samedi 20 octobre 2012

Le Nouvel Envol de l'Aigle 2e partie : De l'origine des Napoléonides chapitre 17 1ere partie.



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À bord du Vaillant, l’atmosphère, de plus en plus tendue, tournait à l’orage. Deux faits apparemment non liés troublaient les esprits. Le plus anodin concernait les chats Ufo et Opaline. L’animal familier de Violetta Grimaud poursuivait la belle chartreuse de ses assiduités, devenait terriblement entreprenant, mais voilà, la demoiselle faisait sa coquette, se dissimulait, montrait les griffes dès qu’on l’approchait d’un peu trop près, bondissait aux instants les plus inattendus, miaulait insupportablement, se frottait par à coups contre les jambes de l’adolescente, réclamait des câlins, mais se refusait obstinément aux assauts amoureux de son prétendant.
Alors, le chat non agouti et blanc boudait, ignorant superbement Violetta, passait devant elle la queue fièrement dressée, gémissait, appelait sa promise de plus belle durant des heures, méprisait sa gamelle et surtout, mettait tout le monde à cran. 
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Ces scènes qui se répétaient avec une régularité d’horloge astronomique auraient été comiques si elles n’avaient eu pour résultat de mettre en rogne non seulement Frédéric Tellier et ses acolytes, mais également André Fermat dont la patience n’était pas la qualité première.
- Craddock, proféra le vice amiral au bord de l’exaspération, est-ce vous à la parfin qui avez déniché ce foutu animal? Qu’est-ce qui vous a pris, bon sang?
- C’était pour faire plaisir à miss Violetta.
- Capitaine, vous allez tout de suite me prendre cette bête et me la balancer hors d’ici! Pronto Craddock, sinon c’est vous que je jette par-dessus bord. 
- Euh, amiral, pourquoi n’exécutez-vous pas vous-même cette satanée corvée?
- Opaline ne se laisse saisir par personne. Depuis ce matin, elle est parvenue à me griffer sauvagement une douzaine de fois. Or, même cinquante Haäns n’ont pu accomplir pareil exploit.
- Rotudju! Alors là, chapeau ma belle!
- Cessez de vous moquer et obéissez. Cette bête vous a à la bonne.
- Hum… Amiral avec tout le respect que je vous dois,  vous attirez autant la sympathie que le fiel pour les ours.   
- Craddock!
Fermat s’avança, l’air menaçant. Visiblement, il ne contrôlait plus sa colère.
- Mon colon, doucement… vous n’iriez pas jusqu’à commettre un meurtre sur ma personne? Non! Si? Bon, j’ai compris, je m’exécute…
N’ayant plus le loisir de repousser la corvée, Symphorien se rapprocha d’Opaline qui, tout en haut de la couchette la plus élevée se léchait soigneusement le poil avec sa mignonne petite langue rose.
- Ma jolie, ma toute belle, minauda le vieux Loup de l’Espace, viens donc dans les bras de tonton Craddock. Il a une surprise pour toi. Une gourmandise, un délice sucré encore meilleur qu’un loukoum. Des anchois trempés dans de la confiture de fraise. Un régal, crois-en mon expérience. Tu n’en veux pas mon Opaline de la brume?
Intriguée par les paroles de l’humain, la chatte cessa sa toilette pour se mettre à fixer le Cachalot du Système Sol de ses yeux en amande couleur émeraude. Puis, après avoir miaulé de mépris - du ton qui signifiait « je ne suis pas dupe de ton manège » - elle reprit consciencieusement son activité.
Dépité, le vieil homme entreprit alors l’escalade des couchettes bien que ses rhumatismes le lançassent douloureusement. Inutile de grogner, le vice amiral attendait.
Une seconde, on put croire que Symphorien allait parvenir à se saisir de la belle indifférente lorsque celle-ci déjoua tous les pronostics. Avec une souplesse digne d’éloges, la chatte bondit dans un saut formidable pour atterrir sans bruits sur l’interface du chrono vision. La distance était importante et ce saut n’était pas le fruit du hasard.    
- Ah ça! S’étrangla Symphorien Nestorius qui avait roulé sa bosse partout, jamais je n’avais vu jusqu’à aujourd’hui un tel bond avec aussi peu de recul et d’élan de la part d’un chat!
De stupeur, le capitaine de passoire à roulettes en avait perdu l’équilibre et chuté sur la partie la moins noble de son individu.
- Ouille! Hurla l’écumeur de l’espace en se frottant vigoureusement le bas des reins. Par la malemort! Coque mitraille d’opérette, j’ai le dos rompu!
Bien que le visage déformé par une souffrance bien réelle, ressemblant davantage à un satyre en colère qu’à un être humain en goguette, Craddock parvint à se relever. À la vue de cet échec, Fermat s’avança jusqu’au chrono vision et se mit à observer le félin d’un œil neuf dans lequel transparaissait la plus grande inquiétude. Gana-El vivait non pas une tempête sous un crâne pour paraphraser le poète mais un ouragan de catégorie 5 au bas mot. Il comprenait que cet incident, cet accident avait été prémédité. Impossible? Que non pas!
Désormais, le chrono vision, qui avait déjà affiché ses limites, sous tension, crépitait, alors que personne à bord du vaisseau ne l’avait branché. Ses circuits surchargés, il lançait des éclairs bleutés. Manifestement, toute la micro informatique qui le composait, ultra fragile et irremplaçable en ce siècle lointain, était en train de griller à l’intérieur de la console d’interface. L’appareil dégageait une forte odeur d’ozone ce qui avait pour conséquence de faire tousser les humains ou assimilés sans oublier Ufo, mais pas mademoiselle Opaline.
D’ailleurs, cela ne vous a pas échappé, l’inquiétante féline, à la suite de son bond prodigieux, aurait dû mourir électrocutée, mais il n’en était rien. Au contraire, la bête infernale, nullement incommodée, gambadait sur le clavier transparent à touches sensitives, sautillait, frôlant de sa queue des micros curseurs bosselés à peine visibles pour un œil non exercé, crachait sur les touches maîtresses commandant les interactions.
Tout cela eut pour résultat de dissoudre les points vitaux du chrono vision.
Enfin, André avait pris sa décision. Il fit un pas. Du moins essaya-t-il. En fait, il ne put que progresser d’un minuscule centimètre, se heurtant à un champ de force inexplicablement apparu. Ses sens de Ying Lung avaient été bluffés. Alors, tendant sa volonté, il tenta de passer à travers le mur invisible. Tant pis pour son enveloppe corporelle, son intégrité matérielle et son incognito!
Mal lui en prit. Tout son être réel fut alors parcouru par des étincelles cruelles de lumière négative. Soumis à une torture fulgurante aussi brève que puissante, il perdit son apparence ordinaire.
Devant les yeux ébahis de Craddock, le Ying Lung recouvra sa forme première, sinueuse et lumineuse. Mais au lieu de briller aveuglément, la vague silhouette serpentiforme n’émettait qu’une faible pulsation, d’un blanc crépusculaire.
Bientôt, le Dragon s’affaissa sur lui-même, rendu à l’impuissance, déchargé de son énergie et coupé de l’Unicité. Dans l’incapacité de se régénérer, il était menacé d’absorption par la Nuit éternelle. Mais sur le vaisseau qui en avait conscience?
Toujours prisonnier de la Lumière inversée, Gana-El allait en s’affaiblissant au fur et à mesure que les femto secondes se déversaient dans l’inexorable sablier du Temps, semblant se fondre dans un ailleurs inconcevable et létal.
Craddock, se redressant, plus déterminé que jamais, rugit:
- Chatte de l’enfer, qu’as-tu provoqué?
N’attendant évidemment aucune réponse, le vieil homme entreprit à son tour de risquer le tout pour le tout et voulut porter secours à celui qui, longtemps, n’avait été à ses yeux qu’un humain ordinaire doté d’un caractère difficile. Mais lui aussi, ce capitaine héroïque, fut stoppé net par le champ de force. Lui aussi sentit toutes les cellules de son corps se consumer. Mais, buté, têtu au-delà de l’entendement et de la logique, dépassant ses maigres forces, il s’obstina. Après tout, durant sa mouvementée et périlleuse existence, il avait pris l’habitude d’endurer bien des maux.
À l’instant où le sublime et irremplaçable Craddock allait perdre conscience, submergé par une souffrance qui dépassait de loin toutes ses expériences, il perçut une curieuse voix, inhumaine certes, mais non artificielle, lui jeter, en français avec toutefois un léger accent américain:
- Pitoyable et faible créature, en t’interposant ainsi, ne crains-tu donc pas de mourir?
Le ton était empli de morgue et d’ironie blessante.
Ces paroles provenaient de la gorge d’Opaline mais il s’agissait d’une voix au timbre indiscutablement masculin.
- Celui qui ose m’affronter c’est ce fol, cet inconséquent et stupide aliéné, ce ridicule Symphorien, le mendiant de l’espace, le vagabond décati des étoiles. Clown grotesque! Qu’espérais-tu ?
La voix s’interrompit à la seconde même où Opaline s’estompait et quittait cette dimension-ci tandis que le capitaine s’évanouissait dans les bras de Daniel Lin matérialisé en urgence.
Le daryl androïde, qui effectuait une filature discrète sur cette terre dix neuviémiste, avait perçu que quelque chose de grave était en train de survenir à bord du Vaillant.
Alors, abandonnant Kermor, le commandant Wu avait rejoint le vaisseau au plus vite, non par les moyens technologiques habituels - la téléportation - mais en utilisant un couloir transdimensionnel qu’il avait ouvert bien que cet effort lui coûtât.
En moins d’une seconde, Daniel Lin comprit la situation. Il avait capté l’écho du message lancé par Opaline et identifié le véritable auteur de celui-ci.
«  Johann Van der Zelden »! Murmura le commandant Wu entre ses dents sur un ton impossible à rendre.
Dan El allait-il se laisser abattre par ce nouveau coup du sort? Sombrerait-il dans la plus lâche des résignations ou, au contraire, devant cette nouvelle épreuve, ce contretemps fâcheux, ferait-il face à l’adversité?
Bon sang, comment réparer les dégâts? Le pouvait-il d’abord? Fermat disparu dans l’Infra Sombre, cela le jeune Ying Lung le savait d’instinct, Craddock blessé grièvement, ses jours peut-être en danger, brûlé au deuxième voire au troisième degré, le chrono vision irrécupérable car irréparable, l’addition était plus que lourde. Mais était-ce bien tout? Non! Dans ce tableau désastreux, le daryl androïde oubliait Ufo, l’inénarrable Ufo qui, présentement, au lieu de se lécher paisiblement le poil, miaulait à faire se hérisser la plus zen des créatures, gémissait sur son amour perdu. 
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Le deuxième fait qu’il nous faut évoquer consistait en l’obstination de Kermor à vouloir se distraire. Voilà pourquoi Daniel Lin l’avait pris en filature. Le jeune comte sortait baguenauder aux heures les plus indues, ignorant superbement les remontrances de Fermat. Ainsi, il défiait avec superbe la police secrète de Napoléon le Grand.
Tenez, cet après-midi-là, justement, le jeune homme se rendit au parc Monceau où un certain Daguerre faisait admirer une animation d’un genre nouveau, un diorama dans lequel différentes scènes tirées de romans gothiques anglais pour la majorité d’entre elles étaient représentées avec un souci du détail exact remarquable. 
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Émoustillé, alléché par le petit carton descriptif qui traînait sur le comptoir de son hôtel, Alban n’avait pas hésité à courir y assister. Parvenu devant l’attraction, un immeuble monté à la va-vite tout en planches, carton-pâte et trompe-l’œil, le comte fit la queue une longue heure comme tout sujet ordinaire de l’Empereur, ignorant que Daniel Lin se tenait à trois mètres à peine derrière lui.
Enfin, avec un soulagement impatient, Kermor put pénétrer dans le baraquement de luxe. Mais, pendant ce temps, le tempsnaute s’était évaporé sans que nul ne remarquât  son départ. Le comte breton resta donc sans protection, à la merci du piège effroyable tendu par le sinistre et rusé Galeazzo di Fabbrini.
La veille, Alban avait fait la connaissance d’un certain Niepce, un original qui se piquait d’améliorer cette bonne vieille lanterne magique. En compagnie de quelques amateurs éclairés, tous aristocrates et opposants plus ou moins secrets au régime, il avait assisté à une démonstration plutôt réussie de la nouvelle invention. Toutefois, celle-ci pouvait être encore améliorée. 
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D’un ton docte, non empreint d’humour cependant, Niepce avait expliqué que son appareil fonctionnait non seulement sur le principe de la fixation argentique devenue classique, mais également sur la durée d’exposition des plaques. Celle-ci variait en fonction du temps qu’il faisait à l’extérieur, soleil, nuages ou pluie, mais aussi de la clarté lumineuse naturelle.
Or, présentement, le chercheur n’était pas entièrement satisfait des résultats obtenus car il n’avait pas encore pu établir des plaques nettes à la lumière artificielle.
Pourtant, non sans fierté, Niepce fit admirer le fruit de ses efforts devant un petit comité qui lui était tout acquis. Ne publiait-il pas des articles sur la persistance rétinienne dans une feuille dont le ton était résolument hostile à l’Empereur, mais de manière feutrée et ironique? Sa précédente invention, le « niepçotype » ou portrait « photographique », fixé sur plaque de cuivre ou de verre grâce au bitume de Judée, au résidu d’essence de lavande ou au nitrate d’argent, n’avait-elle pas été détournée par le régime impérial à des fins policières, expliquait son opposition actuelle.
Pour mémoire, tout heureux citoyen de cet Empire autoritaire se devait de posséder un passeport muni d’un niepçotype. Certains d’entre eux, à plaque de verre, étaient d’une grande fragilité et peu pratiques concernant ces cartes d’identité qu’ils alourdissaient. On commençait donc à préférer les photographies sur carton fort.
Pour rajouter à sa rancœur, notre inventeur n’avait touché aucun dividende de sa découverte ainsi exploitée.
- Vous voyez en temps réel une rose s’ouvrir, s’épanouir et se faner dans une succession de photographies distantes de trente minutes chacune. En deux jours à peine, ainsi, la splendeur qui embaumait n’est plus. Les teintes ont été rajoutées au pochoir pour approcher au plus près la réalité.
- Ce ne sont donc pas des dessins!
- Pour qui donc me prenez-vous, monsieur le baron? Pour un vulgaire imposteur, s’exclama Niepce outragé.
- N’y a-t-il pas moyen de donner l’illusion du mouvement à ces clichés? Fit Alban afin de calmer le mécontentement justifié du chercheur.
Au fond de lui, le Breton, sincèrement émerveillé, était persuadé voir en Niepce un précurseur des écrans « magiques » entrevus sur le Vaillant. Ni Fermat ni Daniel Lin Wu ne l’avaient donc abusé en déclarant qu’ils étaient originaires de l’avenir. Leur technologie parlait en leur faveur.
- Comme à propos, on ne peut faire mieux, répondit Niepce avec le sourire. J’ai justement monté toute une série de ces clichés représentant le parcours du soleil dans le ciel depuis l’aube jusqu’au crépuscule sur cet appareil que j’ai baptisé «  kinétoscope ». Il est mû par cette manivelle. J’espère bientôt disposer d’une pile voltaïque afin d’obtenir un mouvement continu, bien plus régulier que cette succession d’images saccadées. Mais tenez. Vous allez vous en faire une idée par vous-mêmes.
Intrigués, les cinq hommes s’approchèrent alors d’une étrange mécanique circulaire, encombrante, présentée sur une table métallique, dressée un peu à l’écart. Au centre de celle-ci, qui était creux, Niepce alluma une lanterne sourde afin d’éclairer le tout.
- Monsieur le comte, reprit le chercheur affable, vous qui êtes le plus jeune de notre noble assistance, à vous l’honneur;
- Soit, répliqua Kermor avec grâce.
Avec dextérité, le jeune homme se mit à tourner une manivelle d’une taille respectable. Aussitôt, devant le spectacle véritablement nouveau, ce ne furent que des cris d’ébahissement et d’enthousiasme.
- Splendide!
- Magnifique!
- Prodigieux!     
 - Vous avez donné vie aux images! Créé des images animées…
- On s’y croirait!
- Je puis remplacer ces plaques par d’autres, articula l’inventeur non sans fierté. J’en ai toute une série. Une tortue en train de se déplacer, un… cela vous intéresse-t-il, messieurs?
- Absolument. Mon cher, vous avez du génie.
Niepce s’inclina sous le compliment.
- J’espère d’ici quelques semaines tout au plus obtenir le même résultat avec un chat ou un chien.
- Et pourquoi pas un homme? Une décomposition réussie de la marche humaine? Hasarda Alban, quelque peu rêveur. 
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La séance se prolongea une heure encore environ à la satisfaction de tous.
Fort aimablement, Niepce reconduisit le jeune comte à son hôtel abandonnant là son bric-à-brac. Parvenus rue de Grenelle, les deux hommes se séparèrent tels de vieux amis. Alors que le chercheur quittait le hall, près d’éternuer, il fouilla dans la poche de son paletot, à la recherche d’un vaste mouchoir. C’est ainsi qu’il fit tomber un petit carton anodin décrivant une attraction sans pareille sise au parc Monceau. Depuis plusieurs jours, ledit carton traînait dans sa poche et Niepce l’avait oublié. Il ne se rendit pas compte de l’incident fort mineur. Le bristol fut ramassé par l’employé et laissé sur le comptoir. Le lendemain, Alban s’en aviserait et…
Une fois à l’intérieur du baraquement où régnait une semi-pénombre, la clientèle qui avait dû débourser deux francs pour voir ladite attraction, soit le salaire quotidien d’un bon ouvrier parisien, était accueillie par Jacques-Louis Daguerre en personne. Celui-ci débitait son boniment, annonçant à l’avance les scènes reconstituées tirées des romans «  le château d’Otrante » d’Horace Walpole,
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 « les mystères du château d’Udolphe » d’Ann Radcliffe,
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 « le moine » de Lewis et ainsi de suite.
Puis, ayant achevé son énumération, il commandait à la vingtaine de personnes qui composait l’assistance de le suivre dans les méandres des corridors en carton-pâte et ce, dans la plus parfaite obscurité. Toutefois, il avait pris soin de mettre en garde les clients contre un possible danger d’incendie, expliquant par la même occasion les raisons de l’absence de clarté. On entendait distinctement, l’obscurité aidant à l’amplification de l’ouïe, les pas hésitants, les soupirs, les tâtonnements, les frôlements, les excuses bégayées.
Arrivé apparemment devant la première reconstitution, l’hôte réclama à la fois le silence et la lumière. Des « oh » et des « ah » d’exclamations s’en suivirent devant le réalisme de la scène ainsi dévoilée. Réalisme? Façon de parler. Dans ce qui ressemblait à une crypte où l’on reconnaissait des sarcophages paléochrétiens et des gisants, bien éclairés par une lampe électrique (!), une jeune femme vêtue de blanc, sa longue chevelure noire tombant librement sur ses épaules et un étrange confesseur ayant passé une bure brune s’affrontaient. L’individu au visage déformé par la folie, aux yeux brillants et au rictus effrayant, enserrait fortement l’inconnue, la victime annoncée qui se débattait tant bien que mal. La figure habituellement douce de la jeune héroïne reflétait présentement une profonde terreur.
Or, les deux personnages s’animaient, bougeaient avec naturel, respiraient, tout comme vous et moi. En fait, ces automates perfectionnés étaient mus par un mécanisme d’une complexité et d’une perfection jamais rencontrées jusque-là. Il s’agissait d’une technologie qui dépassait de loin celle du fameux joueur d’échecs et bien supérieure au célèbre canard de Vaucanson. 
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De plus, les mannequins avaient été moulés dans la cire afin de parfaire l’illusion de la vie.
D’un ton emphatique, Daguerre annonça qu’il s’agissait là d’une scène clé d’un roman gothique anglais, fort à la mode en ce 1825, mais qui datait un peu de l’autre côté de la Manche, Le Confessionnal des Pénitents noirs d’Ann Radcliffe.
- Mais avancez, avancez donc pour admirer la scène suivante plus horrifique encore si possible.
- En êtes-vous certain? S’écria un grand escogriffe longiligne tout en jambes, aux cheveux crépus, au teint bistre et aux yeux bleus.
L’individu qui venait de s’exprimer n’était autre que notre obscur gratte-papiers Alexandre Dumas. Tout en ouvrant ses équerres, il se heurta à un homme âgé d’une cinquantaine d’années portant une barbe en pointe taillée soigneusement.
- Faites excuse monsieur, lança avec désinvolture ce grand échalas d’Alexandre.
- Oh, il n’y a pas de mal, répondit Victor Francen, soucieux de ne pas perdre de vue Kermor qu’il surveillait à distance respectable, obéissant ainsi aux directives d’André Fermat. Cependant, le comédien ne put s’empêcher de dévisager le maladroit, ce qui lui fit perdre de précieuses secondes. À l’identification de l’auteur en herbes, il retint de justesse un cri de surprise.
Quelques mètres plus loin, dans un autre coude du corridor, une nouvelle scène avait pris vie. Cette fois-ci, Daguerre avait reconstitué un chapitre du roman de Polidori, le Vampyre.
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 Un être éthéré, à la beauté toute diaphane, létale, était en train de fasciner et d’attirer à lui une jeune femme ( encore!). Les yeux rouges et luisants de la créature hypnotisaient la proie; puis, le prédateur s’abreuvait à même la source, c’est-à-dire le cou blanc et gracile de la victime, y puisant non seulement le sang mais aussi se nourrissant des pensées amoureuses et tourmentées de celle-ci.
Alors que le Vampyre reprenait des forces, son visage s’empourprait lentement tandis que son corps décharné subissait une splendide métamorphose. À chaque seconde qui passait, l’être se remplumait au contraire de son innocente proie.
Tout cela eut pour résultat de déclencher les cris de frayeur des spectateurs les plus sensibles. Une bourgeoise, engoncée dans son corset, tomba en pâmoison.
Mais cette reconstitution améliorée ne retint guère l’attention de l’acteur belge. En fait, il avait hâte de rejoindre Alban.
Cependant, un peu plus loin, dans une alcôve, une toute jeune fille au long cou gracile orné d’un ruban de velours noir, en chemise et bas, se levait d’une couche toute simple. Son amant, en culotte dix-huitième siècle, tentait de la retenir. Par mégarde, il bousculait sa maîtresse et l’indicible survenait. La jolie tête blonde, exsangue, roulait sur le carrelage tandis que les lèvres pâles de la décapitée murmuraient :
«  Rattache ma tête à mon corps, s’il te plaît, sinon je meurs pour de bon ».
Le plus affreux était que le collier de velours, si délicat et fin, s’imprégnait de sang alors que le tronc, inévitablement, se vidait de son précieux et vital liquide sur les tommettes, répandant un sang tout poisseux qui s’étalait en grandes flaques.
- La fameuse légende de la femme au collier de velours, articula Daguerre sur un ton inimitable. Un conte macabre moderne, de bon goût, dont j’ai pris connaissance sur les bords du Rhin.
Plus qu’intéressé, Alexandre Dumas marqua une pause devant ladite scène macabre et commença à prendre des renseignements auprès de Jacques-Louis.
Pendant ce temps, Victor Francen avait poursuivi son chemin. Il longeait maintenant la reproduction animée du dernier chapitre de l’ouvrage de Mary Shelley Frankenstein ou le Prométhée moderne. Le monstre, enlaidi, avait fui l’humanité cruelle et s’était réfugié quelque part sur la banquise polaire. Mais son créateur, le professeur Victor Frankenstein, l’avait rejoint. Les deux hommes, le créateur et la créature, avaient une explication plutôt mouvementée. Elle s’achèverait par l’engloutissement dans les glaces de la pitoyable créature. Déjà, la banquise craquait et bougeait, prête à accueillir le monstre. 
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- Mais où est donc passé ce satané comte? Murmura Francen excédé. Stupide gamin!
Malgré lui, le comédien porta les yeux sur l’affreuse créature en train de mourir.
- Non! Je dois rêver. C’est là le portrait de Boris Karloff. Une telle ressemblance, ici? Quelle est donc cette diablerie?
Perdant alors son contrôle de soi, le Belge se mit à courir dans le corridor qui s’assombrissait. Ses pas précipités se heurtèrent rapidement à un corps qui gisait sur le sol. Allumant d’une main tremblante son briquet, Francen se pencha pour reconnaître Kermor assommé, un poignard plongé dans la poitrine. Scène factice ou terrible réalité?
- Est-il mort? Se demanda avec angoisse le comédien.
Alors que l’acteur s’assurait si le jeune homme respirait encore, un bruit furtif le fit se retourner. Devant lui, debout, se dressait Galeazzo di Fabbrini en personne, brandissant un pistolet. Sans marquer le moindre sentiment, l’Ultramontain fit feu et Francen s’affaissa à son tour sur le corps de l’adolescent.

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Tellier était remonté à bord du Vaillant avec la plupart des membres de sa bande accompagné de Joël Mc Crea, Michel Simon, Pierre Fresnay et Charles Laughton. Il avait trouvé Craddock allongé sur une couchette, le corps entièrement enveloppé par une couverture isolante, la peau enduite d’un baume régénérant notre baroudeur de l’espace, les yeux clos, gémissait doucement dans sa demie inconscience.
Dans un coin, en retrait, Violetta tenait Ufo serré fortement dans ses bras et le réconfortait, lui murmurant des petits mots tendres et absurdes à l’oreille.
Plus loin, Pieds Légers s’activait, débarrassant le sol métallique de débris encore fumants qui crépitaient. Visiblement, il s’était passé quelque chose de grave, de terriblement grave.
Le chrono vision brillait par son absence, le poste de pilotage semblait avoir connu une panne et Daniel Lin, le visage pâle et fermé, s’adressait en une langue inconnue, fort ancienne, à un individu qui demeurait totalement invisible.
Cet être qui n’appartenait pas à cet Univers, était l’envoyé de l’Unicité et avait pour nom Olmarii, le Messager, l’intermédiaire, le négociateur. Il pouvait régler n’importe quel conflit mais aussi, faisant preuve de sévérité, obtenait, implacable, la mise à mort des petites vies rebelles. 
Pour l’heure, Dan El ignorait que son interlocuteur était également son exécuteur, celui qui l’avait mutilé et jeté, affaibli, dans les différentes chronolignes anticipées et simulées du Pantransmultivers en gésine. Pour la réussite de l’Expérience, avec son accord.
Olmarii n’appréciait guère en vérité le dernier des Riu Shu, ce présomptueux Prodige. Cependant, il avait fait preuve d’une certaine pitié envers le plus jeune et avait donc accepté que Gana-El accompagnât le Surgeon dans ces simulations aussi réelles que la véritable Création en devenir.
Tous ces efforts étaient déployés afin de prouver que les futurs humains, ces créatures immatures, faibles et orgueilleuses, inconséquentes, incapables de contrôler leur violence intérieure, méritaient leur prochaine existence! Or, dans tous les schémas, ces petites vies parviendraient à contaminer la Galaxie tout entière, l’infectant de leur intolérance et de leur haine.
Ainsi, le Chœur Multiple reprochait à Dan El ce qui n’était pas encore mais qui serait inévitablement si le plus jeune des Dragons parvenait à imposer son point de vue. Or, l’Exilé volontaire croyait fermement en l’utilité de l’humanité pour l’avenir du Pantransmultivers. Voilà pourquoi il se battait, s’obstinait et subissait depuis des éons, bien avant le Temps, mille et mille épreuves.
En cet instant, Daniel Lin était convaincu d’avoir fauté mais il n’était pas certain de la teneur de son péché.
Avant d’être précipité dans l’enfer de l’a-création anticipatrice, le Surgeon avait plaidé la cause de ses animalcules, ses petites vies si chères à ses yeux, qui oscillaient entre le sublime et l’abjection, entre la grandeur et l’horrible. Les Humains méritaient d’exister, de se développer et de montrer la plénitude de leurs talents. Après tout, une espèce éphémère qui donnerait des chefs d’œuvres tels la cathédrale de Chartres, les symphonies de Beethoven, le Bateau ivre, les portraits du Fayoum,
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 le Taj Mahal, les Nymphéas de Monet, les mosaïques de Timgad et Ravenne, ne pouvait être condamnée à la non existence. Elle n’était pas si mauvaise, si inaboutie et lui, Dan El l’obstiné, ne pouvait avoir échoué si lamentablement.
Séduit malgré lui par la double plaidoirie de Gana-El et du Surgeon, Olmarii avait finalement convenu de conduire cette expérience à son terme. Il avait cédé d’autant plus que quelque chose d’innommable était en train d’avoir lieu.
Or, aujourd’hui, le Négociateur regrettait presque sa faiblesse. Son frère, l’Observateur, avait été expédié avec une cruauté atroce dans l’Infra-Sombre, ce Shéol à la mesure des Dragons. Captant l’appel de l’Exilé, il était accouru sur le Vaillant, et maintenant, il écoutait les supplications de fils prodigue.
Dan El expliquait, plaidait en babylonien du VI e siècle avant J.C, n’affichant ni sa peur ni son admiration devant la sublime beauté de cette Entité. En effet, le plus que daryl androïde percevait Olmarii dans toute sa magnificence.
Daniel Lin parlait donc, parlait toujours, maîtrisant l’art de la parole, voulant de toutes ses forces sauver son mentor, son ami, son guide, bien qu’il ignorât encore que ce dernier était également son géniteur.
Le Dragon de l’équilibre écoutait le Plaideur, impassible mais pourtant prêt en vérité à négocier avec la Totalité afin de tirer son cadet de sa prison de néant.
- Certes, enfant, proféra le Ying Lung au bout d’un moment, je comprends où tu veux en venir. Gana-El s’est montré léger dans cette histoire. Il paie à la fois son imprudence et son affection pour toi.
- Gana-El?
- Oui, c’est là son véritable nom.
- Il paie pour mes erreurs. Mais Olmarii, il ne pouvait prévoir ce piège machiavélique! L’Entropie clonée dans une forme de vie inférieure. Avouez que c’est absurde.
- Parce qu’à tes côtés, Gana-El a perdu son omniscience! Il a failli. Or, toi, Daniel Lin, limité actuellement dans ta compréhension de la Supra Réalité, tu l’as, bien involontairement je te l’accorde, entravé.
- J’admets, oui j’admets présentement mon erreur, Olmarii. J’endosse la faute. Gana-El, Homo Spiritus, me suit depuis des milliers de cycles; je l’ai infecté et amoindri, je le reconnais. J’assume ma faute. Il est devenu humain. Pour être à mes côtés, il s’est sacrifié et a perdu ses facultés.
- Tais-toi Daniel Lin! Oh! Enfant, tais-toi donc! Tu as des qualités indéniables qui te font souvent emporter la partie. Par ta dialectique enrobée de sucre et de miel, par les sentiments que tu feins d’avoir avec une perfection désarmante, tu obtiens toujours ce que tu veux, ce que tu crois être bon pour le devenir du Pantransmultivers. Mais, fauteur de troubles, par ta plaidoirie si habile, les pires difficultés naissent au sein de la Création. Vois-tu, tu ne peux te gouverner toi-même mais tu exiges des autres qu’ils cèdent à tes caprices.
- Olmarii, Entité supérieure, je crois que je ne suis pas en train de vous manquer de respect présentement. Je ne saisis pas le sens de vos paroles. Je ne souhaite que sauver Gana-El. Tiraillé à l’extrême par l’énergie négative du Sous Monde, il souffre abominablement. Assailli par le Vil, le Poison vénéneux, l’Odieux, il ne va pas tarder à s’éteindre. Olmarii, ne ressentez-vous point sa souffrance et son désespoir? Ne l’entendez-vous pas pleurer, crier et soupirer?
- Enfant cesse! Puisque tu parles si bien de ce que tu ne connais point, j’ai bien envie de t’expédier là-bas, Outre-lieu, à la place de Gana-El. Ah! Sache que Johann Van der Zelden n’est que le masque réducteur de l’Entropie générale. Or, c’est elle que tu dois combattre…
- Je ne comprends pas vos propos. Vous ne m’aimez pas. Pourquoi tant de haine à mon égard?
- Tu as donc véritablement tout oublié…
- Euh… un mot me revient… Vous êtes un … Ying Lung…
- C’est cela.
- Alors, pourquoi vous acharner sur moi, créature hybride? Que vous ai-je fait par le passé? Quel crime ai-je commis envers vous, divinité?
- Que m’as-tu fait? Qu’as-tu fait au Pantransmultivers serait plus exact. Toujours de l’impudence, même réduit en ton état actuel. Cependant, venant de toi, je ne devrais pas m’en étonner.
- Ah! Pourquoi tant de fiel?
- Daniel Lin, sache que je ne t’en veux pas personnellement, au contraire. Mais l’enjeu est si énorme… l’Unicité a la volonté de purger le Pantransmultivers de l’élément contaminateur qui met en péril son Dessein sublime…
- Je ne comprends pas…
- Tu comprendras, enfant.
- Olmarii, Ying Lung, voyez, je fais amende honorable et m’agenouille devant vous, empli d’humilité. Je vous propose un échange. Envoyez-moi en enfer à la place de mon mentor. Sauvez Gana-El puisque c’est là son nom. Je vous en prie. Faites preuve de pitié, de compassion. Pour préserver l’Humanité, il faut l’extraire de là-bas.
- Enfant, il est exact que la Création ne se portera que mieux  si tu es absent… mais… hem… je suis en train de proférer une sottise… l’Unicité me le rappelle.
- Une sottise, être divin?
- Non, tu n’as rien entendu! Gana-El va être libéré de sa geôle. Parce qu’il est mon frère et mon ami, parce que nous avons tout partagé avant que l’Expérience soit mise en route, parce qu’il t’est pour l’heure indispensable, parce que… bref pour des tas de raisons… là, le voici. Il est amoindri. Ne l’expose pas davantage, ménage-le et prends soin de lui.
- Est-ce à dire qu’il m’appartient désormais de prendre tous les coups?
- Il me semble que tu as déjà fait ce choix jadis… renouvelles-tu ton Serment?
- Euh… j’ignore la teneur de ce Serment.
- Tu t’en souviendras, Daniel Lin. Veux-tu souffrir encore pour garantir l’existence de tes chères petites vies?
- Mes petites vies… les humains?
- Oui, enfant! De quoi d’autre pourrions-nous parler? Veux-tu rester encore un instant le Rebelle, le Paria et l’Exilé? Surveilleras-tu de près tes animalcules? Seras-tu leur Gardien?
- Leur Gardien? A quoi m’engagez-vous donc, Ying Lung?
- A la tâche qui t’incombe du choix que tu as effectué il y a des éons, il n’y a en fait  qu’une attoseconde.
- Moi, un simple daryl androïde… un mutant… peut-être un Homo Spiritus…
- Plus, bien plus, fol Expérimentateur… alors, décide toi et vite! Gana-El recouvre la conscience…
- Vous me bousculez… oui, Olmarii, j’accepte… je le jure.
- Tu ne reviendras pas en arrière, tu ne te dédiras pas…
- J’ai juré, Olmarii…
  Bien malgré lui, Dan El avait usé du ton des Riu Shu. Naturellement, à cette manifestation d’autorité, Olmarii ne montra aucun étonnement. Presque satisfait de la tournure des choses, il conclut.
- L’Unicité sera informée de ta nouvelle résolution. Nous allons débattre et sois certain que je reviendrai. Lorsque tu auras, bien sûr compris l’importance de mes propos, à quoi tu t’es engagé, enfant.
- Ying Lung, je vous jure que vous me trouverez prêt à assumer mon rôle.
- Je dirais plutôt ton fardeau. Mais enfin, c’est toi qui choisis finalement…
Sur ces mots plus qu’ambigus, Olmarii disparut sans transition, quittant cette réalité-ci, laissant Daniel Lin plus que songeur. Notre daryl androïde venait de comprendre que Gana-El était de même nature que son interlocuteur. 
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Pour l’heure, celui qui avait endossé l’identité humaine d’André Fermat rouvrait les yeux, étendu sur le sol de duracier du vaisseau, respirant avec difficultés un air qui avait besoin d’être renouvelé. Plus que troublé par ce qu’il venait de comprendre, de subodorer, le commandant Wu se releva et, s’approchant du vice amiral, se hâta de lui prodiguer les premiers soins.
Le portant tel un enfant, il installa celui-ci sur la couchette la plus basse et donc la plus accessible, refusant d’un signe de tête l’aide de Frédéric et de Germain la Chimène, ce colosse au grand cœur. Tandis qu’il déposait Gana-El, Daniel Lin réfléchissait à toute vitesse.
Désormais, le commandant Wu était persuadé avoir été jadis un Ying Lung au même titre qu’Olmarii et que le vice amiral. Il avait sans doute été exclu de la communauté parce qu’il s’était montré incapable de dépasser ses défauts et de les rejeter.
Mais il y avait pis apparemment. Il les avait communiqués aux humains!
Maintenant, il lui fallait réfléchir au plus vite, dans le calme. Or, il n’en eut pas le loisir car Gana-El, d’une voix rauque et étouffée à la fois l’appelait. Dans le ton de sa voix perçait une inquiétude toute paternelle. Cela n’échappa pas au Surgeon.
- Daniel Lin, bon sang, à quoi donc vous êtes-vous donc engagé?
- Euh… à rien d’important… à accomplir mon devoir…
- Olmarii est venu, ne le niez pas.
-  Oui, c’est vrai.
-  Que vous voulait-il?
-  En fait, le Ying Lung est venu à ma demande.
- De plus vous savez sa nature…
- Oui, certes, même si j’ignore encore précisément en quoi elle consiste… Je me suis senti obligé de faire appel à lui afin de vous secourir. Mais, avant d’intercéder en votre faveur, il m’a  reproché une lourde faute que j’aurais commise jadis, ailleurs…
- Je me refuse à répondre à votre supplique non formulée commandant Wu! Là-bas, dans cet ailleurs où j’espère que vous ne vous y rendrez jamais, j’ai vu comment et quand Van der Zelden avait agi. Nous devons au plus tôt tirer Alban de Kermor des griffes de la mort. Sinon, tout échoue. Écoutez-moi et soyez attentif, Daniel Lin.
- Amiral, vous êtes encore faible et le Riu Shu m’a recommandé de m’exposer, moi…
- Commandant Wu, je ne suis pas une mauviette! J’en ai vu d’autres, je vous l’assure. Inutile de tenter de m’arrêter. Voici comment nous allons procéder. Ah! J’ai besoin de l’aide de vous tous, reprit André à l’adresse de Tellier et des acteurs.
- Vous pouvez compter sur moi et sur mes hommes, se contenta de déclarer l’Artiste en s’inclinant avec respect.
Quant à la Chimène, ébahi par la résurrection du maître espion, il s’exclama naïvement:
- Ma parole, ce gars-là, c’est Lazare! 
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