samedi 16 octobre 2010

Mexafrica 2e partie : Chercheurs d'or 1936 chapitre 13


Chapitre 13
A bord du vaisseau Langevin, Penta pi mit son plan à exécution contre les guerriers mâles Velkriss, immobilisés par la phase de reproduction. Il lui fallait empêcher les insectoïdes de féconder les soldats femelles. Ces dernières, attirées par les chants et les phéromones des mâles, ne tarderaient pas à rejoindre leurs partenaires. Le temps pressait: déjà, des essaims nuptiaux se constituaient dans les secteurs contaminés comme les tubes d’aération, les câbles optiques des ordinateurs, l’holobibliothèque, les douches, les jardins hydroponiques, etc. Comme on le voit, la ponte exigeait chaleur et humidité.
Penta pi se déphasa en autant d’exemplaires qu’il y avait d’essaims. Puis, ses alter egos démultipliés créèrent des champs dits de contention distorsionnelle régressifs, autour des foyers contaminés et des mâles chanteurs. Pris au piège, les Velkriss, guidés par l’instinct, reconstruisirent à la va-vite des cocons chrysalides de protection. Ils pouvaient ainsi attendre plusieurs années la fin de tout danger. Naturellement, les essaims dissociés voyaient leurs composantes redevenir larves ou mouraient en se desséchant à une vitesse accélérée; Ainsi, un peu partout, des dépouilles aux chitines racornies tombaient en poussière, un peu comme des peaux mortes abandonnées.
Pourquoi une telle hécatombe? La vision stéréoscopique des Velkriss était tout simplement impuissante à détecter un être déca dimensionnel déphasé agissant sur plusieurs plans d’existence à la fois. Par contre les moniteurs de l’IA hyper positronique suivaient sans problèmes la progression de Penta pi.
Ce dernier semblait sur le point de réussir lorsque l’Intelligence Artificielle signala soudainement un grain de sable: on venait de violer les codes de téléportation!
Au centre de commandement, Benjamin tenta bien de remédier à ce viol en programmant de nouveaux codes mais en vain! Il n’eut d’autre choix que de lancer une alerte optimale de sécurité. La Dimension p en son entier intervenait! C’était une intelligence collective capable de réorganiser toutes les particules subatomiques, donc de modifier la réalité perçue par les êtres carbone. N’ayant nul besoin de téléporteur, les p se retrouvèrent à bord du Langevin, au sein même de l’IA, et, plus rapides que la lumière, ils la ralentirent en parasitant l’ordinateur central au niveau des circuits décisionnels quantiques. Ensuite, les semi-entités n’eurent plus qu’à téléporter l’état-major Haän, les dissidents Castorii, et la reine suprême des Velkriss qui répondait au nom de Shi-Ka-Aa-Ta. La créature ressemblait à une mante religieuse à l’abdomen proéminent, couleur bronze, et était gorgée d’œufs à en éclater!
Réussissant n’afficher nulle émotion et nulle surprise, Benjamin se retrouva en présence de Tsanu XIII Gaachak en personne, l’ancien baron Opalaanka dans une précédente histoire qui, ici, sévissait au XXVIIIe siècle. Le Grand des Grands, le Noble parmi les Nobles, ne poursuivait qu’un seul but: restaurer la grandeur Haän quel qu’en soit le prix! Ce dernier avait fait ses classes auprès de Maximien dans un temps dévié où triomphait la Guilde de Penkloss. Magnifique, imposant dans sa broigne caractéristique traditionnelle, ses larges épaules recouvertes d’une peau de Kruhhm, lion des cavernes vivant sur Haäsucq, Sa Splendeur dégageait une odeur puissante à la suite de la dépouille du fauve qui la parait.
Un peu en retrait derrière le Suprême des Suprêmes, l’éblouissant Gaachak, se tenait le tribun et Prætor Sertorius, d’une taille nettement moins imposante mais les cheveux gris et le nez busqué. Comme on le voit, le chef des Castorii dissidents était loin d’avoir la superbe de Tsanu XIII! Tout à fait à l’arrière à la suite de sa masse, Shi-Ka-Aa-Ta siégeait, à demi allongée, sur un palanquin véritablement monstrueux! La reine des reines ne cessant de pondre, les effluves de la passerelle devenaient tout à fait insupportables à inhaler!
Avec une demi-seconde de retard, pi Septimus, le deus-ex-machina se matérialisa à son tour. Il avait emprunté les traits de l’homme politique français Chaffouinard, cet homme veule, hypocrite, émetteur de sentence à ses heures. Les mains de Benjamin lui brûlaient. Il rêvait de fesser l’importun qui était vêtu tel un Optimates de la République romaine agonisante!
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Seuls les homunculi transdimensionnels de Danikine auraient pu empêcher les p d’obtenir une victoire aussi éclatante. La première phase du plan de la coalition hétéroclite et de circonstance s’achevait donc par la prise prévisible du Langevin. La seconde ne serait accomplie que par la reconstruction intégrale du bio translateur et la capture de Daniel Wu dont l’ADN aux redoutables propriétés devait servir de catalyseur permettant ainsi la colonisation biologique de tout le Pan trans multivers dans ses infinies possibilités. Voilà pourquoi s’étaient alliés les arthropoïdes, les Haäns, les Castorii et les pi. En fait, la Dimension, tel un enfant gâté, s’ennuyait ferme et complotait dans plus de neuf mille chronos lignes. La réussite finale de ce plan ourdi de longue haleine reposait entièrement sur les épaules de Zoël Amsq. Ce parvenu à l’identité douteuse se servait de Merritt qu’en réalité il méprisait profondément, mais aussi de p Sigma et d’Hepta pi. Ces derniers, loin d’être dupes, instrumentalisaient le chercheur.
Tandis que pi Septimus, agissant avec sans-gêne, s’asseyait avec désinvolture sur le siège dévolu au commandant du Langevin, le capitaine Sitruk utilisait secrètement son vocodeur subvocal pour transmettre ses ultimes ordres à Penta pi et au docteur di Fabbrini. L’entité obéit immédiatement et cessa de détruire les essaims Velkriss. Ensuite, ayant rejoint l’infirmerie principale, il aida Lorenza à la mise en place du protocole de sauvegarde de la mémoire centrale du vaisseau. Cette tâche fut possible car la Dimension avait déserté les circuits de l’IA croyant détenir une pleine et entière victoire.
- Le transfert des codes de préservation dans l’ordinateur médical est enfin achevé! Fit la jeune femme avec un soulagement marqué. Maintenant, pour forcer la nouvelle programmation, il faudrait au moins une journée standard à vos frères!
- Bien plus, très chère! Cela nécessiterait la présence de Daniel Wu lui-même! J’ai imité ses schémas de pensée. Après tout, je l’ai pratiqué durant de longues décennies et les miens ignorent ce dont je suis en fait capable, leur ayant dissimulé l’essentiel!
- Mais les vôtres vont s’apercevoir de votre intervention. Ils vont vous condamner.
- Ne le suis-je pas déjà? J’en ai assez de vivre une existence ennuyeuse depuis plus de cinq milliards d’années sans pouvoir changer véritablement les choses, hésitant à reformuler les lois de la physique, voyageant d’un Univers limité à un autre, sans rencontrer l’interlocuteur capable de comprendre mon profond sentiment de vacuité, sans guide, sans consolation… Je me sens bien seul dans ma triste et inutile errance. Lorsqu’enfin je pense toucher au but, je me rends compte que j’ai eu bien tort d’ignorer ces amibes, ces microbes humains, si semblables à moi pourtant, et qui transcendant leurs défauts, valent plus que moi…
- Vous allez donc accepter sans vous défendre la mort administrée par vos frères?
- Pourquoi pas! Ce sera une expérience de plus, voilà tout! L’expérience ultime! Cela me réjouit!
- Penta pi, pardonnez-moi. Je vous ai méjugé!
- Non! Au contraire! C’est à votre contact que j’ai évolué! Mais trop tard!
- Merci! Merci pour tout, Penta pi!
- Vous osez me remercier de cet échec?
- Ici, vous le savez tout comme moi, l’échec n’a que peu d’importance! La partie se joue ailleurs!
- Et quelle partie! Splendide! Vous en verrez la fin, ma chère! Je vous envie!
Avec une émotion sincère, Lorenza serra fortement la main d’Axel Sovad, la retenant quelques secondes. Lorsqu’elle relâcha la pression, deux p venaient chercher le félon.
Sur la passerelle, le capitaine Sitruk avait été proprement dépouillé de son vocodeur et bâillonné et ligoté sans ménagement. Officiellement, le Langevin s’était rendu. Mais Sertorius avait été blessé par un tir de fuseur et un garde du corps Haän avait été abattu par le sergent Kutu. Désormais, le Kronkos gisait sans connaissance sur la console tactique après avoir été assommé mentalement par p Septimus. Le premier acte semblait s’achever.
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En 1961, Sun Wu avait tenu sa promesse et même davantage. Le vieux chef de la triade désirait par-dessus tout accéder au pouvoir suprême et, pour cela, il lui fallait « ménager » son descendant! Parallèlement, Sun, muni des renseignements fournis par Michaël, avait décidé d’enquêter sur Zoël Amsq et l’Empire Haän. Pour lui, la ruine, l’anéantissement de ses ambitions ne pouvait provenir que des agissements de Zoël. Le chef du Dragon de Jade jeta toutes ses troupes sur la piste du chercheur dévoyé. Les informations récoltées bouleverseraient le sens des mésaventures de l’équipage du Langevin!
Pendant que d’autres fils se nouaient, TQT et ses sbires dépités du fait que Daniel Wu et Franz Von Hauerstadt leur avaient échappé du fait de l’intervention d’adversaires imprévus, démobilisés, avaient choisi de regagner l’année 1999 afin de soigner leurs plaies et de revoir leur stratégie.
Les chefs des ultralibéraux commirent l’erreur de terminer leur séjour à l’auberge de l’Aubépine fleurie alors que Fouchine s’était, lui, empressé de prendre la fuite avec un otage, et quel otage, et que Amsq et Merritt avaient proprement disparu à bord de leur vaisseau du XXXe siècle!
Chez Von Hauerstadt les cadavres des commandos morts lors de l’attaque avaient été désintégrés et tout avait retrouvé un aspect habituel. La technologie du XXVIe siècle avait ceci de merveilleux c’est qu’elle pouvait dupliquer à peu près tout ce qui existait.
Mais revenons à TQT et à ses sbires. Un somnifère versé habilement dans les boissons de ces messieurs suffit à l’expert en poisons Sun Wu pour capturer les téméraires et les livrer ensuite à Daniel.
Au lieu d’ouvrir les yeux dans une chambre douillette avec un lit plus que confortable, muni d’un double édredon, d’une couverture en pure laine, d’un oreiller en plumes d’oie, les sectateurs de Thaddeus von Kalmann, l’esprit embrumé, se réveillèrent dans un lieu beaucoup moins agréable, même pas digne d’un bouge de la Cour des Miracles! Les ultralibéraux crurent reprendre conscience dans des cachots, style ceux de la Conciergerie ou du Luxembourg aux plus belles heures de la Grande Terreur! Dans ces prisons sordides reconstituées, seuls les rats et les parasites tels que poux, punaises et puces manquaient apparemment à l’appel. Diable, il fallait rester civilisé, n’est-ce pas?
En fait, ce qui allait suivre n’était guère plus qu’une leçon grandeur nature, quoique… Avec Antor en Deus ex machina…
En attendant un procès éventuel, les prisonniers se lamentaient abondamment, affalés sur la paille, totalement dépassés par les événements, légèrement amnésiques, ne comprenant pas comment ils avaient pu atterrir dans cet endroit sinistre et sordide.
Après quelques trop longues heures d’inquiétude sourde, se transformant en angoisse, trois jeunes gardes, bonnet phrygien enfoncé sur la tête, vinrent chercher la fournée du jour de l’abbaye de monte-à-regret afin de la faire comparaître pour la forme devant le trop célèbre Tribunal révolutionnaire parisien, présidé par le fameux Hermann.
Le jugement était couru d’avance puisque les avocats de la défense avaient été supprimés. Il fallait améliorer l’efficacité dudit tribunal. Deux sentences s’offraient au jury tout acquis à la révolution la plus sanglante: l’acquittement ou la mort par décapitation par le rasoir national.
Peperoni, TQT, Navon et Tagawashi traînaient les pieds; comme on les comprend! A peine quelques minutes plus tard, les hommes politiques se retrouvèrent, tout tremblants, devant l’illustre Accusateur public, Fouquier-Tinville, de sinistre mémoire! Le conventionnel Barère, membre du Comité de Salut Public,
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espionnait pour ses confrères; l’assistance était composée de quidams, de tricoteuses, tous de parfaits inconnus aux yeux de ces hommes du XXe siècle.
Le procès débuta en français. Miracle! Les accusés comprenaient tout ce qui se disait!
Le cas d’Olympio Peperoni fut examiné en premier. L’Italien corrompu, son sourire « cheese » évanoui, n’en menait pas large. Depuis le temps qu’il échappait à la justice, il s’était persuadé que cela durerait toujours!
Toutefois, au début de l’interrogatoire, notre histrion commença par crâner, ne voulant pas montrer sa peur. Il se moqua ouvertement de l’Accusateur public. Celui-ci, impassible, n’en continua pas moins ses questions tout à fait inquisitoriales. Le bougre était bien renseigné!
Chacune des mauvaises réponses de Peperoni entraînait systématiquement un méchant coup de pique dans les reins. Peu à peu, le dos en sang, il perdit sa morgue et reconnut tous les chefs d’accusation, même les plus incroyables, sans barguigner! Adoration du veau d’or des ci-devant, utilisation de moyens et de soutiens mafieux afin de parvenir tout d’abord au pouvoir puis, ensuite, de s’y maintenir, promotion de la politique des privilèges pour une poignée aux dépens des couches populaires, subornation des esprits par des divertissements débilitants diffusés à longueur d’années sur des chaînes de télévision, propriétés du « facchino Olympio », soirées jet set aux frais de la princesse avec de fort jeunes délurées, et ainsi de suite…
La sentence de mort sans appel fut prononcée d’une voix coupante.
Ensuite, le condamné fut ramené, ligoté, dans sa cellule aux murs nus, tachés de salpêtre.
Alors que son esprit vagabondant, Peperoni tremblait d’un effroi incontrôlé devant le sort abominable qui l’attendait, il eut la surprise de voir le décor qui l’entourait se modifier! Lui-même fut touché par l’étrange phénomène. Il se transforma pour revêtir l’apparence d’un individu hirsute, couvert de hardes infâmes infestées de punaises, de puces, toutes tâchées et dégageant une puanteur de crasse, de sang tourné et de fenaison plus qu’avariée, la barbe et les cheveux gras jamais lavés, envahis de poux s’ébaudissant librement dans cette pilosité abondante. Ses membres étaient emprisonnés par de lourdes chaînes. Mais apparemment cela ne suffisait pas puisqu’il était également maintenu solidement par deux sicaires francs! Les gardes, de véritables colosses, portaient à merveille le bouclier rond ainsi que la francisque dont le tranchant était maculé de taches sombres, non de la rouille mais bel et bien du sang. Désormais, notre Olympio se retrouvait dans la peau d’un Syagrius déchu,
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vaincu par Clovis en 486. Le seigneur avait été livré par les Goths. Tantôt, sa tête serait tranchée par une hache bien maladroite.
Conduit devant son adversaire, le pseudo Syagrius voyait celui-ci banqueter paisiblement au milieu de ses comes et de ses dogues à qui, parfois, il jetait négligemment quelques os à ronger! Un instant, relevant la tête, le souverain lança, en très haut allemand, idiome pratiqué par les Francs saliens:
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- Holà! Que l’on garde bien le prisonnier! Je n’ai point encore achevé mon repas!
Puis, Clovis but longuement de l’hydromel dans une coupe de belle taille en argent massif. Ensuite, toujours aussi détaché, s’essuyant les lèvres avec son coude, il ajouta d’une voix grave:
- Que l’on pratique sur lui la décollation sur l’heure! Ce félon ne doit pas vivre un instant de plus! Sa mise à mort facilitera ma digestion et mes rêves se feront doux ce soir!
Alors, le bourreau s’avança avec une lenteur calculée, ses longues mèches de lin dissimulant partiellement son visage livide, couleur de lune. Avec maîtrise, il brandit la lourde hache, instrument de la sanglante exécution. Jusqu’où cette farce macabre devait-elle aller? Peperoni sentit bel et bien le froid de la lame lui effleurer le cou. C’en fut trop pour lui! Ses nerfs lâchèrent enfin et l’Italien sombra brutalement dans une inconscience bienvenue!
- C’était un dur à cuir celui-là! S’exclama Antor trivialement.
- Plutôt! Renchérit Daniel. Bravo, mon ami! Tu t’es surpassé.
- Que lui avez-vous donc fait croire? Interrogea Fermat.
- Qu’il était d’abord un ci-devant comparaissant devant Fouquier-Tinville durant la Terreur, puis Syagrius exécuté sous les yeux de Clovis, expliqua le mutant sans montrer le plus petit signe de satisfaction.
- J’ai joué le rôle de Clovis, souffla Daniel Lin. Je pense que la leçon sera suffisante. Après avoir traité les autres, nous déposerons ce triste sire à l’Aubépine fleurie.
- Il m’aurait bien servi de souper, ce mafieux! Soupira Antor avec sincérité.
- Certes, mais attaquons-nous à l’Américain. Commanda le daryl androïde. Le temps presse.
- D’accord. Mais je pensais que ces séances d’hypnose pouvaient distordre le temps subjectivement! Émit l’ambassadeur.
- Je m’inquiète pour Violetta, dit simplement le commandant Wu.
***************
Le Tribunal révolutionnaire assemblé une seconde fois prononça donc une nouvelle sentence de mort à l’encontre du gouverneur du Nouveau-Mexique à la suite des accusations suivantes: traîtrise aggravée, mise en danger de la communauté vivante, adoration du veau d’or, bêtise invétérée du prévenu, incapable d’exercer des fonctions à responsabilité mondiale.
Le verdict rendu, TQT fut alors transféré dans une étroite cellule équipée d’un antique poste de télévision. L’appareil diffusait une vieille bande d’actualités d’un temps alternatif dans lequel Gérard de Gaysintisca était réinvesti Président de la République française en mai 1981. L’homme politique avait été déclaré élu par le Conseil constitutionnel à la suite d’un incroyable imbroglio électoral jamais survenu dans la réalité de l’Américain. Le Président-candidat avait été désigné vainqueur par la haute institution garante de la démocratie avec seulement cent trois voix d’avance sur son malheureux adversaire, le « florentin » Maurice Bièvres, alors qu’en fait, le dépouillement des bulletins n’avait jamais été véritablement achevé pour la bonne raison que des centaines d’urnes électorales volées avaient été retrouvées avec leurs bulletins tout à fait illisibles soit dans les eaux de la Seine, soit dans celles de la Garonne, soit encore au large de Cassis ou de Marseille, soit encore dans l’Oise, la Somme, La Loire, la Durance, l’Adour, le Var, la Meuse, et ainsi de suite! Le célèbre et facond Toussaint Spirito était l’auteur de cet exploit ou de cette gabegie, au choix. En contrepartie, il était assuré d’obtenir le poste de Ministre de l’Intérieur, trahissant un ami de vingt ans!
TQT, dont la culture et encore moins la connaissance de l’histoire des pays européens n’étaient pas la tasse de thé, ne reconnut pas le personnage guindé et snob qui se mouvait sur l’écran. Dans sa superbe naïveté, le Sudiste se demandait à quoi rimait ce « talk show », ce spectacle plus qu’ennuyeux! Toutefois, écoutant attentivement, il finit par saisir le mot « France »! A part sa langue maternelle qu’il massacrait à tout-va, quelques rudiments d’allemand et quelques très vagues notions d’espagnol du style: « Bruto! Tonto en la cabeza! Loco! Hijo de putana! Conojes! », le gouverneur ne manipulait correctement aucun idiome! Parallèlement, il se montrait incapable de localiser un seul État sur un planisphère hormis le sien, évidemment! Alors, identifier un homme politique étranger qui n’était plus en charge, cela relevait de la tâche impossible! Dire que TQT avait des ambitions nationales! L’homme se vantait de n’avoir lu que deux livres intégralement dans sa vie: la Bible, cela va de soi, et un recueil d’anecdotes sur le Nouveau-Mexique.
Comment était-il donc parvenu en Allemagne? Olympio l’y avait un peu aidé!
Sortant de ses sombres pensées, TQT entendit une voix coupante à l’accent anglais très cultivé s’adresser à lui sur un ton sévère. Elle semblait sortir du néant.
- Thomas Quincy Taylor faisait Fermat, reconnais sur ces vieilles images, l’archétype de l’usurpateur, ton modèle! Tu envisages de loger à la Maison Blanche. Tu y parviendras mais avec une minorité de voix grâce à une obstruction systématique qui visait à retarder l’issue du décompte légitime des bulletins de vote. Par ta faute, tes manigances et tes trafics, des milliers d’électeurs ne verront jamais leur opinion prise en compte! Alors, la démocratie, discréditée, de plus en plus formelle, disparaîtra tout à fait dans l’indifférence générale! Dans ta logique de riche Blanc anglo-saxon, protestant, fort de ton bon droit, « Gott mit uns! », proclamaient les Nazis, un électeur n’égale plus une voix, et ce, d’autant plus s’il s’agit d’un Noir, citoyen de seconde zone à tes yeux, surtout s’il a le malheur de vivre au Nouveau-Mexique, au Texas ou encore en Floride! Hélas pour l’Amérique, hélas pour le Monde et la planète tout entière, hélas pour l’Humanité, ce péché originel sera suivi de bien d’autres crimes! L’implosion des Etats-Unis en trois États ennemis, l’Amerindia, l’Afrorica, et la Christian Union of Mexamerica en est une triste illustration! S’ensuivront une nouvelle guerre de religion affectant tous les continents ou presque, le triomphe de l’obscurantisme intégral et, in fine, Gaïa, malmenée, se rappellera au mauvais souvenir de ses tortionnaires, de ses parasites, j’ai nommé les humains! Or, tu es l’odieux et ridicule catalyseur de cela! Tu as été condamné à mort, mais non pas à une mort douce et sereine! Œil pour œil est-il écrit dans l’Ancien Testament! Tu périras donc victime de tes propres non-valeurs que tu as eues l’impudence de brandir sur tes maudits étendards! Vois et souffre: première non-valeur! Premier châtiment: l’apologie des armes à feu, en vente libre!
La première partie du réquisitoire était achevée. Le silence revenu, instantanément, le décor se modifia.
Sans transition aucune, TQT se retrouva face à un tireur fou, surarmé de fusils à canon scié, de mitraillettes et d’automatiques de divers calibres! Le désaxé n’était autre qu’un ancien fonctionnaire licencié par le Gouverneur du Nouveau-Mexique afin d’équilibrer le budget de l’Etat! Amer, réduit à des aides sociales qui fondaient comme neige au soleil, l’homme avait pété les plombs. Or, il appartenait à la tristement célèbre NRA.
Notre canardeur qui idolâtrait l’acteur brutal Scurvy Dick et qui pour lui ressembler s’était rasé le crâne, trouait de balles tous les humains qu’il croisait dans Main Street. De même, il démolissait les devantures des magasins avec une rage contrôlée ainsi que les façades des immeubles, les bureaux d’une administration dans lesquels il avait pénétré, déchargeant ses engins de mort sur les lavabos et les glaces des toilettes, les distributeurs de boissons ou encore les meubles fonctionnels.
Dans un crépitement quasi continu, les éclats de briques, de métal, de plastique, de verre et de bois se mêlaient aux douilles qui s’en allaient joncher les trottoirs et les sols.
A chaque chargeur vidé, le laissé pour compte de la compression de personnels, des économies et de la rigueur nécessaires, se saisissait d’une nouvelle arme, fusils Smith et Wesson ou bien Uzi, avec une dextérité dénonçant l’habitude et poursuivait son œuvre de salubrité publique! Imparable, chaque balle faisait mouche!
Plongé au cœur même de cette scène live de suspens, digne des meilleurs thrillers, TQT tenta, vainement bien évidemment, de s’abriter du déchaîné en se cachant derrière une colonne de faux marbre du Sénat local. Mais que faisait donc la police?
L’ornement ne résista pas à la furie enragée de ce champion de tir. Une première fois, le gouverneur du Nouveau-Mexique mourut, le corps transformé en bouillie sanguinolente.
Mais, immédiatement après ce décès, la voix de Fermat s’éleva, toujours aussi méprisante alors que le Sudiste ouvrait des paupières alourdies par une émotion bien compréhensible. Il s’était cru mort, après tout!
- Au tour de la seconde non-valeur: le soutien invétéré au lobby du pétrole, celui qui finance toutes vos campagnes politiques, au détriment de la biosphère dans un premier temps, puis, à long terme de l’Humanité!
Aussitôt, notre cobaye fut englué, tel un triste oiseau de mer, dans une nappe noire et nauséabonde de mazout déversée au large de l’Alaska! Le site aurait aussi pu être une des côtes le long du Golfe du Mexique lors de la terrible catastrophe du printemps 2010 après qu’une plate-forme off-shore de pétrole eut connu les mésaventures que l’on sait dans la piste 1721 originelle!
Notre cormoran mit trois longs jours à mourir, agonisant dans sa croûte de pétrole durcie. Personne pour secourir ce triste individu, plus sinistre que les corneilles annonciatrices du sort qui attendait les humains dans un avenir pas si lointain.
Toujours aussi impitoyable, André, qui excellait dans ce rôle de donneur de leçons, enchaîna les chefs d’accusation.
- Troisième non-valeur: l’opposition totale à l’avortement au nom de la vie à n’importe quel prix!
Notre valeureux et menteur né se réincarna dans la peau d’un freak, victime et symbole de l’acharnement thérapeutique. L’être qui n’avait jamais connu la douceur et la chaleur d’une mère, incapable de toucher, de voir, de parler, entouré de fils, branchés sur divers appareils respiratoires et nourriciers, n’en pouvait mais de poursuivre cette existence vaine. Toutes ses terminaisons nerveuses le brûlaient et il endurait depuis la première seconde des souffrances difficilement imaginables. Immense et terrible était sa solitude! Son univers se réduisait à la douleur. Elle était partout, toujours, encore…
Pauvre anencéphale cyclope à face de crapaud! Un œil bleu unique, voilé, inexpressif, des excroissances adipeuses dans le dos, un goitre et, par-dessus tout cela, une polydactylie!
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Le corps sanglant à cause des escarres inévitables ne pouvait se mouvoir seul. Pour sa sécurité, il était retenu par des lanières qui ajoutaient à ses souffrances.
Les militants « pro life » de cet institut s’acharnaient professionnellement à maintenir en vie cette ébauche d’humain, utilisant tout leur savoir alors que la pitoyable créature n’aurait dû survivre que deux heures tout au plus sans leur aide! Subjectivement, le freak existait depuis deux longues années déjà!
Jugeant qu’il était temps de passer à la suite, Fermat, bourreau exemplaire, énonça méthodiquement la quatrième non-valeur: le mépris des femmes!
L’Américain se réveilla dans la peau d’une Hispanique déjà mère de six enfants, à la merci d’un époux alcoolique et brutal qui, chaque soir, battait sa femme, sous l’emprise de la tequila ou de la bière. Corazón périt une nuit de cinq coups de couteau dans le ventre. La brute, sûre de son impunité, s’en était allée dormir paisiblement dans la chambre pendant que sa victime agonisait dans la cuisine et que les enfants, terrorisés, gémissaient dans leur coin.
L’exécution suivant la cinquième non-valeur, le soutien aux créationnistes, fut si remarquable, qu’elle mérite d’être relatée en détails.
Ne comprenant toujours pas l’acharnement dont il était victime, TQT fut métamorphosé en singe rhésus de laboratoire. Apparemment, on lui avait implanté des électrodes dans le cerveau afin d’étudier les sensations qui le parcouraient lorsque étaient testés sur lui différents produits de beauté! Pour que la consommatrice lambda fût satisfaite et protégée de toute forme de toxicité, il était « nécessaire » d’en passer par là!
Ce que notre homme politique endura défie l’entendement! Le singe n’étant point parent du genre Homo, les chercheurs travaillant pour les transnationales des cosmétiques pouvaient donc l’utiliser à loisir et le mépriser à volonté au pis, l’ignorer au mieux!
Rongé par divers acides, notre « singe » mourut en poussant de petits cris plaintifs qui auraient ému des statues mais pas ces individus vêtus de blouses blanches payés pour accomplir leur travail.
Suivit le soutien inconditionnel à l’ultralibéralisme, cette fois TQT devint un sans-abri Noir, crevant de faim et de froid au cœur d’un ghetto de la Grosse Pomme, dans les années 1980, au temps de la splendeur du « règne » de son père, le magnifique et arrogant TTT dont les aphorismes seraient encore étudiés deux cents ans après sa mort.
Le cadavre du SDF fut retrouvé presque entièrement gelé, tout bleui et raide, dix jours après son décès, sous un tas d’immondices nauséabonds alors qu’ils allaient être broyés par une benne à ordures. Il arrivait donc à la voirie de passer donc dans le quartier malgré les compressions drastiques du budget!
Puis, ce fut le racisme. Vous l’attendiez cette non-valeur là, avouez-le! Pourquoi avoir tant tardé?
Incarné une nouvelle fois dans la défroque d’un Afro-Américain, qui, là, vivait dans un État du Sud des States, notre politicien fut tabassé à mort, logique, non?, par ses propres copains du Ku-Klux-Klan
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qui, tout naturellement, ne le reconnurent pas malgré ses supplications! TQT fut achevé en étant attaché à l’essieu arrière d’un vieux pick-up puis traîné sur vingt kilomètres de boue séchée, de rocaille et de nids de poule! Son corps sanglant, les traits non reconnaissables, fut ensuite abandonné dans un fourré pour finir dévoré par des prédateurs nocturnes.
La défense de la peine de mort fut enfin abordée. Le Gouverneur du Nouveau-Mexique vécut intensément tous les instants de son exécution sous l’identité d’un « assassin » amérindien, trop pauvre pour se payer un avocat digne de ce nom. Son seul tort dans cette macabre affaire était sa couleur de peau, bistre. L’accusation reposait sur le témoignage de deux vieilles femmes, l’une presque aveugle, et l’autre à moitié sénile. Comme elles appartenaient à la majorité blanche, on les crut! L’enquête, il faut le savoir, avait sciemment écarté plusieurs attestations en faveur du Natif! Celles-ci affirmaient qu’à l’heure du crime l’accusé rendait visite à son beau-père dans une réserve du Colorado.
Malgré ses protestations d’innocence, jamais il n’avait varié dans son récit, Johnny Horse fut attaché à la classique civière et subit l’abominable injection létale sensée le tuer sans douleur.
Pourtant, TQT ressentit toutes les affres précédant la mort au cours d’une agonie qui dura six longues minutes. Peu à peu, bien trop lentement, tous ses centres nerveux furent paralysés alors que ses poumons, incapables d’aspirer l’air, cessaient de fonctionner. Après avoir été comme absorbé dans un trou noir, l’Amérindien ne vit plus rien.
Le gouverneur était-il tiré d’affaire? Hélas pour lui, la voix glaciale de Fermat se fit entendre une fois encore, le tirant de sa bienheureuse inconscience!
- Maintenant, les peuples premiers que tu méprises tant! Leurs valeurs sont contraires aux tiennes. Ils vont s’occuper de toi et t’enseigner cette vérité: l’Homme appartient à la Terre et non la Terre à l’homme! Notre espèce, vois-tu n’est que de passage!
André se tut et sembla s’estomper tandis que le décor changeait une ultime fois. Une forêt sempervirente, semi obscure se matérialisa. Elle bruissait, vivait de milliers de présences dissimulées. Des oiseaux criaient, piaillaient, dialoguaient, se répondaient dans une atmosphère chargée d’humidité. La chaleur moite était partout. Par-dessus tout ce bruissement, un sublime yodle, une vocalisation splendide dans les aigus. Les gibbons n’avaient rien à voir avec ce chant venu du fond des âges, du fond de tous nos souvenirs. Les yodles se succédèrent, s’enchaînèrent avec une maîtrise remarquable, semblant surgir des quatre coins de la forêt primaire. Impossible de localiser avec précision les chanteurs de ces prouesses sonores.
Incompréhensiblement, TQT eut peur, soudain! Certes, il pouvait penser, parler, mais il se voyait tout couvert de poils noirs. De plus la station debout lui était pénible, non naturelle! Il marchait curieusement, en se dandinant. Ses pieds préhensibles étaient nus.
Sa peur augmenta encore. Les chants se rapprochaient dangereusement. Une sourde angoisse montait de la pénombre; les oiseaux eux-mêmes s’étaient tus. S’étaient-ils donc enfuis?
Le politicien voulut appeler à l’aide. Mais seuls des borborygmes indistincts sortirent de sa bouche noire. Il ne poussait que de surprenants « Hou! Hou! » terrifiés.
- Un chimpanzé! Me voici dans la peau d’un chimpanzé traqué par des chasseurs! Essaya-t-il de dire.
Son instinct l’obligea à courir et à changer de direction. Mais chaque fois qu’il fuyait, croisant creuser l’écart avec ses mystérieux poursuivants, une nouvelle vocalisation retentissait dénonçant le fait que les terribles chasseurs suivaient toujours la piste! Un sifflement puis une atroce douleur dans le bras gauche! Une sagaie s’y était plantée avec force!
La horde de chasseurs pygmées en quête de viande fraîche avait atteint son but. Le Bonobo était à sa merci. La disette ne serait bientôt plus qu’un souvenir pour la tribu. Elle pourrait se nourrir quelques jours. Faut-il le dire? La disette était le résultat d’une guerre civile qui perdurait déjà depuis de trop longs mois.
Bientôt, le plus que singe, criblé de traits, s’affaissa. Lentement, les chasseurs cueilleurs Aka sortirent des fourrés, s’assurant promptement de la mort de leur proie qu’ils avaient poursuivie durant trois heures. Pour le Bonobo, tout était terminé. Il allait être dépecé. Tant son effroi avait été intense, qu’il s’était souillé bien avant de succomber à ses multiples blessures.
Dans son inconscience, TQT ne sut pas ce qu’il advint dans la soute du vaisseau Einstein. Une intrusion déca dimensionnelle avait lieu. Elle émanait des p! Ces derniers avaient décidé de faire évader deux des prisonniers, Yoel Navon et Hikaru Tagawashi. Les deux hommes, tandis qu’Antor était plongé dans une transe profonde, avaient pu s’emparer de disrupteurs et de tasers.
Cependant, le mutant sentit que quelque chose de grave se passait. La pensée de Fermat lui parvenait clairement bien que le diplomate fût paralysé par la lueur violette.
- Invasion de la Dimension p! Nous sommes tous immobilisés sauf vous! Vous seul pouvez intervenir!
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Pavel Pavlovitch avait commis l’erreur de s’encombrer d’un otage fort peu coopératif. En effet, Violetta faisait tout ce qu’elle pouvait pour ralentir son ravisseur. Elle gigotait sans cesse, gémissait à qui mieux mieux, donnait parfois des coups de pieds vicieux, et ce, aux instants les plus inadéquats. Pourtant, l’officier du KGB avait pris la précaution de ligoter la jeune fille et de la bâillonner. Mais voilà, l’adolescente métamorphe, malgré son jeune âge, avait déjà connu semblables mésaventures!
En quelques minutes, elle put se débarrasser de ses liens avec une facilité sidérante! Seule la peur d’être blessée l’empêchait de s’enfuir du véhicule conduit par le Russe.
Pavel Pavlovitch, qui ne se refusait aucun confort de l’Occident capitaliste décadent, avait emprunté une Ford Consul 315. Sa voiture était escortée par une Opel Rekord bourrée d’espions soviétiques armés jusqu’aux dents! Naturellement, tout ce beau monde était muni de faux papiers lui garantissant une relative sécurité. Ainsi, le commandant Fouchine se faisait passer pour un importateur exportateur Est-allemand au nom passe-partout d’Hans Grünwald.
Après quelques heures de route sans péripéties notables, les deux voitures passèrent la frontière avec la RDA sans anicroche. Maintenant, direction Berlin, dans un pays triste, enneigé, gris, défiguré par les usines sidérurgiques et chimiques.
A Berlin-Est - le célèbre et sinistre Mur n’avait pas encore été édifié - Fouchine et son groupe montèrent à bord d’avions affectés par la Stasi. Les aéronefs devaient ensuite se poser en Pologne.
Comme Sun Wu l’avait révélé à Daniel, le commandant pilotait un chasseur Sabre suédois sans numéro d’identification, ce qui allait à l’encontre de toutes les règles de l’aviation.
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L’agent avait pour mission de faire étape dans une base secrète du KGB à proximité de Gdansk. Le reste du groupe avait grimpé à bord d’un avion cargo maquillé de type Antonov. Bien évidemment, les autos avaient été récupérées et chargées dans la soute.
Notre maître espion, un peu trop sûr de lui, avait refusé l’escorte d’autres chasseurs de type Mig 17 ou Tupolev.
http://www.avions-militaires.net/images/fiches/photo1/mig17.jpg
Tout cela afin de ne pas se faire trop remarquer non seulement par les alliés du Pacte de Varsovie mais aussi par les avions U2.
Pavel Pavlovitch avait négligé trois facteurs:
- Violetta, qui, même harnachée derrière son ravisseur, se métamorphosait en valise, en vitre, en enclume, en horloge, en lampadaire, en méduse, en girafon, en autruche, etc.… A chaque changement de notre espiègle jeune fille, les alarmes de sécurité du Sabre s’allumaient, vrillant les oreilles du pilote dans le cockpit, obligeant ce dernier à sortir au plus vite de la vitesse supersonique;
- le réseau fort étendu du Dragon de Jade, très bien informé, mieux que la CIA ou la NSA, qui étendait ses tentacules dans le monde entier et bien évidemment au Kremlin. Pour information, l’un des secrétaires de Monsieur K. était appointé par la Triade!
- le facteur espace-temps, parfaitement maîtrisé par la navette Einstein et son commandant. Le vaisseau du futur pouvait se translater instantanément à Gdansk et arriver à destination avant le Sabre, un primitif engin de vol du milieu du XX e siècle. A la décharge de Fouchine, peu entraîné, celui-ci ne raisonnait qu’en trois dimensions. Il n’avait pas l’habitude d’être confronté à des adversaires se mouvant à l’aise dans les « paradoxes temporels »! Mais cela viendrait.
La destination finale du Sabre était la presqu’île de Kola où s’élevait la base construite sous les directives de Paldomirov et Diubinov, ce dernier appelé à un brillant avenir dans les années 1990 de cette piste, base qui abritait le translateur volé à Franz en 1959. Diubinov avait pour mission de rendre opérationnel le fabuleux engin. Avec le soutien du pseudo Duval, il envisageait d’utiliser Violetta Sitruk comme chèvre afin d’attirer le duc et son nouvel allié dans la nasse. Selon les renseignements dont disposait ce fidèle et borné agent soviétique, eux seuls, sous la menace de voir exécutée la jeune fille, étaient à même de réparer le fameux translateur auquel il manquait une pièce vitale, pièce soigneusement dérobée et détruite par l’agent temporel Michaël et le Germano-américain.
Accessoirement, une métamorphe représentait un magnifique sujet d’expérience. Pourquoi ne pas créer, grâce à ce cobaye, le surhomme soviétique invincible, le soldat indestructible de l’Armée Rouge, protéiforme, capable de prendre l’apparence et la capacité de toutes les armes, y compris les non conventionnelles telles que les bombes A et H?
Chimères! Rêves d’un fou qui auraient fait doucement rire Paldomirov s’il en avait été capable!
L’agent du Commandeur Suprême se servait de la relative naïveté de Diubinov et de la soif de vengeance de Pavel Pavlovitch. Il les instrumentait. Mais, Fouchine, plus intelligent que son supérieur Diubinov, se doutait bien que, derrière ce projet, apparemment loufoque, se dissimulait un autre plan, très dangereux pour tous les protagonistes: une troisième guerre mondiale, une guerre du Temps!
Avec cynisme, le clone du Commandeur Suprême envisageait sérieusement d’avancer la guerre nucléaire qui, théoriquement, devait éclater en 1993, au début des années 1960, ceci afin d’égarer l’agent MX, de l’entraver, et de rendre impuissants les 12 S qui le supervisaient.
Pierre Duval, nullement dupe des aspirations de Diubinov, connaissait l’impossibilité génétique de transformer des soldats soviétiques en parfaits métamorphes. Il s’en fallait de près de trois cent soixante-dix ans!
Pour mémoire, le Commandeur Suprême du Temps convoitait le bio translateur afin d’empêcher l’humanité d’accéder à la véritable liberté. Celle de vaincre l’Entropie.
Or, pendant ce temps, les Yankees, avec Remab et Remcal, tristes écorchés de plastique, testaient la résistance aux radiations des fragiles corps humains. Pour le moins, ils avaient quelques conflits de retard!
Depuis trois minutes, Violetta ne s’était pas métamorphosée en objet ou en animal incongru. Fouchine pouvait donc, enfin, se consacrer entièrement au pilotage et ne plus se méfier des instruments de navigation de son Sabre.
Soudain, son radar afficha un signal inhabituel. La navette Einstein venait de se rematérialiser juste derrière le jet, sans coup férir! Alors, de la soute, émergea un chasseur à réaction plus évolué que le Sabre suédois, le surclassant largement, un Mig 21 piloté par Uruhu le Néandertalien. Pavel Pavlovitch n’avait aucune chance!
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Pour comprendre ce tour, un léger retour en arrière s’impose!
Lorsque l’alerte pourpre avait retenti dans la navette, tous, malgré leur paralysie, avaient vu des faisceaux énergétiques violets balayer les cabines puis la soute. Tandis que le commandant Wu, immobilisé lui aussi, tentait de se dépêtrer de cette paralysie, des disrupteurs étaient apparus entre les mains des prisonniers. Ceux-ci profitèrent de l’occasion. Ils grimpèrent l’échelle de la soute, à la recherche d’une ouverture.
Le premier, TQT, toujours plongé dans une bienveillante inconscience, fut sauvé. Puis, ce fut le tour des autres prisonniers. Mais Tagawashi et Navon avaient déjà atteint l’étage supérieur. Les p les oublièrent!
Plus prosaïquement Daniel Lin avait pu sortir de sa catalepsie passagère, et ce, inexplicablement! Passant en hyper vitesse, il avait rétabli le champ anentropique de contention, un champ généré par un matérialisateur amélioré.
Antor, lui aussi, avait recouvré toute sa conscience. Reprenant contact avec la réalité, il courut après les deux fugitifs, le chef militaire extrémiste israélien, et le dictateur Nippo-Péruvien véreux! Sans état d’âme, les deux hommes tirèrent sur le mutant. Malgré la rapidité des traits de feu, Antor réchappa à la mort en exécutant un triple saut périlleux qui le projeta juste derrière les deux tireurs. Puis, à une vitesse stupéfiante, il bondit sur le dos de ses proies et planta ses crocs dans la nuque du Péruvien d’abord, le saignant à blanc en moins d’une seconde!
Yoel, sa main moite de peur glissant sur le disrupteur, ne parvint pas à se relever et à rejeter au loin son agresseur. Il ne se rendit pas compte qu’Antor le vidait maintenant de tous ses fluides vitaux! Lorsqu’il amorça enfin son redressement, il était déjà mort!
Ainsi, le provocateur, fauteur de guerre, anti palestinien et le massacreur des Amérindiens des commandos Atahualpa avaient fini leur existence totalement exsangues!
Dans la cabine, une entêtante et écœurante odeur cuivrée caractéristique se dégageait. Les dépouilles desséchées, voire dessiquées encombraient le sol de plastacier. Peu à peu, tous les occupants du vaisseau recouvraient leur libre arbitre.
Personne n’eut un mot de reproche à l’adresse d’Antor. Le vampire avait préservé sa vie. Avec un haussement d’épaule, Fermat fit l’affreux ménage en désintégrant ce qui restait des ultralibéraux.
Cependant, aux communications, Tony Hillerman captait un message subspatial transtemporel comportant les formules diplomatiques cérémonielles en usage au sein de l’Alliance, mais surmontées de la titulature de l’Empire Haän restauré par Tsanu XIII Gaachak. Le valeureux Empereur se déclarait maître du Langevin et menaçait de mettre à mort tout son équipage si le commandant Wu, après avoir reconnu sa défaite, ne regagnait pas son vaisseau!
Pour persuader Daniel, la proclamation était accompagnée d’images montrant une bataille intersidérale où l’on voyait la flotte de l’Alliance des 1045 planètes subir une déroute, bref une raclée administrée par les Velkriss et les Castorii dissidents. Une date s’affichait sur l’écran, celle du 31 mai 2517!
Nullement démonté par cette nouvelle, le daryl androïde avait ses ordres et savait que Benjamin, même prisonnier et otage était capable de s’en sortir, le commandant Wu choisit froidement d’ignorer l’ultimatum. Ce qui aurait pu le perturber, c’était la situation des civils du Langevin parmi lesquels figuraient Mathieu et Marie.
Daniel se concentra sur le problème le plus immédiat, celui de la récupération de Violetta Sitruk. Il lui fallait anticiper l’arrivée de Fouchine en Pologne. Tant pis pour la fuite des ultralibéraux! Ce n’était pas le moment de se disperser et d’affronter les p directement!
Pour notre Prodige de la Galaxie, s’il parvenait à remonter la piste de Amsq et Merritt et à contrer ces deux individus, l’invasion du Langevin par les Haäns et les Velkriss n’aurait jamais lieu! (sauf à l’état de virtualité inaboutie, mais c’était une autre histoire)!
Assis sur le siège du pilote, les paupières baissées, concentré, Daniel calcula l’avance supposée de Fouchine, prenant en compte tous les facteurs. Après une vingtaine de secondes, il conclut que l’Einstein devait se translater quatre heures avant l’arrivée de l’agent soviétique à sa base. Rouvrant les yeux, il en informa ses subordonnées d’une voix qui n’admettait aucune remise en compte.
Franz qui était à bord, réfléchit à son tour et jeta innocemment:
- Une fois à Gdansk vous escomptez attaquer le jet de Fouchine avec ce vaisseau? Êtes-vous armé et outillé pour un combat aérien en atmosphère?
- Non… admit le commandant Wu.
- Bien! Je poursuis. Avez-vous envisagé que notre espion pourrait, non par hasard, endommager vos moteurs distorsionnels malgré la présence de boucliers magnétiques?
- Mmm… Pour cela, il faudrait alors que l’Entité Johann pilotât elle-même cet avion!
- Sait-on jamais!
- Qu’avez-vous donc en tête, Franz?
- Lutter à armes égales, ou presque!
- C’est-à-dire?
- Nous sommes d’accord que Fouchine va emprunter un supersonique. Alors, il nous faut lui opposer un autre supersonique de guerre! Trouver un tel avion et le voler ne doit pas être si difficile…
- Certes! Émit Fermat. Mais qui va piloter une telle antiquité?
- Uruhu! Lança Daniel coupant la parole au duc qui allait certainement se proposer. Il est parfaitement qualifié pour cette mission. De plus, son intuition peut faire la différence!
- Oui, vous avez raison, Daniel, approuva André. Quel avion emprunter?
- J’ai ma petite idée, reprit le daryl. Franz a suggéré une tricherie… tant pis pour le fair-play! Cela devrait marcher. Je vais calculer une nouvelle translation. Après tout, je dispose d’assez de charpakium! En attendant, Franz, pardon, mais je n’ai plus besoin de vous!
- Vous me mettez à la porte.
- En quelque sorte! Mais je serai bientôt de retour avec ma « nièce »!
- Je n’en doute pas!
- Pacal, Ivan, Geoffroy et Raoul vont vous suivre.
- Pourquoi? Commença par objecter le blond adolescent.
- Pour plus de sécurité! Une translation reste délicate à effectuer et moins j’ai de néophytes pour gêner la manœuvre, mieux c’est!
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Daniel Wu tricha donc en menant l’Einstein en Estonie sur une base soviétique à la fin des années 1970 de la même chrono ligne. Là, il y déroba, au nez et à la barbe des « reds » un Mig 21
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en parfait état de marche. Pourquoi ce choix? En 1961, Uruhu n’aurait eu qu’un Mig 17 à opposer au Sabre et Fouchine, connaissant mieux les performances du chasseur, aurait pu sortir vainqueur de l’affrontement avec le Néandertalien. Uruhu disposa de trois heures pour se familiariser avec le jet.
Et Fouchine constata la présence de la navette futuriste sur son radar. Puis, il vit la soute de celle-ci s’ouvrir pour libérer le Mig!
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Violetta qui occupait la place du radio mécanicien à l’arrière du Sabre, était solidement attachée par des lanières de cuir qui lui entraient dans les chairs. Maintes fois, elle avait tenté de se libérer, mais le mal au cœur l’empêchait d’user de ses facultés métamorphes. Rappelez-vous une de ses précédentes mésaventures! A cause d’un problème d’oreille interne, elle ne supportait pas l’avion et était affreusement malade à bord! Autrefois, dans un 1966 différent, elle avait rendu son petit-déjeuner alors qu’elle se rendait à Bonn en compagnie de son oncle!
Là, son malaise allait être plus désagréable encore, Fouchine n’ayant pas commencé ses acrobaties afin de distancer son poursuivant!
Inévitablement, le Mig 21, à Mach 2, sans forcer, dépassa le Sabre suédois. Pavel Pavlovitch vit l’avion impossible devant lui, à dix heures, faisant demi-tour afin de l’appréhender!
Le Soviétique n’eut d’autre ressource que d’allumer les boosters et d’entamer une montée en flèche! Las! Son chasseur plafonnait à Mach 1,7 ce qui, pour l’époque, était magnifique! Accélérant encore, jetant toute la puissance dont il disposait, gaspillant des litres et des litres de carburant, il parvint, péniblement à 1,85!
Peine perdue! Le Mig ne le lâchait pas et gagnait même du terrain. Peut-être allait-il se servir de ses rockets pour l’intimider et le contraindre à le suivre?
- Par les moustaches de Staline, il triche! Daniel Wu triche sans vergogne! Entendu, j’ai affaire à un Mig! Mais lequel? Je ne connais pas ce modèle! Il vient du futur! Le colonel Paldomirov m’avait bien mis en garde, mais je n’ai pas assez tenu compte de ses avis. Allons, ne paniquons pas! Il ne va pas me descendre! Il doit vouloir récupérer son fléau de mijaurée! Celui qui pilote cet avion n’a pas reçu l’ordre de m’abattre! A moi de m’employer coûte que coûte à le semer! Usons de toute mon expérience de pilote d’essai!
Pour décrocher Uruhu, le Sabre passa alors en chandelle et grimpa encore, atteignant presque son altitude limite. Les superstructures de l’appareil gémissaient et, à l’arrière, Violetta n’en pouvait mais! Malgré la protection de sa combinaison, pour elle totalement archaïque, l’adolescente, pas entraînée au vol à vitesse supersonique, encaissait trop de G! Victime du voile rouge puis du voile noir, elle finit par perdre connaissance. Notre jeune métamorphe ignorait qu’elle aurait pu régler le débit d’oxygène de son masque. Cela lui aurait évité de sérieux inconvénients. La tenue de protection s’avérait donc totalement inefficace pour notre adolescente du XXVI e siècle et aussi obsolète que l’aurait été une cuirasse d’hoplite remontant aux guerres du Péloponnèse!
De son côté, Uruhu s’en sortait plutôt bien. Certes, il n’était pas pilote d’essai, mais il lui arrivait de conduire manuellement le Langevin ou l’Einstein, sans l’assistance des ordinateurs. De plus, il avait reçu l’habilitation à piloter cinquante-deux engins volants appartenant au passé ou au présent. Ses compétences lui permettaient de manier aussi bien un Spitfire, un Mirage IV
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qu’une araignée volante de la planète-mère de Schlffpt, le xénobiologiste médusoïde du Langevin. Voilà pourquoi Daniel l’avait sélectionné pour son expédition. Même lui n’aurait pas obtenu de meilleurs résultats!
Dans ce jeu du chat et de la souris dans lequel il excellait, Fouchine multipliait les acrobaties, les soudaines et contrôlées pertes de vitesse et d’altitude, les vols sur le dos, les accélérations et les décrochages inattendus, les doubles ou triples loopings, les brutaux changements de direction. Hélas! Trois fois hélas! Uruhu ne lâchait pas le Sabre d’une aile!
Piqués, vrilles, tonneaux, doubles tonneaux, virages renversés en épingle, vols sur le dos encore et boucles s’enchaînaient avec une maestria époustouflante à une rapidité à faire pousser des clameurs d’effroi! Du grand art, véritablement!
Plus loin, distancé, mais nullement découragé, le lourd Antonov poursuivait son chemin, ignoré par l’Einstein, suivant au radar les évolutions et les tribulations des deux chasseurs. Alexeï, le lieutenant du KGB qui était aux commandes du gros porteur, rageait de ne pouvoir secourir son chef. Son avion était beaucoup trop lent et désarmé! La mort dans l’âme, le subordonné fut obligé d’exécuter les ordres et de rejoindre la base où il était attendu. Toutefois, connaissant suffisamment son supérieur, il était persuadé que celui-ci avait soixante-dix pour cent de chance de s’en sortir sans casse et ce, quelles que fussent la pugnacité et l’obstination de l’adversaire!
Tout en jouant à l’acrobate, Fouchine conservait son cap tant bien que mal. Il savait que la DCA du Pacte de Varsovie et ses canons de tenaient toujours en alerte, prêts à abattre tout intrus.
Lentement mais sûrement, l’Antonov atteignit son objectif et se posa tandis que résonnaient les stridentes sirènes d’alerte. Puis, presque aussitôt deux voitures émergèrent de la soute du gros porteur. Alexeï amena l’Opel Rekord au bout d’une piste isolée, à l’abri, et put observer à travers les jumelles les manœuvres des deux chasseurs au-dessus du ciel de la base.
Uruhu, malgré les tirs sporadiques de la DCA qui craignait d’abattre le jet du commandant Fouchine, s’en tirait merveilleusement. Il n’avait rien à envier aux as de la haute voltige. Pour l’instant, il n’avait pas été touché par les balles ou les rockets des Mig 17 qui s’étaient décidés à décoller afin de prêter main forte à Pavel Pavlovitch.
A son tour, le Néandertalien vida ses chargeurs et chaque missile fit mouche! Les chasseurs soviétiques furent abattus, leurs pilotes ayant juste le temps de sauter en parachute afin d’échapper à un funeste sort.
Grâce à sa perception extrasensorielle, le K’Tou était d’une virtuosité prodigieuse. Il parvenait à anticiper les manœuvres des « reds »!
Bien que Daniel hésitât à user du téléporteur pour récupérer Violetta, il était évident qu’il allait remporter la victoire.
Mais un grain de sable vint changer la donne…
Soudainement, se matérialisa devant le nez du Sabre une onde qui, peu à peu, prit l’aspect d’un être humain! Hepta PI, vêtu d’une combinaison de pilote vert pomme, lui fit un signe amical de la main et s’en vint s’asseoir sur l’aile gauche de l’avion. L’être déca dimensionnel dit non sans humour:
- Ne vous faites aucun souci! La Dimension pi vous apporte son soutien!
Incroyablement, sa voix parvint sans difficultés aux oreilles de Pavel Pavlovitch. Ce dernier, surpris, se retint de déglutir. Une seconde, il avait failli perdre le contrôle du Sabre.
Retrouvant son aspect habituel, celui d’un rayon ou d’une aura, l’entité entoura le Mig 21 qui se retrouva alors pris dans un piège pratiquement imparable. Une angoisse sourde s’empara d’Uruhu. Le Néandertalien voyait et sentait à la fois le fuselage et l’habitacle de son avion se modifier. Sans nul doute, il n’allait pas tarder à perdre le contrôle de son appareil et de lui-même! Ses instincts remontant à la surface, il exprima sa peur primitive dans sa langue maternelle:
- Broohr Niek’Tou! Banou b’an-ki! Ak a NiekTou! A ba! A ba!
Le Mig avait désormais l’apparence d’un simple Cessna à hélice, un petit avion de tourisme surclassé et facile à abattre par la défense de la base. Mais le plus terrible pour Uruhu fut la matérialisation de passagers incongrus à bord de la carlingue! Mathieu et Marie, plus jeunes d’un an, kidnappés dans une dimension temporelle parallèle proche. Les deux enfants étaient en train de fêter Halloween et portaient des masques de sorcière et de vampire lorsque l’étrange phénomène s’était produit. Désorientés, ils s’agitaient et criaient ne comprenant pas ce qui se passait.
Cependant, la radio du Cessna captait un message de Fouchine d’abord en russe puis en anglais. Le Soviétique intimait au Néandertalien de se poser s’il ne voulait pas que son appareil soit descendu!
Or, pour accentuer davantage la panique du K’Tou, Hepta p, décidément passé maître en facéties, s’amusa à faire apparaître le visage de Pavel Pavlovitch en trois dimensions à la place des verrières du cockpit! S’il avait été encore à bord du Mig 21, Uruhu aurait eu le réflexe de s’éjecter. Certes, ce geste lui aurait permis de sauver sa vie, mais au prix de l’abandon des enfants de Daniel Wu qui, à l’arrière, piaillaient de plus belle, réclamant des explications!
Le Cessna était passé totalement sous le contrôle d’Hepta pi qui multipliait à loisir les acrobaties les plus échevelées et les plus improbables, défiant ainsi les lois de la physique dans cet Univers! Une descente brutale déclencha le voile rouge chez tous les passagers du fragile aéronef. Le K’Tou ayant perdu connaissance, l’appareil piqua alors en vrille, se rapprochant dangereusement du sol. Le crash n’allait pas tarder, ce n’était plus que l’affaire d’une quinzaine de secondes au maximum!
Mais… notre primesautier Hepta p avait oublié la présence de l’Einstein dans l’atmosphère. Sortant d’un nuage qui l’avait momentanément dissimulé, le vaisseau mit un rayon tracteur en action. Ainsi, il parvint à récupérer l’avion fou qui, réchappant à l’emprise de l’entité, recouvra immédiatement son aspect et sa configuration.
A bord du Mig 21, il n’y avait plus que le Néandertalien toujours sans connaissance.
Uruhu n’avait pas démérité loin de là!
Une fois le Mig en sécurité dans la soute, la navette effectua un court saut quantique impeccable qui l’amena à la hauteur même du Sabre de Fouchine. Il s’agissait là d’une manœuvre désespérée dont Daniel assumait l’entière responsabilité!
Le Soviétique était en train d’entamer sa descente afin d’atterrir enfin à proximité de l’Antonov. Mais l’Einstein collait de trop près à l’avion suédois. Un puits gravitationnel se créa, donnant naissance à un mini trou noir! Hepta p n’avait nullement anticipé l’effroyable danger. Le premier, il se retrouva attiré dans ce piège à sa mesure. Alors, l’onde de l’être déca dimensionnel se déforma, s’étira, pour engendrer des distorsions visuelles du plus bel effet. Enfin, l’onde fut engloutie par le mangeur d’étoiles. Le rayon lumineux s’éteignit brutalement. Peut-être était-ce ainsi que les p achevaient leur longue existence?
Pavel Pavlovitch se retrouvait lui aussi en danger. Au sol, ses jumelles toujours braquées, Alexeï le comprit. Le Russe voyait parfaitement une sorte d’entonnoir de néant absorber tout sur son passage, une bouche monstrueuse qui grandissait et se nourrissait, n’épargnant rien!
Dans le centre de commandement de l’Einstein, Daniel était parfaitement conscient de ce qui se produisait. Il inversa les capacités du matérialisateur temporel, passant pour ce faire en hyper vitesse. Puis, prenant un risque immense, il entra les coordonnées de Violetta dans l’ordinateur du téléporteur tout en déclenchant parallèlement un contrechamp antigravitationnel dans le but de contrer la singularité provoquée par le saut quantique effectué en atmosphère et à basse altitude à l’encontre de toutes les règles de sécurité!
Tout allait se jouer à quelques attosecondes!
A l’extérieur, déjà, le Sabre commençait à s’étirer. L’arrière fut atteint par l’effroyable phénomène en premier. Juste à temps, la métamorphe disparut de l’intérieur du supersonique. L’avion, attiré par l’horizon d’événement du trou noir, était condamné.
Echevelée et rouvrant des yeux hagards, l’adolescente se vit étendue avec soulagement sur un des plots du téléporteur de la navette. Irina s’empressait auprès d’elle. Secouant sa tignasse rousse, Violetta s’écria:
- Tante Irina je ne suis pas blessée! Mais oncle Daniel aurait pu se dépêcher, non? J’ai eu la peur de ma vie!
- Je le vois et le sens! Tu as rendu ton repas! Une bonne douche t’attend, répondit la Russe sur un ton sarcastique.
Dans la cabine de pilotage, André avait remplacé Daniel. Il avait fort à faire, parvenant tant bien que mal à maintenir le vaisseau en équilibre sur les bords des tempêtes anentropiques qui faisaient rage au-dessus de la base. Les forces et les forces contraires s’affrontaient en un combat dantesque, tentaient de s’annihiler. La fin du monde allait-elle sonner?
On aurait pu le penser à la vue de ce ciel sombre, plus que sombre, plombé, parcouru de zébrures noires, de fulgurances anthracite et de tourbillons aléatoires s’enclenchant dans ces nuées d’apocalypse. Au centre, tout au centre de cet enfer, le trou noir grandissait, palpitait, vagissait, hurlait sa faim monstrueuse et insatiable!
Daniel, plus pâle et tendu qu’un Pierrot lunaire en équilibre sur son fil, obtint enfin précisément la contre-puissance désirée et… miracle! Le téléporteur transdimensionnel, le matérialisateur modifié, mangea le mini trou noir! Pavel Pavlovitch était sauvé! Sentant que son Sabre était en train de se désagréger, il avait également tenté le diable et s’était éjecté presque au cœur du trou noir!
Le monstre technologique disparu, le parachutiste improvisé se posa, quelque peu secoué, en bout de piste! Les yeux toujours collés aux verres de ses jumelles, Alexeï ne faisait plus attention au supersonique. L’avion alla s’écraser sur les automobiles. Aussitôt, les carcasses entremêlées du jet, de l’Opel Rekord et de la Consul 315 s’embrasèrent. Exit l’équipe de Pavel Pavlovitch! Le Russe, se mordant les poings, rageait et pestait contre ce coup du sort. Mais en était-ce véritablement un?
- J’étais si prêt du but! Ce foutu Daniel Wu se sauve en récupérant mon otage! Paldomirov acceptera-t-il mes explications? Me fournira-t-il mes mêmes moyens que ce Daniel? D’ailleurs, le pourra-t-il? L’URSS ne doit pas perdre!
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En léger déphasage temporel, la navette Einstein ralliait en subluminique la Bavière, ménageant et ses moteurs et ses superstructures. Le vaisseau allait avoir besoin d’une révision complète. Soigneusement démonté, le Mig 21 avait été enterré quelque part dans la campagne polonaise.
Dans la cabine principale qui servait de pièce à vivre, savourant une tasse de thé parfumé à la bergamote et une soupe de poisson, Violetta et Uruhu racontaient leurs mésaventures. Comme à l’accoutumée, la métamorphe, prolixe, exagérait ses tourments mais personne n’était dupe, à commencer par Tony Hillerman qui esquissait un sourire sceptique.
Fermat, quant à lui, était pressé de quitter les lieux et l’année 1961! Non qu’il envisageât de se reposer! Il lui tardait de remonter la piste de Sir Charles et de Zoël Amsq. Justement, le Haän se rappela au bon souvenir de tous car, le chrono vision resté branché, reçut le message du chercheur extraterrestre. Zoël eut l’impudence d’apparaître sur l’écran temporel. Au-dessus d’un visage mangé de poils roux, on distinguait des yeux mauves, brillant de colère. D’une voix gutturale, emplie de morgue, il jeta dans le langage de la troisième caste:
- Daniel Lin Wu, apprends que tu viens de perdre la seconde manche! Pendant que ton ancêtre, le dénommé Sun Wu, t’imposait son stupide marché, et que tu courais secourir ton encombrante et naïve métamorphe, particulièrement douée pour se plonger dans le pétrin, tu en conviendras avec moi, nous en avons profité Sir Charles Merritt et moi-même pour prendre une nouvelle longueur d’avance! Hé oui! Nous venons juste de nous emparer de l’IA du bio translateur et, ce, au nez et à la barbe d’Osa et Martin Johnson, ces ridicules et pitoyables humains! Comment réagis-tu? N’es-tu pas accablé par l’immensité de ta défaite? Ne perds-tu pas la face? Vas-tu te faire seppuku? Abandonne, métis! Rends-toi et je promets de ne te tuer qu’au bout de quelques décennies de tortures! Ah! En passant, j’épargnerai ton équipage qui ira rejoindre l’un des bagnes orbitant autour de la planète Haäsucq!
Sur ce, l’écran devint opaque! Nullement démonté, les mains croisées, Daniel Lin réfléchit.
- Ce Zoël Amsq! Quelle arrogance! Il connaît tout de moi… Sun Wu a raison… Il poursuit bien une vengeance personnelle! Mais il aime s’écouter parler…
- Oui! Il est surtout gonflé d’orgueil et d’ambition. Cela le perdra! Fit André.
- Un égo aussi démesuré! Pour un Haän, c’est tout à fait naturel, mais… je ressens un malaise…
- Tu l’as senti toi aussi?
Daniel marqua un court silence puis reprit.
- Dans sa fatuité, notre Haän oublie un minuscule détail.
- Il te sous-estime!
- Oui, mon frère! Moi aussi, je me joue des paradoxes temporels! Nul besoin de vivre au trentième siècle pour cela!
Toujours maître de lui, se tournant vers le Noir, le daryl demanda:
- Lieutenant Hillerman, précisez les coordonnées de ce message!
- Euh… Hollywoodland, studio de la Warner Bros, le 9 juillet, temps dévié de 0,00000121%…
- Il ne brouille même pas sa piste! Ricana Irina.
- Pourquoi ce faible écart? S’enquit le vampire.
- Le chrono vision a détecté la présence de SS et d’espions nazis en Californie, fit Tony.
- Mais il y en a eu aussi dans notre passé, siffla Fermat.
- Certes, rétorqua le commandant Wu, mais ils n’étaient pas aidés par les p! Est-ce cela, lieutenant?
- Aye! Aye! Sir!
- Laissez tomber le protocole, Tony. La partie s’annonce intéressante.
- Puisque tu le dis, sourit Antor.
- Chouette! S’exclama Violetta. Les mauvais coups vont pleuvoir! Mais j’aurais de la compagnie, non?
- Qui? Interrogea sévèrement Irina.
- Ben… les trois m’as-tu-vu de 1978 et Raoul sans doute, tante Irina
- Petite peste! Ce qui t’est arrivée ne t’a pas servi de leçon?
- Il n’en allait pas de ma faute, je le jure!
- Cessons cette querelle peu productive et prenons nos dispositions pour rattraper le coup!
- Oui, commandant! Répondirent en chœur la Russe, Antor, Fermat et Hillerman.
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