France, même époque.
Par la radio, Gaspard
Fontane avait appris le sabordage de la flotte française à Toulon,

conséquence
de l’occupation de la zone libre par les forces de l’Axe en représailles de
l’opération Torch.

Si le maire de Sainte-Marie-Les-Monts trouvait cet acte
courageux – celui du sabordage naturellement – il n’en était pas moins indigné.
Empli d’une colère rentrée, tout en roulant une cigarette, il informa Marc, son
fils et son ami Antoine Fargeau de sa volonté de répliquer à cette violation de
l’Armistice non d’une manière symbolique mais bien par une action sanglante.
- Ah ! Il n’est
plus question d’attendre ! De bayer aux corneilles. Foutre non !
Cette fois-ci, nous allons montrer à tous ces Boches que nous, les Normands,
nous ne sommes pas des moutons bêlants.
- Oui, mais
encore ? Fit Antoine dubitatif.
- Bernard, Léon,
Robert et tout le reste du groupe sont impatients d’en découdre. Je vais leur
transmettre le signal de la riposte. Après tout, nous sommes plus que prêts,
non ?
- Si vous faites
allusion aux détonateurs, j’ai fini de les assembler, jeta l’ex-étudiant de Cal
Tech avec le sourire le plus innocent.
- J’attendais ce
genre de réponse, siffla Marc. Tu fais un artificier du tonnerre, Antoine. Avec
toi, c’est sûr que les Chleus vont morfler.
- Tu peux le dire…
Gaspard Fontane, en
paysan normand madré, avait deux visages pour le moins. D’une part, il
profitait de la guerre en s’adonnant, comme tout un chacun au marché noir,
exigeant des riches bourgeois venus se ravitailler à sa ferme cent fois le prix
officiel d’une douzaine d’œufs, d’un camembert, d’un travers de porc ou d’un
demi-jambon, mais de l’autre, il distribuait gratuitement à ceux qui
souffraient visiblement de la faim, du beurre, du lait, du lard, ou des
légumes. Enfin, le maire prenait ses ordres non de Paris ou de Caen mais de
Londres, étant placé à la tête d’un réseau de résistance.
Quatre jours plus
tard, faisant suite à cette conversation, le groupe de terroristes du coin fit sauter un pont sur lequel devait passer un
convoi de ravitaillement non pour les citoyens de la bonne ville de Caen mais
pour les troupes d’occupation. Les bâtons de dynamite n’attendaient que le
signal électronique d’Antoine Fargeau pour exploser.
A l’heure prévue, le
convoi militaire passait sur ledit pont. Tandis que les mines magnétiques, à
peine décelables se fixaient sous les camions, puis éclataient soudain, la
panique gagnait les militaires qui n’avaient rien vu venir. Des soldats,
désorientés, à moto, d’autres en voiture, stoppèrent en catastrophe et se
mirent à tirer à vue, en rafales avec leurs fusils mitrailleurs ou leurs
mitraillettes. Mais il n’y avait personne face à eux ou derrière eux. Puis,
alors que les nazis pensaient le calme revenu, à son tour, le pont sautait en
gerbes étincelantes d’un beau rouge orangé et ce, en plusieurs endroits à la
fois. Sous toutes les arches, les bâtons de dynamites firent leur office. Pris
au piège, beaucoup des soldats ennemis périrent, leurs corps volant dans les
airs, mutilés, déchiquetés, leurs membres arrachés. D’autres crurent avoir plus
de chance en se jetant dans l’eau. Mais là aussi, ils moururent, d’autres
explosions intervenant. Il n’y eut qu’un unique survivant, le visage
ensanglanté, une main transformée en bouillie. Péniblement, il regagna Caen,
alors, qu’au loin, tapi derrière un talus, Antoine demandait à Gaspard s’il
fallait épargner ce Boche.
- Laissons-le aller
rapporter ce qui vient de se passer à qui de droit, répondit Fontane, les yeux
mauvais. Que cette foutue racaille soit saisie de trouille. Chacun son tour.
- Oui, d’accord,
s’inclina Fargeau. Mais les représailles vont être terribles.
- Nous ne sommes pas
en train de jouer à colin-maillard, mon garçon ! Nous faisons la guerre.
Forcément qu’il va y avoir de la casse.
Effectivement, la
riposte de l’occupant fut cruelle : perquisitions, innocents arrêtés,
prises d’otages, fusillades, exécutions sommaires, déportations de terroristes supposés, placards
d’affiches sur tous les murs de la cité normande mais aussi dans les villages
alentour, patrouilles renforcées, écoutes radio accrues afin d’identifier les
auditeurs de cette maudite BBC, etc.
Elisabeth Granier ne
semblait nullement préoccupé par les derniers événements. Agée de seize ans,
elle n’avait à l’esprit que la personne de Marc Fontane. A toute heure du jour
ou de la nuit, ses pensées n’étaient centrées que sur le médecin du village.
Elle lui vouait un enthousiasme sans borne, une admiration sans limites, elle
béait devant lui lorsqu’il venait chez son père pour une raison ou pour une
autre. Bref, en peu de mots, elle était amoureuse…
Pour elle, il
incarnait à la fois la beauté masculine, virile, mais aussi l’idéal humaniste,
se dévouant pour ses malades, réussissant, malgré les embuches, à trouver les
médicaments nécessaires à ses patients, n’hésitant pas, qu’il fît nuit et que
le couvre-feu régnât, ou qu’il fît jour, sous une pluie battante ou sous un
soleil brûlant, à se rendre par monts et par vaux au chevet de sa clientèle
officielle ou… clandestine.
Par une réflexion
lâchée inconsidérément par Marc lui-même, Elisabeth avait compris que le
médecin était un membre actif de la résistance. Au lieu de le dénoncer aux
autorités, elle usa de mille subterfuges afin de se faire admettre comme boîte
aux lettres dans le groupe. Gaspard finit par céder mais sous les instances
d’Antoine. Le bougre, lui, savait qu’elles allaient être les conséquences de
tout cela. Se conformant plus que jamais aux instructions de l’agent temporel,
il permettait que le futur, tel qu’il le connaissait, prît forme.
Toutefois, un élément
essentiel restait dans l’ignorance de Fargeau… sa propre mort dans le passé…
Quant à Michel
Granier, enfermé dans le mutisme, dans une solitude boudeuse, il faisait
semblant de ne pas s’apercevoir du manège de sa fille vis-à-vis de Marc
Fontane. Pour lui, le médecin, âgé de trente ans environ, était bien trop vieux
pour Elisabeth. Ce n’était qu’une amourette et l’adolescente allait vite passer
à autre chose, focaliser sur quelqu’un d’autre. Elle ne connaissait rien de la
vie, de la chose…
Dans le domaine de la
politique, Michel, le brigadier de gendarmerie, ne cachait pas son pétainisme.
Il grommelait des insultes bien senties à l’égard des individus douteux qui
s’engageaient dans la résistance. Des bandits, des aventuriers en mal de sensations
fortes. Depuis la disparition de son aîné, dont il n’avait reçu aucune nouvelle
depuis tantôt un an et demi, sa devise était pas d’histoire… surtout pas d’histoire…
Marc avait accueilli
avec joie l’arrivée d’Elisabeth dans le groupe. Tout renfort n’était pas à
dédaigner… le trentenaire ne voyait dans l’adolescente qu’une enfant exaltée
qui en demandait et redemandait… pourquoi pas ? Mais il n’était pas
question de la mettre dans tous les coups. Boîte aux lettres, oui, mais pas
davantage…
En dehors de ses
actions d’éclat interdites et dangereuses, Marc Fontane était l’amant plus ou
moins régulier de Carole Lavigne son assistante médicale. Il était loin de la
soupçonner concernant son espionnage. La garce, la rouée, faisait preuve d’une
prudence toute professionnelle. Fraülein von Wissburg était passée maîtresse
dans l’art de la dissimulation. Pourtant, la région lui devait des coups de
filets non négligeables.
Cependant, le groupe
de Gaspard Fontane s’en prenait maintenant aux collaborateurs notoires, à
quelques-uns de ceux qui pactisaient sans vergogne avec l’occupant. Ainsi, cinq
hommes et deux femmes furent un soir appréhendés par les maquisards du bocage
normand et pendus à un arbre.
Pendant ce temps,
loin des la France, le 25 novembre 1942, les Américains remportaient des succès
notables à Guadalcanal. William O’Gready put télégraphier à son ami Otto ses
espoirs en une victoire des Alliés dans le Pacifique.

Dès le lendemain de
la réception de ce télégramme, Otto von Möll était contacté par les autorités
américaines pour un projet ultra secret concernant la mise au point de la bombe
atomique. Dès le premier janvier de l’année suivante, le chercheur
germano-américain allait rejoindre son nouveau poste et s’adonner à sa nouvelle
tâche. Il travaillerait sous la houlette du savant atomiste Oppenheimer.

Or, la guerre
classique suivait son cours. Bill s’illustrait dans d’autres combats ayant pour
cadre l’océan Pacifique et Darlan était assassiné à Alger le 24 décembre 1942.
*****
14 Octobre 1993.
A seulement deux
heures cinquante-deux minutes de l’inévitable, le gros homme, clone favori du
Commandeur Suprême, fumait avec la plus grande satisfaction un énorme cigare
tout en avalant avec délectation trois douzaines d’huître d’une fraîcheur
incomparable. Ses claquements réguliers de la langue dénonçaient le parfait
sybarite qu’il était. Parfois, laissant là son mets divin, il jetait un sourire
cynique en direction de Michaël, toujours prisonnier à l’intérieur de son cube
de cristal, geôle parcourue de particules neutralisant le contenu de cet espace
réduit. Lentement, la structure même du volume se modifiait, laissant présager
une fin fatale.

L’agent temporel
était tout à fait conscient du péril encouru. Son potentiel énergétique avait
atteint un seuil plus que critique alors que son adversaire attendait sa mort
avec la plus parfaite quiétude. Humant une nouvelle fois son havane, le clone
éleva enfin la voix, sur le mode sarcastique :
- Mon petit, d’après
mes tout derniers calculs, il te reste précisément quatre minutes, vingt-huit
secondes et trente-deux centièmes de ce temps terrestre à vivre. Juste la durée
nécessaire pour que tu puisses découvrir les documents suivants.
Alors, un écran
sphérique tridimensionnel se matérialisa, un écran à la technologie bien plus
avancée que celle utilisée par le Commandeur Suprême les fois précédentes, une
sphère qui révélait certaines images appartenant au passé de cette piste
temporelle.
La première d’entre
elles qui apparut sur l’écran était une photographie datée, du 9 avril 1956. En
couleur, elle représentait un groupe de personnes, des savants pour la plupart
en train de poser sur le parvis d’un château. Alors, tel un maître d’école, le
Commandeur Suprême, à l’aide d’une règle lumineuse, désigna un à un les individus
du document, le faisant parfois tourner sur lui-même lorsqu’il le jugeait
nécessaire.
Mais l’Entité ne
pouvait s’empêcher de commenter et ce, d’une manière des plus prolixes.
- Voici en premier
lieu Stephen Mac Garnett que tu auras sans doute identifié. Le genre
microcéphale introverti. Rien à dire de plus sur lui. Il n’est pas intéressant.
Ensuite, viennent, de gauche à droite, l’inénarrable gaffeur, le homard galonné
William O’Gready – à croire qu’à chacune de ses bourdes, il gagne un galon –
Wladimir Belkovsky, le sulfureux piailleur, persuadé posséder le génie créatif
au plus haut point mais pas même capable de résoudre une équation de Lorentz
alors que cela est la portée du premier ordinateur venu, Robert Fitzgerald
York, le politicien de la bande, surnommé Snowy
mais se prenant pour Snow White, sans
commentaire superflu de ma part, Nikita Sinoïevsky, plein d’ardeur, il faut lui
reconnaître au moins cela, en fait un Caucasien sous-développé mâtiné de
Tartare. Il aurait pu nous être beaucoup plus utile avec davantage de bonne
volonté. Mais… bon… enfin, les personnages situés au premier rang sont
réellement dignes d’intérêt. Il s’agit d’Otto von Möll, ou plus précisément
Otto Möll qui, pour faire plus américain et plus middle class a laissé choir sa particule, et de Franz von
Hauerstadt qui, lui, n’a pas cette prétention, mais tu en connais la raison,
n’est-ce pas, mon petit ? Il est vraiment dommage pour eux que j’existe…
toutefois, leur développement crânien est loin d’être suffisant pour me mettre
des bâtons dans les roues.
Entendant cette
remarque, Michaël retint de justesse un hoquet de rire.
- Que peuvent de
malheureux Homo Sapiens, pourtant au top du top à leur niveau, contre le super
cerveau que je suis ? Franchement, c’est ridicule !
Une quinte de rire de
la part du clone imbu de lui-même et il passa à une autre photo.
- Mais vise un peu ces
monstres technologiques ratés ! Quel spectacle des plus funs ! Ah…
mais j’avais oublié… un petit retour à la photographie précédente… Il y a
également une jeune femme sur ce cliché antédiluvien. Pris par Giacomo
Perretti. Ma foi… si j’étais un vrai humain, je ne cracherais pas sur une
petite soirée avec cette créature… sacré morceau ! Mensurations : 95
de tour de poitrine – pour la France – 58 de tour de taille, 1m65 de haut, de
longues jambes minces et fuselées à souhait, des cheveux flamme mouvante des
plus excitants, un teint de pêche veloutée, des yeux noirs appelant à l’amour,
et… vêtue telle une star hollywoodienne, je pense ici à Grace Kelly.

Mate-moi
cette toilette : une jupe de mousseline blanche moussant sous trois
épaisseurs de jupons empesés, mais les portant avec un naturel à couper le
souffle, des jambes au galbe parfait gainées de soie noire, des escarpins
vernis noirs à talon aiguille cambrant la taille de madame… quel bibelot
ornemental ! Et, un pull en laine angora valant au bas mot soixante
livres, qui ne dissimule rien en fait de cette poitrine de rêve déjà décrite.
Je suppose que les dessous sont du même acabit : soie noire transparente
aussi douce que du satin… ah ! si j’avais le temps et une vie à
perdre ! Non, il ne s’agit pas de Marilyn ni de Liz Taylor, encore moins
de BB ou de Bo Derek ou de Jessica Lange… cette créature merveilleuse, la
féminité dans toute sa perfection, n’est autre qu’Elisabeth von Hauerstadt née
Granier. Oui, l’épouse de Franz qui, ma foi, a tous les bonheurs. Ah !
Mais tu t’agites, Michaël… pourtant, tu as largement le temps d’entendre la
suite puisqu’il te reste encore deux minutes et trente-cinq secondes avant ton
extinction définitive. Je sais très bien que tu n’es pas insensible à la beauté
féminine, mon cher enfant. Toutefois, il me semble que tes goûts te portent
davantage vers les adolescentes à peine nubiles que sur les femmes arborant
ostensiblement leurs délicieux appâts.
Une légère pause,
puis l’image suivante se matérialisa en trois dimensions dans la pièce.
- Cette deuxième
photo me donne la nausée… une horreur de maladresse technologique si tu veux
mon avis…
En effet, le document
montrait des prototypes disgracieux, malhabiles au possible de fusées ou de ce
qui y ressemblait, avec sur la carlingue métallique les lettres CCCP dénonçant
ainsi les essais plus ou moins aboutis des Soviétiques concernant non la
conquête spatiale mais bel et bien la conquête du voyage temporel.
- Tu as sans doute
identifié le fameux et redoutable Diubinov. Ce cliché remonte à la fin de
l’année 1958. Un ratage complet… mais il y a encore plus amusant. Que penses-tu
cette fois de tout cet enchevêtrement de fils, de tôles ondulées, un montage
délirant, non ?
Le Commandeur Suprême
était passé à l’image révélant les essais catastrophiques de mise au point du
translateur soviétique.
- Tu as reconnu le
module temporel ou un de ses avatars éloignés. Quel gâchis ! Ce que tu
vois, ce sont les engins ridicules de la deuxième moitié des années 1960.
Malgré les échecs, Nicolaï s’est entêté. La dernière tentative remonte à mars
1970. Ensuite, rideau ! Alors, que te semble ? un véhicule des plus
grotesques, tout juste capable de voler au-dessus des champs à vitesse
infraluminique… Ainsi, comme tu as pu le constater, ces Homo Sapiens Sovieticus

avaient grand besoin de mes connaissances… ou des tiennes. Diubinov n’a jamais
baissé les bras, et ce, grâce à mon intervention plus ou moins officielle.
Désormais, il est assuré de réussir. Bien. Maintenant, tu vas mourir… encore
une poignée de secondes… aucune angoisse dans ton cœur ?
Le gros homme n’eut
pas le temps de s’enquérir d’une réponse éventuelle de Michaël. Il put juste
froncer ses sourcils épais tandis que sa face esquissait la plus abominable des
grimaces. Son organisme artificiel était en train de perdre de sa cohérence.
Bientôt, le clone fut réduit en microscopiques particules lumineuses puis,
celles-ci s’égayèrent dans une autre dimension, rejoignant le vide. Là,
impossible de se réassembler. Le hurlement de l’Entité retentit au plus profond
de l’âme de Michaël mais c’était là un cri muet de stupéfaction terrorisée.
Or, tandis que le
clone du Commandeur Suprême était ainsi désintégré, le cube identificateur,
quant à lui, avait cessé ses vibrations inquiétantes et dévastatrices. Libérant
son hôte forcé, il quitta cette harmonique temporelle pour gagner une autre
réalité. Parallèlement à ce double phénomène, Michaël Xidrù, à la toute
extrémité précédant l’extinction, se sentit revivre tout à coup. Il baignait au
centre même d’une lumière bienfaisante et régénératrice.
Cependant, à quelques
pièces du laboratoire, le pseudo-secrétaire de Diubinov, autrement dit le sieur
Johann van der Zelden, avait été alerté par la disparition subite du clone du
Commandeur Suprême par un signal sonore discret émis par sa fausse montre
transtemporelle. Comprenant que quelque chose de grave et de tout à fait
imprévu venait de se produire, l’Ennemi courut précipitamment jusqu’au labo
pour se rendre compte que la salle était déserte.
- C’est un coup signé
des S ! Souffla-t-il. Ah ! Faut-il donc qu’ils y tiennent à leur
agent !
S’avançant dans la
pièce vide aux murs blancs, Johann poursuivit ses réflexions.
- Hem… le Commandeur
s’attendait-il à une telle conclusion ? L’avait-il anticipé ou a-t-il été
pris au dépourvu ? Jamais il ne me le dira… Je pense qu’il dissimule
beaucoup de choses dans cette histoire… en attendant, je vais encaisser un de
ces savons…
Ce fut précisément ce
qui arriva à Johann trois minutes plus tard alors que S3, qui ne pouvait
tolérer aucun témoin subalterne avait tout simplement effacé tous les
collaborateurs du Diubinov et de l’Ennemi, par un tour de passe-passe temporel.
En peu de mots, les individus concernés n’étaient… jamais nés ! Une petite
entorse dans le continuum de cette chronoligne-ci.
Mais revenons à
l’Ennemi. Il reçut d’un air mi-figue mi-raisin la réponse de l’entité
artificielle.
- Je le sais bien que
les S viennent de détruire un de mes avatars. Mais ceci est arrivé parce que
vous avez fait preuve de la plus grande stupidité. Oui, Johann, vous avez été
stupide… laisser Michaël s’échapper, être récupéré par S3…
- Mais Commandeur… je
n’avais manifestement pas tous les atouts en mains… Moi, faire face seul à un
S ?
- Cessez donc !
Je ne puis être partout à la fois… Je me moque pas mal de ce clone numéro je ne
sais plus combien ! Il était usagé, je devais changer de peau. Alors, il
était temps de passer à une autre incarnation.
- Monsieur…
- Quoi ?
N’oubliez pas que, vous aussi, n’êtes qu’un clone du véritable Johann… alors,
vous avez le plus grand intérêt à réussir votre prochaine mission… sinon…
- Sinon ?
- Sinon, à la
casse !
En silence, Johann
van der Zelden encaissa la fin de l’algarade.

Il comprenait que l’Entité était
furieuse car plus atteinte qu’il y paraissait. Lorsque la communication fut
terminée, l’Ennemi garda pour lui une réflexion qui en disait long sur sa
loyauté vacillante.
- Je trouve que, ces
derniers temps, le Commandeur sacrifie un peu trop de monde… D’accord, ce ne
sont que des pions, des humains ordinaires, mais… tout de même ! Il n’est
plus pour moi ce qu’il était jadis, cette force granitique qui m’inspirait le
plus profond respect et la plus grande admiration. J’en viens à douter de notre
succès dans cette aventure… la statue est fissurée, criblée de minuscules
entailles… or, elles vont en s’élargissant.
*****
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