samedi 7 juillet 2012

Le Nouvel envol de l'Aigle 2e partie De l'origine des Napoléonides chapitre 14 1ere partie.


Chapitre 14

Octobre 2152. Léquipe de Fermat et du commandant Wu était de retour de son expédition de 1825 depuis quelques semaines déjà.
Mais toute la cité de lAgartha se préparait à subir un deuil qui lattristait profondément. Un de ses membres parmi les plus estimés, les plus aimés, navait plus que quelques heures à vivre. Malgré toute sa science et son acharnement, Denis ORourke ne pouvait plus rien pour le cœur trop vieux et usé de Lobsang Jacinto. LAmérindien achèverait là sa route. 
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Son animal totem, un loup au dos argenté, lui avait parlé durant son ultime nuit. Résigné, Lobsang attendait linstant du Grand Voyage. Les yeux clos, le souffle de plus en plus court, il semblait à toute lassistance que le vieillard ne verrait pas la prochaine journée. Allongé sur une couverture rouge tissée de motifs représentant de manière stylisée des chevaux courant librement dans la plaine, le sage ne bougeait déjà plus. Cétait à peine si sa poitrine se soulevait encore.
ORourke, le visage fermé, tenait le poignet de lAmérindien dans sa main, percevant linsensible et irrégulier pouls de mourant.
Une dizaine de personnes assistait à lagonie de Jacinto. Il y avait là ses deux fils ainsi que ses petits-enfants, mais aussi Tenzin Musuweni et Raeva Rimpoché, se amis. Daniel Lin se tenait quelque peu en retrait, ayant tenu à être présent, méditant, les yeux baissés.
Tôt ce matin-là, sa compagne Gwenaëlle lui avait donné un fils et la jeune femme, épuisée, le travail de lenfantement avait duré vingt-sept heures, reposait dans une chambre à la douce tiédeur, veillée par Aure-Elise et Louise de Frontignac. La comtesse, qui, un temps avait porté lhabit des filles repenties et aidé à la mise au monde dune trentaine de nouveaux-nés, avait promis au commandant Wu de prendre soin de la jeune parturiente et de lavertir en cas de nécessité.
Dans son coin, appuyé sur le chambranle de la porte, presque aussi pâle que lagonisant, le Surhumain réfléchissait à toute vitesse, tourmenté par de folles pensées qui se bousculaient, partaient, revenaient et sentrechoquaient dans sa tête, toujours avec plus de puissance.
«  Léquilibre de la nature une naissance, une mort le battement de lUnivers depuis lAube des temps lessence spirituelle de Jacinto est déjà loin dici, à la recherche dun nouveau corps, dun être pas encore fécondé non! Tout cela nest que Mensonge! Pourtant, il faut préserver lÉquilibre dit lenseignement bouddhiste que jai reçu. Mais je my refuse à y adhérer encore.
La Compassion devant linéluctable sort des humains, de tous les humains devrait simposer à moi.
Or, je vois distinctement le Serpent dor, le Bienveillant, le Guetteur il se glisse sans bruit sur la corde lumineuse de la Réalité. Il observe la scène. Il apprécie mon obéissance
Mais aussi lobéissance des petites vies, des faibles créatures, des modestes humains qui restent là, à leur place, tranquillement, attendant sereinement leffacement dun des leurs.
Acceptation Tel est mon Devoir combien de fois me la-t-on seriné, rappelé? En haut, en bas, partout, tout autour de nous, de moi, lUn unique et pourtant multiple se réjouit. Mais il nen a pas le droit! Il me jauge et me juge sans être à lorigine de cette expérience!
Expérimentateur préservateur révélateur tout devient brûlant, me arde et me cuit! Tout se dévoile et se recouvre dombre, se dérobe une fois encore non! Le leurre sévanouit, sestompe par le fait de ma Volonté!
Le sceau se rompt. Oui, je te vois Unicité, derrière le lit du mourant, dissimulée et présente
Dans les chevaux dansant sous la Lune, dans la plaine argentée, dans les photons qui sébattent dun Soleil brillant à lobscure lumière, je sais ce que je dois accomplir maintenant ne suis-je pas le Révélateur de la Supra Réalité, le Préservateur de lHumanité? Ne suis-je pas à lOrigine de tout ceci? ».
Avec une résolution nouvelle, Daniel Lin savança silencieusement jusquà la couche du mourant. Son visage était illuminé et transfiguré par sa détermination. Tout son avatar baignait dans une clarté laiteuse, opalescente.
La famille de Lobsang, sidérée, muette, subjuguée, recula. Quel prodige allait-il saccomplir ici, en ce lieu?
À son tour, Denis se leva et sécarta.
- Commandant, demanda le médecin en bégayant, que voulez-vous tenter?
- Rien si ce nest rendre ce qui appartient à Jacinto répliqua le Ying Lung en devenir qui se cherchait encore et agissait, poussé par une force irrépressible. 
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Daniel Lin, Dan El avait à peine murmuré mais pourtant sa voix avait retenti dans toute la chambre et tout le corridor.
Après avoir ainsi parlé, le Supra Humain désigna Lobsang dun doigt brillant qui ne tremblait pas
- Je vais lui rendre la vie, du moins pourrait-on le croire 
Alors, lirlandais voulut rajouter quelque chose mais se ravisa.
Lentement, le daryl androïde prit la place de Denis et, à son tour, sempara de la main de lagonisant. Au contact de laura lumineuse du Révélateur, lAmérindien eut un soubresaut et rouvrit les yeux, des yeux au regard étonnamment clair. Lucide, il prononça quelques mots que tous entendirent.
- Fils du Bouddha, Préservateur, je ten prie, mon karma doit saccomplir. Il est temps pour moi de partir
- Non, Lobsang, tu te trompes. Je ne le veux pas! Je décide. Tu dois rester parmi nous encore. Jai besoin de toi dans la Cité encore à forger. Jai prononcé ces paroles car jen ai le droit.
- Compassion infinie, Gemme précieuse, je dois partir pour revenir. Tu le sais bien. Cest là le lot de tous les êtres mortels
Lassistance, jusque-là muette, se récria. Tenzin, fronçant les sourcils, fit taire les membres de la famille de Lobsang Jacinto.
- Vénéré Sage, poursuivait le Révélateur, mapporteras-tu ton Aide? Je ne saurais men passer, je lavoue humblement
- Expérimentateur, je ne vaux même pas la poussière que tes pieds foulent
- Lobsang, si tu téteins aujourdhui, si je te laisse partir, le plus Sage des humains, le voile perdurera pour léternité au sein de lInfinité! Et je naurai plus le courage de parcourir le sentier ardu qui mène à la Révélation ultime
- La Révélation ultime tappartient, Compassion éternelle.
- Il me faut la partager seule de toutes les petites vies tu en es digne
- Révélateur je ne mérite ni tes larmes ni tes efforts fais ce que tu dois, ce que tu sens je me résigne
- Merci pour ton assentiment.
Le prodige débuta sans coup férir, sans bruit assourdissant, sans manifestation tonitruante, dans le plus grand recueillement.
De Daniel Lin sortit un filin serpentiforme, une langue brillante, aussi lumineuse que la clarté de mille soleils. Pourtant personne ne fut aveuglé, ne ressentit la moindre incommodité. Le fil délicat sen vint ouvrir la poitrine du mourant avec une délicatesse sublime. Puis, semparant du cœur du vieil homme, elle sortit lorgane pourpre, palpitant avec effort et irrégularité, et, à la vue de tous, se mit à le façonner, à le sculpter, à le reconstruire afin de le rendre parfait, jeune, en bonne santé, et éternel.
Sa tâche accomplie, le toron divin remit le cœur dans le corps de Jacinto quil referma aussitôt. Sous le choc, lAmérindien tressauta, son visage blême devint cramoisi; revêtant la couleur de la groseille écrasée.
Mais le miracle nétait pas achevé.
Désormais, le vieil homme subissait une complète métamorphose. Ses traits se lissèrent, ses cheveux redevinrent châtains tandis que ses muscles se raffermissaient.
- Tel tu étais dans mon cœur et mon esprit, articula le Surgeon, tel tu seras pour linfini du Temps!
Alors, le Surhumain lâcha la main du ressuscité tandis que ce dernier, ému au-delà du possible, laissait couler des larmes de reconnaissance. Se redressant sur sa couche, il montra un visage irradiant un amour immense.
- Qui es-tu vraiment, toi que je nomme et que lon nomme le Révélateur, le Préservateur, toi qui rends ainsi la vie et la jeunesse aux agonisants? Demanda le Sage.
- Oui, qui es-tu? Renchérit Tenzin Musuweni.
- Je ne sais pas, souffla lex-daryl androïde en fermant les yeux.
Disant cela, Dan El était sincère.
- Expérimentateur reprit Lobsang.
- Je nai pas pu accepter la froide, cynique et nécessaire Entropie je lui ai déjà trop donné, je crois cela a été mon erreur jadis mais autrefois jétais si jeune, si inexpérimenté
En ayant trop révélé, Dan El, à bout de force, dut sallonger sur le sol glacé, son intégrité corporelle présente menacée. Peu à peu, son avatar sembla seffacer pour laisser la place à une entité protéiforme indescriptible dont la matérialité oscillait entre plusieurs champs dimensionnels.
Denis ORourke avait enfin recouvré son sang-froid. Il ordonna dune voix ferme:
- Dehors! Sortez tous! Vous, Raeva, allez chercher lamiral Fermat ainsi que Gwenaëlle.
- Homme médecine, objecta lHawaïen, Gwenaëlle nest pas en état de se lever
- Jen ai conscience mais je pense quelle seule peut ramener Daniel Lin dans notre réalité. Elle saura suivre et son instinct et les directives de Fermat. Courez! Le temps presse.
Raeva sinclina et se précipita dans le corridor. Il neut pas à aller bien loin. Le vice amiral arrivait, portant la Celte, dolente, mais consciente, dans ses  bras.
- Comment avez-vous su? Sexclama le jeune homme.
- Le lien télépathique qui unit Daniel Lin à sa compagne est très puissant. Gwenaëlle ma fait prévenir lorsque le commandant Wu a entamé le processus de guérison de Lobsang Jacinto. Vite! Plus vite! Sinon, tout peut basculer et finir là, dans cette tromperie.
Raeva ne releva pas les propos abscons pour lui du Français. Au contraire, il aida André à asseoir la jeune femme auprès de Daniel Lin. Malgré sa peur vive et intense, la Celte, oubliant sa faiblesse, se saisit de la tête de son compagnon et, dans sa langue archaïque, psalmodia une étrange et envoûtante mélopée.
- Dan El, tel est le nom que tu portes Dan El si jeune, si téméraire, si beau qui joue avec les Soleils, les nébuleuses et les nuages, qui les fait danser dans une ronde magnifique qui court et chante dans les blés prêts à être récoltés, qui foule le chemin parfumé de la félicité, qui récite sa complainte sous la lune indifférente, qui soupire après son rêve perdu et pourtant à portée de mains. Dan El, le créateur de ceux qui marchèrent debout, selon les récits des Anciens et dUruhu, de tous ceux qui, au premier matin du monde ouvrirent les yeux et prirent conscience deux-mêmes alors, ils surent parler et nommèrent les choses qui les entouraient, les oiseaux, les poissons, les animaux à poils, les fruits et les arbres, la nuit et le jour, le ciel et les étoiles, la pluie et larc-en-ciel, la rivière et le grand océan
Dan El que les autres hommes, du côté de la Grande Rivière appelèrent PiOu
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Dan El, moi, Gwenaëlle, ton humble servante, je ten prie, je timplore, reviens parmi nous, toi si bon, si généreux, si doux mais aussi si solitaire Préservateur, révélateur, exilé, paria à toi-même et aux autres, entends ma supplique
Si tu restes sourd à mon appel, si tu refuses dentendre mon cri, le Soleil de ce Monde, mais aussi de tous les Mondes séteindra plus jamais les descendants de ceux qui marchèrent debout ne prononceront ton nom plus jamais ils ne brûleront pour toi les herbes sacrées; les senteurs enivrantes de lancolie et du genièvre ne sélèveront plus dans lair léger du soir.
Nous toublierons et tu nous oublieras tous, nous tous les humains nous serons effacés par la pluie sauvage, qui meurtrit et détruit. Emportées par les fureurs du ciel, les petites vies si chères à ton cœur, tu souffriras des milliers et des milliers de morts est-ce bien cela que tu veux? Prends pitié Dan El, de toi et de nous
- Dan El ta entendue, femme, il répond, murmura André à mi-voix à ladresse de la Celte, dans le même langage plurimillénaire. Vois, Gwenaëlle, Daniel Lin est de retour de lInfra Mondes et sancre dans cette réalité-ci
- Merci Gana-El pourquoi tobstines-tu à mentir à mes frères et sœurs et à refuser davouer qui tu es exactement? Dan El, ton fils, test plus précieux que tous les Mondes, que toutes les petites vies
- Daniel Lin na rien pu te celer. Cela lui est impossible sans doute tu sais donc ce que jai fait pour lui et pour toi tais-toi! Il nest pas temps que lhumanité tout entière connaisse son nom et son identité ton celtique remontant à plus de cinq mille ans, personne na saisi le sens de tes paroles
- Gana-El, tu fais erreur. Jacinto a capté ce que nous disions
- A cause du lien ténu qui subsiste encore après sa métamorphose
LAmérindien sourit et répliqua dans son propre idiome:
- Je sais garder un secret. Gwenaëlle, élue du Révélateur, et toi, son père, rassurez-vous
Lobsang sétait exprimé si bas que nul, du couloir, nentendit. Quant à Denis, il ne pratiquait pas cette langue exotique.
Pendant ce court échange, le commandant Wu sagitait, et reprenait conscience. Il finit par ouvrir ses yeux bleu gris si clairs.
- Je crois que je me suis évanoui, dit-il platement, confus et ému, ne sachant plus très bien pourquoi. Jacinto? Que vous est-il arrivé?
- Rien qui ne soit votre œuvre, commença lAmérindien.
Il fut coupé par le vice amiral qui poursuivit sévèrement:
- Daniel Lin, une fois encore, vous avez fait preuve dune grande imprudence. Votre générosité inconséquente a failli non seulement vous détruire, mais aussi mettre en péril notre mission! Sauver une petite vie certes, je peux comprendre cela mais vous oubliez votre devoir
- Pardon, André mais cétait plus fort que moi Gwenaëlle, malgré ton état, ta faiblesse, je sais ce que tu as fait je naime pas les dettes. Mais sache que jamais je ne me séparerai de toi cela me sera tout simplement impossible, je crois du moins, je viens de faire en sorte que nous restions liés par-delà lInfinité. Lobsang, Raeva, Tenzin, Denis, André, je ne vous abandonnerai plus jen fait le Serment!
Puis, lentement et péniblement, souffrant visiblement de leffort fourni quelques minutes auparavant par son avatar humain, prisonnier à lintérieur de ce corps, le jeune Ying Lung  se redressa.
Plus déterminé que jamais à anéantir à la fois le Maudit et Johann Van der Zelden, le Succédané de lEntropie, le Surgeon quitta la pièce pour se rendre dans le laboratoire où Craddock travaillait.
Les humains ou assimilés ne réagirent pas plus que cela. Déjà, ils avaient oublié le prodige accompli. Pour eux, Jacinto avait toujours eu cet aspect-ci, celui dun quadragénaire ayant encore de longues années devant lui.
Cétait la première fois que Dan El se permettait de modifier ainsi la réalité. Ce ne serait pas la dernière.

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Octobre 2152, une fois encore. Cité souterraine de lAgartha.
À lextérieur, la tempête faisait rage, et des vents dépassant les deux cent cinquante kilomètres à lheure hurlaient, sengouffrant dans les hauts plateaux désertiques, les balayant dune colère inassouvie. Les rares humains survivants, plongés dans la barbarie la plus complète, se terraient, recroquevillés par le froid et la peur dans des anfractuosités dérisoires. Lhiver sannonçait plus rude quà laccoutumée.
Mais les habitants du rot du dragon nen avaient cure car les capteurs solaires étaient parfaitement protégés par des champs de force.
Dans un des laboratoires situés au vingtième sous-sol, entièrement réaménagé, le commandant Wu, de retour de son expédition temporelle en 1825, aidé de Craddock mais aussi de Violetta, tentait une nouvelle fois de matérialiser Antor. De son côté, Fermat veillait à ce que lexpérience, terriblement énergivore, nendommageât pas les relais énergétiques en surtension qui alimentaient lAgartha.
Le matérialisateur temporel; afin de donner pleinement satisfaction, avait été entièrement conceptualisé et remonté, et ce, en un temps record. Désormais relié à une immense sphère du chrono vision, ses applications sétendaient dans les interstices de la physique einsteinienne et helladienne. Pour mettre au point pareil engin, Daniel Lin avait fait appel aux connaissances humaines mais aussi à celles des alliés ou ennemis des peuples de la Terre, les Velkriss et les Helladoï, les Castorii et les Haäns. Bien évidemment, ses intuitions géniales de Ying Lung lui étaient également fort utiles.
Ainsi, lhyper matérialisateur captait les échos mêlés des multi Big Bangs fossiles et, se faisant, annulait la dissymétrie originelle du Pantransmultivers. Or, tapi au fond de son antre, le Dragon Noir, à laffût, se réveillait. Sébrouant, il cherchait linsolent qui se risquait à le frôler.
Mais ce nétait pas la seule conséquence déclenchée par le « souffle de la mort » comme lavait surnommé Lobsang Jacinto. Lorsque lappareil était branché, il chamboulait la Création, la matière visible et invisible, lénergie et ainsi de suite.
Défiant toute logique, à sa puissance maximale, lappareil était capable dunifier les Multivers en une potentialité unique, un probabilité certaine. Cela provoquait des tiraillements, des éternuements au sein des branes, là même où étaient censés se mouvoir les Yings Lungs.
Cependant, présentement, à cinquante pour cent de son potentiel, lengin peinait à recoudre en une seule et unique étoffe pluri quantique les branes infinies qui sétendaient, se dépliaient et se repliaient, frissonnaient dans le Pantransmultivers malmené.
Daniel Lin pressentait quAntor était coincé dans les infimes interstices existant au sein des super cordes maintenant la cohésion de la Totalité créatrice mais aussi le non encore créé. Toutefois, son ami ny résidait pas en un seul tenant. Éparpillé au centre de chaque lien, particule par particule, pré particule par pré particule, pourtant, il continuait à penser, mais également à souffrir, pour lEternité. Fractalisé, détruit, il conservait sa conscience, ressentait cruellement sa condition et voyait son Autre lutter pour se reconstituer. Et il pleurait. incompréhensible ment il pleurait. De toutes ses forces, il aurait voulu crier à son Double: arrête! Mais son impuissance ne parvenait pas à réveiller lécho le plus ténu au sein de la psyché de son frère.
Ce soir-là, après dix tentatives infructueuses, le matérialisateur avait réussi à déplier la moitié des branes au sein de huit dimensions à peine, puis à les découdre et à les réassembler en une seule pièce détoffe quantique dans une Infinité partielle.
Cet exploit savéra cependant insuffisant. Daniel Lin, déçu, navait obtenu quune image instable, brouillée, gondolée et fantomatique de son ami.
Plus pâle que jamais, le spectre, prisonnier de sa bulle virtuelle, ne souriait pas, bien au contraire. Comme un aveugle, il regardait droit devant lui, ne percevant apparemment pas la présence du daryl androïde.
Limage, variable et trompeuse sestompa rapidement, après seulement quelques secondes bien que Daniel Lin sévertuât à la maintenir dans cet univers-ci.
Le commandant Wu, devant cet échec, neut pas un geste de dépit. Il conserva son sang-froid et, résigné, quitta la console centrale tout en demandant dune voix sourde à Violetta de débrancher le téléporteur spécial.
- Cest fait, papa.
- Commandant, jeta Symphorien, nous recommencerons dès demain. À mon avis, nous nétions pas si loin du but
- Cest vrai, ça, rajouta ladolescente. Nous avons progressé. Avant, nous nobtenions que des mas-tu-vu, mais ce soir, nous avons eu droit au spectre dAntor.
- Jai commis une erreur, dit alors Daniel Lin dans un souffle. Je le sens et je le sais. Tout mon être se rebelle
- Mon gars, cest le découragement qui vous fait parler ainsi, bougonna Craddock avec justesse.
- Non, ce ne sont ni le bon procédé ni la bonne solution, reprit le daryl androïde avec lucidité. Je nirais pas plus loin avec cette technologie, vînt-elle du XXXIe ou du XXXIIe siècle. Si je mobstine à poursuivre dans cette voie, je mets en péril le Pantransmultivers dans son intégralité
- Ah! Commandant, la fatigue vous fait débloquer! Émit le Cachalot de lEspace avec un soupir.
Symphorien mordilla ses lèvres, craignant une réaction de la part du Prodige de la Galaxie. Ne lui avait-il pas manqué de respect une fois de trop? Il savait quil pouvait se permettre beaucoup avec lincroyable phénomène, mais tout de même. Il avait encore en mémoire certains événements qui sétaient produits au sommet dun éléphant de bronze puis de plâtre. Il ne tenait pas à les revivre, surtout pas. 
- Capitaine, répondit le commandant Wu, jamais je nai été aussi raisonnable.
- oui, eh bien, moi, je crois que quelque chose vous freine, vous entrave et ne tient pas à ce que vous réussissiez!
- Fermat mavait mis en garde, je me suis obstiné, une fois encore. Une erreur de jeunesse, une faute dorgueil
- Je ne vois pas du tout de quoi vous causez! Le matérialisateur na fonctionné quà la moitié de sa puissance théorique. À cent pour cent, je ne doute pas quAntor aura recouvré son intégrité physique. Ainsi, il sera en phase avec notre monde. Alors, ce sera facile de le récupérer.
- Non Ce nest pas ainsi que je le retrouverai. Le moment nest pas advenu. De toute façon, la technologie humaine ou helladienne est limitée il me faut faire appel désormais à la transdimensionnalité créatrice, la manipuler, encore et toujours, linfluer dans une direction déterminée, la tirer de son maelström originel.
- Euh Là, jai besoin dun bon verre! Même en lan six millions et des poussières, aucune technologie matérielle ne pourra atteindre ce niveau
- Bien évidemment toute technique reste contrainte par sa matérialité même. La solution réside en la réflexion dun cerveau défiant toute appréhension, un cerveau capable de transcender la Supra Réalité, de matérialiser tout ce quil veut. Une Intelligence coiffant lInfinité des possibles, des peut-être, des virtualités, des probables et de limprobable
- Papa, tu es en train de décrire Dieu! Sécria la jeune métamorphe en tremblant.
- Oui, en effet,Violetta. Du moins une Entité créatrice qui ne peut sempêcher de faire naître le Pantransmultivers, qui se sent obligée de le faire, larrachant du Néant tantôt, les lèvres dAntor remuaient, prononçant une sorte de mise en garde.
- Je nai rien vu, affirma ladolescente.
- Moi itou!
- Pourtant, cétait perceptible Antor ne voulait pas être matérialisé.
- Pourquoi? Questionna Symphorien.
- Je préfère ne pas répondre.
- Si jai bien lu les coordonnées, reprit Violetta, les curseurs affichaient des repères invraisemblables. Antor serait fragmenté, enfermé au tout début de la Création
- Pas tout à fait, ma grande. En fait, il se trouve antérieurement au Big bang, au premier, cela va de soi, dans une a création à lintérieur, oui, cest cela, au cœur même des forces ayant impulsé les Multivers, ou qui le feront le plus atroce, cest quil le sait il sait autre chose également et sa mise en garde me concerne.
- Vous avez senti, capté tout ça? Fit Craddock admiratif.
- Senti, Symphorien. Les Yings Lungs ont été soulagés par cet échec qui leur a fait gagner un répit
- Mille tonnerres de Paimpol, Daniel Lin! Vous sombrez dans un mysticisme à la noix! Diable! Qui sont ces Yings Lungs? Des chimères sorties dun délire provoqué par labus de psychotropes? Des ramassis empoussiérés? À supposer bien sûr, quils existent! Des vieilles légendes mitées nées de la trouille de fichus primitifs extrême-orientaux qui croyaient, ces crétins superstitieux que la Terre reposait sur le dos du immense Dragon?
- Symphorien, sourit le Surgeon, cest à peu près cela. Mais vous ne croyez ni en Dieu ni au diable
- Ouais, mon gars, et jen suis fier! Je me sens très bien comme ça. Je nai pas besoin des béquilles de la religion pour rouler ma bosse dans le vaste monde. Cependant, si je devais croire en quelquun ou quelque chose, eh bien ce serait vous
Daniel Lin ne marqua pas le moindre signe détonnement à cette concession de la part du Vieux Loup décati du Cosmos. Il sinclina devant Craddock toujours avec son mystérieux sourire et répliqua:
- Merci pour cette marque de confiance, capitaine. Mais vous savez, la Réalité est dune complexité inouïe, inappréhendable pour de simples cerveaux humains même moi, parfois, jai du mal à comprendre comment le Multivers existe et fonctionne.
Devant cet aveu de la part du Révélateur, Symphorien devint cramoisi. Gêné, il dit:
- Tss Daniel Lin, si vous acceptez un conseil de ma part
- Oui, Craddock, je vous écoute
- Prenez un peu de repos. Nous rediscuterons de métaphysique demain matin si vous le voulez bien
- Euh Un bisou, papa, et pas de mouron.
- Bien sûr, Violetta. Et jessaierai de ne pas me faire du souci cette nuit. Je promets de ne pas ressasser cet échec.
Puis, avec tendresse, le commandant Wu embrassa sa fille sur le front et serra chaleureusement la main du capitaine décumoire. Mentalement, il lui envoya ce message:
- Craddock, montrez-vous prudent lorsque vous évoquez les Yings Lungs auxquels vous ne croyez pas. Je vous garantis quils existent bel et bien et que, par nature, ils sont susceptibles et rancuniers.
- Ah! Je voudrais bien voir ça, fit le Cachalot de lEspace sur le même mode de communication. Vous, vous ne lêtes pas, alors
- Alors, vous pensez navoir rien à craindre
Son sourire indéfinissable sur les lèvres, Dan El se retira, laissant le soin à Symphorien de remettre un peu dordre dans le laboratoire. La métamorphe était partie se coucher.

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Loin, fort loin de lAgartha, mais pourtant si proche, le Chœur multiple communiquait avec un bien étrange individu vêtu avec une magnificence qui dépassait les imaginations les plus débridées. 
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- Vous avez accompli votre part du marché.
- Disons que je my emploie faites-en autant et lEternité sera votre, pleinement.
- Elle est notre essence même.
- Certainement. Voyez, jaimerais quil en soit de même pour moi posséder une Conscience entière, intégrale de ce qui est ou a été, qui sera ou devrait être
- Nous comprenons et approuvons votre désir
- Dans ce cas, vous ne verrez aucun inconvénient à mincorporer à vous, le plus tôt possible.
- Certes, mais après lexpulsion définitive du Rebelle de la Supra Réalité.
- Oui, après son annihilation!
- Nous y réfléchissons.
- Après léchange, la fusion
- C était ce qui était convenu Alors Patience.
- Jaccepte dattendre un instant encore, juste un instant

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Daniel Lin avait-il conscience de ce que tramait la Totalité?
Présentement, il embrassait son fils nourrisson qui dormait à poings fermés dans son petit lit.
- Quil est beau! Sexclama Gwenaëlle avec fierté.
- Certes, il a la beauté. Mais il mest précieux et cher pour autre chose, mon amour. Tu as comblé mon plus cher désir, mon Héloïse.
- Daniel Lin, sera-t-il comme toi?
- Que veux-tu dire?
- Un plus quhumain, un demi-dieu, un Dragon dor
- Je ne le souhaite pas, ma mie. Il a mes gênes, certes, mais aussi les tiens
- Encore ton langage compliqué! Daniel Lin, mon maître, ce soir, jai trop sommeil pour te demander des explications.
- Trop sommeil, Gwen. Quelle affreuse menteuse, tu fais!
- Tu lis dans ma tête alors, tu sais ce que je veux
Fort câline, la Celte se rapprocha de son compagnon dans lattente de la suite.

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Pieds Légers végétait dans une cave fort humide dun sinistre estaminet situé à Bougival. Le lieu était connu des ravageurs, des escarpes et des maîtres passés singes. Depuis des temps immémoriaux, il avait fort mauvaise réputation. Souventefois, on retrouvait dans le fleuve qui coulait imperturbable à proximité quelque bourgeois proprement étranglé ou égorgé, estourbi en toute discrétion, dépouillé et dévêtu.
La plupart du temps, la police laissait faire car les ravageurs lui étaient très utiles. En effet, ces pillards et assassins servaient dindics à Vidocq. Ainsi, le chef de la Sûreté pouvait obtenir des renseignements à bon compte sur les opposants au régime appartenant aux classes populaires. Sous légide de lancien bagnard, les cabarets sétaient donc multipliés. Le peuple, abruti par lalcool, navait plus assez de lucidité pour se retourner contre le tyran. 
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Soigneusement ligoté et bâillonné, Guillaume ne pouvait ni bouger ni remuer un orteil et encore moins se contorsionner. Le sol sur lequel il gisait était collant dune crasse composite tandis quune odeur carrément nauséabonde affleurait de linterstice dun soupirail à la même hauteur que le nez du malheureux prisonnier. De la Seine toute proche des remugles infects remontaient auxquels se mêlaient des vapeurs dalcool frelaté, daffreuse piquette.
Parfois dinquiétants crissement parvenaient jusquaux oreilles du jeune homme. Des rats étaient en train de courir tout autour de son corps allongé et impuissant, se mettaient à le flairer puis ils grimpaient sur ses jambes et son torse, rassurés par son immobilité. Cela déclenchait chez Guillaume un instinctif et violent sentiment de répulsion.
Certains rongeurs, plus hardis que leurs frères, le dévisageaient de leurs yeux rougeoyant dans cette semi pénombre. Pieds Légers craignait par-dessus tout quils ne finissent par lui mordre le nez, la bouche ou les oreilles et quy ayant pris goût, ne le dévorent. Sa tête lui lançait cruellement tandis que sa nuque douloureuse sornait dun bel œuf de pigeon,dune bosse digne de rester dans les annales. En fait, tout son corps se rappelait à lui et ne lui laissait aucun répit.
Ladolescent avait été systématiquement roué de coups. Un passage à tabac administré par des professionnels de cet art douteux. Son dos, sa poitrine, ses bras et ses jambes sornaient destafilades et de bleus plus ou moins violacés. Les persilleuses avaient mis tout leur cœur à venger lune des leurs, estourbie par un joli petit coup de surin! 
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Mais il pouvait y avoir plus effroyable encore que ce passage à tabac dans les règles, que cet enfermement dans cette cave moisie. La mort! Comme le laissait présager ce squelette oublié près dun volumineux fût de vin. Mais auparavant, sans doute, le viol. Cétait cela que redoutait aussi Guillaume.
Mais non, Pieds Légers, ta vertu avait été préservée durant ton évanouissement et le serait. Le patron du cabaret Aux charmes de Cupidon sy était fermement opposé, rappelant ses ouailles à la raison, usant pour ce faire de la langue et des poings.
- Holà maroufles! Bougresses de mes deux! Ça suffit!
Se jetant sur ses « filles » avec vigueur, il les assomma presque.
- Toinette! Léandra! Du calme. Le prince russe Danikine a pourtant été clair sur ce point. Si un intrus se présentait, on se contentait de lui régler discrètement son compte. Cest tout et cest pas dur à comprendre. Alors, pas de cela!
- Juste une petite gâterie, répondit Océane en chuintant.
Le patron venait en effet de lui casser une dent. Ainsi était Sylvain.
- Le Russe nen saura rien et ça me ferait tant plaisir! Insista-t-elle.
- Non! Hurla le pègre. Vidocq nous tolère, sans plus. Vous savez comme moi que pour lheure, il fricote avec Danikine et ce Piémontais sorti de nulle part. si on ne respecte pas notre part du marché, alors, hop! Ma licence saute. Et vous, mes belles, vous finissez à Rochefort, Toulon, ou à Brest pour de très longues vacances. Inutile, nest-ce pas, de métendre sur ce qui attend là-bas, les filles de votre genre.
Toinette hocha tristement la tête et, à regret, se releva, obéissant à son chef direct, non cependant, sans avoir administré un ultime coup de pied à Guillaume, évanoui depuis deux minutes.
Plus tard, Sylvain Merreuil avait reçu lordre de Vidocq en personne de transférer le prisonnier à Bougival, de le cuisiner un peu et de lestourbir. Les heures de Pieds Légers étaient comptées et ladolescent le savait.
«  Si on voulait me garder en vie, on me nourrirait. Or là, nib! Cest tout juste si je peux respirer avec ce bâillon. Ah! Pourquoi Craddock et le Maître- oui lui qui arrête le couteau de la guillotine une seconde avant linstant fatal - lui qui dompte les loups et locéan déchaîné - ne viennent-ils pas à mon secours?
( Guillaume ignorait naturellement son transfert. Il avait trop peur pour réfléchir; il se laissait submerger à la fois par leffroi et les douleurs provoquées par ses multiples blessures).
Je commence à en avoir plein la patate, moi! Bon sang! Je veux bien souffrir, juste ce quil faut, me montrer courageux, crâner mais là, foi de Pieds Légers, ras le popotin! Cest pourtant pas si difficile de fouiller ce cabaret, dassommer son proprio et de me sortir de cette cave! On ne maccorde aucune importance et on ma oublié!
Étonnant de la part du Maître! Je croyais quil maimait bien
( Malheureux Guillaume que la peur faisait gamberger ainsi).
Ou alors, il est arrivé quelque chose à lArtiste une tuile oui, du style une balle en plein cœur ou encore un coup dépée ou de surin dans le ventre Sainte Vierge, non! Faites que je me goure! Je ne veux pas mourir là, dans cette cave pourrie, crever comme une bête malfaisante à seize ans ».
Pris de panique, Pieds Légers sanglota, laissant couler ses larmes.
Plus haut, dans larrière-salle, Léandra et ses consoeurs attendaient le mot qui les autoriserait à noyer leur souffre-douleur dans les eaux sales de la Seine. Les persilleuses tuaient le temps en jouant à la belote. Sepulvera, Berthe et leurs amies sinsultaient absorbées par leurs parties de cartes.
- Mais, ma parole, espèce de saligaude! Tu triches! Et franco en plus! Tu nas pas vu que cétait atout cœur ou quoi?
- Dans tes rêves, mon laideron! Répliqua Océane avec un rire moqueur.
- Ah! Et mon poing sur ton gros tarin écarlate, tu le veux tout de suite ou plus tard?
- Du calme, mes trésors souffla Toinette, apaisante. Vous êtes si bruyantes toutes les trois que je vais manquer le messager.
- En tout cas, notre boucan nempêche pas lirrésistible Léandra de pioncer ferme.
- Normal, ma belle. Elle a travaillé dur notre tendron la nuit dernière. Elle a du sommeil à rattraper, ricana grassement Sepulvera.
Son rire vulgaire sétrangla soudainement dans sa gorge. La persilleuse pâlit affreusement, ses yeux sécarquillèrent de surprise, puis elle sabattit dun bloc sur la table en bois blanc, emmêlant ainsi les cartes sales et poisseuses, et les longs cheveux blonds filasses dune perruque quelle portait, celle-ci dissimulant son crâne rasé de bagnard en fuite.
Ses complices se levèrent avec un bel ensemble pour faire face aux intrus qui avaient pénétré dans le cabaret fermé à la clientèle avec une facilité déconcertante. Il ny avait eu aucun bruit, aucun raclement sur le sol, aucun cliquètement. Cétait comme sils avaient surgi de la nuit tels des démons vengeurs.
Tellier en personne avait crocheté la serrure du repaire et fait jouer le pêne en trois secondes à peine. Cétait lui également qui avait lancé un surin apparu brusquement dans sa main gauche dans la gorge de Sepulvera, avec sa maestria coutumière, lui coupant définitivement le sifflet.
Petite information pas si gratuite que cela: Frédéric avait la particularité dêtre parfaitement ambidextre.
À ses côtés, Germain la Chimène, Craddock, Joël Mc Crea, ces trois là toujours prêts à jouer des coups de poings, Michel Simon - qui samusait prodigieusement - Doigts de fée, Violetta et le Piscator. Le Marseillais tirait sur sa bouffarde tout en se curant les ongles avec un joli poignard, son visage affichant une grande désinvolture.
Alors, Toinette tenta de sesquiver afin daller estourbir Pieds Légers au fond de sa cave. Mal lui en prit. Dun bond remarquable, Germain sauta sur la prostituée et, dune seule main, létouffa. Pendant ce temps, le Piscator recommandait à Violetta de ne pas savancer plus avant dans larrière-salle et de se contenter de fouiller la pièce principale avec Doigts de fée.
- Ah! On mécarte! Jeta ladolescente avec colère.
- Tss, Tss! Fit Viviane Romance en retenant la jeune fille dune main ferme. Vous oubliez déjà les recommandations de votre père.
- Cette affaire demande de lexpérience, rajouta le Piscator. Nous, nous savons-nous battre et tuer si nécessaire. Cette expédition ne convient pas à une petite fille encore au maillot
Sous lhumiliation, le visage de ladolescente sempourpra et se figea en même temps. 
Pendant ce conciliabule, les persilleuses affrontaient la bande de Tellier. La bagarre battait son plein et la confusion était générale. 
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Larrière-salle, pas si vaste que cela, retentissait de « pong », de « bong », de « aïe », de « ouille », de « ouche » à nen plus finir. Les insultes pleuvaient, les tables étaient renversées, les tonneaux percés et les bouteilles fracassées. Après cinq minutes, le gang des persilleuses était vaincu.
Michel Simon nétait pas resté à lécart de cette rixe. Il avait donné un coup de poing par-ci par-là, cassé un flacon de ratafia sur le crâne dun travesti, tout en soupirant de sa voix inimitable.
- Quel malheur vraiment! Tout ce bon alcool qui est perdu. Louis Jouvet sextasierait devant une telle abnégation de ma part.
- Silence dans la troupe! Commanda lArtiste dune voix de stentor. Alors, toi, où as-tu fourré Pieds Légers? Reprit-il en secouant Océane sans ménagement.
- Jvois pas du tout dquoi tu causes! Grimaça la déguisée avec insolence.
- Ah? Pourtant, tu as pu constater que je ne plaisante pas et que je nhésite pas à tuer
- Ouais, se mêla Léandra. Cest de la violation de propriété privée!
- Pas possible!
- Attendez un peu avant de dépiauter Océane. Nous autres, on a des relations dans la haute. François vous fra la peau un de ces quatre.
- La haute? La haute pègre sans doute, marmonna Craddock en crachant un jet de salive brune jusquaux pieds de la persilleuse.
- François Vidocq? Comme cest intéressant! Proféra Tellier avec un sourire qui en disait long sur sa détermination. Ça ne métonne pas. Il ma lair de jouer un drôle de jeu ton supérieur! À qui donc va son allégeance?
- A celui qui le paie pardi!
- Ce ne sont ni Fouché ni Talleyrand donc, conclut lArtiste. Instructif.
- Maître, sécria alors la Chimène. Le jeunot est à la cave. En descendant les escaliers, jai perçu des sanglots étouffés;
- Dépêche-toi de démolir la porte, sot que tu es! Métonnerait que ce soit piégé; dans cette histoire, Galeazzo nagit pas directement.
Hochant son énorme tête, Germain sempressa dobéir. Une poignée de secondes plus tard, tous entendirent un grand fracas. La porte était en train de voler en éclats. Puis, ce joli cœur de Piscator sélança dans le sombre réduit, Violetta sur ses pas, une lanterne sourde à la main. Létat de Pieds Légers leffraya.
- Oh! Mon Dieu! Guillaume! Comme te voilà tout amoché. Mais tu es blessé!
Germain la Chimène avait déjà débarrassé Pieds Légers de son bâillon et de ses liens. Tout en léclairant, ladolescente se lamentait. Ensuite, le colosse souleva le jeune homme sans effort et le porta sur son épaule. Puis, il monta quatre à quatre les marches usées conduisant à larrière-salle de lestaminet. Violetta, toujours aux côtés du géant, essuyait la sueur et le sang qui coulaient du visage tuméfié de Guillaume. Les larmes aux yeux, elle lui disait:
- Qui ta fait cela, Pieds Légers, mon Guillaume?
- Oui, qui? Dénonce ton tortionnaire! Reprirent en chœur le fort des Halles et le Marseillais.
À la lumière des lanternes, ladolescent reconnut son tourmenteur. Dun doigt tremblant, il le désigna.
- Cest lui avec ses soies tachées et sa perruque rousse.
Guillaume montrait ainsi Léandra.
- Maître, je peux mamuser avec ce monstre? Demanda Germain avec un sourire cruel qui révélait des dents irrégulières mais saines.
- Lorsque jaurai obtenu tous les renseignements, la Chimène.
- Oh! Oh! Mest avis que ce ne sont pas des comiques les fidèles de lArtiste! Siffla Craddock entre ses dents.
- Que pensiez-vous donc? Lui rétorqua Mc Crea en anglais. Quon tournait un film pour la Fox ou la Metro?
- Oui! Ici, cest pas du théâtre, compléta Michel Simon dans la même langue.
Linterrogatoire ne dura pas plus de dix minutes. Les femmes étaient sorties prendre lair afin de ne pas assister à la correction mais aussi dans le but de surveiller les alentours.
Lorsque Tellier sut tout ce quil désirait, il eut un geste bref, aussitôt compris par la Chimène. Le colosse qui nattendait que cela tua net Léandra dun seul coup de poing asséné derrière la nuque par une monstrueuse paluche. Tous les membres de la bande de lArtiste entendirent un sinistre craquement.
- Tiens! Rugit le fort des halles. Et encore, je suis trop doux avec toi!
Il ny eut pas une persilleuse qui survécut à la colère justifiée de Germain et à la froide vengeance du Piscator.
- Nous avons terminé, dit le danseur de cordes lorsque toute léquipe se regroupa sur la rive. Ne nous attardons pas. Jentends venir au loin deux cabgaz. Commandons la téléportation.
- Comment te sens-tu, Guillaume? Sinquiéta Violetta.
- Mieux, Violetta. Lair frais me fait du bien.
- Si tu le veux bien, je te soignerai. Jai un diplôme de secouriste.
- Euh Ce nest pas la peine balbutia le jeune homme.
- Pourquoi te montres-tu si hésitant, Guillaume?       
- Cest parce que tes une fille, voilà!
- Je me chargerai de cette tâche, conclut Symphorien avec un regard ironique.
- Hé bien! Vous navez pas fait dans la dentelle, lança le comédien suisse en sadressant à Tellier.
- Il ne fallait pas laisser de témoin. Ainsi Galeazzo et ses alliés comprendront que nous aussi nous faisons preuve dautant de détermination queux.
- Ah! Il sagit donc dun match à mort?
- Oui, un combat à mort!
Après cette sèche réponse, Frédéric activa le témoin de rappel du téléporteur.

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