vendredi 13 mars 2009

Première partie : La clé de cristal 1.1

Chapitre premier

La pièce ressemblait à une chambre d’enfants telle qu’on pouvait en rencontrer à la fin du règne de Victoria. Les crédences, les lits, les tapis, les commodes, les armoires étaient encombrées, surchargés d’objets hétéroclites. D’un coffre à jouets ouvert, des balles de toutes tailles et de toutes couleurs, des jeux de quilles, une armée de soldats de plomb figés pour l’éternité, à la parade dans leurs uniformes rouges, débordaient.
Un peu plus loin, un cheval à bascule, en bois, se balançait tout doucement, heurtant, dans son va et vient, des automates vêtus comme pour une garden party à Balmoral. Soigneusement alignés sur une table d’acajou, des pantins représentant des polichinelles faisaient face à des ours en peluche dont les pelages variaient du brun roux au gris souris.
Près d’un lit à la courtepointe en coton blanc, quatre poupées Bébé Jumeau paraissaient converser ensemble dans ce babil charmant qui est le propre de l’enfance. Le modèle triste pleurait, un autre souriait tandis que les deux derniers montraient leurs petites dents.
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Sur une commode, une maison de poupées reposait en équilibre dans le style cottage anglais du XIXème siècle. Elle était habitée par des automates animaux à la manière des héros de Beatrix Potter.
La maisonnette comportait deux niveaux : un rez-de jardin et un premier étage. Dans la cuisine, merveilles de reproductions miniatures, on identifiait, aux détails près, toute une batterie de casseroles en cuivre suspendues au-dessus de l’antique cheminée, un buffet campagnard contenant une vaisselle complète en porcelaine à motifs de roses entrelacées.
Les meubles étaient en chêne rustique authentique. Tout était exact, jusqu’au sol carrelé !
En poussant une petite porte, on pénétrait dans un salon qui faisait également office de salle à manger. La pièce était ornée d’une tapisserie fleurie, alternant avec bonheur myosotis et bleuets. Près de la porte-fenêtre, trônait un divan tandis que dans un coin une horloge sonnait régulièrement les heures. Des petites chaises fragiles, recouvertes de chintz entouraient une table ovale en acajou.
A l’étage se trouvaient les chambres et la salle de bains, toujours dans ce style victorien popularisé par Hollywood dans les années 1940.La baignoire en émail et à forme de sabot avait des robinets qui fonctionnaient réellement. Quant aux deux chambres, elles comportaient des lits à barreaux de cuivre recouverts de couvre-lit en coton crocheté à la main . Aux fenêtres des rideaux de cretonne égayaient les pièces.
Revenons à la salle à manger-salon. Dans la cheminée, un feu rougeoyait et devant le foyer un rocking chair oscillait régulièrement. Dans celui-ci, béatement allongé en veston d’intérieur, la chaîne de montre en argent accrochée au gousset, un cochon à bésicles lisait une quelconque gazette locale. Un vieux chien de chasse, au pelage bicolore noir et blanc, lui faisait face. Il portait un uniforme de capitaine au long cours. Le marin à la retraite fumait la pipe en ayant pris soin toutefois de préserver ses précieuses moustaches en forme de guidon de bicyclette. Une chatte blanche, au pelage immaculé, aux poils doux et longs, le gras de l’hiver apparent sur son cou, se tenait assise sur un tabouret, jouant du piano. Elle était vêtue d’une robe victorienne à tournure couleur puce et exécutait avec brio les « scènes d’enfants « de Robert Schumann. Les notes cristallines, parfaitement identifiables, s’élevaient dans la nursery.
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Dans le jardin, une souris grise, une nounou, promenait un bébé lapin qui dormait dans un landau d’osier. Sur les marches d’un escalier, trois oursons, habillés d’un costume marin bleu marine et blanc, s’amusaient à se lancer une balle tandis qu’au-dessus d’eux, une grenouille dénouait un peignoir et s’apprêtait à prendre un bain dans la salle d’eau.
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Le jardin du cottage s’animait au gré des quatre saisons, reflétant à la perfection les paysages printaniers estivaux, automnaux ou hivernaux que l’on pouvait rencontrer dans la vieille Angleterre. Pour l’heure, les pommiers étaient en fleurs tandis que les massifs de roses bourgeonnaient à peine. Nichés dans les ormes et les hêtres, les pinsons, les coucous, les rossignols poussaient leurs chants mélodieux.
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Au fond du jardin, de la cabane à outils, une tortue sortait; son parapluie ouvert, retardant toujours de deux saisons. Vêtue d’un ciré jaune, elle se hâtait lentement, oubliant de fêter par un bel ensemble fleuri le printemps précoce et embaumé.
Au mur opposé, face à la maison victorienne, s’entassaient, en désordre, d’autres jouets cette fois-ci de garçons: maquettes de vaisseaux spatiaux de toutes les époques, depuis l’antique Spoutnik du XXème siècle
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jusqu’à la reconstitution précise, au rivet près, du Sakharov, disparu dans des conditions mystérieuses quelques années auparavant. On pouvait même reconnaître des destroyers castorii, des raptors haäns, et des croiseurs asturkruks. Soldats antiques helladoï, guerriers féodaux haäns, châteaux-forts castorii, il y avait tout. Sur un diorama, une bataille castorii helladoï était reconstituée dans ses moindres détails.
Enfin, sur une dernière table, classés par ordre d’horreur, trônaient, à l’échelle ½4 ème, des automates fluorescents reproduisant les monstres célèbres des films d’épouvante hollywoodiens et de la Hammer de la grande époque 1930-1960; deux Dracula sous les traits de Bela Lugosi
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et de Christopher Lee, deux loups-garous,
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deux momies à la décomposition plus ou moins avancée, la première ressemblant à Boris Karloff,
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la seconde, sortant d’un lac de boue, où on reconnaissait à peine le regard inoubliable du mythique acteur britannique, nommé plus haut. Il y avait même King Kong,
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le fantôme de l’Opéra, la créature du Lac noir, le prisonnier de Castel Marbre - autrement dit un squelette avec des chaînes dont quelques rares lambeaux de chairs et de vêtements adhéraient encore sur les os jaunis - et encore Boris Karloff - décidément à l’honneur ! - cette fois-ci en pitoyable créature de Frankenstein.
Le créateur de tous ces objets mettait la dernière touche à la reconstitution de Mister Hyde, incarné par Frederic March en 1931, mais un Frederic March à peine identifiable, le visage déformé par un prognathisme avancé. Ainsi l’acteur paraissait être un homme de Neandertal tel qu’on se l’imaginait dans la première moitié du XXème siècle et non le véritable Mister Hyde imaginé par Robert Louis Stevenson.
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Daniel vérifiait donc minutieusement le mécanisme de l’automate miniature, pensant à juste titre que son fils Mathieu se ferait une joie de recevoir le jouet le soir même.
Un sifflement caractéristique vint interrompre ses pensées. On sonnait à la porte.
« Entrez, le code de sécurité n’est pas mis. »
Le lieutenant Uruhu pénétra dans la salle de jeu de son pas lourd et traînant, le souffle un peu rauque, en proie à une émotion évidente.
- Est-ce déjà l’heure, Uruhu ?
-Presque, monsieur. Nous sommes en vue de la base 829.
Le commandant Wu laissa là l’automate et se retourna car il avait perçu la gêne de son officier pilote.
- Quelque chose vous chagrine, lieutenant ? Demanda-t-il sur un ton doux. Peut-être cette poupée ?
- Les K’Tous ne ressemblent pas à cela, monsieur! Vous le savez ! Ce jouet est une représentation dégradante de mon espèce, nous les hommes qui marchons debout !
- Ne vous fâchez donc pas lieutenant. Pendant longtemps, les Sapiens sapiens, pour vous le Niek'Tous, ont cru que les vôtres étaient ainsi, plus proches de l’animal que de la conscience. Je n’ai jamais pensé cela, et personne ici à bord. Alors, ne soyez pas vexé. Cette poupée n’est que la représentation de la peur primitive. Chaque jour, vous faites vos preuves sur le Langevin et je suis content de vous avoir comme chef pilote.
- Merci monsieur, dit Uruhu en s’inclinant sous l’éloge. Le K’Tou savait le commandant sincère et avare de compliments.
Le lieutenant s’exprimait avec lenteur, d’une voix particulièrement grave, marquant presque une pause entre chaque mot. On sentait que le basic English était pour lui plus qu’une langue étrangère, un idiome anachronique.
Comment un authentique Néandertalien avait-il pu se retrouver au XXVIème siècle et officier comme pilote en chef du vaisseau scientifique d’exploration du Langevin ? Cela sera expliqué peu à peu au cours de ce récit.
Mais le commandant Wu ne semblait pas pressé de renvoyer son subordonné. Au contraire, il fixait le lieutenant, observant ses moindres expressions.
- Lieutenant Uruhu, vous avez un problème, finit-il par déclarer. Voulez-vous m’en parler?
-Monsieur, pardonnez-moi, mais je n’aime pas lorsque vous lisez dans ma tête!
-Si votre problème met en cause la sécurité de mon vaisseau, je me dois de le faire. Allons, révélez-moi donc ce qui vous tracasse. Vos paroles ne sortiront pas d’ici.
L’officier pilote déglutit, attendit une longue minute, puis s’exécuta comme à regret. Il savait qu’il ne pouvait rien dissimuler à son télépathe de commandant lorsque ce dernier avait décidé d’utiliser son don.
- Voici, commandant. Depuis huit jours, ou plutôt huit nuits, je fais le même rêve. Je suis dans ma cabine en train de réfléchir. Je tente de me remémorer mon passé, de reconstituer les vastes étendues neigeuses de mon enfance lorsque je vivais encore parmi les miens. Et puis, peut-être est-ce parce que je me concentre trop, je ne reconnais rien de ce qui m’entoure. Et le rêve bascule alors. Je me retrouve sur la passerelle du Langevin, mais ce n’est plus elle! Le quart de nuit s’achève. L’éclairage est réduit et les consoles de surveillance clignotent doucement dans la semi pénombre. Tout me paraît étrange. Les murs ont changé de teinte. Vert foncé au lieu du beige et du gris. Je me sens lourd, j’ai mal à la tête et je transpire car il fait chaud à bord, très chaud.
- Poursuivez, lieutenant.
- Après m’être essuyé le front, je m’assure que le vaisseau garde le cap, et je regarde ensuite mes collègues de service. Alors, ma vue se trouble. Mes confrères m’observent comme si c’était moi qui avais changé. Mais pourtant ce sont eux! Tous, ils ont tous la face de Pi’Ou, le premier singe roux qui descendit de l’arbre et eut conscience de lui-même!
-Décrivez-moi exactement ces Orangs-outans.
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- Ils sont grands, leurs regards vous poursuivent au-delà de votre apparence extérieure. Ils sont vêtus comme dans les reconstitutions holographiques du passé romain de la Terre. Mais les couleurs de leurs uniformes ne correspondent pas. Du rouge carmin au vert printemps. Et ils me désignent, et ils ricanent. Ils s’expriment dans une langue que je ne saisis pas, moi qui, pourtant, comprends le langage des grands singes, de mes frères les demi hommes, les presque K’Tous !
- Ensuite?
- Ensuite, je bascule dans un puits et je tombe à l’envers. L’air que j’aspire me brûle. J’ai mal, très mal. J’ouvre les yeux sous la douleur. Je suis bien dans ma cabine, je viens de me réveiller. Je halète, couvert de sueur, le cœur battant follement dans ma poitrine.
- Merci, Uruhu, reprit Daniel en K’Tou; depuis le début du récit, le pilote avait retrouvé en effet sa langue maternelle.
- Monsieur, je fais ce rêve chaque fois que je m’endors, ce n’est pas normal !
- Lieutenant, ce n’est pas la première fois que vous voyez des mondes différents du nôtre, plongé dans la phase paradoxale du sommeil. Vos facultés médiumniques vous ont toujours alerté avant la révélation d’une situation dangereuse pour le Langevin et son équipage.
- J’en suis conscient, monsieur.
- Uruhu, vous avez dû vous poser certaines questions pendant mes expéditions de plus en plus nombreuses dans le passé de la Terre. Non, ne niez pas. Savez-vous ce que je cherche ? La preuve qu’une civilisation, puisant sa source non en Afrique, mais en Asie, a bien rayonné sur notre planète dans une autre temporalité. Depuis deux ans, j’ai recueilli une centaine de preuves archéologiques, des artefacts anachroniques, des fossiles qui n’avaient pas leur place dans les couches où ils étaient ensevelis. Le temps n’est pas un long fleuve continu, Uruhu, et, si je n’étais pas tenu par le secret, je pourrais vous apprendre des choses beaucoup plus surprenantes que votre présence à bord. Quant aux échos de ma mémoire double…
Le commandant s’interrompit car des petits pas précipités annonçaient l’arrivée de ses enfants. Marie fut la première à se jeter dans les bras de son père et à l’embrasser. C’était une adorable fillette de cinq ans, les cheveux auburn et raides, les yeux noirs en amande, la frimousse éveillée. Elle avait passée une simple robe rouge et blanche au tissu moelleux et chatoyant.
Après avoir câliné affectueusement son père, l’enfant se leva et alla faire la bise au lieutenant Uruhu qui se baissa pour recevoir la gentille caresse de la fillette.
- Mademoiselle, vous avez encore bavé sur ma joue! Dit-il, faussement furieux.
- Ne comprendras-tu jamais ce qu’est un baiser Uruhu ? Répliqua Marie entrant dans le jeu.
- Mademoiselle sait que les K’Tous ne montrent pas ainsi leur affection.
- Comment font-ils alors ?
-Ils se frottent le nez.
- Comme les Inuits. Jeta Mathieu péremptoire.
Le garçonnet avait suivi sa sœur. Plus âgé, neuf ans, il était également d’une nature calme et réfléchie nettement au-dessus de son âge. Lui avait hérité des yeux bleu gris de son père, de ses pommettes hautes, du teint cuivré et des cheveux noirs de son oncle Georges. Et parce qu’il était moins expansif que Marie, mais tout aussi aimant, il se contenta de serrer la main mais de manière chaleureuse du K’Tou et de donner un baiser furtif à son père.
- Maman nous a dit que tu étais ici, fit le jeune garçon,
- Monsieur, puis-je regagner mon poste ?
- Naturellement, Uruhu. Je vous rejoins d’ici un quart d’heure.
Quelque peu gêné, le K’Tou salua le commandant Wu et se retira.
- As-tu fini mon programme? Demanda Marie, sautillant avec impatience. Tu m’avais promis…
- Holà fifille, je n’ai que deux mains! Tiens, laisse-moi d’abord donner ceci à ton frère.
- Oh! Merci papa! L’automate est tel que je l’espérais. Aussi hideux que celui de la bibliothèque holographique. Mais j’y pense… Uruhu l’a vu. Il ne s’est pas vexé au moins?
- Un peu, mais il sait que je l’apprécie et que je ne suis pas raciste.
- Et moi, tu m’oublies?
- Mais non, Marie. Le programme est entré depuis une heure dans l’ordinateur de la nursery. Que veux-tu voir? Les héros de quelles séries?
Tous! Tout à la fois. Gédéon, Moustache et Trottinette, Tom et Jerry - ceux de « Cat Concerto » - , Mickey pompier, Picsou de Barks,
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le Marsu de Franquin.
-Tu es bien compliquée, Marie. Benjamin Rabier, Calvo, Hanna et Barbera, Carl Barks et André Franquin ont des styles qui ne se mélangent pas. Fais un choix.
-Alors, je veux Marsu ! Répondit Marie en zézayant un peu.
Acquiesçant, Daniel mit en marche la simulation. Puis, tandis que le centre de la salle de jeux se modifiait, il observa la réaction de ses enfants. Il se réjouissait autant qu’eux, communiant avec Marie et Mathieu dans le même émerveillement. Mais sa joie se teintait de mélancolie. Son enfance à lui était loin, et, hormis les moments passés avec son grand-père Li Wu, elle n’avait pas été heureuse. Trop de choses à apprendre, à assimiler, trop d’heures dans la plus grande solitude à se demander pourquoi il était différent. Des parents trop occupés : un père biologiste et informaticien, toujours en conférence, une mère botaniste, cachant un pénible secret, un frère aîné autiste qu’il fallait amadouer, soigner et guérir…
Revenant au présent, Daniel soupira silencieusement. Il ne devait pas ressasser un passé douloureux mais savourer avec un sentiment de joie intense chaque seconde de sa vie actuelle. Il avait tout ce que son cœur désirait: une femme tendre, dévouée, intelligente, ressemblant à cette actrice suédoise du XXème siècle - Ingrid Bergman -
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, sauf pour la teinte des cheveux, qui partageait la même passion que lui pour l’exploration de l’Univers, qui travaillait à ses côtés et à qui il pouvait déléguer en toute confiance son commandement, deux enfants splendides, presque aussi parfaits que s’ils étaient sortis tout droit d’un roman de la comtesse de Ségur, un frère enfin équilibré qui s’assumait, et un ami qui le comprenait parfois plus que lui-même, qui était presque un autre lui-même!
Antor serait à bord du Langevin dans moins d’une heure! Quant à ses supérieurs, les amiraux Prentiss et Venge en tête, ils lui reconnaissaient enfin le droit d’assumer sa différence. Ils venaient de le charger de la mission tant convoitée par les centaines de commandants de la flotte interstellaire de l’Alliance de voyager hors de la Voie Lactée et d’explorer une galaxie étrangère. Ainsi, son équipage et lui-même seraient les ambassadeurs de l’Empire des 1045 planètes. Honneur si recherché que Daniel connaissait au moins dix officiers capables de l’assassiner pour prendre son poste!
Au centre de la nursery avait surgi une forêt sempervirente sud-américaine, la forêt palombienne où vivait cet être mythique, le Marsupilami. Elle était reproduite à la perfection, telle que l’avait imaginée Franquin, il y avait près de six cents ans. Des papillons aux ailes multicolores et fragiles, des aras au caquetage agaçant, des scolopendres, des serpents endormis, un jaguar toujours affamé, à l’affût sur un tronc d’arbre, au bord d’un lac peuplé de piranhas, des Indiens plus civilisés que les habitants des grandes cités inhumaines, un chasseur cruel et intéressé, des chercheurs d’or pitoyables, le nid des Marsupilamis, et le frère et la sœur modernes Robinson Crusoé, rien ne manquait à cette bande dessinée animée tridimensionnelle, bien supérieure au film Mary Poppins!
- Bon, cela fonctionne, Dit Daniel. Les enfants, je vous laisse; mon service m’appelle.
- Ne t’inquiète pas papa, Répondit Mathieu. Nous jouons une heure puis nous nous couchons. Je sais éteindre la simulation.
- Je n’en doute pas. Je passerai vous donner le bonsoir plus tard. Amusez-vous mais n’oubliez pas que le jaguar peut vous blesser.
- Oh ! S’écria Marie.
- Je plaisantais fifille. Les sécurités sont branchées naturellement.
En souriant, le commandant Wu partit rejoindre la passerelle.