samedi 19 janvier 2013

Le Nouvel Envol de l'Aigle 3e partie : Nouvelle Révolution française chapitre 20 2e partie.



Dans l’hôtel particulier des Frontignac, Daniel Lin s’attelait à persuader Gaston de la Renardière de la nécessité de se joindre à sa fine équipe afin de contrer définitivement Galeazzo di Fabbrini et Irina Maïakovska. Sous le charme magnétique du Ying Lung, l’ancien mousquetaire acceptait. Pour obtenir ce ralliement, le daryl androïde mettait en avant les valeurs incontournables de tout digne gentilhomme, l’honneur, le souci de rendre une justice équitable, le serment prêté au roi de lui porter secours en toutes circonstances. Puis, il s’enquit des raisons de la présence de l’ancien mousquetaire de Louis XIII dans ce Paris du XVIIIe siècle. 
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Après quelques minutes d’échanges à bâton rompu, Daniel Lin affichait son contentement.
- Le comte Galeazzo di Fabbrini fréquente donc assidument votre académie.
- Il en est même un de mes élèves les plus doués, confirma Gaston tout en lissant sa royale qu’il n’avait pas rasée.
- Hé bien, pour une fois, il semblerait que le destin se range à nos côtés! S’exclama naïvement Alban de Kermor.
Le jeune homme n’eut pas le loisir d’en dire davantage. De dessous la table, Violetta lui lança un méchant coup de pied. Le Breton retint un cri de douleur et comprit qu’il devait garder le silence.
L’arrivée de Brelan, chargée d’un plateau comportant des rafraîchissements détourna l’attention de presque toute l’assistance.
- Monsieur le baron, articula Louise avec un grand sourire, une limonade, un thé ou un cognac?
La jeune femme, tout en proposant une boisson, osait fixer l’élégant homme d’armes sans baisser les yeux.
- Madame, c’est fort aimable à vous… un cognac fera l’affaire. Merci.
- Voici. Et ces messieurs?
Fernand Gravey et Erich Von Stroheim optèrent également pour un cognac. Frédéric Tellier, plus raisonnable, se contenta d’un thé tout comme Daniel Lin. La métamorphe préféra la limonade. Fermat, quant à lui, refusa toute boisson.
Tout en buvant son thé à petites gorgées, Daniel Lin observait Gaston. Visiblement, le Picard n’avait d’yeux que pour Louise de Frontignac. Échaudé, Alban de Kermor, qui avait pris un verre de limonade, se tut jusqu’à la fin de l’entrevue.
- Dès demain matin, promit de la Renardière, vous pourrez faire la connaissance de mon ami Joseph. Peut-être l’ignorez-vous mais il ne brille pas que dans l’art de l’escrime.
- Sa renommée est parvenue jusqu’à nous, affirma Daniel Lin. J’ai là quelques partitions qui lui plairont sans nul doute. Des symphonies récentes de Haydn et de Mozart ainsi que quelques pièces de Johann Christian Bach…
- Joseph compose également… ma foi, joliment… mais je n’ai point l’ouïe musicale. Généralement, les cors de chasse et les trompettes suffisent à satisfaire mon côté mondain.
- Au fait, où logez-vous donc? Questionna Tellier pragmatique.
- Dans un garni, tout près du Louvre, chez le père Mitrant. Tout le monde le connaît dans le quartier. Ma salle d’armes n’est pas loin non plus, rue Tiquetonne.
- Rue Tiquetonne? S’exclama Violetta. Incroyable!
- Pourquoi donc mademoiselle Grimaud? La rue est assez populaire, certes, je l’avoue volontiers, mais le loyer y est modéré. De plus, les jeunes seigneurs enfarinés ne dédaignent point y venir. Voyez, j’ai tantôt trente-cinq ans et il me faut songer à mes vieux jours. Je mets donc de l’argent de côté, vis modestement tout en achetant chaque trimestre des bons au porteur.
- Hum… rue Tiquetonne. L’adresse de d’Artagnan dans Vingt Ans après, compléta l’adolescente. 
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- Connais pas… Daniel Grimaud…
- Daniel Lin, pour vous Gaston, je vous le rappelle.
- Vous pourrez compter sur mon soutien. Pas seulement comme bretteur. Mon école m’a mis en relation avec la fine fleur de la noblesse française. Mais aussi avec les solides comptes de la bourgeoisie d’affaires. Les Condé, les Richelieu, les Bouillé et j’en oublie fréquentent mon académie.
- Caron de Beaumarchais également? 
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- Oui et Malesherbes, Lavoisier. Ainsi, je sais tout ce qui se passe à Versailles. À Paris aussi, bien entendu.
- A vous voir comme cela, on ne le croirait pas, mais mon cher Gaston, vous êtes un homme précieux, plein de ressources insoupçonnées.
- Merci pour ce compliment.
- Pour un déraciné du temps, vous êtes parvenu à vous intégrer dans ce siècle avec une habileté remarquable, rajouta Frédéric.
- Vous savez, je n’y ai aucun mérite. Ce Paris-ci vaut celui de ma jeunesse. Animé, tumultueux, nauséabond, toujours au bord de la révolte…
- La Cour des miracles a cependant disparu, non?
- Mais pas les exempts, les mouches de la police. Ah! Justement! Demain, je soupe chez le commissaire Onésime Nicolas. Plus précisément, il occupe le poste de commissaire principal au Châtelet. Si vous avez besoin de faux passeports ou encore d’être introduits auprès d’une haute personnalité… 
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- Non, merci. Ne vous mouillez pas trop pour l’instant. Tenez, nous sommes pourvus. Regardez.
- Belles imitations, ma foi. Daniel Lin, êtes-vous l’auteur de ces chefs d’œuvre?
- Je l’avoue…
- Il vous manque toutefois les sceaux et les signatures authentiques. Après-demain, vous les aurez…
- Mais…
- Que nenni! Vous en aurez toujours l’utilité.
- Dans ce cas, je m’incline. Merci de tout cœur.
- Bien. Mais, il se fait tard… je dois…
- Une heure du matin, fit Louise les yeux brillants. Monsieur de la Renardière, vous n’allez point séant regagner votre logis alors que les rues ne sont pas sûres? De plus, une bruine glacée vous pénètre… je détesterais qu’il vous arrivât quelque chose.
- Madame de Frontignac, je sais me défendre. D’habitude, les coupe-jarrets m’évitent. Ils me craignent, je vous le garantis.
- Pour ce soir, accordez-moi donc cette faveur. Restez. Voyez, j’ai déjà donné l’ordre que l’on vous prépare une chambre. Pauline aura bassiné votre lit avec des braises bien… chaudes.
- Dans ce cas, je ne puis refuser une telle invitation formulée aimablement par une aussi jolie bouche.
Pris de fou rire, Daniel Lin eut toutes les peines du monde à conserver son sérieux. Mais ses yeux reflétaient son amusement. De son côté, Fermat réfléchissait aux avantages potentiels d’une liaison entre Gaston et Louise. Violetta, quant à elle, s’inquiétait pour Guillaume. A ses yeux, il tardait un peu trop à revenir. Dans son innocence, elle ne voulait pas encore reconnaître qu’elle éprouvait pour lui un doux émoi.
- Puisque tout a été dit, bonsoir à tous! Lança Tellier, donnant le signal de se retirer.
L’Artiste fut alors imité par les comédiens et les plus jeunes. Daniel Lin s’attarda auprès d’André.
- Montez donc prendre un peu de repos, lui conseilla Gana-El mentalement.
- Certes, mais vous?
- Je n’en ai pas réellement besoin, mon fils. Vous le savez. Désormais, ce corps-ci n’est plus qu’un leurre.
- Il sera difficile de tromper Louise, Violetta et Frédéric plus longuement, père.
- Albriss a déjà compris, Daniel Lin.
- J’en ai conscience. Bonsoir Gana-El.
- A tantôt. Ne vous inquiétez pas, je veille.

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Onze heures du matin, le moment pour Joseph Boullongne, chevalier de Saint Georges de déjeuner solidement. Attablé devant une poularde rôtie et une bouteille de Sancerres, il hochait régulièrement la tête aux propos de Gaston de la Renardière tout en mordant à pleines dents dans sa volaille. 
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- Tu ne peux pas me refuser ce service, proférait le Picard.
- Mais je n’ai rien contre. Toutefois, en ce moment, je suis plutôt occupé. Vois-tu, j’ai une petite pièce musicale en chantier, un quatuor ou une symphonie. J’ai promis son achèvement pour ce samedi. L’orchestre d’amateurs que je dirige doit au moins avoir lu une fois les partitions avant de se produire en public. Puis, d’après le Cabinet du Roi, ma présence sera bientôt nécessaire à Londres. Sans compter que ce soir et après-demain, je remplace le violon solo dans l’opéra de Gluck, Iphigénie. A ce propos, l’opéra est à la recherche d’un claveciniste. Tu ne pourrais pas m’en dénicher un par le plus grand des hasards?
- Euh…
- Avec ton académie d’escrime, tu es pourtant en relation avec des gens aux talents variés.
- Un claveciniste? Je ne sais pas à quoi ressemble l’instrument sur lequel il joue! Soupira Gaston. 
- Tant pis! Ton Daniel Grimaud tarde là, non?
- Des problèmes d’intendance. Il dirige un petit escadron où même le sexe faible tient sa place.
- Ah! Ah! Toi, ton œil brille de satisfaction. Une aventure en cours?
- Oh! La conquête fut d’autant plus facile que je ne m’y attendais pas du tout, Joseph.
- Comment s’appelle ce trésor?
- Louise. Une blonde bien en chair comme je les aime, avec des yeux bleus de toute beauté et un sourire à damner Saint François et Saint Paul eux-mêmes. Et experte avec cela! Euh… je m’arrête. Si je t’en dis trop, tu n’auras de cesse de me la voler.
- Elle ne va pas te refiler une saleté, au moins?
- Penses-tu! J’ai pris mes précautions. Je me suis coiffé d’un condom. Je ne suis pas poivré, moi.
- Peuh! On dit que cette protection empêche de jouir totalement…
- Idée fausse, crois-moi!
- Hum… il y a quatre hommes qui semblent vouloir nous parler, répondit Joseph, gêné, en changeant de conversation.
Tout en s’avisant ainsi des nouveaux venus, l’espion de Louis XVI s’essuyait les doigts à même la nappe de la table.
- Daniel Lin Grimaud, Alban de Kermor, Frédéric Tellier et… ma foi, j’ignore l’identité du quatrième, s’exclama l’ancien mousquetaire. Il a des allures de grand seigneur et, s’il n’avait la peau couleur chocolat tout comme toi, je dirais qu’il s’agit pour le moins d’un prince déguisé!
Effectivement, un individu imposant, de grande taille, l’œil sombre et le visage impavide, accompagnait les susnommés. Albriss dissimulait tant bien que mal son dégoût face aux effluves puissants qui remontaient du fleuve tout proche.
Daniel Lin s’avança le premier et se présenta fort civilement au chevalier. Après avoir reçu l’autorisation de s’asseoir, le commandant Wu s’excusa d’abord pour le retard et entra ensuite dans le vif du sujet. Attentif, Joseph écouta tout en achevant son repas.
- Monsieur Grimaud, comme je le disais tantôt au baron, j’ai plusieurs fers au feu ces jours-ci. Me libérer me paraît presque impossible.
- Monsieur de Saint Georges, vous avez une confiance pleine et entière en notre ami commun, Gaston de la Renardière…
- Oui-da!
- Hé bien, moi aussi. Ce sentiment est réciproque. Vous m’aidez, je vous aide…
- Comment? Par une bourse bien pansue? Je ne crache pas sur ce genre de paiement, je l’admets volontiers. Mais, entre Gaston et moi, cela dépasse le simple intérêt matériel. Il ne s’agit pas d’une question d’argent.
- Je saisis. Alors, dans ce cas, voici pour vous. Un acompte spécial.
Sans façon, le daryl androïde tendit à Boulogne cinq partitions de musique.
- Qu’est-ce à dire? Du Haydn? La symphonie La Chasse? Fraîchement imprimée! Mozart, la Symphonie numéro 35? Je rêve! 
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- Pas du tout. Quant au claveciniste que vous cherchez, je puis me substituer à lui sans difficulté.
- Comment l’avez-vous appris? Vous n’étiez point présent tantôt lorsque j’ai évoqué ce point ennuyeux…
- Disons que mon petit doigt m’a informé…
- Soit, monsieur Grimaud… cependant, je tiens à m’assurer moi-même de vos talents musicaux.
- Vous ne serez pas déçu, je vous l’assure. Vous ne verrez aucun inconvénient à vous rendre avec moi chez Louise de Frontignac. J’ai pris le temps d’essayer un des deux clavecins du salon. J’ai dû l’accorder, c’est ce qui explique d’ailleurs mon retard, mais maintenant, il est fort acceptable. N’oubliez point votre violon…
- Je ne m’en sépare jamais ou presque, monsieur.
- Si le cœur vous en dit, nous pourrons improviser un duo ou, pourquoi pas, un trio… Albriss se débrouille avec la harpe mais, hélas, pas ma fille ou nièce Violetta. Mais je compte bientôt remédier à cette lacune…
Tout émoustillé par la curiosité, Joseph n’écoutait plus vraiment les propos fantasques de Daniel Lin. Il se contenta de suivre le daryl androïde et ses compagnons. Désormais, il était en fait pressé d’écouter les musiciens, et en oubliait son emploi du temps plus que chargé. Albriss avait parfaitement entendu la proposition du Ying Lung. Il se demandait s’il devait approuver la légère modification de la personnalité de la jeune métamorphe. Mais… qui était-il pour vouloir donner la leçon à Dan El?

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 La découverte des dons musicaux de ses nouveaux amis avait ravi le cœur du chevalier de Saint Georges. Mais ledit aventurier avait dû à son tour faire la preuve de ses talents de bretteur. Après s’être mesuré à Gaston de la Renardière, il avait croisé le fer avec l’Artiste et, ensuite avec Albriss.
L’exercice fini, Joseph s’étonna de voir que Daniel Lin ne s’était pas proposé comme adversaire.
- Monsieur Grimaud, vous renoncez à vous battre avec moi? Pourtant, pas plus tard que ce matin Gaston m’a vanté votre prodigieuse science de l’escrime. Il paraîtrait que vous pouvez venir à bout de vingt assaillants en deux couples de minutes tout au plus.
- Tout cela appartient désormais au passé… ne vous vexez pas Joseph de ce que je vais dire… ce n’est pas en tant qu’adversaire que je vais croiser dès maintenant le fer avec vous mais bel et bien en tant que maître.
- Bigre! J’ai hâte de voir cela. Personne jusqu’à aujourd’hui n’a eu l’outrecuidance de sous-entendre que je n’étais encore à ce jeu qu’un apprenti!
- Hé bien, votre souhait va être exaucé sur l’heure. Votre technique suffit amplement dans une rixe ordinaire ou encore un duel classique. Mais, si vous vous joignez à mon équipe, il vous faudra progresser, et vite!
- Tiens donc! Vous voici bien arrogant soudain.
- Que non pas! J’ignore ce que l’arrogance signifie depuis que ce défaut a été éliminé chez moi. Je me contente de constater, c’est tout. Prêt pour la leçon? Je vous promets de me battre loyalement, en humain, sans recourir à mes talents spéciaux.
- Vos talents spéciaux? Qu’est-ce à dire?
- Vous le saurez plus tard…
- Dans ce cas, oui-da! Me voici. Ôtez donc votre veste, monsieur Grimaud. Ses manches pourraient vous entraver.
- Merci, Joseph. Mettons les mouches. Je m’en voudrais cruellement de vous blesser dans l’ardeur de la démonstration. Or, en cet instant, je n’ai nulle envie de vous soigner car j’ai besoin de ménager mes forces.
- Je n’ouïs point vos propos mais je vous attends de pied ferme.
La leçon commença selon les règles connues de l’escrime en cette fin du XVIIIe siècle. 
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Pourtant, une minute entière tout au plus ne s’était pas écoulée que le chevalier de Saint Georges avait déjà le sentiment de se trouver à la peine. Le fleuret de l’individu qu’il avait en face de lui paraissait animé d’une vie propre. Sa lame disparaissait là où on l’attendait pour réapparaître inopinément là où on ne l’escomptait nullement.
Plus que tout cela, dépassant l’entendement, Daniel Lin bondissait, virevoltait, sautait et marchait sur les murs et le plafond, ou, plutôt les effleurait avec une agilité jamais vue, se moquant des lois communes, devenant vif-argent, se faisant onde insaisissable, et, sans prévenir, passait derrière Joseph, glissant à son gré son arme dans sa main gauche ou dans sa dextre, accumulant les boucles, les saltos, les quintuples pirouettes, se confondant avec le décor, les miroirs, les chandelles et l’air. Bref, ses exploits dépassaient ceux de Bussy d’Amboise ou du mythique Delapalme. 
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Intérieurement, le bretteur professionnel s’avoua dépassé. Jamais il n’avait eu affaire à un tel adversaire.
- Impensable… impossible. Ce type n’est pas humain! Ai-je donc en face de moi un démon ou une divinité? Un demi-dieu peut-être… le comble, ce Daniel Lin me ménage! Oui, il me ménage moi qui ai déjà cinquante-huit duels gagnés sur cinquante-huit combats. Il ne se moque pas de moi lorsqu’il me parle sans ouvrir la bouche et que je l’entends distinctement me donner des conseils. Ne pas me raidir, ne faire qu’un avec la lame de mon épée, me confondre avec celle-ci et devenir elle. Oui… j’ai compris. Je me plie à votre ordre. Pas la peine que votre voix résonne ainsi dans ma tête et se fasse si pressante.
Après huit trop longues minutes au goût du chevalier, la leçon cessa enfin. Joseph était en sueur, ses yeux larmoyaient, son cœur battait à rompre dans sa poitrine tandis qu’une vive douleur l’élançait dans le mollet gauche trop sollicité.
- Dieu du ciel! S’exclama Boulogne d’une voix rauque. Vous ne me mentiez point tout à l’heure.
- Reprenez votre souffle mon ami au lieu de vous extasier sur cet exploit qui n’en est pas un je vous l’assure.
- Daniel Grimaud, rassurez moi un peu…
- Oui… Que voulez-vous?
- Vous ne pouvez être un djinn sorti tout droit d’un conte des Mille et une Nuits?
- Oh! En cet instant, non, absolument pas. Pendant la démonstration non plus.
- Vous ne paraissez pas vous ressentir de cet exercice…
- Routine, Joseph…
- D’où vous vient votre prodigieuse science des armes? Et vos dons d’acrobate?
- D’ailleurs, véritablement. Pour faire simple, disons que je suis un humain amélioré. Tout comme vous cependant, je puis être blessé et perdre ce corps-ci. Quant à ma science des armes, elle se nomme harrtan et est originaire de la nation d’Albriss.
- Dites-moi… vous ai-je déçu, Daniel Lin?
- Non, pas du tout, je vous l’affirme. Vous avez fini par écouter mes conseils. Cela seul m’importe.
- Je n’avais pas le choix. J’allais perdre la face.
- Hum… je vous comprends fort bien. Êtes-vous prêt à commencer l’entraînement du harrtan dès ce soir, vers cinq heures?
- Plutôt après la répétition.
- Entendu.
Sur cette parole, Symphorien qui avait assisté au spectacle aux premières loges s’avança, l’œil goguenard, tapant dans ses mains, simulant ainsi des applaudissements.
- Chevalier de Saint Georges, vous êtes un sacré bon bougre! Daniel Lin le dissimule bien mais, en fait, il éprouve pour vous la plus grande admiration. Jusqu’à aujourd’hui, personne ne lui avait résisté aussi longtemps. Ni le géant roux Benjamin Sitruk, ni cet échalas de Frédéric Tellier. Ni, bien sûr, cet escogriffe, pisse-froid et rabat-joie d’Albriss pourtant passé maître dans l’art du harrtan! Alors, bravo! Sincèrement, bravo!
Satisfait d’entendre ce compliment plaisamment formulé, Joseph Boulogne éclata de rire. Presque suffoquant, il tendit sa large main bistre à l’espèce de vieux mendiant. Ce dernier s’en saisit avec reconnaissance. À vrai dire, Craddock rêvait de cet instant depuis son arrivée en 1782. 
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