dimanche 9 octobre 2011

Le nouvel envol de l'Aigle : 1ere partie : El Desdichado chapitre 1er 2e partie. .

Paris, février 1782.

Le maître d’armes en vogue en ce mitan du règne de Louis XVI

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donnait un cours d’escrime aux jeunes blondins élevés dans des langes brodés d’or. L’ancien mousquetaire du Roy Louis XIII avait réussi à tirer son épingle du jeu après son involontaire et inexplicable transfert temporel. Présentement, en culotte couleur chamois, chemise blanche ouverte sur son torse puissant, ses cheveux blond roux coiffés en catogan - cependant la royale et les moustaches anachroniques avaient été conservées - il s’évertuait à enseigner aux colonels à la bavette tous les secrets des tierces, quartes, quintes ainsi que les parades et les bottes les plus fréquentes.

- Mordieu, monsieur le marquis! S’exclamait-il à l’encontre d’un enfançon de cinq ans tout au plus, vous tenez votre estramaçon comme s’il s’agissait d’un sucre d’orge. Quant à vous, monsieur Dupré, si l’assaut était réel, vous seriez déjà occis!

Ledit Dupré était un adolescent boutonneux dont le père, négociant, possédait une fortune conséquente.

- Le pied ferme, bon sang! Cette jeunesse, quelle mollesse!

Un rire sonore éclata alors dans la vaste salle d’armes tandis que le comte Galeazzo di Fabbrini applaudissait, l’œil pétillant.

- Ah! Monsieur le comte, c’est vous. Vous êtes quelque peu en avance, ce me semble. S’écria Gaston joyeux et ravi d’avoir enfin un adversaire à sa hauteur.

- Finissez donc, mon cher, répliqua Galeazzo une lueur d’amusement perceptible dans ses prunelles sombres. J’ai tout mon temps, vraiment, c’est le cas de le dire. Cependant, je ne suis pas venu ce jourd’hui pour ma leçon d’escrime. J’avais à vous montrer une petite merveille de mon invention. N’êtes-vous pas bon public?

Sa curiosité émoustillée, Gaston de la Renardière bâcla la séance. Tant pis pour les colonels en « couches culottes »!

Une fois la salle d’armes presque vide, le maître des lieux se frotta les mains de satisfaction. Depuis quelques semaines déjà, il avait noué certains liens avec le noble ultramontain, liens qu’on ne pouvait toutefois qualifier d’amicaux. Il n’aimait pas particulièrement le personnage mais, enfin, la bourse bien garnie de l’outre-cisalpin, la prodigalité dont il faisait preuve, lui permettaient de dîner ou de souper fort convenablement et de savourer de succulentes volailles farcies ou encore de cochons rôtis rissolés à point.

Notre ancien mousquetaire, trop franc du collier, percevait, par intermittence, les sombres aspects de la personnalité du comte. Néanmoins, il faisait comme si de rien n’était ayant suffisamment fréquenté la Cour de Louis le Treizième et ayant su éviter plus souvent que nécessaire les chausse-trappes du Louvre.

- Voyez, monsieur le comte, je suis tout à vous. Dit de la Renardière en s’inclinant.

- Parfait, Gaston.

Avec affectation, Galeazzo tapa dans ses mains. Ce geste eut pour effet de faire apparaître deux serviteurs lourdement chargés d’un ballot encombrant. Les deux hommes avaient attendu sereinement dans un étroit couloir que leur maître les appelât. Nous connaissons les goûts exotiques de Galeazzo concernant le recrutement de sa domesticité. Une fois de plus, il ne s’en était point privé. Un Amérindien de la Terre de Feu de sept pieds de haut, apparenté aux Patagons et un Dravidien imposant et gras à souhait à la peau presque couleur d’ébène, doté d’une moustache noire comme enduite de cirage comme pilosité apparente, déposèrent délicatement la mystérieuse charge sur le plancher. Puis, toujours muets et placides, ils entamèrent le déballage de l’étrange colis.

Ce fut alors que Galeazzo s’avisa d’un contretemps.

- Ah! Mais j’oubliais! Je ne puis tirer sur ces murs… je vais les démolir avec mes armes. Il me faudrait une cible plus appropriée.

- Une cible? Pensa Gaston de la Renardière. Bigre! Aurait-il réinventé l’arbalète ou la bouche à feu?

Tout en devisant sur ton enjoué, le comte sortait de la caisse des pièces sombres, assez lourdes qu’il se mit à assembler avec dextérité.

- Mon ami, comme vous allez vite le constater, j’ai conçu un système amélioré de ribaudequin à la Léonard de Vinci auquel j’ai adjoint les principes fort commodes des canons de Gribeauval, mais en y apportant des perfectionnements sensibles, canons multiples, frein de recul, simultanéité des tirs, chargement par la culasse, rayures des âmes et ainsi de suite…

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- Monsieur le comte, je crois avoir compris ce qu’il vous faut. Là, dans ce coin, ce vieux mannequin d’entraînement pour mes élèves boutonneux.

- Merci, Gaston. Harsa, place les bandes de munitions dans leur logement comme je te l’ai appris, ordonna Galeazzo dans une langue inconnue de l’ancien mousquetaire.

Tandis que le serviteur s’empressait d’obéir, de la Renardière demanda naïvement:

- Pourquoi les balles sont-elles cylindriques et coniques et non sphériques?

- Oh, tout simplement pour assurer une meilleure pénétration et donc pour mieux fendre l’air. Répondit l’Ultramontain avec une certaine condescendance. Allons, assez discouru! Passons aux essais.

Avec fougue, comme ayant retrouvé ses vingt ans, le comte, après avoir fait signe à ses deux domestiques de se mettre à l’abri, tourna la manivelle de la mitrailleuse anachronique qu’il avait assemblée. Cependant, Galeazzo s’était montré prudent. Il n’avait pas été jusqu’à oser faire démarrer l’arme par impulsion électrique alors qu’il disposait de cette technologie. Une seconde auparavant, il avait eu la précaution de donner à Gaston des boules de cire à placer dans les oreilles afin de protéger les tympans; quant à lui, il s’en passait fort bien aimant particulièrement le bruit, la fureur et le sang. Au cœur d’une bataille, il exultait.

Malgré cela, de la Renardière recula impulsivement lorsque la mitrailleuse fit son office et réduisit en charpie le triste mannequin d’osier d’entraînement. Les murs souffrirent également des tirs nourris. Cependant, les douilles tombaient sur le plancher et s’y accumulaient avec une régularité métronomique. Un métronome réglé sur la cadence la plus rapide!

Au-dessus de la salle d’armes, les paisibles voisins se terraient. Le lendemain matin, ils se garderaient toutefois de porter plainte au lieutenant de police, Gaston sentant le ruffian à cinq lieues. De plus, monsieur de la Renardière était noble, alors, ils n’avaient aucune chance!

Enfin, l’infernal engin se tut.

- Morbleu, monsieur le comte, vous m’impressionnez grandement. Cap de Diou comme aurait dit jadis un mien ami gascon! Il y a, sur mon plancher, deux cents balles pour le moins.

- Plus, Gaston, bien plus. Cette mitrailleuse tire quatre cents coups à la minute.

- Diable! Quel prodige!

Dans une salle mitoyenne, une souillon à qui personne n’accordait un regard avait poursuivi sa tâche triviale en frottant le dallage, comme si rien de notable ne s’était produit. Puis, placidement, reprenant son seau en bois et sa serpillière, la grosse femme laide au visage défiguré par la vérole et au menton parsemé de longs poils disgracieux, se redressa, gagna le couloir, descendit les marches d’un escalier plus ou moins droit et branlant, sortit de l’immeuble séculaire et, d’un pas pressé, s’engagea dans un lacis de ruelles à la propreté douteuse.

La domestique n’était pas, loin de là, une innocente femme de charge. Au service d’une puissante et mystérieuse dame russe, son déguisement dissimulait en fait une identité hétérodoxe et pourtant bien réelle. Imaginez un siamois faux jumeau, plus précisément un être hétéropage avec un corps complet de femme et un demi corps d’homme soudé à son ventre,

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dépourvu de jambes le demi corps, le tronc en sus caché par l’ampleur d’innombrables robes, jupons, corsets en osier de bien d’autres accessoires. Nous avions affaire au plus redoutable rival du chevalier d’Éon. La créature se nommait Alexeï Alexandra Souvourov. Il est bon de savoir qu’ici, le demi corps masculin, au lieu de présenter l’aphasie habituelle, tout chétif et atrophié qu’il était, commandait cependant le volumineux corps féminin! Rachitique et scrofuleux, le monstre double n’en portait pas moins des moustaches démodées à la Pierre le Grand.

L’espion hétéropage se hâta de gagner le cabaret le Cygne noir où l’attendait son contact. La souillon, avec une certaine impatience, claqua la porte de l’estaminet enfumé fréquenté par les nautes, les pêcheurs et les ravageurs. Plissant les yeux, la créature double s’avisa de la présence de son supérieur assis au fond de la salle, près de l’immense cheminée où une viande indéterminée rôtissait au-dessus des flammes. Sans façon, tout en se dandinant, Alexandra marcha jusqu’à son contact. La grande femme rousse, au teint de pêche et aux yeux verts, salua brièvement son ou sa subordonnée et lui fit signe de prendre place à ses côtés. Visiblement peu habituée à respirer l’atmosphère lourde et empuantie par la fumée de nombreuses pipes, l’inconnue portait souvent à ses lèvres un fin mouchoir de batiste aux senteurs mêlées de miel et de lavande.

Pendant ce temps, dans le corridor jouxtant la salle d’armes, le Dravidien, appuyé contre un mur écaillé et grisâtre, faisait semblant de sommeiller. En réalité, doté du don de télépathie, Harsa entrait en communication avec son véritable maître. Une sorte d’hologramme - ou plutôt une projection psychique ou inter temporelle, visible seulement de l’Asiatique - prit forme dans la semi pénombre. Étrange image en vérité, représentant un ridicule et inquiétant automate enturbanné rappelant le fameux joueur d’échecs de Van Kempelen! Comme ses cousins australoïdes qui avaient des gênes communs avec lui, Harsa avait la capacité de communiquer inter dimensionnellement, se moquant ainsi des frontières temporelles. De sa bouche animée, l’automate formula des instructions détaillées. L’être s’exprimait en urdu.

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Juin 2152.

Quelques minutes avant la décision de l’exil définitif de la tribu de Lobsang Jacinto le Conseil des sages se tenait à l’intérieur d’une maison en terre crue avec adobe de type anasazi. La salle du Conseil se trouvait au premier étage et présentait des murs ornés de couvertures brodées à motifs géométriques où alternaient les teintes noire, ocre et jaune. Les Sages, assis circulairement, étaient une douzaine. Au milieu du cercle se dressait la statue totem de Chief Seattle qui, en 1854, avait écrit au Président des Etats-Unis Franklin Pierce en lui déclarant que l’homme appartenait à la Terre et non la Terre à l’homme.

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Parmi les douze sages, il y avait présents Lobsang Jacinto - naturellement puisque c’était lui le solliciteur - Tenzin Musuweni, un grand Noir athlétique, Raeva Rinpotché,le plus jeune membre du Conseil, la trentaine, les cheveux noirs mi longs, le teint clair et les yeux légèrement bridés, Dorje Dropa, le chef du village, Assim Roméo, l’homme médecine, Uluru Gendrum, le gardien des traditions, Mani Aniang, le plus âgé et la mémoire de la tribu, et ainsi de suite.

- Faut-il ou non quitter au plus vite le village, abandonner à jamais la contrée menacée par ce peuple venu du ciel, les Haäns?

Telle avait été la question cruciale formulée par Dorje.

Mani Aniang avait jeté, fielleux:

- Nous faut-il croire ce Daniel Lin Wu, ce pirate, ce paria? Sa langue ment autant que ses yeux.

Tandis que les douze Sages méditaient et donnaient leur avis, penchons-nous davantage sur les masques à transformation qui étaient disséminés dans la grande pièce. L’un d’eux était un masque de danse articulé corbeau homme qui aurait pu figurer dans la tribu amérindienne Haïdah, originaire de la côte Nord-Ouest du « Canada » dans notre piste temporelle; un premier masque montrant un oiseau s’ouvrait en deux pour révéler le visage d’un homme où le nez ainsi que le haut des joues étaient verts, doté d’une bouche large, peinte en rouge. Le front portait un motif géométrique avec d’épais traits noirs. Le tout, assez effrayant, servait lors de certaines cérémonies sacrées avant que le bouddhisme ne s’impose sur le continent.

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Près de ce masque double, un hochet de chamane en bois sculpté et peint représentant quatre figures mythiques, corbeau, être humain, grenouille et oiseau tonnerre était suspendu. L’objet, de taille relativement modeste avec ses trente et un centimètres était peint et sculpté dans le bois. Les rouges et les turquoises se détachaient sur la masse noire et le socle non teinté. L’oeil dessiné de profil inquiétait, suggérant la présence d’un esprit protéiforme dans l’objet habité. D’autres masques à transformation appartenaient à l’ethnie Kwakwakàwakw; ce nom presque imprononçable est authentique!

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Au début de la réunion, les réponses étaient mitigées, mais, peu à peu, un consensus ressortait.

- Bouddha, mes frères, nous envoie cette épreuve, faisait Uluru Gendrum en inclinant la tête.

- Pourquoi donc? S’écria Raeva, le plus impulsif.

- Tout simplement, pour tester notre bouddhéité.

- Dans ce cas, nous ne devons pas nous dérober et, au contraire, il nous faut accepter notre sort, compléta Mani Aniang.

- Accepter notre sort, reprit Dorje Dropa, cela signifie rester sur notre terre et mourir.

- Mourir? Qu’importe! Souffla l’ancêtre; Pourquoi craindre ce qui est dans la nature de toute chose? Nous trépassons et nous connaissons alors une nouvelle incarnation, voilà tout.

- Encore faudrait-il que celle-ci soit plus aboutie! Constata Assim Roméo.

- Que crains-tu donc, frère Assim? La mort ou le jugement du Bouddha?

- Permettez, demanda Raeva le rhapsode. Mourir peut être tentant pour lez plus âgés d’entre nous qui ont connu une vie longue et paisible; mais vous oubliez les plus jeunes, les enfants, nos enfants, les femmes, nos sœurs, nos compagnes… une fois que l’envahisseur nous aura anéantis, que restera-t-il de notre communauté, de notre sagesse, de notre connaissance des choses et des êtres, de l’enseignement du Bouddha? Rien!

- Rien, et alors? Tout ceci, le monde matériel n’est que fumées!

- Sans doute… mais, rester, ce n’est pas mourir dignement! C’est céder à la résignation, c’est faire preuve de lâcheté! Dit Raeva avec feu.

Le jeune homme appartenait à la secte des moines soldats et ne craignait donc pas d’affronter des ennemis supérieurs en force et en nombre; Impavide, Tenzin Musuweni reprit la parole.

- Mes frères, je me dois de vous rappeler un passé pas si lointain. Il y a de cela quelques décennies, nos ancêtres ont fait un choix qu’ils ont cru le meilleur pour la communauté humaine. En ce temps-là, la paix régnait sur la Terre tout entière, gouvernée par la parole du Bouddha de la Compassion. Nos ancêtres ont cru que cet état des choses serait éternel. Ils renoncèrent donc à la technologie, aux armes qui volent et foudroient, aux machines qui allaient et sur terre et sur mer porter la mort. Or, en détruisant ces armes, en oubliant toute technologie mécanique avancée, ils nous ont condamnés, laissés à la merci de prédateurs violents, avides de sang. Ils ont fait de nous des moutons, tandis que, dans le ciel, les hyènes et les loups se regroupaient et que les tigres se préparaient.

- Frère Musuweni dit vrai. Il a raison. Approuva Assim Roméo. Dans la plénitude de notre équilibre, nous avons voulu ignorer que les démons se dissimulaient partout, y compris dans ce qui nous était devenu désormais inaccessible, l’espace! Aujourd’hui, ils sont là, et ne se contentent pas de frapper à notre porte…

- Ils brûlent nos champs, enchaîna Raeva, détruisent nos maisons, s’emparent de nos femmes et de nos enfants.

- Que pouvons-nous leur opposer? demanda Dorje Dropa. Vous Raeva ainsi que vos dix-neuf compagnons guerriers avec des arcs, des lances et des haches, vous serez vite balayés!

- Pourquoi les affronter? Ne nous opposons pas. Offrons aux démons notre inertie, jeta Mani Aniang avec un certain courage. La violence n’a jamais rien résolu. Mes frères, résister est inutile.

- Pardon, fit alors Lobsang Jacinto. Combattre, verser le sang, résister, n’est pas la solution. Nous rendre, nous offrir en sacrifice comme notre frère le bison, non plus! L’étranger nous a présenté une autre alternative. Nous pouvons tous être sauvés, oui, tous les membres de notre communauté. Nous devons le suivre.

- Ah! Mais notre monde ne sera plus!

- Certes, Mani Aniang. Le prix à payer peut sembler lourd. Cependant…

- L’étranger nous offre un refuge, appuya Tenzin.

- Un refuge? Ricana le contradicteur. Où? Quand? À quelles conditions? Ce Daniel Lin, poursuivit-il avec mépris, l’avez-vous bien écouté? Avez-vous dépassé les apparences? Avez-vous sondé son cœur? Mes frères, en lui, tout n’est que ruines.

- Mani Aniang, je ne dirai pas cela, répliqua fermement Lobsang Jacinto. L’étincelle n’est pas éteinte chez Daniel Lin. Il a combattu les démons du désespoir et de l’obscurité, d’ailleurs, il le reconnaît lui-même. Ce combat, présentement, il le poursuit encore. Comme vous le voyez, il ne renonce pas à triompher d’eux. Dois-je rajouter qu’il demeure la seule chance qu’il nous reste?

- Oh, siffla l’ancêtre toujours venimeux et notre prochaine réincarnation?

- Justement! Fit Tenzin avec force. Bouddha verrait notre capitulation comme un suicide. Or, vous savez mes frères ce qui attend les suicidés.

- Je comprends parfaitement. Votre choix est déjà fait, soupira amèrement Mani Aniang.

- Nous ne désirons pas que sauver nos vies, reprit le Noir.

- Exactement, nous devons tenir compte des besoins de toute la communauté, compléta Assim.

- Effectivement. Pourquoi accepter un sacrifice vain? Saisissons donc le filet tendu par Daniel Lin. Qu’importe le lieu où nous vivrons du moment que nous vivrons!

- Notre frère Raeva parle comme si l’esprit du corbeau l’habitait, émit Assim.

- Faisons confiance à Daniel Lin Wu, conclut Dorje Dropa. Accordons donc à l’étranger le bénéfice du doute quant à ses véritables intentions. Il veut nous sauver? Hé bien, qu’il nous sauve. Ensuite, si l’Univers dans lequel il réside ne nous convient pas, nous partirons à la recherche d’un autre lieu plus approprié.

- Soit, Dorje Dropa. Tes paroles seront suivies. La survie de notre communauté avant tout.

Les Sages reprirent en chœur le mantra. Ainsi Lobsang Jacinto avait su convaincre la majorité des siens.

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