dimanche 3 novembre 2013

Le Nouvel Envol de l'Aigle 4e partie : Pour que vive Mumtaz Mahal chapitre 29 3e partie.



Aramaxas avait prévenu Spénéloss de l’arrivée incongrue d’un inconnu, un humain peu ordinaire, de grande taille et de forte corpulence, au poil blanc, s’exprimant dans un anglais étrange, peut-être une forme évoluée de la langue. Le chef de la communauté ne lui avait pas non plus dissimulé ses soupçons quant à la possible origine de l’intrus: le futur! Devant son poste de radio, le sire d’Argenton n’avait marqué aucune stupéfaction. Il n’avait pas récriminé sur cette hypothèse absurde ni fait la leçon à son subordonné. Cela était plus qu’étrange de sa part. il s’était contenté de lui déclarer:
- Je viens dès que possible.
Ce dès que possible lui prit tout de même deux journées entières, obsèques princières quasiment royales obligent. Lorsque Philippe de Commynes obtint enfin congé de son souverain, il se précipita au galop sur le chemin de Plessis-Lez-Tours. André Fermat remarqua cet incident. Devait-il suivre en personne l’Hellados ou se contenter de mandater Antor pour effectuer cette tâche? Après avoir expédié une partie de son essence quelques heures dans l’avenir, il opta pour la seconde solution. L’Albinos disposait de Talents suffisants pour venir à bout de l’intrus. Naturellement, Gana-El n’avait eu aucun scrupule à sonder l’esprit de Spénéloss.
Tandis que Commynes crevait ses chevaux et qu’Antor le pistait en volant tel un albatros d’un nouveau genre, il est nécessaire de faire un léger retour en arrière afin de dévoiler comment l’intraitable Ying Lung avait établi le contact avec le vampire. Les deux êtres hors normes savaient pertinemment à quoi s’en tenir quant à leur identité respective. L’échange mental fut donc bref, très prosaïque, dépourvu de chaleur et d’affection. Gana-El avait veillé à ce que le Surgeon fût occupé ailleurs. 
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/07/Philippe_de_Commynes.png
- Antor, dès maintenant, ce n’est plus à Dan El que vous obéirez mais à moi directement.
- Dan El peut s’étonner…
- Votre esprit lui demeure scellé. Mon fils m’accorde, avec raison, une confiance totale; vous aussi d’ailleurs.
- Je connais trop l’enjeu.
- Certes… Toutefois, serez-vous assez prudent et avisé pour ne pas succomber à la tentation de tout raconter à votre… frère?
- Dans les différents leurres, j’ai toujours été plus fort que lui pour résister aux émotions. Je suppose qu’il en est encore de même ici. Observateur, depuis mon démembrement, j’ai évolué.
- Vous avez donc une longueur d’avance sur le Surgeon. Présentement, il ne manque plus qu’un élément au Préservateur pour être complet, achevé, et totalement conscient, entièrement libre de ses actes. Et cet élément, c’est… vous!
- Représentant de l’Unicité, ce devoir qui est le mien, je l’accepte. Ce sacrifice, si j’ose le terme.
- Lorsque l’Expérience sera menée à son terme, vous perdrez votre indépendance. À jamais. Ne le regretterez-vous pas? Ne vous révolterez-vous pas comme jadis? Votre Nature première…
- Ma Nature première a été corrigée, filtrée, passée au tamis encore et encore, purgée de toute scorie. J’ai souffert, j’ai appris, j’ai mûri… j’ai subi l’écartèlement et la mutilation avec succès. J’ai compris la leçon alors que je n’étais pas consentant au contraire de mon frère. Dana-El est bel et bien effacé, mort, définitivement! Il ne réapparaîtra jamais! Je vous le jure.
- Pourquoi A-El?
- Parce que moi aussi, je me suis attaché à l’humanité, j’ai compris son utilité dans le grand dessein de mon frère. J’ai désormais à cœur sa préservation et sa pérennité. Cette bataille fut rudement menée mais l’Équilibre et la Raison ont triomphé.
- Pour l’ultime Ying Lung sans doute… pour le Chœur Multiple infesté et agonisant, pas encore!
- Père, pourquoi vous mentir encore? Notre victoire à Dan El et à moi est inéluctable. Inscrite depuis toujours sur les tablettes de l’Histoire. Croyez en moi, en ma volonté, en notre détermination commune, en notre capacité à réduire à néant Fu le Suprême.
- Alors, partez accomplir ce qui doit être fait, mon fils.
   
***************

7 septembre 1473, neuf heures du soir.
Aramaxas, à l’abri sous un arbre, un chêne majestueux et hors d’âge, attendait son officier supérieur avec patience. Au-dessus de sa tête, le feuillage bruissait de mille petites vies nocturnes. Des écureuils joyeux et espiègles venaient à peine de terminer d’engranger leurs provisions de la journée. Les mulots sortaient de terre pour se nourrir d’insectes. Sur le qui-vive, ils prenaient garde aux belettes qui s’en allaient boire à la mare où les moustiques pullulaient. Sous le vieux chêne, les scolopendres rampaient silencieusement tandis qu’une hulotte s’éveillait, écarquillant ses yeux ronds afin de mieux scruter les champs alentours à la recherche d’une proie potentielle. La présence immobile de l’Hellados qui parvenait à se fondre dans le paysage nocturne ne gênait pas cette faune campagnarde et faussement paisible.
Dans le ciel, les nuages accourus de la mer lointaine se substituaient peu à peu aux étoiles dont la froide et argentée clarté s’éteignait. Malgré lui, Aramaxas tombait sous le charme de cette nuit terrestre qui débutait. En cet instant, sa planète natale lui paraissait par trop monochrome. Ici, au contraire, quelle diversité splendide dans la faune et la flore! Stadull fasse que jamais les humains ne saccagent leur maison natale au fur et à mesure de leur évolution technologique! Qu’ils abandonnent au plus vite leur soif de guerre. Même au sein de cette campagne française des plus ordinaires, l’Hellados trouvait à s’extasier. Autant sinon plus que devant les paysages grandioses de la forêt de Bornéo, des canyons du Colorado ou encore des chutes du Niagara. 
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ab/3Falls_Niagara.jpg
Pendant ce temps, à une demi lieue de là, Spénéloss voyait Antor atterrir en douceur pile devant lui. Depuis vingt minutes environ, le sire de Commynes avait cheminé au côté de sa monture afin de la ménager. Lorsque le mutant se posa sans heurt, tel un djinn surgi de la nuit, la bête renâcla. Philippe peina à la calmer. Puis, ceci fait, il apostropha l’Albinos.
- Monsieur, il est fort mal poli d’apparaître ainsi, sans prévenir en sortant brusquement de l’obscurité. Votre maîtresse, la gente Dame de Mons, ne vous l’a-t-elle point dit?
- Spénéloss, la gente Dame de Mons comme vous la nommez, ne me donne point d’ordre, répliqua Antor sèchement. Ceci dit, malgré la noirceur de la nuit, vous m’avez identifié.
- Assurément. Vous répondez au nom d’Antor.
- Daniel Lin vous a-t-il donc raconté ma vie et mes déboires?
- Votre ami a su rester discret. Ainsi, par exemple, il m’avait dissimulé que vous aviez la faculté de vous mouvoir dans les airs. Est-ce le sire de Montfermeil qui vous envoie à ma recherche?
- Que non pas, Spénéloss. Le vice-amiral Fermat. Vous avez reçu un message mental de votre lieutenant à Saint-Denis, tandis que la cérémonie des obsèques de Monseigneur le duc de Guyenne venait de s’achever. Ce message concernait la présence inopportune, je dirais moi anachronique, d’un bien étrange humain à Plessis-Lez-Tours. Or, il s’avère que, d’après la description fournie par Aramaxas, ledit humain est connu de Fermat et de Daniel Lin.
- Ah. Dans ce cas, serait-il originaire de la même année que vous-même et vos amis? S’agirait-il d’un allié?
- Un scorpion croisé avec un cobra serait moins dangereux que lui! Lança le vampire avec force. Qualifiez-le de Snarll.
- Par Stadull, qu’entendez-vous par là?
- Ce que vous avez parfaitement saisi, monsieur l’Hellados.
- Alors, dois-je comprendre que vous me suiviez depuis Saint-Denis dans le but de me protéger?
- Plutôt afin de tuer cette créature qui n’a d’humaine que l’enveloppe! Lorsque vous aurez compris le danger représenté par le personnage, vous m’approuverez. Allons, ne tergiversez pas Sinkar Spénéloss! Hâtez-vous.
Subjugué par le ton de commandement d’Antor, le sire d’argenton s’empressa de remonter en selle. Il ne fallut pas une heure aux deux humanoïdes pour parvenir jusqu’à l’arbre où Aramaxas attendait son supérieur. Les salutations et les explications furent vite expédiées. Il fallait surprendre au nid le plus tôt possible celui qui répondait au nom d’emprunt de Sydney Greenstreet.
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/6/62/GutmanCairoMaltFalc1941Trailer.jpg/220px-GutmanCairoMaltFalc1941Trailer.jpg
Un plan fut établi. Antor entrerait par la fenêtre dans la chambre où le clone se reposait tandis que les deux Helladoï feraient de même plus prosaïquement par la porte. Les extraterrestres veilleraient à empêcher toute fuite éventuelle en brandissant une arme de poing au tir létal. Le mutant, quant à lui, n’avait nul besoin de cet instrument encombrant et inutile.
Tout se déroula à peu près comme prévu sauf que…
Sydney Greenstreet s’apprêtait non à se coucher mais à tendre son esprit afin de reconstituer sa mémoire endommagée. Incidemment, s’il parvenait par la même occasion à établir le contact avec le comte di Fabbrini, ce serait une sorte de bonus. Assis devant une table dans une pièce à la propreté irréprochable, ce qui était un exploit pour cette époque reculée, il fixait sans le voir un bougeoir muni d’une chandelle partiellement consumée. Très concentré, il n’entendit pas monter dans  l’escalier qui conduisait à sa soupente. Tous ses efforts visaient à mettre de l’ordre dans ses pensées. Pourtant, une seconde, il fut imperceptiblement troublé par un détail insolite.
Abruptement, l’une des incarnations du Commandeur Suprême se retourna. L’Anakouklesis du comte ultramontain était responsable de ce mi-mac. Sydney Greenstreet n’était plus le simple clone du comédien du film Le Faucon Maltais. l’avatar du bras droit de Van der Zelden avait fusionné avec la copie et, à la vue d’Antor qui fut immédiatement identifié, la mémoire lui revint d’un seul coup. L’être se mit à ricaner d’une manière sinistre. 
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e3/SydneyGreenstreetHuckstersTrailer1947.JPG
- Ainsi donc, caricature d’humain, tu es une fois de plus à mes trousses. Cela ne t’a donc pas servi de leçon… ce n’est tout de même pas le succédané d’androïde qui t’a envoyé jusqu’à moi. Vas-tu m’affronter seul? Auras-tu cette témérité? Oh! Tu peux détruire cette enveloppe, je m’en moque. Sache que je sévis ailleurs.
- Commandeur Suprême, je n’ai pas le temps de m’extasier sur votre semblant de courage et sur votre propension à répandre votre ironie fielleuse. Vous avez tort de croire que vous contrôlez tout. C’était peut-être le cas autrefois, mais cette ère est désormais révolue. Non, je ne suis pas venu seul!
À ces mots, Spénéloss et Aramaxas pénétrèrent dans la pièce après avoir enfoncé la porte. Ils se tinrent debout sur le seuil, triangle fuseur pointé en direction de Sydney Greenstreet.
- Ah! Bravo! Sincèrement, vous m’épatez, monstre de foire! Vous avez prévu cette fois-ci des gardes du corps. Et pas n’importe lesquels. Deux Helladoï. Pourquoi pas des bedeaux ou des enfants de chœur?
- Commandeur Suprême, j’ose vous jeter en face ceci: vous croyez jouer avec nous, vous pensez être notre maître, en finir rapidement mais vous vous leurrez. Sondez l’hyper espace tant que vous le pouvez encore. Sondez les seize dimensions que vous appréhendez et concluez par vous-même.
Spénéloss et Aramaxas levèrent un sourcil lorsqu’ils entendirent le vampire énoncer le fait que l’Univers comptait seize dimensions. Néanmoins, cette révélation n’ébranla pas leur détermination.
- Ah! Vampire, tu t’imagines donc que je vais suivre tes conseils ridicules et t’obéir?
- Pourtant, vous devriez. Ici, dans cet Univers miroir-gigogne, vous n’êtes rien! Rien du tout. Car votre maître, Johann Van der Zelden s’est évaporé comme une buée éphémère sur une vitre lorsque le tiède rayon de soleil vient la frapper. Appelez! Oui, appelez. En retour, vous ne recevrez aucun écho, je vous le garantis. Revenez à Cluny, retournez dans les catacombes. Qu’a murmuré la fausse entropie avant de disparaître? « Galeazzo… Galeazzo… je ne suis personne… je ne suis… rien… ».
- Vous ne pouvez savoir cela. Tous vos appareils n’ont rien enregistré pour la bonne raison qu’aucun chronovision n’avait focalisé sur ce point spécifique du Temps. J’y ai veillé.
- Commandeur Suprême, vous venez de vous trahir. Deux options s’offrent à vous. Ou vous quittez volontairement ce corps-ci et cette réalité-ci, ou je vous tue! Alors, vous rejoindrez le Néant véritable, l’éternelle Mort.
Lorsque le mutant évoqua l’éventualité de tuer le pseudo Sydney Greenstreet, les deux Helladoï marquèrent un geste de réprobation qui n’échappa pas au clone. Celui-ci regarda Antor avec encore plus d’insistance. Le vampire n’eut plus le choix; il fondit sur l’enveloppe du Commandeur afin de détruire son avatar.
Mais il advint alors un événement totalement inattendu. L’ex-comédien et ex-planteur s’affaissa se dégonflant comme une baudruche.
- Que signifie? Questionnèrent avec un bel ensemble les trois humanoïdes.
Mais l’incroyable phénomène se poursuivait. L’enveloppe du clone, vidée de toute substance, non par le fait d’Antor, ses crocs n’avaient pas atteint le pseudo corps, devint transparente tandis qu’un sifflement aigu retentissait dans la soupente, blessant cruellement les oreilles des trois témoins. Ce sifflement s’amplifia à tel point qu’Aramaxas et Spénéloss, se tenant la tête, s’agenouillèrent sous l’emprise de la terrible douleur. Leurs oreilles se mirent à saigner et des gouttes d’un liquide chaud d’une couleur jaune soufré tombèrent en abondance sur le parquet. Avant de s’évanouir, les deux extraterrestres eurent le temps d’entrapercevoir Antor grimacer affreusement. Le mutant était en train de capter un message émis à haute fréquence.
- Le leurre du Commandeur Suprême n’existe plus A-El. Désormais, je reprends les rênes!
- Fu Qin! Pensa le vampire.
- Le Dragon Noir, plus exactement, lui répondit en écho l’Entité négative.
Alors, le Temps se figea une fois encore et tout bascula. Lorsque tout reprit son cours, les choses avaient changé. Mais jusqu’à quel point?

***************

Charles le Téméraire,
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1a/Charles_le_T%C3%A9m%C3%A9raire_Tr%C3%A9sors_Habsbourg.jpg
 en compagnie de son jeune protégé le duc d’Orléans, recevait Lois Van den Brocke, son conseiller occulte, en son château de Beaune. Le Grand Duc d’Occident arborait une mine renfrognée. Édouard IV
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/41/EdwardIVofEngland-Yorkist.jpg
 lui avait promis son aide dans cette nouvelle guerre qu’il préparait contre louis XI, mais celle-ci tardait quelque peu à se manifester. De plus, les tractations avec l’Empire s’annonçaient sous de mauvais auspices. Charles voulait marier sa fille unique, Marie, à l’héritier de l’Empire,
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/83/Niklas_Reiser_001.jpg
 et, évidemment, cela déplaisait grandement au souverain du royaume des lys. Mais Lois allait sans doute lui apporter des nouvelles rassurantes concernant le complot fomenté contre le roi de France.
À quoi ressemblait le baron flamand? Il s’agissait d’un homme de taille modeste, qui n’en imposait pas par sa prestance, au teint pâle, au menton pointu, aux yeux noirs impénétrables et aux cheveux blonds. Un individu quelconque à priori. Van den Brocke avait la réputation de ne jamais sourire et d’être vêtu sans recherches, avec une simplicité qui surprenait au sein de la Cour la plus fastueuse d’Europe. N’élevant jamais la voix, il s’exprimait sur un ton feutré. Pourtant, ses propos, jamais anodins et mûrement réfléchis, faisaient leur chemin dans la tête de ses interlocuteurs. Ceux-ci ne pouvaient qu’acquiescer aux suggestions de cet être falot,apparemment dépourvu de personnalité, en réalité, doté d’un prodigieux don de persuasion.
- Messeigneurs, articulait pour l’heure ledit Lois Van den Brocke sans marquer son intense satisfaction, Édouard, le roi d’Angleterre, s’engage franc à vos côtés.
- Enfin! S’exclama le Bourguignon. Mais ne s’agit-il pas encore d’un faux espoir?
- Absolument pas, sire duc. Deux mille archers, mille cavaliers franchiront la Manche à la fin de la semaine prochaine. Quant au frère de Jean d’Armagnac, il nous rejoindra en Normandie pour la saint Michel.
- Puis-je avoir confiance en lui? Jean était un allié autrement plus fiable. Lui a mauvaise réputation, soupira Charles avec raison.
- Monseigneur duc, oubliez-vous donc que Jean est mort le 4 mars de cette année, rappelé à Dieu? Mais la Troisième Ligue du Bien public est en bonne voie. Et ce, d’autant plus que l’Empereur fera jonction avec nos troupes le premier octobre.
- L’Empereur en personne?
- Lui-même, sire duc! Savez-vous ce qu’il m’a dit? Qu’il préférait grandement avoir sur ses flancs six petits royaumes de France qu’un seul!
- Quelle excellente nouvelle Lois! Entendez-vous, mon cousin?
- Oui, Charles, répondit poliment le jeune Louis d’Orléans.
 http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/13/Louis-xii-roi-de-france.jpg
- Avec cette coalition, le roi de France sera bien obligé d’accepter de négocier avec moi, son plus puissant et son plus résolu adversaire. À la sainte Lucie, vous serez l’époux légitime de la princesse Anne. Époux et héritier du royaume des lys… la victoire nous appartient.
- Il est vrai que le visage de ma cousine m’agrée, murmura le jeune garçon les yeux rêveurs.
- Monseigneur, reprit cependant Van den Brocke, pas de précipitation! À Paris, à ce que j’ai ouï dire, les gueux se soulèveraient.
- Tiens! Comment cela? En quoi cette révolte nous arrangerait-elle?
- Une histoire de paiement non effectué, sire duc.
- Oh! Oh! Est-ce à vous, baron, que mon cousin doit ce nouveau tracas?
- Non, monseigneur, point du tout. À vrai dire, cette révolte me gêne. Je pense que Louis le Onzième a, une fois de plus, négligé une promesse. Il reçoit la monnaie de sa pièce.
- Dire que mon avaricieux cousin me reproche mes fastes et mon luxe! En fait, il refuse d’admettre qu’il se comporte comme un ladre et un vilain.
- Monseigneur, vous avez raison et jugez justement.
- Ce soir, je donne un banquet. Ne prétextez pas du travail en retard pour ne pas y apparaître, baron! Entendez-vous? Ne me fâchez point. Il faut fêter ce chapelet de bonnes nouvelles…
- Oui, Monseigneur, je comprends.
L’audience privée achevée, Lois Van den Brocke se retira en marchant à reculons comme le commandait la stricte étiquette de la Cour de Bourgogne. Pour une fois, Charles serait de bonne humeur. Quant au baron…
- Dan El, avec ton protégé, le danseur de cordes, tu as commis une erreur en manigançant ce soulèvement de la plèbe de Paris. Tout cela pour détourner louis XI de ses projets dynastiques. Il aurait été si simple de tout remettre en place. Tu t’es montré trop pusillanime, sans doute de peur de m’alerter. Tu craignais que je parvinsse à te situer. Sot que tu es! Cette faute provient de ton immaturité, de ta jeunesse. Certes, tu as piétiné ton impulsivité, Surgeon. Mais l’Unicité  a trop cru en tes Talents. Tu paieras cher ta bévue, Dan El. Je t’absorberai toi et ton frère… tant pis pour le Chœur Multiple qui a fait semblant de négocier avec moi d’un côté tout en me distrayant de l’autre. De toute manière, j’ai déjà ingéré l’Unicité, du moins dans sa majeure partie, et elle est presque anéantie. Il ne me reste plus qu’à mélanger les chronolignes. Comment Dan El et Gana-El vont-ils désembrouiller les fils? D’ailleurs, en sont-ils capables?

***************