réintégrer l’Inversé et s’effilochèrent au plus grand soulagement du jeune Ying Lung.
Les enchanteresses peintures italiennes retrouvèrent leur place dans les patios et les galeries. Puis, un parfum suave, composé de mille senteurs enivrantes, dans lesquelles le jasmin et la rose dominaient, se répandit dans tous les corridors de la cité tandis que le refrain d’une chanson oubliée s’en venait bourdonner aux oreilles des enfants et des amoureux.
Au cœur de la grotte du Roi du Monde, l’orgie avait définitivement cédé la place à un bizarre patchwork où toutes les pistes temporelles alternatives de la Terre s’imbriquaient. Le Taj Mahal noir se reflétait, prismatique, dans un canal à l’eau couleur de jade. Sur les parois irrégulières, une brise venue des tréfonds de l’Outre- Lieu donnait vie aux bannières de l’Ahnenerbe SS. À l’infini, l’écho renvoyait les sinistres acclamations d’un passé qu’on aurait souhaité aboli pour l’éternité. «  Sieg Heil! Sieg Heil! ». 
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Hélas, pour l’heure, les mosaïques temporelles semblaient vouloir se généraliser! Le rusé Empereur Fu luttait pied à pied pour emmêler les fils de la tapisserie de tous les possibles.
Une base Haän venait de s’établir dans ladite caverne pourtant profondément enfouie sous terre. Les intrépides guerriers roux aux yeux mauves, caparaçonnés de cuir et de plastacier, leurs broignes cliquetant des multiples décorations reçues, entamaient un chant tonitruant à la gloire de l’immortel Hinduk IV. Ce péan faisait trembler les murs.
Le souverain ainsi célébré, vautré sur son trône, laissait son fou, son Triboulet lui rappeler que toute gloire est éphémère et qu’à la fin, seule la mort triomphait.
Une oraison funèbre s’éleva alors fort à propos dans le profond silence brutalement survenu.
Shah Jahan, tout vêtu de blanc, brillant de mille joyaux incrustés et sertis dans sa tenue de soie, pleurait sa bien aimée Mumtaz Mahal morte trop jeune. Des pétales rouges, jaunes et crème pleuvaient sur l’étang, l’irisant tel un tapis de rêve. Dans les ormeaux, les rossignols mêlaient leurs trilles à la douce et poignante mélopée de deuil de l’Inconsolé.
Un léger miroitement. La scène bascula une nouvelle fois. Timour Singh, le visage pivoine, les yeux furibonds étincelants, ordonnait à l’ultime carré de ses fidèles d’armer les dernières ogives nucléaires afin d’embraser toute l’atmosphère terrestre. Avec le Souverain périrait l’humanité tout entière car celle-ci avait failli, se condamnant automatiquement à ce sort funeste en refusant de voir dans le surhomme, le Daryl par excellence, son unique et véritable Maître!
Cependant, la garde rapprochée du Dictateur était submergée par les soldats mendiants d’un islam qui aspirait à l’universalité. Singh n’avait plus d’autre option que de boire le poison. Peut-être serait-il empalé par une épée? Non! Se donner la mort soi-même valait mieux, pour la beauté et la grandeur du geste, pour la mémoire des siècles.
Un instant, l’image se figea. Maintenant, Okland di Stefano œuvrait devant des cuves au blindage transparent, contrôlant et dosant la salinité du liquide amniotique. Bientôt Lepaïola verrait le jour. La belle obéirait au mutant durant une année entière puis prêterait hommage au ténébreux Johann. Avec la révolte programmée des hommes robots, Shalaryd, l’incomparable cité d’or, sombrerait dans l’anarchie.
Okland s’apercevait-il que son ouvrage portait en germe les ferments de l’injustice et de la haine et ce parce que la civilisation post-atomique numéro un de la Terre 1720 avait enterré toute déontologie pour survivre dans un monde détruit extérieurement?
Plus les différents fragments des potentialités historiques s’entremêlaient, plus Fu voyait, dépité, que ses créatures ne parvenaient à rien de concret.
« La clé! Il me faut la clé! Rugissait-il à l’adresse de la dimension p. Trouvez la clé pour entrer dans Shangri-La ».
Alors, Mani Aniang s’agita, fouetta le néant, s’assombrit et s’en prit rudement à Gorni et Malipiero. Sous la douleur, ce dernier comprit d’où provenait la faille de leur tentative de parasitage de l’Agartha par chronolignes interposées. Il entra en communication directe avec Cao Kun et Ungern.
- Impossible de trouver la clé adéquate au bon déphasage temporel, émit l’entité déca dimensionnelle. Aveugles et sots, voilà comment nous apparaissons à la Fragrance Sombre, notre Seigneurie.
- Pourquoi donc? Répondit l’ex-seigneur de la guerre.
- Pourquoi? Parce qu’ici, en ce lieu et en cette heure, il n’y a justement ni de lieu ni de temps! Il n’existe encore aucune chronoligne précise et établie définitivement. Nous nous situons en fait avant la matière, avant le temps, Outre-Temps et Outre-Mondes. Nous sommes dans le pré-forgé.
- Oui, c’est cela, approuva Gorni. En réalité, Shangri-La embrasse à la fois toutes les potentialités d’un Pantransmultivers non créé, encore en gésine.
- Donc la faille ne réside pas dans l’Agartha…
- La faille se trouve dans Dan El lui-même, souffla Mani Aniang qui aurait pleuré de joie s’il s’était souvenu comment l’homme qu’il avait été jadis le faisait.
- La faille de l’Exilé se situe dans son corps humain dont il s’est inexplicablement encombré!
- Son corps de supra humain, plutôt…
- Cela ne change rien à l’affaire. Il gère la Cité en mode ordinateur. Il est toujours en éveil et ne dort jamais. Il projette ses pensées à travers toutes les pistes temporelles virtuelles. Il suit les humains pas à pas tel le Gardien par excellence.
- Puisqu’il se passe de sommeil, il nous faut remédier à cela.
- Comment? En le distrayant? En l’acculant? En l’épuisant?
- Il faut l’obliger à dormir. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Ainsi, nous, les avant-postes de l’Incomparable Noirceur, nous pourrons nous insinuer dans les interstices de la Cité.
- Obliger le rebelle à dormir… Réfléchissons… Shangri-La existe dans un a-temps par la simple volonté du Prodige. Que signifierait dormir pour la Cité?
- Cela signifierait son effondrement, voire même son effacement.
- Si le délai obtenu est suffisant…
- Dan El doit abandonner son mode ordinateur en circuit fermé, conclut Gorni. Sa faiblesse… éprouver un surcroît d’émotions.
- Bravo, chères et dévouées créatures! J’ai eu raison de mettre mes espoirs en vous!
Soudainement, une monstrueuse et tortueuse langue noire vint s’enrouler autour de Cao Kun et Ungern pour les engouffrer dans une gorge béante. Les p subirent malgré eux le même triste sort. Ils finirent dans l’Infra-Sombre, voilà ce qu’ils avaient gagné à servir la Fragrance inversée.
Satisfait, le Dragon Sombre, médita profondément. Mais ses pensées eurent des échos chez un des résidents permanents de l’Agartha.

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Saturnin de Beauséjour, tout guilleret comme à l’accoutumée, - il faisait plaisir à voir avec son habit turc d’opérette, son turban orange et ses joues fleuries -, s’apprêtait à passer une nouvelle soirée paisible en écoutant des mélodies romantiques signées Brahms, Schubert et Gounod, puis en savourant un bon roman policier, un Agatha Christie. Ce soir-là, il lui tardait de connaître enfin le fin mot de l’histoire de Mon petit doigt m’a dit.
Tout entier pris par l’intrigue, Saturnin ne remarqua pas immédiatement que le décor de son salon se modifiait. Ainsi, au lieu d’un divan moelleux et confortable du plus beau vert, il y avait désormais un lit de repos quelque peu spartiate. Ce lit de camp appartenait aux débuts de Shalaryd. La petite table basse garnie de fruits du verger - pommes et poires - cédait la place à un bureau métallique fonctionnel sur lequel trônaient de portraits du Führer Hitler mais aussi de ses successeurs Bormann et Speer.
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 Face à notre lecteur absorbé, un sinistre drapeau nazi ornait le mur. De plus, des murmures incompréhensibles bruissaient dans la pièce.
Fort mal à l’aise soudainement, Beauséjour levez enfin la tête. Il ne put s’empêcher de pousser un cri de pure terreur en voyant les transformations subies par son salon chéri.
Mais il y avait un autre danger. Deux individus échangeaient de vifs propos en langage Haän de la septième caste. Les géants roux, velus et aux yeux mauves, semblaient particulièrement énervés. Ils grondaient et éructaient. Saturnin ignorait que c’était pourtant la manière habituelle de s’exprimer chez ces guerriers conquérants.
Le plus terrible pour le vieil homme était que les deux extraterrestres, il n’y avait pas à s’y tromper, passaient à travers les murs de la pièce tels des fantômes tout en continuant à s’invectiver d’abondance.
- De véritables spectres! Mon salon est hanté! Seigneur! Au secours!
Tout tremblant, Saturnin laissa choir son livre et se recroquevilla sur son pouf. Son manteau de soie glissa sur ses épaules, découvrant sa chemise et son sarouel de couleur vert pomme.
Notre personnage était-il daltonien pour arborer ainsi des teintes aussi mal assorties? Le vêtement n’atteignit jamais le sol carrelé. Il s’effaça de la réalité.
Beauséjour, de plus en plus paniqué et secoué par des frissons de pure terreur, gémit longuement tout en se frottant les yeux plusieurs fois.
- Un cauchemar! Oui je vis un cauchemar éveillé, répéta durant une minute notre inénarrable Saturnin, essayant vainement de se rassurer avec le son de sa propre voix.
Fermant les paupières, il se balança sur son siège comme un enfant effrayé, au bord de la catatonie.
Or, ce procédé se montra inefficace puisque l’incongru phénomène s’accentua.
Une déchirure de la réalité se produisit dans un effleurement doux et un éclair de ténèbres. La faille béante cracha alors l’impensable. Quatre individus, quatre humains se substituèrent aux guerriers Haäns. L’un avait les traits asiatiques. Il ressemblait à Mani Aniang; mais un autre Mani Aniang rajeuni de trente ans, dans la force de l’âge. Le deuxième personnage était le dénommé Malipiero. En tout cas, il arborait ses cheveux bruns et ses yeux bleus. Quant au troisième, vêtu d’un uniforme militaire agrémenté d’une peau de tigre, jadis, il avait répondu au nom de Cao Kun. Enfin, le dernier membre de ce quatuor spécial avait toute la terrible et froide beauté d’un Caucasien pur jus, Ungern von Sternberg. 
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Peu après leur surgissement soudain dans Shangri-La, les intrus s’avisèrent de la présence de Saturnin. Mani Aniang lança à ses complices sur le mode mental:
- C’est ce triste clown et faire-valoir de Galeazzo. Il nous faut le faire taire immédiatement ou il va finir par ameuter tout l’étage.
- Facile à dire! Répliqua Malipiero. Notre matérialité actuelle n’est qu’un leurre, souviens-t-en.
- Pas pour nous, éructa Cao Kun. Nous nous pouvons agir. 
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Alors, l’ex-seigneur de la guerre se jeta sur le malheureux retraité avec la volonté de l’exécuter sur l’heure.
Loin, fort loin de Shangri-La et pourtant si proche, un lieu qui lui restait encore inaccessible, le Dragon Noir, en symbiose avec ses féaux, ne perdait rien de ce qui se passait. Au fond de lui-même, il ne pouvait s’empêcher de remercier Galeazzo di Fabbrini qui, en psalmodiant l’antique litanie dans les catacombes de Cluny, avait ainsi permis l’ouverture de la brèche dans la cité interdite atemporelle. Or, notre comte ultramontain n’avait nullement conscience que son invocation possédait un tel pouvoir.
Di Fabbrini s’acharnait à réciter les paroles magiques, renforçant la puissance de la véritable Entropie. Comme dans la Supra Réalité tout arrivait à la fois, la brèche s’élargit encore, se métamorphosant en faille.
Dan El, ses yeux brûlant de tout le feu de l’Energie primordiale, pensa:
- L’infestation progresse. Zut! Encore une fois, je dois prendre sur moi…
Alors, Fu vit en face de lui la longue flamme orangée, encore hésitante et vacillante, mais obstinée et courageuse, admirable dans son scintillement tout neuf.
- Ce ridicule enfançon? Risible! Ricana la Fragrance délétère. Le Chœur Multiple n’a-t-il que lui à m’opposer? Il se moque de moi.

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