samedi 21 octobre 2017

Un goût d'éternité 2e partie : Cécile : 1918 (2).



Noël 1918 ne fut pas véritablement célébré par la famille von Möll, le décès de Wilhelm étant trop récent. Les von Möll ne recevaient pas.
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/15/Toussaint_1888_800.jpg/300px-Toussaint_1888_800.jpg
 Néanmoins, Johanna, connaissant ses devoirs de maîtresse de maison, rendit visite à quelques personnalités de Ravensburg. Pour ces sorties, la jeune fille en deuil savait allier le chic à la tristesse. Elle arborait une nouvelle robe noire à traîne en velours et hermine doublée de soie bleue. Cette robe se relevait en V sur une jupe de tulle saumon brodée de fleurettes noires. A la taille, quatre roses en bouquet et, sur le côté droit, au bas du jupon, une guirlande de roses assorties à la couleur de la tulle. Comme il se devait, la tenue était complétée par un chapeau noir en forme de capeline agrémenté d’une guirlande de roses et d’un nœud pareil à la teinte de la doublure de la robe. Quant aux pieds, ils étaient chaussés de lourdes bottines noires. 
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/7/75/Inconsolable_grief.jpg/220px-Inconsolable_grief.jpg

*****

En ce mois de juillet 1993, deux questions lancinantes obsédaient Stephen Möll.
Pourquoi Michaël disparaissait-il ainsi ? Où se rendait-il précisément ?
Il fallait au professeur résoudre ce mystère qui l’agaçait. Il en venait à oublier de corriger les copies d’examens de ses étudiants.
Or, dans les rares moments de présence de l’agent temporel chez lui, à LA, Stephen n’osait pas l’interroger.
Tant bien que mal, le chercheur dissimulait et sa curiosité et sa nervosité à son hôte. Après tout, ce que faisait ce dernier ne le regardait pas, non ? De toute façon, c’était à peine si l’homme du futur prêtait attention à Stephen.
Après trois jours de cogitation, de chewing-gums mastiqués, de sachets de pop-corn avalés, de canettes de soda vidées, le professeur Möll crut pouvoir résoudre la manière dont il allait pister l’agent temporel.
Alors que Michaël prenait sa douche matinale, pour mémoire, l’homme du futur était pleinement incarné en Homo Sapiens lorsque cela était nécessaire, le savant américain parvint à coudre à l’intérieur de la ceinture du pantalon de l’agent temporel un mini pisteur espion électronique relié à l’ordinateur portable de Stephen.
Michaël, en état dépressif, avait-il donc perdu tous ses dons, et notamment celui de détecter le petit engin ?
Il disparut subitement, une fois sa douche achevée, ignorant qu’il était pisté par le professeur.
Enfermé à clef dans son bureau, Stephen eut vite les coordonnées du voyage temporel de son parent éloigné. 1187, France, Soligny, Normandie. 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/39/Abbaye_de_la_trappe_soligny.jpg
- Gosh ! J’hallucine… mais que va-t-il foutre à cette époque si reculée ? dans un trou pareil ? J’ignorais qu’il existait d’ailleurs… je ne le comprends plus… maman pense qu’il est amoureux… elle a peut-être raison après tout… Il en a tous les symptômes… ah ! La vache ! Si c’est le cas, dès son retour, je lui administre la plus belle raclée de sa vie… Bon sang ! Lui a le droit d’aimer une fille de ce passé barbare et moi je ne pouvais rester avec Cécile ? Ce fumier va me le payer…
L’intuition d’Anna Eva avait été bonne. Michaël, surmené, déboussolé à l’idée de la mission qui l’attendait, stopper le maximum de missiles à têtes nucléaires afin d’épargner un maximum d’Homo Sapiens de l’holocauste atomique, avait éprouvé de prendre un peu de repos loin de ce XXe siècle fou, loin de toute technologie avancée.
Or, maintenant, après avoir multiplié les visites dans ce coin perdu de Normandie, notre agent temporel ne pouvait plus se passer de la présence d’une certaine damoiselle Aliette de Painlecourt,
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/2/26/Angers_Cathedral_sculpture_at_west_door_TTaylor_bliaut.jpg/320px-Angers_Cathedral_sculpture_at_west_door_TTaylor_bliaut.jpg
 héritière d’un solide château-fort muni d’escarpes, de contre-escarpes, d’un fossé, d’un pont-levis, d’un donjon, de mâchicoulis, de créneaux et de tout le bataclan… Chaque fois qu’il gagnait l’an 1187, il se sentait heureux, nonobstant le père d’Aliette un baron tout puant et de son épouse, une matrone de première…

*****

1919.

Lors de la Conférence de la Paix qui se tenait à Versailles, le Président du Conseil français Clemenceau exigea des réparations financières incroyablement élevées à l’Allemagne. Le pays fut d’ailleurs reconnu comme unique responsable du conflit. 
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/4/49/Georges_Clemenceau_1.jpg
Or, aussi absurde que cela pût paraître, David van der Zelden, qui, en tant que fiancé officiel de mademoiselle von Möll résidait désormais à Ravensburg, approuvait l’attitude de la France et le faisait hautement savoir. Mais pourquoi donc ?
Dans son for intérieur, notre trafiquant d’armes pensait que plus Clemenceau se montrerait intransigeant, plus son attitude allait exacerber la colère et le nationalisme des Allemands. Alors, il y aurait une nouvelle guerre dont il souhaitait qu’elle ait lieu le plus rapidement possible. Ainsi, il pourrait conclure de mirifiques contrats qui établiraient sa réputation et l’enrichiraient davantage.
Johanna ne parvenait pas à saisir tout cela, ces raisons machiavéliques affichées par David. 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5d/LadyDuffGordon-1919.jpg/170px-LadyDuffGordon-1919.jpg
Les disputes s’enchaînaient. Mais elles n’allaient pas jusqu’à rompre le lien qui unissait les deux jeunes gens.
- Mais David ! Enfin ! Vos propos sont révoltants. Peut-être cela vient-il de votre nationalité hollandaise ?
- Pas du tout, ma chère… je suis un homme de sang-froid qui réfléchit posément et voit loin dans le futur.
- Vous ne pouvez réellement comprendre ce que ressent dans son cœur et dans sa chair tout bon patriote allemand. Ce dont je suis ! De plus, nous n’avons pas perdu cette guerre.
- Ah ? Comment cela ?
- Mais oui, David. Ce sont les socialistes, les financiers et les ouvriers qui nous ont trahis. La juiverie internationale…
- Euh… vous voyez des complots partout, ma chérie. Ne vous mettez pas dans des colères pareilles. Cela nuit à votre santé. Je suis certain que votre pouls bat trop vite en cet instant.
- Je m’en moque…
- Pas moi. Je suis soucieux de votre bien-être. Mais je pense juste quoi que vous en disiez. Il est vrai que je n’ai pas la nationalité allemande. Mais une chose me guide…
- Laquelle ?
- Mon amour pour vous. Je veux être riche pour vous, pour ne pas vous faire honte et vivre à vos crochets lorsque nous serons unis. Je vous aime tant…
- Oh ! David ! vous réchauffez mon cœur. Mes mains glacées…
- Johanna, vous méritez ce qu’il y a de plus beau, de plus luxueux. Les chaudes fourrures de zibelines ou de renards bleus, les rivières de diamants, les dentelles les plus fines et les plus travaillées. Vous devez vivre dans la haute société et ne pas rester cantonnée dans cette bourgade si provinciale !
- Oui, c’est ce que je souhaite… mais, pour l’instant, je suis enfermée ici, à cause de mon deuil. Je vous promets que celui-ci achevé, j’irai à Berlin, en Suisse, sur la Côte d’Azur, à Monte Carlo…
- Je songeai surtout à la fréquentation de salles d’opéras, à la jet set d’un soir de grande première, aux repas mondains en compagnie des puissants de ce monde…
- Je n’y ai pas renoncé, mon cher… pas du tout.
- Tant mieux. C’est pour que vous puissiez briller dans la haute société que je passe mon temps à aligner des colonnes de chiffres et à voyager par monts et par vaux.
- Oui, David, je comprends mieux. Mais pas au prix de l’honneur allemand.
Piikin allait se mêler de rétablir la paix dans le futur ménage. Ses ordres reçus étaient stricts. Il fallait à tout prix que mademoiselle von Möll épousât le sieur David van der Zelden. Ainsi, il parvint à convaincre Johanna de la justesse du raisonnement de son fiancé. Après tout, l’Allemagne n’avait pas été vaincue sur son territoire. L’incroyable insolence des Français allait réveiller le peuple germanique qui vengerait magistralement l’armistice honteux de novembre 1918…


*****

Septembre 1935. Quelque part dans les Alpes bavaroises. Dans le riche pavillon de chasse des von Hauerstadt.
Karl avait une dispute homérique avec son fils aîné Franz. C’était bien la première fois que le jeune homme, âgé de dix-sept ans le décevait ainsi. En effet, après avoir forgé un faux vraisemblable, l’adolescent était parvenu à s’enrôler dans la toute nouvelle Wehrmacht. Sur les papiers, il était dit que Franz avait dix-huit ans révolus.
- Franz, ce que vous venez de faire est honteux.
- Honteux ? Je ne comprends pas. Vous avez des mots durs, père. Honteux, prendre l’uniforme, s’engager dans l’armée de la revanche ?
- Oui, honteux ! La Wehrmacht n’est pas une armée digne des armées d’autrefois…
- Vous vous trompez. Je veux redonner au nom des von Hauerstadt le lustre des siècles passés. Je veux être un soldat de métier, un officier. Votre grand-père ne s’est-il pas illustré en 1870 ? Il ne s’est pas autant posé de questions. Il a compris où était son devoir. Vous m’avez rabâché les oreilles de ses exploits durant des années. Quant à votre homonyme, Karl, en 1814, il s’est illustré contre le général Bonaparte…
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/b9/Bl%C3%BCcher_%28nach_Gebauer%29.jpg
- Franz, cette armée n’est pas l’armée de l’Allemagne ! Elle est commandée par des bandits, des voleurs, des soudards… elle a prêté serment de fidélité à ce Hitler, ce vagabond qui désormais se trouve à la tête de notre malheureux pays.
- Ne parlez pas ainsi de notre bien-aimé Führer ! Il saura rendre sa gloire à notre patrie. 
 http://medias.unifrance.org/medias/87/106/92759/format_page/media.png
- Vous croyez cela ? Vous êtes un naïf, Franz. Qui vous a embrigadé ? Lessivé le cerveau ?  Hans-Werner ? J’aurais dû mieux surveiller vos fréquentations. Cette Wehrmacht n’apportera à notre pays que le déshonneur. Vous verrez que j’ai raison. Mais il sera trop tard… Trop tard pour l’Allemagne, trop tard pour vous… vous vous retrouverez souillé à jamais… maudit peut-être… ah ! Vous brûlez de faire la guerre, de combattre… contre qui d’abord ?
- Vous le savez fort bien, père…
- N’importe quoi, Franz ! Contre les Français ? Mais votre mère est française… vos racines sont françaises.
- Oui, les Français actuels, père… ils sont dégénérés, ne pensent qu’à faire la grève… Ils sont manipulés par les Juifs… ils sont enjuivés eux-mêmes…
- Dieu du ciel ! Franz, vous entendez-vous proférer ces sottises ? Ah ! Que de sornettes ! Vous buvez les inepties de cet histrion, vous le voyez en sauveur, en messie… que sais-je encore ? Ce qu’il faudrait à notre patrie, ce sont des hommes courageux pour renverser ce dictateur, ce fou ! Des hommes capables de se battre contre ces hordes de sauvages qui ont ensanglanté nos rues…
- Père, vous ne saisissez rien. Vous appartenez au passé. Je fais partie de cette jeunesse qui n’a rien oublié, qui veut forger un homme nouveau…
- Cette jeunesse qui a perdu tout sens critique, qui ne fait plus la différence entre la liberté et la sujétion. Cette jeunesse qui est robotisée… asservie à un usurpateur dément qui n’apportera à l’Allemagne et au monde que du sang, des cendres et des larmes.
- Père, rappelez-vous 1918…
- Vous n’avez pas à me donner de leçons. J’y étais sur le front, moi.
- Oui, vous avez accompli votre devoir et même davantage… Rappelez-vous aussi 1923, combien nous avons alors été humiliés… nous avons été vendus par l’aristocratie financière.
- Cette aristocratie financière qui vous nourrit, qui vous vêt, qui vous fait profiter de tout le confort moderne… mais quelle idée avez-vous donc de 1918 et de 1923 ? Votre tête est farcie de mensonges. Ce Hans-Werner, je ne veux plus le voir ici, chez moi. Franz, je vous somme de vous ressaisir, de vous réveiller.
- Je me trouve très lucide, père.
- Je vais mettre opposition à votre enrôlement, Franz. Après tout, vous êtes mineur, vous dépendez de moi.
- Père, désolé de vous décevoir, mais vous ne pourrez rien faire. Mon engagement est valable. Il n’y a que ma date de naissance qui a été trafiquée. Hans Werner m’a affirmé que vous serez impuissant à invalider mon enrôlement.
- J’essaierai malgré tout.
- Inutile, père.
- J’ai compris. Quand partez-vous ?
- Dès demain matin, à l’aube.
- Dans ce cas… faites comme vous l’entendez. Mais votre fanatisme vous a fait oublier votre mère. Vous ne rêvez que de combats glorieux, prouesses courageuses et décorations… contre les ennemis du Reich, contre votre seconde patrie… dites-moi, mon fils, ces ennemis sont-ils réellement ces pauvres marchands, commerçants et artisans juifs ? Ces socialistes pourchassés et enfermés dans les camps comme Dachau ? A mes yeux, ils ne réclamaient qu’un meilleur niveau de vie pour leurs semblables… Vous pensez à la Russie, sans doute… avec Staline… qui déporte tous ces Koulaks, ces paysans, les opposants au régime… des opposants créés de toute pièce.
- Oui, père…
- Mais avant tout, vous cernez les Français, vous refusez le Diktat de Versailles.
- Tout à fait…
- La guerre, vous la souhaitez, vous l’anticipez… oui, vous irez vous battre, contre votre oncle maternel, vos propres cousins… peut-être vous retrouverez-vous un jour face à eux… alors, aurez-vous le courage pour en descendre un, en abattre un comme un animal nuisible ? Sur la Somme, sur la Marne, les proches de votre mère Amélie, vous affronteront.
- Mère…
- Mère… oui, votre mère sera morte de désespoir entre-temps…
- Je…
- Ah ! Vous ne savez plus quoi dire, soudain…
- J’aime ma mère, monsieur, n’en doutez pas.
- Dans ce cas, restez.
- Et me désavouer ? Jamais !
- Franz, ah, Franz ! Que puis-je dire à Amélie ? Que je vous ai chassé parce que vous avez commis la plus grande connerie ?
- Père !
- Oui, la colère me fait devenir grossier. Partez, Franz, partez vite… je ne vous chasse pas mais…
- Mais quoi ? Je puis revenir tout de même, pour voir ma mère au moins ?
- Oui, pour voir votre mère lors de vos permissions. La maison vous sera toujours ouverte… mais, désormais, vous n’êtes plus mon fils, et lorsque vous séjournerez ici ou ailleurs, dans une de nos propriétés, je vous éviterai…

*****

En ce début d’été 1919, Waldemar et Otto von Möll débarquaient enfin dans un port britannique. Ils avaient été retenus longuement en Irlande qui connaissait une sanglante guerre d’indépendance. Pour tous bagages, ils ne possédaient qu’une vieille valise cabossée contenant leurs maigres effets. Waldemar n’avait en poches que deux livres. Avec une telle somme, il était difficile d’aller loin, de se loger et de manger. C’était tout juste le salaire hebdomadaire d’un policier londonien. Courageusement, ils décidèrent de se rendre à pieds à Londres…
Pour y parvenir, ils durent travailler dans les champs, dormir à la belle étoile, se transformer en chemineaux.
Puis, un matin d’août, les deux Allemands renégats atteignirent la capitale londonienne. On leur aurait fait volontiers la charité. Waldemar parvint à dégotter une sordide chambre meublée dans le quartier de Soho.
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/9/91/Walker%27s_Court%2C_Soho_%2810%29.JPG/220px-Walker%27s_Court%2C_Soho_%2810%29.JPG
 Si Otto parlait plus que correctement l’anglais malgré un léger accent teuton, ce n’était pas le cas de son père. En effet, Waldemar avait effectué des études classiques sur le plan linguistique. Il s’exprimait couramment en français, en latin et en grec, mais en anglais, il ne connaissait que les termes techniques ou scientifiques.
Toutefois, les deux von Möll étaient des battants. Le plus jeune réussit à décrocher une place de commis dans un grand entrepôt de marchandises et sur son maigre salaire, une livre et demie par semaine, il se mit à économiser afin de trouver un logement plus correct.
Waldemar, quant à lui, se plongea dans l’étude de l’anglais. Le soir, à la faible lumière d’une ampoule de 25 watts, il faisait ses exercices de langue alors que son fils se penchait sur des livres de physique empruntés à la bibliothèque du quartier.
Prenant sur lui, le jeune homme de vingt ans écrivit une lettre à la célèbre université de Cambridge, sollicitant son admission en son sein en tant qu’étudiant boursier étranger. N’avait-il pas réussi le concours d’entrée quelques années auparavant ?
Faisant jouer ses divers diplômes obtenus tant à Berlin qu’à Munich, Otto parvint à son but. Waldemar y était également pour quelque chose dans ce succès. En cachette d’Otto, s’humiliant, Waldemar s’en était allé voir le doyen de l’Université de Cambridge et avait plaidé la cause de son fils. Le vieil homme, gentleman d’autrefois, fit plus. Il accorda aussi une place de répétiteur à monsieur von Möll, le fils cadet du défunt baron Rodolphe von Möll avec qui il avait entretenu une relation épistolaire durant deux décennies.
Ainsi, les ennuis financiers des deux exilés prenaient fin.
Parallèlement, Johanna von Möll épousait David van der Zelden le 5 août 1919. 
https://i.pinimg.com/originals/68/54/94/685494c89b0b3e3d6b52c6ce53a7d77e.jpg
Cependant, toute gaité était absente lors de la célébration des noces de la plus riche citoyenne de la petite ville de Ravensburg. En effet, aux côtés de la jeune mariée, ne se trouvaient que sa grand-mère Gerta et sa mère Magda, la veuve du baron Wilhelm. Quant à David, il avait invité deux cousins éloignés à assister au mariage. Avec embarras, il avait dû expliquer aux von Möll qu’il était fâché avec le reste de sa famille à cause de sa profession. Bien piètre excuse pour justifier l’absence de ses géniteurs pourtant encore en vie.
Malgré une toilette luxueuse, une robe toute en dentelles brodées et rebrodées, la jeune épousée ressemblait plus à une poupée de porcelaine qui pouvait être brisée à tout instant qu’à une heureuse mariée.
Or, cinq jours plus tard, malgré son âge avancée, Gerta von Möll partit rejoindre son fils survivant Waldemar, à la grande colère de sa petite-fille. Johanna ne parvint pas à dissuader son aïeule de changer d’avis.
Pendant ce temps, les événements historiques suivaient leur cours. Ainsi, en France, la chambre bleu horizon voyait le jour, contentant les plus folles espérances d’une droite revancharde.

*****

14 Juillet 1993. France, Paris…
Un horrible attentat, dépassant les bornes des dernières atrocités de ce XXe siècle finissant venait d’avoir lieu lors du bal célébrant la Fête nationale. Deux voitures piégées avaient explosé faisant plus de trois cents morts et un millier de blessés.
Du monde entier, frappé de stupeur et d’indignation, les soutiens et les aides affluèrent alors que l’attentat n’était pas revendiqué.
Le gouvernement français, dépassé, risquait d’être renversé. Le premier ministre accusa, au hasard, lors des séances extraordinaires qui suivirent au Palais Bourbon 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ab/Palais_Bourbon_Assembl%C3%A9e_nationale.JPG
et au Palais du Luxembourg, dans le plus grand désordre, les séparatistes basques, les indépendantistes corses, les nationalistes bretons, les groupes d’extrême-droite ou d’extrême-gauche, les groupuscules fascistes, les Libyens, les Iraniens ou encore les Bulgares, les Palestiniens ou les Syriens. Puis, l’état d’urgence fut décrété à l’unanimité, et ce, pour une durée de trois mois.

*****