vendredi 4 septembre 2009

La gloire de Rama 2 : La valse à mille temps chapitre 7

La gloire de Rama 2 : la valse à mille temps

Chapitre 7

1995. Lequel? Seul Daniel Wu aurait su le dire.
Il était 11 h 31 PM à San Diego, Californie.
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Thomas Payne, l’homme le plus riche de la planète, dont la fortune s’élevait environ à 90 milliards de dollars - mais il était toutefois difficile d’en connaître le montant exact, puisque celui-ci changeait chaque minute - , qui venait de souper avec des hommes d’affaires asiatiques et nord-américains, s’empressait de rejoindre son hélicoptère personnel.
L’homme, encore jeune, le cheveu châtain, les lunettes rondes vissées sur son nez, grimpa d’un pas alerte dans l’appareil. Il ne prit pas garde au pilote. Lorsqu’on appartenait aux heureux de ce monde, faisait-on attention à un simple subordonné interchangeable ad libitum grâce aux CDD?
Bien harnaché sur son siège, Payne se mit à consulter son ordinateur portable. Intérieurement, il songeait qu’il allait bientôt donner l’ordre à son fondé de pouvoir de faire baisser par tous les moyens les actions de son concurrent le plus direct « Big Pear »! Notre entrepreneur estimait que la firme n’était pas encore assez à genoux puisqu’elle conservait 15 % des parts du marché mondial. Thomas Payne visait le monopole! Parallèlement, doté d’une grande capacité de réflexion, il calculait aussi combien sa propre société « Micro chip » allait faire de bénéfices dans la semaine à venir. Fasciné par l'écran de son ordinateur, il ne se rendit pas compte que son hélicoptère ne suivait pas le trajet prévu.
Lorsqu’ enfin, il perçut que le moteur s’était arrêté et l’appareil posé, en automatique, Thomas Payne ferma son portable, se libéra de son siège et mit le pied sur le dallage de la terrasse de sa petite villa, au sud de Malibu. Du moins, croyait-il être rendu chez lui. La nuit profonde et le ciel couvert le confortaient dans son erreur. Cependant, Thomas finit par se rendre compte qu’il n’était pas du tout dans sa modeste propriété (neuf chambres, jacuzzi, golf, piscine, court de tennis, véranda, jardin, roseraie -où cohabitaient paisiblement sous forme de rose les sœurs de Beauregard ).
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Se retournant vers le pilote, il s’exclama, avec mauvaise humeur :
- Mais enfin, Joe, qu’est-ce que cela signifie?
Stupéfait, redressant la tête, il vit qu’il n’avait pas affaire à Joe, son pilote habituel, un grand Noir baraqué, mais au contraire, à un homme de stature élevée, à la peau blanche, à la cinquantaine bien sonnée, au visage ascétique et aux cheveux de coupe militaire. L’inconnu pointait un automatique dans sa direction. Sentant la panique l’envahir, Thomas Payne balbutia :
- Qui êtes-vous? Que me voulez-vous? Si vous envisagez une rançon…
- Taisez-vous et avancez jusqu’au hangar, jeta l’homme d’une voix coupante avec un léger accent européen.
- Mais enfin, répéta le patron de «Micro chip », dites-moi ce que vous attendez de moi.
- Juste régler quelques points de détail et vous informer que l’heure de votre désactivation est venue.
Payne, qui ne comprenait pas un mot de ce discours, s’énerva. Sa voix monta dans les aigus.
- M’avez-vous enlevé pour de l’argent?
- Oh, vous vous faites des illusions! Je reconnais que votre fortune appréciable m’intéresse. Mais mon but est de vous tuer, au nom de toutes les ressources humaines que vous avez sacrifiées. Avancez donc!
Comme Payne se montrait récalcitrant, le canon de l’automatique au creux de ses reins l’obligea à marcher jusque dans l’entrepôt qui renfermait d’énormes et imposants ordinateurs. Au centre du hangar trônait une sorte de chaise électrique ; sur le dossier de l’engin de mort, un casque y était suspendu.
Un frisson parcourut alors le multimilliardaire. Il comprit le sort que son kidnappeur lui avait réservé. N’ayant pas d’autre option que d’obéir à l’injonction muette du grand type, Thomas s’assit sur la chaise de torture. Des mains vigoureuses le lièrent puis le coiffèrent du terrible casque.
Puis, toujours froid et insensible, l’étrange bourreau informa sa victime sur ce qui allait advenir. La voix avait des résonances bizarres, rauques et étouffées.
- Voyez cet appareil : il s’agit d’une chaise électrique d’un modèle spécial
Thomas Payne déglutit péniblement et répondit de sa voix haut perchée:
- Mais enfin, monsieur, je ne vous connais pas ; je ne vous ai même jamais vu! Alors, pourquoi vous en prendre à moi? Que vous ai-je fait? De quel crime me suis-je rendu coupable?
- Vous êtes Thomas Payne, autrement dit, l’homme qui a consolidé sa fortune en volant les inventions des autres! L’homme qui impose ses microprocesseurs et ses logiciels au monde entier! L’homme qui rêve de rendre l’humanité cybernétique. Cela suffit à mes yeux pour vous condamner. Je me suis dressé pour rendre la justice.
- Vous n’êtes qu’un illuminé qui refuse le progrès! Mais nul ne peut arrêter celui-ci. Bientôt, la Terre ne sera plus qu’un village, « le village global » ; l’humanité tout entière sera connectée, que je vive ou pas!
- Grâce à « Gates 95 », sans doute?! Je récuse votre humour ainsi que l’avenir que vous réservez à l’espèce humaine.
Tentant de gagner du temps, Payne orienta la conversation dans une autre direction.
- Vous savez qui je suis, mais moi, j’ignore toujours votre identité!
Chose surprenante, le bourreau daigna répondre.
- Je suis le Vengeur de la Vie! Lança-t-il avec grandiloquence. Le Protecteur des espèces menacées. Je veux préserver l’avenir de la Terre. Je me nomme André Fermat et puisque je vous ai révélé mon identité, il est l’heure pour vous de mourir. Oh, un dernier détail. Ne vous inquiétez pas pour vos 90 petits milliards de dollars : je les ai transférés sur mon compte. Une simple manœuvre d’ordinateur m’a suffi . Que voulez-vous, je suis le roi des hackers! Et maintenant, vous, le roi déchu du virtuel, vous allez connaître la même fin que Hal 9000!
L’individu qui se faisait appeler André Fermat brancha la machine à décérébrer. Inexorablement, seconde après seconde, les connaissances, la mémoire, l’essence même de Thomas Payne s’effacèrent avec une régularité métronomique : 100 000 neurones détruits, 200 000, 300 000, … un million… De satisfaction, le bourreau se frotta les mains.
- Quel réjouissant divertissement! Le cerveau supérieur de cet Homo Sapiens est en train de mourir! Ah, maintenant, c’est le tour du limbique! Tiens, comme c’est intéressant! Malgré la régression, il conserve encore la capacité de parler!
Effectivement, Thomas Payne chantonnait de plus en plus mal une comptine : « Baah, baah black sheep have you any wool? Yes, sir, yes sir three bags full… »
Mais cet effort dépassa ses facultés mentales de plus en plus amoindries. Le malheureux Thomas se mit à zézayer, puis à bégayer, enfin à gazouiller et baver.
« Be…Flbble…Glegla…Aaa…ll…a…e ...»
- Le cerveau reptilien, magnifique! A côté de cette épave, Kiku U Tu est un génie! Et le stade d’anencéphalisation tant attendu! Baah! Il est mort en se souillant! Que je suis sotte! Il ne pouvait plus contrôler sa vessie!
Sur l’ignoble chaise ne reposait plus qu’un corps mou sans aucune réaction! Le cerveau était entièrement détruit. Il ne pouvait donc plus émettre aucune onde. Le visage de Payne ressemblait à une face inexpressive de batracien, à une de ces momies spinales égyptiennes embaumées à tort parmi les babouins sacrés! Il aurait dû inspirer à la fois l’horreur et la pitié de son tourmenteur. Certain de l’impunité, celui-ci désactiva le camouflage qui lui avait permis d’endosser l’identité d’André Fermat. Une jeune femme de 28 ans, à la peau sombre et à la longue chevelure auburn apparut.
- Le premier obstacle éliminé, j’ai désormais les moyens financiers nécessaires pour accomplir la tâche ordonnée par le colonel Kraksis. Mais comme personne ne doit remonter jusqu’à moi, je dois continuer à brouiller les pistes. Alors, laissons une carte de visite signée « Apocalypse de Daniel ». Finalement, cette mission s’avère plus amusante que prévue.
Sans remords, Pamela Johnson abandonna là le corps sans vie de Thomas Payne et s’empressa de donner un coup de fil anonyme à la police à l’aide d’un des premiers téléphones cellulaires.
Le roi de l’informatique était mort avec une dizaine de jours d’avance sur le calendrier prévisionnel établi par André Fermat et son subordonné le capitaine Wu. Les deux hommes appartenaient à une chrono ligne différente.

***************
A bord du Langevin, dans le centre de maintenance de l’IA, l’ingénieur en chef David Anderson et quatre de ses subordonnés remplaçaient la 239e mémoire de l’Intelligence Artificielle. Lorsque les connexions étaient parfaitement établies, les appareils de vérification émettaient un bourdonnement doux et régulier tandis qu’une petite lampe témoin de couleur bleue s’allumait. Chaque fois, Anderson soupirait de soulagement. Mais, cette fois-ci, la réparation semblait avoir échoué car le circuit 106  grésillait. L’ingénieur en chef s’écria :
-Polyèdre endommagé. Une surchauffe s’est produite! Shinaaïa, allez me chercher la pièce de rechange tandis que j’examine pourquoi il y a eu surchauffe.
- Tout de suite monsieur.
La félinoïde s’exécuta. A l’instant où elle se retournait, un tentacule gluant et translucide s’enroula autour de sa gorge. Parallèlement, Anderson subit le même sort. Ces tentacules venaient de nulle part. L’ingénieur émit avec difficulté un son étouffé. Mais Shinaaïa, dans un réflexe prodigieux, parvint à sortir un disrupteur de sa poche et à faire feu sur les tentacules. Certes, la pression mortelle se relâcha, mais une tête énorme surmontant un corps atrophié surgit du néant, au milieu des polyèdres, alors que les deux derniers tentacules de la créature se détendaient brusquement dans un réflexe de défense. Le malheureux engagé Luis Gomez n’eut pas le temps de se mettre à l’abri. Le tuyau ventral transparent perça sa carotide et aspira son fluide vital. Le lieutenant félinoïde augmenta la puissance de son arme et commanda à deux de ses collègues :
- Feu! Puissance létale!
Sous les rayons brûlants et convergents des disrupteurs, l’alien fut obligé de se réfugier dans une autre dimension, relâchant alors l’engagé Gomez et l’ingénieur en chef. Shinaaïa s’approcha alors de l’hispanique afin de lui porter secours. Celui-ci était tombé comme une masse sur le sol. Elle retint à grand peine un cri de terreur et d’horreur. En effet, Luis n’était plus qu’un cadavre entièrement vidé de son sang. Quant à David Anderson, il gisait inconscient sur le plancher semi métallique.
Sortant un communicateur de sa poche, le lieutenant félinoïde appela l’infirmerie puis la sécurité. Lorsque les Troodons parvinrent sur le lieu du drame, une minute trente s’était écoulée. Ils étaient accompagnés du médecin O’Rourke et de trois infirmiers. Shinaaïa partit rejoindre le capitaine Maïakovska sur la passerelle afin de lui faire son rapport. Lorsque celui-ci fut terminé, Irina consulta Chérifi.
- Lieutenant, le centre de l’IA sert de refuge aux aliens. Il nous faut en condamner l’accès.
- Capitaine, à quoi bon? Ces êtres sont dotés de la faculté de transdimensionnalité. Ils peuvent donc être cachés n’importe où en ce moment et même, qui sait, ici, sans que nous puissions les voir!
- Peu d’entre nous savent cela. Assurez-vous que mes ordres seront bien appliqués.
- Oui capitaine.
Une fois seule, Irina eut une grimace.
- Seigneur, faites que Daniel revienne vite! Le pire nous menace!

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C’était un jour de novembre de l’année 1968 que rien ne distinguait des autres. Certes, l’Histoire tissait sa trame de faits importants ou anodins, mais en cette fin de matinée, dans une rue du quatrième arrondissement de Paris, les gens qui y déambulaient, ignoraient qu’ils côtoyaient les acteurs principaux d’ une tragédie qui se jouait à l’échelle galactique et sur plusieurs dimensions.
Il bruinait ; les trottoirs étaient glissants. L’air humide et froid faisait frissonner deux enfants qui, patiemment, attendaient devant la vitrine d’un jouailler.
L’aînée pouvait avoir quatorze ans à peu près et la plus jeune cinq ans. La fillette tenait en laisse un chat noir et blanc aux poils mi-longs, qui tel un chien, flairait le bas des murs et des escaliers. Violetta tapait des mains et des pieds pour se réchauffer.
- Bon sang! S’exclama-t-elle un instant. Mais pourquoi tardent-ils autant? J’ai froid! Si ça continue, je tourne en sorbet!
- Cousine, un peu de patience, lui répondit Marie de sa voix douce. Il n’y a pas vingt minutes que nous attendons ton père et le mien. Si tu as froid, c’est de ta faute. Tu aurais dû reconstituer davantage des décors hivernaux terrestres plutôt que les forêts tropicales de Métamorphos!
- Je n’aime pas lorsque tu me fais la leçon!
Boudant, elle colla son nez sur la vitrine du magasin.
- Ouf, ça y est! Ils ont fini! Oncle Daniel range une grosse liasse dans une sacoche. Et les voici!
Effectivement, Daniel Wu et Benjamin Sitruk après avoir remercié le jouailler qui affichait un grand sourire satisfait, sortirent de la boutique. Le commandant Wu venait de vendre cinq diamants magnifiques de la plus belle eau de quinze carats chacun. Les deux adultes, bien vêtus, quoique avec une certaine extravagance, rejoignirent leurs enfants sur le trottoir.
- Alors, tu boudes encore, dit Benjamin à sa fille.
- Hé, il y a de quoi! J’ai froid et j’ai peur de m’enrhumer! De plus, mes cheveux vont friser.
- Pourquoi n’as-tu pas emporté un parapluie?
- Je n’y ai pas pensé.
- Tu as passé une heure à t’habiller et tu as oublié l’essentiel! Jeta Sitruk moqueur.
L’adolescente avait revêtu une charmante robe de laine rose et verte à carreaux, passé un collant blanc en dentelle, des bottes de la même couleur. Un long manteau rouge achevait cette tenue, tout bordé de fausse fourrure noire. Il lui frôlait les mollets. Violetta avait opté pour des cheveux coupés courts, gonflés par une mise en plis. Ainsi, elle ressemblait à l’Européenne type avec un je ne sais quoi de Tara King. Marie quant à elle, ne pouvait nier ses origines asiatiques. Un manteau en imitation de fourrure de léopard la protégeait de l’humidité. Ses cheveux auburn cascadaient sur ses épaules. Beaucoup de passants, intrigués par son apparence, se retournaient malgré eux pour détailler la fillette. Pensez donc! Une Eurasienne aux cheveux roux! Les femmes pensaient que l’enfant avait les cheveux teints ou qu’elle portait une perruque. Elles étaient offusquées.
- Bon, les hommes, puisque, maintenant, vous avez les poches pleines, si nous en profitions? J’ai la dent! Mon dernier repas remonte à plus de cinq heures. A six mètres à droite, j’ai remarqué une boulangerie-pâtisserie qui m’a l’air de présenter un assortiment de gâteaux des plus réjouissants! Oncle Daniel, tu as bien un peu de monnaie, non?
- Si je comprends, tu me forces la main!
- Évidemment! Puisque nous sommes dans le passé, autant profiter de ce qu’il nous offre!
Arrivée devant la vitrine de la pâtisserie, l’adolescente se mit à détailler toutes les merveilles qu’elle contenait. Marie voulut voir aussi.
- Qu’est-ce que c’est? Dis-le moi, cousine Violetta!
- Mmm! Que tout ceci est appétissant! Des galettes au sucre, au beurre, au chocolat, à la confiture,
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des croquets aux amandes, des palmiers feuilletés, des alligators, des têtes de cochon en pâte d’amande, des tartelettes au citron, des tuiles, des palourdes, des éclairs à la chantilly, des religieuses, des babas, des pithiviers,
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des…
- Pourquoi ces galettes-là ressemblent-elles à un jeu d’échecs? Et pourquoi celles-ci ont-elle un cœur rouge ou un carreau orange au milieu?
- Les jeux d’échecs, ce sont des sablés à la vanille et au chocolat. Les galettes au cœur rouge sont parfumées avec de la confiture de fraise ou de la gelée de groseille. Et celles avec un carreau orange sont sans doute à l’abricot!
- Oh! J’en veux une! J’en veux une! Papa, on peut y entrer?
- Marie, fais-tu un caprice? Ce serait nouveau de ta part! Et tu sais que je n’aime pas lorsque tu manges des sucreries.
- C’est la première et la dernière fois que je mangerai un de ces gâteaux! Je le promets, papa!
- Je n’oublierai pas ta promesse, fifille!
Violetta entra, toute réjouie, dans la boulangerie-pâtisserie, suivie de Marie, puis des deux adultes. Ufo ferma la marche, dans une attitude expectative. Il était troublé. Tout ce qu’il flairait et ressentait lui rappelait vaguement quelque chose. Docilement, il s’assit aux pieds de son maître.
Mille parfums assaillaient les narines enthousiastes de l’adolescente. Des bouffées de souvenirs agréables remontaient. Vu de près, le comptoir regorgeait encore plus de douceurs fabuleuses : tartes à tous les parfums possibles, mille-feuilles, oursins, meringues colorées, éclairs, encore des religieuses, babas, « têtes de nègres », pommes de terre en pâte d’amande fourrées à la crème de marrons, figues, têtes de grenouilles, Paris-Brest, tropéziennes, castels, génoises fourrées, galettes au sucre mythiques, sablés au beurre, au chocolat, à la confiture…
Au-dessus du comptoir, se dressait un présentoir hérissé de sucettes de la marque Pierrot Gourmand, au lait ou aux fruits, d’autres sucettes géantes, plates ou rondes, représentant des têtes de clowns ou d’animaux. Les murs comportaient des étagères toutes emplies de biscuits empaquetés. Des boîtes cubiques rouges renfermaient des sablés en forme de lions, de singes, de zèbres, d’éléphants, de pélicans ou encore de girafes.
Sur une console tournante étaient suspendus des cornets en papier, plus volumineux les uns que les autres, portant l’inscription fille ou garçon. Ils contenaient des bonbons et des surprises, des petits jouets en plastique comme des motos, des voitures, des poupons ou autres. Avec ces cornets se trouvaient des moulins à vent multicolores.
Sur un autre bout du comptoir étaient disposés des bocaux de verre renfermant des sucres d’orge, des guimauves et puis, bien alignés, des compartiments de gâteaux secs où la clientèle reconnaissait des tuiles natures et aux amandes, des langues de chats, des sablés spiralés, des meringues marron, blanches ou roses, des biscuits au chocolat, des galettes fourrées à la confiture et bien d’autres merveilles encore pour un gourmand!
Enfin, à proximité des panières de baguettes de pain, dégageant une bonne odeur de farine cuite, un dernier bocal débordait d’ours en guimauve recouverts d’une fine pellicule de chocolat. Il ne restait plus aucune souris en réglisse en réserve.
Une voix affable vint interrompre les rêveries sucrées de Violetta.
- Ces messieurs et demoiselles désirent?
La patronne était une jeune femme coiffée à la Jeanne d’Arc, vêtue d’une blouse rose où le col roulé d’un pull gris dépassait.
- Il y a tellement de choix! S’exclama l’adolescente dans un français parfait. Mais je ne veux pas avoir la figure toute collante, ce n’est plus de mon âge! Alors, je me contenterai d’un palmier, ainsi qu’une boîte de sucettes au lait. Ah, j’oubliais : des oursons Bouquet d’or! Vous m’en mettrez deux douzaines s’il vous plaît! C’est pour le chat, il les adore!
- Enfin, Violetta, tu exagères, remarqua Daniel.
Benjamin, quant à lui, ne pipait mot. Il maîtrisait mal le français de cette époque. Il parlait couramment le basic french phonétique des SMS du XXIe siècle!
- Mon oncle, tu ne te souviens pas? Répliqua la jeune fille. C’était ainsi que je nourrissais Ufo autrefois. Maintenant, tu sais pourquoi il n’arrêtait pas de grossir. Et toi, cousine, as-tu une préférence?
Se haussant sur la pointe des pieds, Marie désigna timidement un sablé à la confiture de fraise tout saupoudré de sucre glace. Tout en servant la fillette, la boulangère ne put retenir un mouvement de surprise. Sa curiosité la taraudant, elle osa poser une question indiscrète.
- Est-elle vietnamienne? Demanda-t-elle en s’adressant à Sitruk qui était roux. Est-elle votre fille? Vous l’avez peut-être adoptée?
- Absolument pas, rétorqua Daniel Wu sèchement. La mère de Marie est russe.
Son ton montrait suffisamment qu’il ne désirait pas poursuivre la conversation. La jeune femme saisit qu’elle avait commis un impair. Elle n’insista donc pas, se contentant d’encaisser son dû.
A l’extérieur de la boulangerie, Violetta crut qu’elle allait se faire réprimander. Tenant Ufo serré dans ses bras, elle lui donna un ourson à lécher et à croquer. Ce fut Marie qui, innocemment, mit les pieds dans le plat.
- Dis papa, pourquoi la dame me regardait-elle comme si j’étais une poupée merveilleuse ou une fée?
- Fifille, tu es rousse et asiatique.
- Oui, et alors?
- Au XX e siècle, en Europe, cela ne s’est jamais vu!

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Comment le vaisseau scout Einstein avait-il pu se retrouver dans l’Histoire 1 alors qu’il venait d’une chrono ligne différente? Le saut quantique s’était effectué en deux parties. Tout d’abord, la navette s’était rendue dans le passé en 1943. Ensuite, suivant des traces ionisées spécifiques, elle avait poursuivi son saut dans la droite ligne temporelle d’une Histoire où l’Hellados Sarton n’était pas intervenu. En effet, le scientifique avait jugé qu’il était inutile de le faire dans cet univers qui conduisait à la Troisième Guerre mondiale. Le 1968 dans lequel le commandant Wu se mouvait n’était donc pas altéré par ses agissements antérieurs, ou par ceux de Penta . Tout cela avait été possible grâce au chrono vision que Daniel avait monté et raccordé sur l’Einstein en un temps record, peu avant son départ du Langevin. Après l’atterrissage en 1968, reprendre la piste de l’inventeur du translateur était un jeu d’enfant.

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25 juin 1995.
Tous les grands médias internationaux, CNN, les journaux télévisés, les magazines, Internet, se faisaient l’écho d’assassinats en séries de hautes personnalités qui détenaient une parcelle du pouvoir décisionnel économique ou politique à l’échelle mondiale. Ces actes terroristes étaient perpétrés par un groupuscule qui signait « Apocalypse de Daniel ». Interpol et toutes les polices, y compris les services secrets tels que les RG, les MI-5 et MI-6, la CIA, le NSA, le Mossad, le FSB étaient sur les dents et ne parvenaient ni à identifier ni à localiser les criminels.
Nul ne se souciait des éventuelles répercussions de ces assassinats au niveau des lignes de force de la galaxie. Et pourtant, c’était peut-être là le plus grave.
Mais voyons un peu comment Pamela Johnson éliminait tous ceux qu’elle estimait faire obstacle au remodelage de l’Histoire de la Terre. Grâce à Internet et au who’s who, elle avait eu accès facilement aux fichiers des personnages les plus importants de ce XX e siècle finissant. Pèle mêle, on y trouvait des hommes d’État, des chefs militaires, des banquiers, des actionnaires, des directeurs et propriétaires de transnationales, des économistes, des conseillers financiers, des membres d’organismes divers comme le FMI, l’ONU, la Banque Mondiale, des journalistes, des scientifiques, des intellectuels et penseurs et ainsi de suite. Pamela n’avait pas oublié les religieux, les terroristes, les membres des triades et des différentes mafias, camorra, Main Noire, cartels de Colombie, les médecins véreux, les tortionnaires de tout poil. Tout cela représentait des milliers de noms, une liste de Sarton plus complète que l’originale.
Pour accomplir cette tâche monumentale, elle bénéficiait d’une technologie hautement sophistiquée. Elle aussi n’avait sauté directement dans le passé de la Terre. Elle avait d’abord effectué un petit détour sur une colonie Asturkruk où là, elle s’était approvisionnée en armes - torpilles à bosons, disrupteurs - en cristaux de charpakium, en pièces decrescendo pour son IA. Elle avait même pris le temps de réviser sa navette.
Mathieu Wu lui servait d’otage. Elle ne lui avait pas fait subir de sévices, se contentant de le plonger en animation suspendue. Actuellement, son petit vaisseau tournait en orbite autour de la Terre, indétectable par les radars car occulté par un bouclier d’invisibilité.
Après Thomas Payne, Pamela Johnson s’attaqua à Bill Kirk, qui se trouvait à la tête d’un véritable empire multimédia dont le plus beau fleuron était une chaîne satellitaire qui arrosait la planète entière. Bill Kirk avait épousé une ancienne star rebelle d’Hollywood, la célèbre Marie Lapointe.
Après s’être emparée de la fortune du célèbre Don Juan moustachu, grâce à ses manipulations informatiques, la daryl Asturkruk expédia par courrier traditionnel une micro bombe à fusion chez sa victime. Au petit déjeuner, que Bill Kirk prenait dans une superbe villa située sur les hauteurs de Malibu, le milliardaire ouvrit son courrier sans inquiétude. Mal lui en prit. Il n’eut pas le temps de saisir la lettre qu’il brûla instantanément. Il ne resta de lui que quelques misérables cendres grises qui s’en vinrent salir le carrelage immaculé de sa cuisine.
Après cette exécution, ce fut le tour du PDG de la Cancíon Allegría, à la tête d’un empire spécialisé dans le divertissement pour enfants depuis plus de 75 ans. Le fameux Tom Lesney mourut en train de visionner la version finale de sa dernière production intitulée « La Gitana de la Ciudad ». Les images qui composaient le DA contenaient des messages subliminaux qui poussèrent le septuagénaire à se jeter du 32 e étage de son gratte-ciel.
Dieter Hammer, à la tête de la transnationale Switzmilk, était décidément destiné à périr de mort violente! Cette fois-ci, les brassards mitrailleurs Asturkruk n’eurent pas besoin d’un Daniel fou et survolté pour le transformer en passoire. Quant au PDG d'une célèbre boisson gazeuse, concurrente de Pepsi , il eut la malencontreuse idée de goûter à l’une de ses nouvelles boissons, à la composition si secrète que même lui n’était pas au parfum, nommée « Pschitt Banana ». Ce qu’il avala ressemblait plus à de l’acide nitrique assaisonné de cobalt qu’à du jus de banane gazéifié! Son squelette resta trois heures dans la chambre de dégustation avant d’être découvert par un technicien de surface hispanique!
Bien entendu, chaque fois, les avoirs des victimes tombaient dans l’escarcelle de Pamela Johnson. Qu’envisageait-elle de faire avec cette fortune colossale qui maintenant approchait le budget annuel du G 7?
Après ce petit en-cas, la jeune Caraibéenne s’attaqua à trois figures de proue de la politique internationale. Igor Panine mourut gelé et noyé dans une piscine emplie de vodka. Winka s’était un peu inspirée d’un chapitre de « Rocambole ». Sans un frémissement de pitié, après l’exécution du Russe, l’officier Asturkruk détacha le bloc de glace contenant le cadavre d’Igor et l’expédia comme trophée chez le général Maïerdine, le Bonaparte sibérien, qui venait tout juste de remporter les élections locales en tant que gouverneur de la région de Tomsk. Pour l’exécution du chancelier Allemand, la jeune femme ne fit pas autant preuve d’imagination que Daniel dans un autre cours de l’Histoire. Hans Gemüse, qui profitait d’un voyage d’agrément en Savoie, finit cuit à l’intérieur d’un immense chaudron à fondue. Les policiers eurent du mal à séparer le corps du fromage et à le rendre présentable à la famille. L’homme d’État, à la stature imposante, était tombé malencontreusement dans le récipient, trop avide de savourer ce mets qui chatouillait délicieusement ses narines.
Quant à Dick Penn, il n’eut pas la chance de connaître le sort envisagé par Daniel Wu ailleurs. Le président des États-Unis mourut d’un anévrisme provoqué par un stupide accident. Tout simplement, il s’était épuisé à vouloir souffler dans un tuba bouché pendant de trop longues minutes.
Ainsi, méthodiquement, le tableau de chasse du sous-lieutenant Johnson s’enrichissait de pièces de choix. On pourrait nommer les différents prix Nobel d’économie des vingt dernières années. Mais il manquait à chaque exécution cette pincée d’humour noir propre au capitaine Wu et à « The Avengers ».
Quoi que fît Johnson, elle n’était pas à la hauteur de son modèle!
Les fanatiques islamistes périrent sous les décombres d’un tremblement de terre provoqué. Parmi eux, il faut noter la présence du milliardaire intégriste Ibrahim Allahya. Le métro de Brooklyn, détruit le 21 février 2002 par un attentat de son cru, réapparut opinément lorsque la chrono ligne se modifia sous l’action de la daryl. Pamela ne faisait aucune différence entre les religions et les intégristes de tout poil. Même sort pour les faucons israéliens, les nationalistes hindous et pakistanais, les orangistes et les membres de l’IRA, et ainsi de suite.
Ne se contentant pas de laisser écouler une année 1995 désormais fortement endommagée, Pamela, telle une navigatrice expérimentée, se déplaça librement dans le fleuve du temps, s’ingérant avec un art de sybarite dans les millésimes 1996, 97, 98. La jeune femme ne poursuivait pas le même but qu’André Fermat. Elle songeait à une Terre pacifiste, refusant sciences et techniques, enfermée dans une philosophie du renoncement et de l’introspection. Pour cela, il lui fallait déclencher une pagaille incommensurable.
Le continuum espace-temps, malmené, devenait un véritable kaléidoscope de fragments de temps, de mosaïques d’événements. Peu à peu naissaient des centaines de 1995 différents, tous présentant des opportunités pour les cyborgs calmaroïdes.
Au début de l’année 1998, Pamela Johnson fit des étincelles à Washington en s’en prenant au Congrès qui siégeait au Capitole. Alors qu’il s’apprêtait pour la sempiternelle fois, à voter contre la restriction du port d’arme libre, des robots mitrailleurs insectoïdes furent téléportés dans l’enceinte et entrèrent immédiatement en action. La docte assistance fut réduite en bouillie sanglante, le tout en direct sur CNN. Blasés, les téléspectateurs américains, malgré les commentaires horrifiés de journalistes, crurent au lancement d’un nouveau thriller.
Il se passa la même chose au congrès de la NRA (National Rifle Association). Ce lobby était dirigé par l’ex acteur hollywoodien Tom Colson, célèbre pour avoir incarné le héros astronaute Thompson, un Niek’Tou, prisonnier d’un monde alternatif futur dans lequel les néandertaliens et les gorilles dominaient! Ces derniers, soldats d’élite, pourchassaient sans pitié les Sapiens. La Terre de Neandertal était l’adaptation cinématographique de 1970 d’un roman de science-fiction qui avait pour auteur belge Louis Sphère.
Toujours à la pointe de l’information, CNN transmit en direct et en exclusivité le massacre du NRA. Colson et ses sbires furent transformés en passoires, le tout devant des caméras filmant avec des ralentis artistiques à la Sam Peckinpah et avec des effets d’ombres et de lumières dignes du cinéma expressionniste allemand des années 1920.
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Exit le lobby des armes à feu, décimé par Pamela!

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Un jour paisible de mai 1997, dans la petite ville tranquille de Saint-Affrique, dans l’Aveyron.
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Le premier ministre britannique Jerry Sinclair, qui venait de remporter haut la main les élections législatives dans son pays, était accueilli à bras ouverts par son ami français, du même bord politique, Olivier Saintjean, qui lui, n’allait pas tarder à gagner le second tour des élections à l’Assemblée nationale. Les deux hommes, qui se connaissaient depuis une dizaine d’années environ, après s’être longuement congratulés, s’attablèrent à l’enseigne d’un restaurant typique « La bonne truffe », afin de savourer un déjeuner digne de Pantagruel.
La salle avait conservé une touche auvergnate, avec ses poutres médiévales apparentes, noircies par la fumée, ses lourdes tables en chêne, usées par l’âge, recouvertes de nappes à carreaux rouges et blancs, sa cheminée massive et antédiluvienne à laquelle ne manquait aucun chenet du style « arts et traditions populaires ».
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La plupart des convives arboraient une mine épanouie, un teint fleuri et un nez écarlate. Il s’agissait d’honnêtes agriculteurs ou d’éleveurs qui, après avoir vendu le meilleur de leur production sur le marché local, venaient savourer une bonne potée aux choux à l’ancienne, accompagnée de fromage de Cantal ou de bleu des Causses. L’atmosphère de l’auberge était enfumée par les exhalaisons des mets et par les innombrables cigarettes grillées par des fumeurs invétérés.
Nos deux hommes politiques possédaient un remarquable coup de fourchette. Ainsi, ils firent rapidement un sort à une selle de mouton à la moutarde et à l’ail, arrosant ce plat d’un petit vin rosé de Cahors frais et pétillant. Un commerçant Otnikaï se serait offusqué devant cette scène anodine terrestre qui pour lui, équivalait au plus terrible cannibalisme.
Mis en appétit, Jerry et Olivier ne prirent pas garde au fait que les rognons qui suivaient le plat de résistance étaient impropres à la consommation, à la suite des manipulations de Pamela. Au moment du dessert, des pommes en douillette, baignant dans un caramel succulent , ils eurent la surprise de découvrir dans le plat en terre, au milieu du sucre caramélisé, un papier pelure comportant le texte suivant :
« Périssent de mort violente tous les apostats, comme ceux qui se sont ralliés à la pensée unique, à la mondialisation. »
Prophétie apocryphe du néo Daniel chapitre VI verset 14.
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Olivier Saintjean eut un mouvement de recul. Un signal d’alarme retentit dans sa tête. Cette signature lui rappelait quelque chose, mais l’abominable affaire remontait à deux ans déjà. Quant au premier ministre britannique, il ne comprit pas cet humour particulier. Pourtant, il était déjà trop tard pour nos deux compères. Alors qu’ils terminaient leur dessert, ils furent soudainement pris de suées glacées et de vomissements incoercibles. En trois minutes à peine, ils moururent, le nez dans le caramel, la figure maculée de sucre cuit, grotesque et collante.
Dix jours après cette exécution, le président de la République Benoît Fréjac, inexplicablement épargné par Pamela, - peut-être le jugeait-elle inoffensif car trop sot -, n’eut d’autre solution de nommer au poste de premier ministre son ennemi intime de trente ans Gaétan de Sermeuil, qui faisait là un come-back remarqué. Le nouveau ministre de l’Intérieur s’appelait Toussaint Spirito. Sa faconde, son franc-parler, sa matoiserie, tout en lui réjouissait les médias.

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17 novembre 1968, un peu avant 9 heures du matin.
Dans la propriété des Malicourt les grands parents maternels de Franz décédés depuis quelques années, le maître des lieux, après avoir pris un petit déjeuner à l’américaine, s’installait dans sa bibliothèque afin de travailler à de délicats calculs vectoriels. Il s’investissait à fond dans le projet de lanceur européen en Guyane.
Penché sur ses feuilles, les lunettes sur le nez, Franz n’entendit pas un domestique entrer dans la pièce meublée style anglais Regency.
-Mm. Toussota le majordome, sanglé dans son uniforme à la Nestor.
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- Qu’y a-t-il, Thomas? Fit le duc Von Hauerstadt en relevant la tête.
- Monsieur, deux visiteurs accompagnés de deux fillettes demandent à vous parler. Ils disent que c’est urgent et important. Voici leurs cartes.
Le majordome présenta à son maître un plateau en argent sur lequel deux cartons de vélin étaient posés. Tout en lisant les bristols, Franz demanda :
- Quelle impression vous ont fait ces messieurs, Thomas?
- Monsieur, ils sont mis d’une façon excentrique, certes, mais il ne s’agit pas de vulgaires solliciteurs. Leurs vêtements n’ont pas été achetés à Saville Row, mais ils ne sont ni ordinaires, ni bon marché. Ces messieurs connaissent les usages, ou du moins celui qui m’a parlé.
- Dans ce cas, faites-les venir jusqu’ici.
- Même les enfants, monsieur le duc?
- Assurément. Préparez-nous une légère collation : thé, café, lait et le reste à votre convenance.
- Bien monsieur le duc.
Thomas s’inclina. Deux minutes plus tard, il introduisait les inconnus dans la bibliothèque agréable et accueillante de Franz, une pièce réchauffée par une belle flambée d’automne dans la cheminée. Très civil, Von Hauerstadt se leva pour accueillir ses hôtes imprévus.
- Mesdemoiselles, messieurs…
- Daniel Wu et voici mon ami Benjamin Sitruk, répondit le commandant dans un français parfait sans la moindre inflexion étrangère. Ma fille Marie et Violetta Sitruk.
- Enchanté. Prenez donc un siège.
- Pardonnez-moi si j’abuse, mais je souhaiterais que cette conversation soit menée en anglais, monsieur Von Hauerstadt, non pour moi, mais pour mon ami, fit Daniel, changeant d’idiome.
- Sans problème. Je n’ai pas eu l’honneur de vous rencontrer précédemment. Expliquez-moi les raisons de cette visite impromptue.
- Volontiers. J’aime les invitations directes.
Tandis que Daniel Wu fournissait les explications demandées, dans un anglais très pur digne d’une éducation classique à Oxford, Benjamin laissait errer son regard sur la bibliothèque, appréciant en connaisseur les livres reliés en cuir, le lustre qui ne dépareillait pas dans un tel décor ainsi que le bureau marqueté. Par instant, il saisissait une bribe de conversation.
Marie restait sagement assise sur le bout de sa chaise. Quant à Violetta, elle trépignait d’impatience, rêvant d’examiner de près certains personnages en porcelaine de Sèvres enfermés dans une vitrine. Préoccupée, elle caressait Ufo machinalement, mais à rebrousse poil. Mécontent, le félin miaulait.
De son côté, Franz observait ses visiteurs, les yeux mi-clos. Manifestement, il n’avait rien à craindre d’eux. Si le plus âgé, le géant à l’œil bleu et à la barbe rousse, semblait un peu populaire à ses yeux, par contre, son visage ouvert respirait la droiture et l’honnêteté. La confiance en soi également, ainsi que la résolution. Il était évident qu’il s’agissait d’un homme d’action, tout dévoué au plus jeune. Sa coupe militaire dénonçait en lui un officier, mais de quelle nationalité? Un Israélien, peut-être, encore que…
Celui qui parlait n’avait pas cette raideur qui trahissait le soldat chez le géant. De plus, ses cheveux étaient coupés moins courts. La preuve, une mèche rebelle de teinte auburn venait parfois masquer des yeux gris-bleu vifs à qui rien n’échappait. Pourtant, il n’y avait aucun doute à avoir. C’était lui qui décidait, qui tranchait. Son visage paisible s’animait lorsqu’il abordait des sujets passionnants. Visiblement, l’homme était un Eurasien, un Chinois et un Anglais, à moins qu’il ne fût français. Pas américain, car il ne se comportait pas comme un Yankee.
Laissant là ses observations, Franz écouta attentivement les paroles de son interlocuteur. Il n’en crut pas ses oreilles. Mais non! Daniel Wu ne se moquait pas de lui. Il affichait le plus grand sérieux, malgré des propos pour le moins fantaisistes et surprenants. Non dépourvus d’une certaine logique, cependant. Sans vouloir se l’avouer, Franz se sentait…troublé. Certaines images remontaient à la surface de sa mémoire, refusant de se dérober davantage. Mais voilà! Était-il prêt à oublier son esprit cartésien? Les paroles de Daniel Wu lui ouvraient des abîmes de possibilités.
Après quelques phrases banales d’introduction, le commandant Wu était entré dans le vif du sujet. Parallèlement, il se permettait des petits coups de sonde télépathiques afin de connaître les réactions de Franz. Il savait que celui-ci l’identifiait dans son subconscient. Ayant terminé, il attendit avec confiance le verdict de l’Allemand.
- Monsieur, répondit Von Hauerstadt quelque peu mal à l’aise, le récit que vous venez de me tenir me semble tiré par les cheveux. Il s’inspire des élucubrations que n’importe quel adolescent peut lire dans une bande dessinée ou un « pulp ». Il a même un goût de « Star Trek », ce feuilleton américain qui passe actuellement aux States.
- Oh, je vois à quoi vous faites allusion, répliqua Daniel avec un léger sourire ironique. Mais vous devez me croire, monsieur le duc. Et je puis prouver ce que j’avance.
- Allez-vous me présenter un tour de passe-passe?
- Mieux que cela!
Le commandant Wu tira alors d’un sous-main une série de journaux et de magazines en français et en allemand.
- Voici pour vous. Soyez attentif au moindre détail.
- Ah! Un « Spiegel », deux exemplaires du « Monde », un du « Figaro » et même un « Die Welt ». Intéressant. Tous portent sur la crise boursière qui secoue la France. On y annonce que la bourse de Paris a fermé le 20 novembre, que le chancelier Kiesinger a refusé de réévaluer le Mark. Plus loin, il est rappelé que le président De Gaulle a, le 23 novembre, refusé la dévaluation du franc. Le lendemain, celui-ci a annoncé toute une série de mesures d’austérité : rétablissement du contrôle des changes, réduction des dépenses de l’État, augmentation de la TVA…Rien que de très classique, ma foi.
- Est-ce là tout ce que vous avez remarqué?
- Ah? Qu’attendiez-vous? Vous m’offrez sur un plateau non pas les nouvelles de demain, mais encore plus fort que René Clair, celles de la semaine prochaine! Bravo!
- Franz Von Hauerstadt, vous me décevez.
- Pourquoi? Je crois que vous avez voulu jouer un canular à mes dépens. Vous vous êtes tracassé pendant plusieurs jours et vous avez trouvé ceci.
- Dans quel but? Pourquoi m’en serais-je pris à vous?
- Ces journaux, ces hebdomadaires, vous les avez fait imprimer à mon intention. Un de mes amis a dû vous contacter pour organiser cette farce.
- Ah non! Cessons mutuellement de nous tromper! Vous m’obligez à révéler certains secrets que vous gardez précieusement enfouis. Est-ce que cet objet vous est familier?
- Mais c’est la clé de cristal!
- Oui, mais encore?
- Elle est la parfaite copie de celle qui met en fonction…
- Pourquoi hésitez-vous? Dites qu’elle met en fonction le translateur! Et il ne s’agit pas d’une copie!
- Comment savez-vous cela, et surtout, comment avez-vous pu vous emparer de cette pièce?
- Je ne l’ai pas volée, rassurez-vous, je l’ai héritée, de vous. Ni Stephen Möll, ni Michaël Xidru ne m’en ont fait cadeau.
- Unmöglich!
- Je viens du futur, et Benjamin aussi. Admettez-le. Mais pas du même futur que le petit-fils d’Otto. Sachez que je n’ai jamais rencontré, ni Stephen, ni Michaël, ni Archibald. Même si je puis vous donner de nombreux détails sur eux, sur leurs mésaventures, sur les vôtres… par exemple, vos tentatives pour changer le cours de l’Histoire, pour éviter une troisième guerre mondiale à la Terre…
- J’étais persuadé avoir échoué. Définitivement.
- Dans cette chrono ligne.
- Si vous en savez autant sur moi, sur mes amis, peut-être pourrez-vous me dire ce qu’il est advenu précisément d’Otto Möll.
- D’après les renseignements qui me sont parvenus par les disques de Sarton, votre ami est mort assassiné par un étrange automate du XVIIIe siècle, reprogrammé dans le futur. L’auteur de ce crime n’est autre que Johann Van der Zelden, un multimilliardaire américain à la tête d’un empire financier formidable. Johann n’a que l’apparence d’un humain. Il est l’incarnation du mal absolu, de l’Entropie.
- Même si j’accepte vos propos, même si je vous crois lorsque vous dites venir du futur, cela n’explique en rien que vous en sachiez autant sur mes démêlés avec Van der Zelden.
- Ailleurs, dans une autre chrono ligne vous avez connu Sarton. Celui-ci avait emprunté l’identité de Dick Simons.
- Je ne connais pas cet individu.
- Dans cette histoire…
- Soyez plus clair.
- Franz Von Hauerstadt, il n’y a pas qu’un seul cours du temps. Vous avez fréquenté Sarton à la fin des années 1940 dans une autre chrono ligne. Et vous m’avez déjà rencontré. Vous m’avez raconté tout cela. C’était un soir d’été de l’année 1966, dans une chambre toute tendue de bleu, au premier étage de cette demeure, alors que je déprimais. En fait, c’est mon double qui a vécu cela, mais au contraire de vous, j’en ai conservé la mémoire.
- C’est impossible.
- Puisque mes propos ne vous ont pas convaincu, je vais m’y prendre différemment Je vous propose un contact télépathique. L’acceptez-vous?
- Un contact télépathique, vraiment? Je préfère en rire. N’allez-vous pas tenter de m’hypnotiser?
- Jamais! Ce serait un crime abominable! J’ai une éthique que je ne trahis pas.
- Alors…essayons.
Daniel s’approcha du duc et lui serra la main. Celle-ci était tiède et sèche. Conservant toujours le contact, il ferma les yeux et plongea son esprit dans celui de l’Allemand. En quelques secondes à peine, il parvint à faire remonter à la surface de la conscience de Franz des images, des souvenirs, provenant d’autres destinées. Lorsque le commandant se décida à rompre le contact, Von Hauerstadt était pratiquement convaincu.
- Soit, j’accepte l’idée que je vous ai rencontré ailleurs, marmonna Franz, quelque peu dans l’expectative. Ou plutôt, il s’agit d’une partie de moi-même. Vous êtes venu me trouver parce que vous avez besoin de moi, de mes services. Or, j’ignore en quoi je puis vous être utile. Si, dans le cercle restreint des milieux scientifiques, ma réputation n’est plus à faire, par rapport à vous, à vos connaissances, naturellement, si vous dites vrai, je ne suis qu’un primitif à peine mal dégrossi.
- Je comprends parfaitement votre réticence. Tout d’abord, je ne suis pas venu les mains vides. Le translateur attend en pièces détachées dans la soute de mon vaisseau.
- Comment êtes-vous entré en sa possession?
- J’ai été le chercher sur la Lune avec Benjamin. Sarton l’y avait mis à l’abri des convoitises. Mais nous reviendrons sur ce problème du translateur plus tard.
- De quel exemplaire s’agit-il donc?
- D’aucun de ceux que vous avez utilisés dans cette histoire. Toutefois, ce prototype a bien été conçu et assemblé par vous dans les années 1970 de la seconde piste.
- Fonctionne-t-il?
- Probablement, mais j’ai besoin de vous pour m’en assurer.
- Qu’attendez-vous de moi, à part mon assistance technique?
- Votre hospitalité, mais vous ne perdrez pas au change, je vous le garantis. Même si mon vaisseau « Einstein » peut accueillir huit passagers durant un an, Violetta et Marie ne sont pas faites pour rester confinées aussi longtemps dans 40 m². Sans oublier mon chat!
- Vous serez mes hôtes autant qu’il vous plaira. Mais ensuite? Pourquoi ne pas avoir requis l’aide de Stephen Möll, l’autre inventeur du translateur. Ainsi, vous auriez eu une logistique bien plus appropriée à votre disposition.
Daniel ne put s’empêcher de ricaner doucement.
- Permettez, l’engin de Stephen n’a fonctionné que parce que Michaël y a apporté sa touche! De plus, le présent de Stephen n’est que chaos. L’ennemi que je poursuis n’agit ni dans cette sphère de temps, ni en 1968. Je ne pouvais vous contacter qu’en amont des actions de Pamela Johnson. Et vous étiez le plus accessible entre 1960 et 1970.
- Un détail m’intrigue, monsieur Wu…
- Daniel, s’il vous plaît.
- Pourquoi avoir récupéré le translateur? Cet appareil doit vous paraître terriblement archaïque, non? Un peu comme la première pascaline mise au point au XVIIe siècle! Si vous venez du XXVI e siècle, comme vous l’affirmez…
- Oh! N’en doutez pas!
- Et si vous êtes commandant dans la flotte interstellaire, vous devez maîtriser parfaitement le déplacement temporel! Comment avez-vous donc atterri ici, dans ce 1968?
- Quelques-uns d’entre nous savent effectuer des sauts quantiques ; mais la technique en est fort dangereuse. Pour voyager dans le passé, nous devons franchir la barrière de la lumière et nous déplacer à hyper luminique 17. De plus, cela n’est possible qu’à proximité d’une étoile. En quelque sorte, nous-nous jetons sur l’astre. Puis, à l’ultime microseconde, nous infléchissons notre course.
- Ah! Vous utilisez l’énergie de l’étoile.
- Pas seulement. Ses effets gravitationnels, sa masse, la pliure de l’espace-temps induite par sa présence et l’effet de fronde. Mais bien évidemment, avec une telle technique, le futur nous demeure inaccessible.
- Prodigieusement intéressant.
- Certes, mais ce moyen présente également d’autres inconvénients, soupira Daniel.
- Lesquels?
- J’hésite à vous en dire plus….Bah! Après tout, cette théorie a déjà été formulée par un de vos contemporains. Et notre présence ici à cette heure confirme la validité de celle-ci.
- Oncle Daniel, s’exclama Violetta, tu as changé le passé en venant ici, mais tu l’as aussi mis en résonance avec notre présent!
- Voyez, Franz, tout me pousse! Lorsqu’un de nos vaisseaux, pour une raison quelconque mais jamais futile, obtient l’autorisation de retourner dans le passé, puis, sa mission achevée, rejoint son époque, ce n’est pas tout à fait son monde qu’il retrouve. Son voyage l’a modifié, d’une façon minime. Les tempsnautes, excusez-moi ce néologisme, n’évoluent plus dans leur bulle temporelle originelle, mais dans une autre, très proche, presque semblable. L’Univers s’est adapté, car son tissu est élastique. Un léger accroc ne le détruit pas, il peut supporter quelques paradoxes. Si un léger incident se produit, instantanément, un Univers sosie se substitue au précédent et personne n’en a conscience, enfin, en temps normal!
- Sauf vous, jeta Franz avec ironie.
Pendant ce long échange, Benjamin avait emprunté un livre et s’était mis à le feuilleter. Il s’agissait des « Voyages de Gulliver » de Jonathan Swift. L’édition était datée de 1908. Le chat avait échappé aux bras de Violetta. Se faufilant jusqu’à la cuisine, il était en train de faire un sort à des cuisses de canard qui reposaient dans un plat.
- Franz Von Hauerstadt, au fond de vous, vous savez que vous existez dans trois chrono lignes au moins. Et ce que j’ai dit ne fait que refléter la théorie émise en 1967 par Andreï Sakharov et par Andreï Linde dans les années 1980.
- Ah, les univers bulles! Siffla le duc. Vous lisez les derniers articles d’astrophysique!
- Tout s’interconnecte dans une supra réalité. Les spéculations des deux soviétiques ont été étudiées attentivement par nos alliés les Helladoï. Sarton s’est penché sur cette question. Il a été l’élève d’un des plus brillants représentants de ce peuple, Stankin. Ce dernier mit au point à la fin du XXIIe siècle l’ancêtre du chrono vision. Et c’est cet appareil qui justement nous a permis de vous localiser.
- Et ce chrono vision, il ne sert pas simplement à focaliser sur une personne du passé et à la suivre à la trace, non?
- On peut résumer en disant que le chrono vision est une sorte de télévision ordinateur temporel. L’engin a mis en relief la théorie de Sakharov et de Linde, démontrant la réalité de ce qui jusqu’alors appartenait à la pure spéculation. Elle révéla que l’Univers portait mal son nom, qu’il n’y avait qu’une flèche du temps, mais une infinité. Les scientifiques Helladoï étudièrent les interpénétrations présentées par le chrono vision pendant plus d’un siècle. Ils comprirent que les Univers bulles étaient La Réalité. Ils saisirent aussi que lorsqu’on empruntait une direction, toutes les autres antérieures, non choisies, s’effaçaient de notre réalité immédiatement accessible. Toutefois, ailleurs, les choix ayant été différents, les sphères mondes résultant d’un autre arbre du temps, poursuivaient leur existence en toute autonomie.
- Lorsque vous dites arbre du temps, il s’agit d’un labyrinthe?
- Oui, mais à seize dimensions…oh, pardon, je n’aurais pas dû le révéler!
- Comment ces Univers sont-ils reliés entre eux?
- Les branches de l’arbre du temps ne sont jamais totalement élaguées. Elles demeurent dans un état latent, potentiel. En bref, les univers bulles sont reliés par des couloirs à l’échelle des quanta, et par des trous de vers au niveau macroscopique. Je ne puis être plus explicite. Je transgresse déjà suffisamment la règle fondamentale de l’Alliance.
- Tout ce que vous me révélez, tous vos propos se tiennent. Incontestablement, vous avez de grandes connaissances en science. Je vais donc vous croire. Ainsi, vous avez été capable de me trouver dans un cours du temps qui n’était pas le vôtre. Vous m’avez rejoint à partir d’un point nodal incontournable, là où les tensions sont telles qu’au niveau subatomique, vous les ressentez. Ce point nodal équivaut à une confluence des possibles. Prenons une image : supposons un fleuve qui, habituellement, voit ses eaux grossies par l’apport de nombreux affluents…
- Certes Franz ; mais là, le fleuve coule à l’envers et ses affluents s’éloignent au lieu de converger. Les points nodaux sont donc des confluents de divergence situés juste avant qu’ils empruntent des directions différentes.
- Merci pour ce complément d’explication. Mais je vous fais remarquer que vous ne m’avez toujours pas dit pourquoi vos contemporains et vous-même ne disposez pas d’un véhicule capable de se déplacer à volonté dans le temps, non pour le modifier, mais pour observer l’enchaînement des causalités, pour apprendre pourquoi par exemple l’Homme moderne a supplanté Neandertal.
- Après avoir utilisé le chrono vision et examiné les nombreux futurs potentiels de la galaxie, les Helladoï ont décrété que les voyages intra temporels ou transtemporels devaient être rattachés aux domaines dangereux, ceux des recherches interdites. Quiconque s’aviserait de transgresser cet ordre impératif risquait alors la condamnation la plus sévère, la cryogénisation. Il fut pourtant un Hellados qui, ignorant cette interdiction, se permit, pour le bien de son peuple, celui de l’espèce humaine, mais également pour l’avenir de la Voie Lactée, de ne pas obéir. Il s’éleva contre les manœuvres des Haäns qui ne se gênaient pas pour substituer une réalité à une autre. Sarton a rétabli ainsi l’équilibre dans un univers bulle. Mais pour un instant, hélas! A leur tour, d’autres ennemis de l’Alliance ont agi avec comme arme Pamela Johnson. Dotée de la faculté de transdimensionnalité, elle a introduit des Aruspuciens sur mon vaisseau. Découverte, elle a fui vers le passé de la Terre, en ayant pris mon fils comme otage, dans le but de chambouler une nouvelle fois le continuum espace-temps. Et comme elle se déplace librement dans le fleuve temporel, ce qui n’est pas mon cas, je suis venu demander votre assistance.
- Vous pouvez compter sur moi, dit Franz fermement.
Pour lier cet accord, le duc donna franchement sa main à serrer à Daniel Wu.

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