mercredi 14 octobre 2009

La gloire de Rama 3 : Pavane pour un temps défunt chapitre 21

Chapitre 21


A bord de la navette Einstein, Mathieu parvenait à tromper son ennui par diverses occupations, certaines fort prosaïques, d’autres heureusement plus intéressantes. Ainsi, il nourrissait Ufo et Bing à heures régulières, faisait soigneusement ses exercices de physique théorique, apprenait une cinquième langue extraterrestre, s’adonnait à une activité sportive très en vogue chez les enfants de son âge à son époque, le badminton avec l’aide d’un partenaire virtuel, mais aussi, parfois, se servait aussi de l’écran témoin du translateur, transformé en poste ordinaire de télévision. Là, le jeune garçon visualisait les grands moments de l’histoire de sa planète natale. Il assista donc en téléspectateur privilégié à une fête au château de Fontainebleau, fête donnée par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, puis, remontant les temps alternatifs, se réjouit au spectacle des cérémonies grandioses se déroulant lors du sacre de Charles XII, roi de France, ou encore d’Hadrien Maximien V, César Auguste. Ce qui l’enchanta le plus, ce fut l’intronisation, la cérémonie spécifique d’adoption de Benjamin Maximien par Dioclès, nommé enfin César et héritier légitime de la pourpre impériale!

Vivement intéressé par cette scène, Mathieu en nota scrupuleusement les coordonnées avec l’intention de les communiquer plus tard à son père.

***************

14 Juillet 1900, Paris, Champs Elysées.

Le défilé militaire se déroulait avec toute la pompe républicaine attendue. Il n’avait rien à envier à ceux qui auraient lieu postérieurement. La cavalerie n’était pas à l’honneur, mais, en compensation, le peuple parisien put, à loisir, admirer la grande nouveauté de ce défilé, l’artillerie qui inaugurait les canons de 75 tout neufs,

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étincelants sous le soleil. Bien entendu, ils rencontrèrent le succès espéré, paraissant être à la pointe de la technologie de ce dix-neuvième siècle moribond aux yeux d’un quidam assez naïf. Ces engins meurtriers combinaient le chargement par la culasse à un système de frein hydraulique, solution idéale à l’effet de recul bien connu des canons. Pour un observateur prévenu, l’armée française s’apprêtait, bientôt, à prendre sa revanche sur l’Allemagne!

La guerre n’était peut-être plus qu’une question de mois et, sous l’ostentation des drapeaux tricolores pavoisant la célèbre avenue, le discours martial du Président du Conseil Paul Déroulède vint renforcer et rassurer les convictions d’un public chauvin tout acquis!

Pourtant, sans micros, pas encore inventés, seuls les premiers rangs de l’assistance purent entendre distinctement ce que disait ce fier patriote. Peu importe, d’ailleurs! Dès le soir, la foule se repaîtrait de la rhétorique inégalable de ce bon Déroulède! La presse était là pour assurer le compte rendu exact du discours.

Madame Gronet avait pu bénéficier de bonnes places ayant pris la précaution de venir dès potron-minet, c’est-à-dire à quatre heures du matin! Elle avait houspillé son petit monde, obligeant son tiède « cuisinier » dont manifestement le patriotisme n’était pas la vertu première, et les enfants à l’accompagner.

La prose du Président du Conseil ressemblait, le phrasé en moins, à celle d’un futur grand homme d’État, dans un autre temps et à une époque ultérieure.

« … Françaises, Français, ne vous complaisez donc pas dans cette attente apathique qui avilit les cœurs! Prenez-vous en mains! Soyez comme le marin qui, au plus fort de la tempête, garde le cap, coûte que coûte, espérant, avec raison, bientôt arriver au port. Bientôt, ses efforts sont récompensés car, au loin, il aperçoit la lumière salvatrice du phare!

Ayez le regard tourné vers l’Est, comme moi, vers cette ligne sainte et sacrée, vers nos provinces perdues! Songez à vos frères et sœurs qui, sous la botte du barbare teuton, du Hun, souffrent mille morts mais refusent pourtant de plier! Au fond de leurs cœurs, ils gardent intacte la chaude et réconfortante image de la France, et pieusement prient chaque soir pour que leur rêve se concrétise. Ne les décevons pas! Ne soyons ni lâches ni pleutres! Ne trahissons pas les Alsaciens et les Lorrains!

Écoutez les sanglots des Messins et des Strasbourgeois qui vous parviennent par-delà les monts et les plaines! Communiez avec leur peine! Penchez-vous sur ces jeunes têtes blondes qui, les petits poings serrés, en cachette, dans les cours de récréation, lisent et chantent les paroles vibrantes de notre hymne national

« Nous entrerons dans la carrière quand nos aînés n’y seront plus! ».

Cette revanche, ô peuple de France, nous ne pourrons l’obtenir que par la réforme de notre armée et de nos institutions. Surveillez vos députés! Demandez-leur des comptes. Qu’ils remplissent sans faillir leur noble tâche! Qu’ils votent en chœur les crédits d’armement!

Que ces politiciens, au lieu de se complaire dans des jeux stériles, qu’ils aillent visiter la frontière! Qu’ils ne perdent pas de vue la ligne bleue des Vosges lors de leurs délibérations!

Dans les prochaines semaines, je vous le promets, le Parlement examinera le projet de réforme. Oui, celle-ci est nécessaire Oui, il nous faut relever la tête! Pour cela, la France a besoin d’un exécutif fort, qui ne soit pas lié par un parlement dévoyé! Sur le modèle américain, instituons donc un régime présidentiel nouveau, à la française! Non pas cependant dans les dérives d’un bonapartisme honni, je veux parler du régime de Napoléon III!

Françaises, Français, mes chers compatriotes, nous sommes avant tout républicains, nous le proclamons à la face du monde entier! Montrons aux nations qui nous observent, qui ont la tentation de se gausser de nous que nous sommes fiers de notre pays, que nous avons tiré les leçons de nos faiblesses de naguère! Clamons comme un défi: « Nous sommes Français et nous en tirons gloire! ».

Oui, la France est la Grande Nation, la France est forte, ardente et éternelle! La France se souvient à la fois de Jeanne d’Arc et du général Hoche! La France est grande de son passé et de ses espérances! Elle a un destin à accomplir, une identité à assumer! Acceptons sans faillir le fardeau de la Grandeur! Soyons dignes de nos glorieux ancêtres, de notre héritage! ».

Ayant achevé son vibrant discours enflammé par un patriotisme sincère et dangereux, Paul Déroulède se recula tout en bombant le torse, tandis que les vivats d’une foule en délire, les applaudissements crépitaient, gonflaient, s’amplifiaient jusqu’à l’assourdissement.

Dans son coin, une moue sceptique sur le visage, Daniel Lin n’en pensait pas moins.

« Dire qu’il a fallu que j’entende ce ramassis d’inepties! Tous oublient, et en premier lieu cet Artaban, que la guerre détruit, ruine et tue! ».

Alors que les spectateurs de ce jour historique laissaient éclater leur liesse folle, une jeune femme noire, vêtue sobrement, pour changer, surgit soudain à la tribune et d’une voix puissante couvrant le brouhaha, s’écria:

« Président Déroulède, un individu dissimulé parmi la foule veut attenter à votre vie! Cet anarchiste, émule de Caserio, se tient caché à proximité, dans les premiers rangs. Là, voyez, se sachant démasqué, il esquisse un mouvement de fuite! Il est appuyé sur cette barrière, à droite du pompier qui assure la sécurité! Qu’on l’arrête immédiatement! Donnez-en l’ordre! Il a déjà été soupçonné de l’incendie du cirque Médra, à Versailles et, il y a cinq jours à peine, il se trouvait présent lors de la catastrophe survenue au métropolitain! ».

D’un doigt accusateur, Winka désigna Daniel Lin qui se demandait, à juste titre, comment se tirer de ce mauvais pas, sans trop de casse.

- Madame, jeta alors le Président du Conseil, ému malgré tout, comment avez-vous osé monter jusqu’ici et porté de telles accusations? Vous a-t-on fouillée?

- Dieu et la France m’inspirent, monsieur Déroulède! Je ne veux que la pérennité de ma patrie! Au lieu de tergiverser, donnez l’ordre à vos gardes, à vos militaires et à vos policiers de s’emparer de ce stipendié de l’Allemagne! Allez! Qu’attendez-vous?

Alors, Pamela, fixant sévèrement Déroulède, le subjugua!

Déjà, quelque chose d’incroyable était en train de survenir. Le pompier ainsi que de nombreux policiers et miliciens convergeaient vers la proie toute désignée. Daniel Wu, de son côté, avait pressé fortement la main de Marie, sa fille chérie, lui commandant ainsi de quitter ces lieux hostiles. Alors que la fillette s’apprêtait à grimper sur les épaules de son père, le daryl androïde demandait à Violetta de le suivre. Mais la foule, calme une seconde auparavant, s’agita brusquement, succomba à la haine et à la rage, enfermant le trio dans un piège infranchissable!

Pressée de toutes parts, bousculée, poussée, l’adolescente n’eut pas le temps d’obéir à son oncle. Entraînée dans la direction opposée, elle échappa à Daniel Lin. L’ultra vitesse du daryl androïde, dans ces circonstances, ne lui servait à rien! Réduit à l’impuissance, il se retrouva enfermé au centre d’une véritable forteresse vivante, composée de centaines d’individus manipulés par l’esprit de Pamela, avec l’évidente intention de le lyncher!

Le commandant Wu ne put s’empêcher de frissonner craignant pour Marie. Néanmoins, il conserva son sang-froid et actionna imperceptiblement le micro champ de force qui pouvait le mettre à l’abri, lui et la fillette, de cette foule démente. Rappelez-vous. Jamais Daniel Lin ne se démunissait de sa ceinture multi usages lorsqu’il se mouvait hors de son vaisseau.

Daniel Lin mit le contact. Tandis que la bulle isolante se formait, invisible naturellement, le commandant Wu ne s’aperçut que trop tard qu’avec lui et Marie se trouvait un inspecteur de police ayant sorti son arme de service. Le représentant de l’ordre fit peser sa main sur l’épaule du suspect appréhendé tout en lui posant sur la tempe le canon froid de son pistolet. S’il avait été seul face à ce zélé pandore, Daniel Lin aurait bien évidemment tenté de s’échapper. Il lui suffisait de recourir à sa vitesse prodigieuse et à sa force qui ne l’était pas moins. Mais là, il n’en était pas question! Dans la nasse, Marie risquait sa vie elle aussi!

Notre daryl androïde pâlit, plus ému que jamais, et retint son souffle. Deux options s’offraient à lui. La première consistait à désactiver le champ de force miniature derrière lequel la foule en colère éructait, puis passer en hyper vitesse, sacrifiant la fillette désormais maintenue immobile par la main de l’inspecteur, une enfant innocente, issue de sa chair, tiraillée, écartelée, terrorisée, et s’ouvrir inhumainement un tunnel dans ce mur composé d’êtres vivants, ignorant volontairement les cadavres qui, inévitablement, il sèmerait dans sa fuite éperdue!

Bien évidemment, Daniel se refusa à opter pour cette solution.

Le deuxième moyen était certes plus élégant. Il consistait à envoyer un message télépathique à Mathieu, en sécurité à bord de la navette Einstein et à lui commander une télé portation Mais, le garçonnet, pressé par l’urgence, ne pourrait affiner les coordonnées et le policier se retrouverait également dans le vaisseau!

Les microsecondes s’écoulaient inexorablement et, déjà, impatient et hors de lui, l’inspecteur Giraud s’apprêtait à tirer, son index s’abaissant insensiblement sur la gâchette!

Ah! Il fallait rajouter à ce dilemme le problème de Violetta! L’adolescente venait de tomber entre les mains avides de Pamela Johnson. Cette dernière, ses facultés recouvrées intégralement, s’empressa de projeter sa proie quelque part au sein d’un autre univers bulle! Le transfert dimensionnel fut si brusque qu’il rompit le lien mental existant entre Daniel Lin et la quart de métamorphe. La rupture arracha même une grimace de douleur au commandant.

Or, ce fut à cette microseconde précise que l’inspecteur, abaissant son arme, visa Marie! Il n’était plus temps d’hésiter! Daniel Wu, plus blême que jamais, articula sourdement:

- Arrêtez! Je me rends. Laissez cette enfant tranquille! Elle n’a rien fait.

- Mais c’est une Jaune!

- Tenez, voici mes poignets, menottez-moi, oubliez-là et qu’on en finisse!

Soit, je ne suis pas un assassin!

Avec raideur, Giraud saisit donc les poignets du commandant Wu et les emprisonna. Le mini champ de force était désactivé depuis moins de deux secondes. Or, tandis que notre daryl androïde se laissait ainsi arrêter, son cerveau, déjà, élaborait un plan! Il envisageait de prendre directement contact avec Paul Déroulède.

Alors que l’arrestation de l’anarchiste semblait calmer la fureur de la foule, en réalité seul le départ de Pamela avait eu cet effet, Madame Gronet recueillait Marie en larmes.

- Ils ne vont pas le tuer mon papa, dites?

-Non, je ne le pense pas, chère petite. Ton père est un homme plein de ressources, ne l’oublie pas.

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Violetta reprit ses esprits en gémissant. Sa tête lui lançait affreusement. Ouvrant péniblement les yeux, elle eut du mal à focaliser son regard. Lorsque tout cessa enfin de tourner, elle reconnut, au-dessus de sa tête, un plafond voussé, en pierre, comportant des croisées de voûte en ogive ainsi que des pierres taillées régulièrement.

Souffrant, la jeune fille parvint toutefois à se lever et à faire quelques pas en vacillant. Un air froid et humide tombait lourdement sur ses épaules, l’enveloppant d’un manteau annonciateur de mort. Pourtant, faisant appel à tout son courage, elle finit par s’orienter dans la semi-pénombre et à s’engager dans un couloir orné de colonnettes aux chapiteaux cisterciens dépouillés.

L’adolescente était attirée par un chant religieux provenant d’une salle lointaine dont les notes se répercutaient, déformées, sous les voûtes.

Plus Violetta avançait, plus elle identifiait les paroles psalmodiées dans un latin de cuisine. Elle reconnut sans peine ce passage:

« Et tenebrae super faciem abyssi… »

Puis, jaillit comme un cri de délivrance un « Fiat Lux » sonore, clamé à pleins poumons par une assemblée d’hommes.

« La Genèse », pensa aussitôt l’adolescente. « Et ce qui m’entoure m’a bien l’air d’être une crypte, comme dans les holosimulations de dixième catégorie que je reproduisais enfant lorsque je jouais à Donjons et Dragons dans une version modernisée, high tech! ».

Mais la suite des paroles surprit Violetta qui, grâce aux leçons prises jadis auprès d’Antor, comprenait parfaitement ce latin déformé.

« Avant la Création de l’Homme, disait cet étrange cantique, Dieu ébaucha le Grand Ancêtre, le Singe roux! ».

Plus loin, le chant poursuivait:

« Et la créature, pacifique et débonnaire, partit à la conquête de la Terre, sa Terre. Or, dans le jardin d’Eden, le crime couvait, bien avant Caïn. ».

- Qu’est-ce que ce salmigondis religieux? S’exclama l’adolescente. On dirait là que le chant fait allusion à nos cousins très lointains, les orangs outans! Pourquoi? Une fixation de Pamela ou d’oncle Daniel? Dieu sait où cette traîtresse m’a projetée! Mais ce qui est plus grave, c’est que l’ex-lieutenant a réussi à me séparer du commandant! Dans quel but? Je ne représente, ce me semble, aucune monnaie d’échange! A moins que tout cela ne soit, après tout, que le fruit de mon imagination!

***************

A plus de deux millions d’années lumière de la Terre, mais à quelle époque, le vaisseau Langevin paraissait vivre ses derniers instants. Malgré toute la maestria de Chtuh et d’Uruhu, toute leur expérience, les deux officiers ne parvinrent pas à éviter l’écrasement sur le sol accidenté d’Aruspus. Le crash, violent, fit de nombreux dégâts, non seulement à l’intérieur du vaisseau scientifique mais également à l’extérieur.

Le Langevin creusa ainsi un fossé de plus de cinquante mètres de profondeur, labourant le sol, et parcourut près de quinze kilomètres avant de stopper, fumant et blessé, juste au bord d’un précipice vertigineux!

Les niveaux 1 à 8 de l’engin spatial avaient subi les plus grands dommages. Tous les hangars avaient été dévastés ainsi qu’une partie de la salle d’ingénierie et les cellules de stase. C’était un véritable miracle que la salle des machines n’eût pas explosé! Quant aux cellules de stase, une quarantaine fonctionnait encore dont celles du capitaine Maïakovska, d’Isaac, de Shinaaïa et de Celsia la Castorii.

Sur la passerelle, Uruhu, Ftampft, Kiku U Tu et Chtuh avaient été projeté avec une brutalité inouïe hors de leur siège. Pourtant, déjà, le petit dinosauroïde se relevait et, fébrilement, ignorant les douleurs occasionnées par ses multiples contusions, vérifiait les rares consoles encore en service, professionnel et militaire jusqu’au bout! Il avait toujours excellé à l’entraînement.

Antor, remettant de l’ordre dans sa tenue, aussi livide qu’à l’ordinaire, brancha la communication interne, demandant le statut de l’infirmerie. La voix du docteur di Fabbrini, à peine émue, le rassura.

- A part quelques contusions, des foulures et un bras cassé, tout va bien ici. Le professeur Schlffpt est en pleine forme. Son aquarium secondaire n’a que des dégâts mineurs vite réparables. Mais, ce qui m’inquiète, ce sont les systèmes de survie qui donnent des signes de faiblesse. Il en va de même pour les cellules de stase, d’ailleurs, du moins celles qui n’ont pas trinqué!

- Agissez pour le mieux, docteur, proféra le mutant avec son sang-froid habituel. Quant à nous, sur la passerelle, nous ne comptabilisons aucune victime, seulement des blessures légères qui n’obligent pas à une hospitalisation immédiate.

- je viens dès que possible.

- Inutile, Lorenza. Par contre, un vaisseau Asturkruk est parvenu à nous suivre et, comme nos écrans et la plupart de nos senseurs sont en panne, nous ignorons sa position précise.

Schlffpt, usant de sa voix synthétique, intervint.

- Je dois rajouter qu’au niveau des bulles de stase, c’est plutôt la panique. A l’extérieur du vaisseau, je capte des effluves de pensées hostiles qui ne proviennent pas des Asturkruks. Les Alphaego natifs viennent de se réveiller, je crois…

- Entendu, professeur. Je les perçois également, assez confusément. Merci pour votre message d’alerte toutefois.

Le vampire coupa alors la communication avec nervosité.

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Vingt-quatre heures s’étaient écoulées depuis l’arrestation de Daniel Wu ou plutôt pour les autochtones de Daniel Dumoulin! Les inspecteurs lui avaient infligé le troisième degré. En pure perte, naturellement. Une descente de police avait même eu lieu rue Rambuteau. Il va de soi qu’elle n’avait rien donné.

Le commandant Wu, faisant fi de ses scrupules, avait enfin utilisé ses dons de persuasion et était parvenu à influencer le commissaire Donnadieu. Celui-ci, sous une hypnose partielle, avait donc cédé à la requête du suspect. Daniel Lin allait rencontrer le Président du Conseil Paul Déroulède! Si Donnadieu avait obtempéré aussi facilement, c’était qu’à l’origine, il croyait voir dans le prévenu une sorte de super espion à la solde du Kaiser Guillaume II, disposant de moyens faramineux et de connaissances qui ne l’étaient pas moins, ce dont la France devait absolument entrer en possession, le plus rapidement possible!

Pas question d’hôtel Matignon à cette époque comme siège de la présidence du Conseil! Ce fut donc dans un salon du Palais du Luxembourg, siège du Sénat, que le prisonnier fut conduit, encadré par une imposante escorte policière, solidement menotté, auprès de Paul Déroulède.

La troupe, nombreuse, parcourut au pas de charge le jardin avec ses pelouses, ses allées sablonnées, son bassin, ses platanes, ses chênes, ses tilleuls, ses cyprès, ses barrières en bois et son talus montant. Le Luxembourg était fréquenté par les nourrices, les infirmières de cliniques huppées, les nurses en tenue bleu marine. Elles promenaient des petites filles en robe blanche de coton poussant des landaus d’osier dans lesquels dormaient des Bébés Jumeau.

Dans le salon, envahi de dorures, le lustre à pampilles lourdement chargé brillait de mille feux, réfractant à l’infini la lumière du soleil qui entrait à flots par les fenêtres. Daniel Wu, debout, et surveillé de près par dix malabars, ne put s’empêcher d’admirer le cristal de Baccarat ainsi que les moulures et les stucs du plafond et des dessus de portes. Le parquet, parfaitement ciré, était une véritable patinoire et les meubles de Boulle, authentiques et hors de prix, supportaient de magnifiques vases de porcelaine chinoise et de Sèvre.

Enfin, après dix minutes d’attente contemplative, Déroulède apparut, venant d’une antichambre, vêtu d’un habit queue de pie noir et blanc du plus parfait classique, d’un chic absolu! Sa longue barbe grisonnante plastronnait fièrement comme il se devait à l’époque.

D’un geste raide et impérieux, l’homme d’Etat congédia le commissaire et ses subordonnés leur faisant comprendre d’attendre la fin de l’entrevue exceptionnelle dans l’antichambre. Donnadieu voulut objecter, puis se ravisa. Après tout, le sieur Dumoulin était menotté et désarmé!

Déroulède étudia longuement, ne dissimulant pas sa curiosité, l’individu qui lui faisait face, son regard d’acier ne négligeant aucun détail. Nullement troublé, Daniel Wu rendit regard pour regard avec une impudence incroyable, pas du tout intimidé ou humilié. A vrai dire, il se comportait comme un égal vis-à-vis du Président du Conseil!

« Si jamais les Alphaego lui en laissent le temps dans cette harmonique-ci, pensait-il, Déroulède sera ou un pré De Gaulle, ou un pré Hitler! Ce « brave » Paul n’a certes pas d’intentions mauvaises, du moins à mon égard. Mais son patriotisme exacerbé l’aveugle. Alors, dessillons-lui les yeux et sortons le Grand Jeu! ».

Après trois longues minutes d’un silence de plus en plus pesant, le Président du Conseil se décida et prit la parole.

- Monsieur Dumoulin, vous avez demandé, exigé même de me voir, sous le prétexte que vous aviez à me faire, personnellement, d’importantes révélations! La situation internationale étant, à l’heure actuelle, quelque peu délicate, j’ai accepté donc cette rencontre pour le moins inhabituelle.

- Merci pour cette concession, monsieur le Président du Conseil.

- Attendez un peu avant de me faire des courbettes! Depuis quelques mois, les journaux parlent beaucoup trop de vous, et pas en votre faveur, assurément! De hautes personnalités scientifiques telles Milne- Edwards et l’abbé Breuil se retrouvent également sur la sellette, personnalités que vous avez approchées, ce me semble! Peut-être êtes-vous lié également à la Wilhelmstrasse, non? J’aimerais percer les secrets que vous dissimulez, monsieur!

- Monsieur Déroulède, voilà un ton direct qui me plaît! Hé bien, soit! Vous allez tout apprendre de moi. Je m’en vais vous révéler ce que je dissimule; je vous garantis qu’il ne s’agit pas du tout ce que vous pensez! Votre police et votre deuxième bureau vous ont dressé de moi un portrait de terroriste malfaisant quelque peu exagéré! Ne me nomme-t-on pas le « nouveau Caserio »? Ou encore le « nouveau Dreyfus »? Pourquoi tant de haine? Parce que j’ai eu la malchance d’être mêlé à quelques incidents ou faits divers gênants? De par mes origines incertaines?

- Votre identité, celle de Daniel Dumoulin est fausse, avouez-le. On ne trouve aucune trace nulle part de votre acte de naissance.

- Un peu de patience, monsieur le Président du Conseil. Vous saurez tout dans quelques minutes. Apprenez déjà que je n’ai pas de mauvaises intentions. De plus vous voir tenir les rênes de cet attelage rétif appelé France me laisse quelque peu perplexe!

- Ah! Pourquoi cela? Un quidam plus que suspect se permet de porter un jugement négatif quant à ma manière de diriger le pays! Trouvez-vous donc que je suis un Président du conseil inexpérimenté?

- Pas tout à fait!

- Vraiment, vous ne doutez de rien et surtout pas de vous, monsieur Dumoulin! Je continue à vous appeler ainsi puisque j’ignore votre nom!

-Il n’est pas temps de vous le donner, monsieur!

- Poursuivons donc… Il m’a été rapporté, et j’ai foi en ce témoignage, que vous lisez couramment le tibétain ancien ainsi que le chinois. Avez-vous vécu ou séjourné longuement dans ces royaumes difficiles d’accès pour un occidental?

-Difficiles d’accès, n’exagérez pas! En fait, je suis né dans l’Empire chinois, tout simplement, mais il s’agit d’un Empire quelque peu différent. Il s’étendait, lorsque je l’ai quitté, du nord de la Sibérie centrale jusqu’aux îles de la Sonde. J’emploie le terme « Empire », mais je devrais plutôt dire l’Alliance sino-indienne.

- Impossible!

- Laissez-moi achever. L’heure des révélations a sonné. Je me nomme Daniel Lin Wu Grimaud. Voilà mon nom complet. Par mon père, j’ai la nationalité chinoise. Quant à ma mère, elle était d’origine française avec des racines germaniques. Au sein de l’Alliance des 1045 planètes, je possède l’identité humaine et la citoyenneté impériale. Voilà ce qui me définit pour l’état-civil. A mon époque, sur cent mille années lumière, 1045 planètes ont décidé de s’unir librement dans une confédération. Le traité a été signé le 15 octobre 2506. Il a été enregistré sous la référence 17. 47. AB.Q.

Déroulède, en entendant ces propos fantasques ne put s’empêcher de soupirer et de montrer sa contrariété.

- J’ai affaire à un illuminé! Abusé par un fou! Les services de la police auraient pu s’en rendre compte avant au lieu de me faire perdre mon temps!

- Monsieur Déroulède, je vous conjure de me croire! Dans votre jeunesse, vous avez sans nul doute lu Jules Verne…

- Mais….

- Vous savez donc que ses romans d’anticipation ont annoncé d’immenses progrès qui sont en train de se réaliser, et ce, dans toutes les branches de la science et de la technique. Ne niez pas. Un doute vous assaille à l’instant. Voyez-vous, je suis doté de la précieuse faculté de télépathie et je lis en vous sans difficulté. Vous avez été émerveillé par ces écrits, enthousiasmé même, et malgré vous, vous espérez que l’avancée de la technologie rendra le monde meilleur! Or, je suis justement la preuve que vous attendiez! Un humain du futur qui peut témoigner que l’humanité a abandonné ses vieux démons!

- Prouvez-moi ce que vous avancez avec un tel aplomb! Ricana l’homme politique. Je vous mets au défi!

- Est-ce bien là ce que vous désirez monsieur le Président du Conseil? Répliqua Daniel Lin mi-figue-mi-raisin.

- Certes! Ne tergiversez donc pas au pied du mur!

- Dans ce cas, suivez-moi!

Sous les yeux médusés de Paul Déroulède, Daniel Wu se défit de ses menottes comme par magie. Mais le plus incroyable était cependant encore à venir. Comme vous vous en doutez, notre daryl androïde était relié directement à l’ordinateur de bord de la navette Einstein. Il n’eut qu’à penser « télé portation » pour se retrouver, en compagnie de l’homme politique français, à bord de son vaisseau spatial d’appoint. Déroulède, ébahi, avait pâli et rougi à la fois.

A peine les deux hommes s’étaient-ils matérialisés que Bing aboya furieusement, dérangé dans son sommeil. Puis, le chien, voyant à qui il avait affaire, cessa et, bâillant, se rendormit. Quant à Ufo, il miaula d’abord piteusement, cherchant manifestement à recevoir des caresses. Mais comme son maître semblait l’ignorer, il alla bouder sous une table.

Plus ou moins remis de ce transfert soudain et inattendu qui pour lui tenait lieu d’un tour de sorcellerie, le Président du Conseil se demanda à voix haute s’il ne rêvait pas. Manifestement, ce n’était pas le cas puisqu’il sentait sous sa paume la dureté et la texture des étranges objets et décors l’entourant. Il fut cependant encore plus déstabilisé et sursauta violemment lorsqu’il entendit une voix féminine désincarnée s’adresser à son hôte. Cette personne, visible nulle part, s’exprimait en anglais.

« Welcome aboard Major! ».

- D’où provient cette voix de femme? Demanda Déroulède, se tournant de tous côtés. Je ne vois personne! Un phonographe? Un appareil de Marconi? Un téléphone?

- Rien de tout cela, monsieur le Président du Conseil. Mon ordinateur de bord me souhaite la bienvenue. J’admets que l’IA de ce programme est un tantinet espiègle! J’en suis responsable. Lors de la dernière révision, je l’ai pourvue d’une personnalité primesautière assez indépendante… La précédente m’ennuyait à mourir!

- IA? Je n’ai jamais entendu ce terme….

- Intelligence artificielle en abrégé. Ah! Mais voici mon fils Mathieu.

Effectivement, un garçonnet de neuf ans environ, aux cheveux châtain foncé, au teint mat, s’avançait. Avec une certaine désinvolture, il salua Déroulède puis embrassa son père.

- Je me demandais quand est-ce que tu allais revenir, fit-il en mandarin. Marie n’est pas avec toi? Ni Violetta? Tu n’as donc pas encore récupéré ma cousine!

- Une chose à la fois, Mathieu, répondit Daniel Lin en français. J’ai besoin du chrono vision ainsi que du translateur pour localiser miss j’ordonne! C’est pourquoi je suis ici. Sur Terre, hier, vois-tu, cela s’est assez mal passé et…

- Oh! Je suis au courant, papa!

- Ce monsieur qui m’accompagne est un dirigeant politique. Il demande une démonstration…

- Et la directive première?

- Laisse tomber! Pamela a assez perturbé ce cours-ci de ce temps!

- Toi aussi, non?

- Je le reconnais… Monsieur Déroulède, ne restez donc pas debout comme une statue! Suivez-moi plutôt jusqu’au centre de commandement ou de ce qui en tient lieu! C’est la pièce à côté. Je n’utilise pas le terme de cabine puisque cela ne ressemble pas du tout à un paquebot.

Dans l’expectative, le Président du Conseil marcha prudemment derrière son hôte, non qu’il fût vraiment inquiet. Si ce Daniel Wu avait voulu l’assassiner, il serait déjà passé à l’acte, non? Bien sûr, il avait dévoré Jules Verne mais jamais il n’aurait imaginé l’intérieur d’un obus ainsi aménagé! Il s’attendait, classiquement, à un habitat cylindro-conique, aux murs de métal, à des banquettes de cuir, profondes et confortables, à des leviers, des cordons de sonnettes, à des engrenages et des rouages parfaitement visibles et identifiables, et aux incontournables rivets! Il cherchait également des lampes à arc si caractéristiques, des cadrans affichant les tensions, des voltmètres, et ainsi de suite…

Déroulède pénétra donc dans le saint des saints et là encore ne reconnut rien! Ses yeux se posèrent sur deux sièges de forme anatomique, sur deux couchettes et sur ce qu’il crut n’être qu’une simple table. Cependant, en s’approchant, il remarqua que les tablettes n’étaient pas constituées de bois mais avaient été usinées en une étrange matière qui ressemblait à du verre et qui laissait apparaître des sortes de petites taches multicolores doucement éclairées clignotant par intermittence.

- Mais où sont les volants, les guidons, les radiateurs; les bielles et les mécanismes? Articula-t-il surpris. Bref, ce qui constitue habituellement les moteurs? Je n’entends aucune vibration et ne ressens aucune secousse… Votre navire est à l’arrêt sans doute, à quai quelque part…

- Presque! En orbite autour de la Terre!

- Que me chantez-vous là? Comment puis-je vous croire? A bord de cet engin, il n’y a aucun hublot!

- S’il ne s’agit que de cela pour vous satisfaire! IA, occultation de la paroi bâbord!

Déroulède, surpris, recula, retenant, à peine, un cri de terreur pure. A la place de ce qu’il avait pris pour un mur solide, il aperçut le vide! Et, là, si proche qu’il aurait pu la saisir, une énorme boule bleue et blanche, d’une beauté renversante! Ce ballon féerique semblait suspendu dans un ciel noir à peine piqueté de points d’argent qui ne scintillaient pas. S’agissait-il réellement des étoiles?

- Seigneur Dieu! Quel spectacle bouleversant! Est-ce bien la…

- Oui, notre bonne vieille Terre! Là haut, les systèmes stellaires. Si vous vous penchez un peu, sur votre gauche, vous verrez la Lune…

- Mais je vais tomber!

- Pas du tout! Un champ de confinement maintient à l’intérieur de ma navette les conditions nécessaires à la vie humaine: la pression, l’atmosphère, la température, et bien autres choses encore…

- Ainsi donc, tout ce que je vois et admire en cet instant est bien réel! Le génie humain voguera bientôt parmi les étoiles. Ce sera aussi courant que de naviguer sur l’océan. Est-il français au moins ce génie?

- Du chauvinisme mal placé encore? Certes, la France, avec ses moyens, a participé à l’exploration, mais elle n’était pas seule, loin de là! Je regrette de vous chagriner mais les premières fusées furent allemandes et russes! Conservez le sourire! Au XXVIe siècle, ces histoires de nationalité ne signifient plus grand-chose. Les Humains ont réussi le melting pot. Je sais de quoi je parle, j’en suis une parfaite illustration. Mon cas est plutôt courant. Je vais prendre l’exemple de mon deuxième officier. Canadien d’origine, il a épousé une mi-Italienne mi-Métamorphe. Voyez, l’humanité est parvenue à se croiser avec d’autres espèces extraterrestres. Ainsi, la jeune fille que je recherche, Violetta Sitruk, ses origines en partie métamorphes lui permettent de modifier son apparence extérieure à volonté. Plus besoin d’artifices, de maquillages pour s’embellir! En fait, le vaisseau que je commande est composé d’un équipage véritablement multiracial.

- A ce point?

- Hé oui! Il a été recruté non seulement sur les différents mondes constituant l’Empire des 1045 planètes, mais également à différentes époques. Mon chef pilote, Uruhu, appartient au genre Homo neandertalensis. Quant à mon chef de la sécurité, il s’agit d’un Troodon, autrement dit d’un dinosauroïde. Sa planète a été détruite il y a quelques mille cinq cents ans. L’espèce a dû migrer sur d’autres mondes et apprendre à cohabiter avec des humanoïdes, des Castorii, des Helladoï, des Terriens et d’autres dinosauroïdes, les Compsognathus. Sans les dévorer, s’il vous plaît! Pour Kiku U Tu, les espèces inférieures, ce sont nous, les humains et assimilés.

- Qu’entends-je? Vous vous gaussez de moi, monsieur…

- Non, je vous l’assure. Il vous faut réaliser que nous, les habitants de ce siècle futuriste, nous avons dépassé depuis plusieurs siècles cette idéologie réductrice de la supériorité d’une « race » sur une autre.

- J’admets volontiers que je suis raciste et xénophobe. Je le proclame même avec fierté! Mes opinions ainsi affirmées reposent sur un substrat scientifique! Darwin a montré…

- Stop, monsieur Déroulède! Vous ignorez précisément de quoi vous parlez et à qui vous parles! J’ai un parcours de xéno biologiste de paléo biologiste et de généticien en plus d’une formation tactique et d’un diplôme d’informaticien. Ce que vous avez lu, vous l’avez mal compris et mal assimilé. Bref, vous l’avez déformé! Et je vais vous le prouver immédiatement. IA, fais apparaître l’écran du chrono vision. Ah! Replace la paroi protectrice d’abord!

- A vos ordres, commandant.

- Merci, IA.

- Votre intelligence artificielle s’exprime en français, maintenant.

- Par égard pour vous, monsieur le Président du Conseil.

- Quelle manœuvre effectuez-vous précisément?

- Une minute, je vais vous répondre. IA, réglage XXIIe siècle, monde terrestre, Suisse, dérive de 0,0057%.

- Voici, commandant!

Sur l’écran sphérique, une scène de combat apparut alors. Des guerriers en djellabas blanches et babouches de cuir aux pieds, brandissant des fusils à longue portée, hurlaient « Inch’ Allah ». Les tirs des armes à feu crépitaient, résonnaient dans l’immense hall d’une importante banque suisse où l’on pouvait identifier de lourdes portes blindées, des ordinateurs portables à écrans souples et des sacs de lingots éventrés qui répandaient leur contenu sur un sol de marbre désormais souillé de sang.

- Que signifie le choix d’une telle scène? S’exclama Paul Déroulède. Je n’y vois là qu’un rezzou!

- Oh! Il s’agit de bien plus que cela! Vous avez devant vous les représentants d’un islam vengeur et fanatique. Ils sont en train de gagner contre les ultra capitalistes libéraux. Ordinateur, affiche l’année, le mois et le jour.

Déroulède ne put réprimer un geste de contrariété.

- 18 mars 2105! Est-ce donc là le futur dévolu à la Terre?

- Non, seulement un des futurs possibles. Ordinateur, passe à l’écart de 0, 0071%. Pour la même date de référence, naturellement!

Cette fois-ci, l’écran focalisa sur un Paris où tous les panneaux étaient bilingues, comportant des inscriptions en français et en allemand! Des jeunes gens arrogants, portant moustaches bien cirées, uniformes chamarrés, devisaient joyeusement entre eux dans un allemand rocailleux et guttural, paradant fièrement, arpentant les rues de Montmartre comme s’ils étaient chez eux. Ce qui en fait, était le cas!

- Ordinateur, zoome sur le titre de ce journal dépassant d’une des poches.

Le quotidien, « das Bilderzeitung », daté donc du « 18. März 2105 », portait à la une l’information suivante: « Der Kaiser Wilhelm der Zehnste reist auf die Sterne », autrement dit: « L’Empereur Guillaume X voyage autour des étoiles ».

Déroulède qui parlait et lisait couramment l’allemand, proféra, les sourcils froncés.

- Un journal français imprimé en allemand qui titre en première page sur un souverain Hohenzollern! Expliquez-moi!

- Il n’y a pas qu’une seule et unique Histoire. Ici, nous avons un monde où l’Allemagne a vaincu une nouvelle fois la France et où elle a conquis les deux tiers de l’Europe. Mais ce n’est pas là votre futur. Ordinateur, affiche un écart de 0, 0704%.

- Entendu, commandant. Voici donc la Pax Romana sur la Terre presque entière…

- Ce que vous voyez là, monsieur Déroulède, n’est pas une reconstitution mais bien une réalité alternative, différente résultant de la présence opportune ou pas de mon second officier, le capitaine Benjamin Sitruk, le père de Violetta.

Déroulède réfléchit quelques secondes puis s’exprima.

- Sitruk… mais c’est un nom à consonance juive!

- Là, vous me décevez, monsieur le Président du Conseil! Benjamin est si peu pratiquant! Il évite de faire du prosélytisme… à tel point qu’il est parvenu à être Empereur sans obliger cependant les Romains à se convertir! En ce « 2105 », mais il me faudrait vous donner la date en fonction de la création mythique de Rome, règne le descendant indirect de mon officier, Aurelianus Maximus le Superbe. Vous remarquez comme moi que nous avons ici un Empire romain qui a perduré, pérennisé et qui s’est étendu au continent « américain ».Il a absorbé toutes les autres croyances, établissant un syncrétisme de fort bon aloi. Cependant, chacun demeure libre de choisir et de pratiquer sa religion. Ainsi, le christianisme n’est qu’une religion parmi tant d’autres, le bouddhisme également… Mais je puis vous montrer mieux encore. Ordinateur, affiche maintenant l’écart 0, 0927%, celui concernant la domination du Moro Naba de Texcoco.

- Dieu tout puissant! Jeta l’homme politique. Une Europe « nègre »! Et des pyramides à degrés!

Comme vous le remarquez, mon cher Président du Conseil, poursuivit Daniel Lin avec un humour froid, cette fois-ci, nous avons affaire à une civilisation mosaïque qui a assimilé les cultures bantoue et mexica. Mais, à mes yeux ces trames deviennent monotones! Comme Penta p, je proclame: « Foin du genre Homo Sapiens! ». Passons au monde K’Tou. Il est assez rafraîchissant. Ordinateur, déviation de 2,0034%. Tenez… Qu’est-ce que je disais?

- S’agit-il bien d’hommes singes envahis de vermine, à la face abrutie? Dieu! C’est cela donc le Paris de cet univers?

Que montrait donc l’écran du chrono vision qui parvenait à choquer autant Déroulède? Au milieu de « l’avenue des Champs Elysées », se dressait un gigantesque autel, surmonté de crânes d’aurochs et d’ours. Près de ce haut lieu cultuel, des Néandertaliens, vêtus à la façon, des Inuits, vaquaient paisiblement à leurs occupations, dressant des tentes. Ils s’étaient rendus au pèlerinage annuel en l’honneur du dieu ours et ils s’apprêtaient à lui rendre hommage avec tout leur cœur et tout leur enthousiasme.

- Dans ce monde où triomphe la civilisation K’Toue, Paris porte le nom originel de « Bro-aurr », ce qui signifie « ours bienfaiteur, protecteur ». Ah! Paul, ne perdez pas de vue que les K’Tous, le véritable nom des Néandertaliens, sont en fait les seuls Européens de souche!

- Quelle scène bien peu ragoûtante Que cherchez-vous à me faire comprendre avec toutes ces démonstrations? Que l’Homme blanc ne représente rien au niveau de l’Univers? Qu’il n’est qu’un alinéa dans le grand livre d’Histoire de la Terre?

- Oui, et même davantage. Le genre humain, en fait, n’est pas la finalité de la Création! Et si, maintenant, nous passions au monde dinosauroïde où l’écart, par rapport à notre existence s’élève à 25% environ? Qu’en dites-vous?

- Non! J’en ai assez vu! Montrez-moi donc plutôt mon futur… ou du moins celui qui correspond au présent actuel…

- Bien, je m’exécute. Mais peut-être allez-vous le regretter. Tu as entendu, ordinateur. Obtempère en centrant sur « l’année terrible », 1916. Attention au choc!

L’écran présenta alors une scène de bataille terrifiante dans sa cruelle réalité, où l’artillerie canonnait sans répit des soldats qui tentaient vainement de franchir un fossé sous les obus. Le ciel et la terre se confondaient dans un camaïeu d’un gris terne désolant, faisant ressembler le paysage de cette bataille à celui d’une lune morte, toute constellée, crevée de cratères. Des nappes délétères flottaient presque au ras du sol, enveloppant les combattants qui rampaient pour échapper à l’abominable mitraille. On voyait les malheureux soldats lutter malgré les masques contre cet ennemi sournois, chanceler, pour finalement s’abattre sur ce sol maintes et maintes fois labouré, boueux et empli de cadavres ensevelis partiellement.

Aucun oiseau ne chantait dans ce paysage maudit. Seule la canonnade grondait, retentissait, telle une funèbre mélopée. Spectacle de la Mort, absurdité de la guerre, boucherie vaine, inutile, horreur absolue!

Puis, la caméra, mue par quelle volonté?, focalisa sur un petit groupe d’officiers. Les hommes prenaient un peu de repos en attendant le prochain, l’inévitable assaut. Apparemment blindés contre toute émotion, ils savouraient un ersatz de café à quelques mètres à peine d’un tombereau de cadavres à demi enterrés. Quelques fois, il manquait un bras ou une partie du crâne à ces morts anonymes, absurdement grotesques, à ces dépouilles à qui toute dignité humaine avait été ôtée. L’odeur dégagée par ces corps devait être pestilentielle et pourtant les survivants, jusqu’à quand?, buvaient leur café tranquillement, affichant une indifférence indécente!

Paul Déroulède, livide, reconnut l’uniforme français, la veste bleue et le pantalon garance. La seule différence notable consistait dans le port d’un casque d’acier servant également de gamelle. Ici, comme vous l’avez sans doute remarqué, point de tenue bleu horizon!

- La guerre! Hé bien, soit! Fit le Président du Conseil. Qui l’a déclenchée?

- Est-ce là ce que vous tenez à savoir? Répondit Daniel Wu déçu une fois encore. J’attendais une autre question! Enfin! Vous avez sous les yeux un champ de bataille caractéristique de la deuxième guerre entre la France et l’Allemagne. Oui, une deuxième guerre depuis le XXe siècle et non pas 1870! La première eut lieu en 1905! Elle se termina par un statu quo. Celle-ci n’a commencé que depuis quatre mois à peine. Votre nation fait cavalier seul car la France n’est pas parvenue à trouver des alliés. Au contraire de ce qui est advenu dans le passé de mon Univers. Le conflit de 1905 fut déclenché sottement, à la suite d’un minuscule et ridicule incident colonial, concernant le Maroc… Or, déjà, l’année précédente, vous aviez frôlé une guerre, cette fois avec la Grande-Bretagne. Ah! Cet orgueil nationaliste que j’exècre!

- Expliquez-moi ce que montre exactement cet écran.

- Tout simplement une stupide guerre de revanche, déclenchée par le Président de la République Maurice Barrès, votre successeur, le deuxième de la Quatrième République! Triste et odieux spectacle qui décourage tous les amis de l’humanité, non? A quoi bon changer les institutions si c’était pour en arriver là, à ce massacre? Parfois, la nature humaine soulève en moi des hoquets de dégoût et il me prend la furieuse envie de… mais laissons-là mes états d’âme.

- Mais, bon sang, qui gagne?

- Quelle importance? Contemplez plutôt ce gâchis, ces morts inutiles, cette monstrueuse fauchaison de tant de jeunes gens sacrifiés sur l’autel de l’orgueil!

- Mais, peut-être que, selon le vainqueur…

- Rien, vous m’entendez, ne justifie une pareille boucherie, une sanglante récolte! Ah! Vous voulez absolument connaître le vainqueur de cette monstruosité! Alors, admirez-le et ne geignez pas! Que ce spectacle vous profite et vous rende plus sage!

L’écran afficha alors une autre scène encore plus repoussante que la précédente, si terrible, si horrible qu’on aurait pu la croire sortie tout droit d’une séquence de film gore en vogue à la fin des années 1980-1990 des pistes temporelles 1921-1922.

Une infirmerie ordinaire, aux murs crépis de blanc, au carrelage immaculé, impeccable, aux lits parfaitement alignés, dans la salle commune d’un hôpital anonyme. Des blessés de toute sorte, allongés et gémissants, des religieuses dévouées, bien évidemment, mais aussi, hélas, se mouvant comme dans une danse rituelle et hypnotique, cinq êtres blafards, cinq créatures hideuses, aux tentacules démesurés, les tristement célèbres Alphaego, dont la multiplication depuis la fatidique année 1900, en l’absence de toute lutte entreprise contre ce fléau, avait été effarante. Les fœtus immondes, vampires d’un nouveau genre, bien plus efficaces que leurs frères des récits mythologiques de Bram Stocker, collaient leur appendice ventral sur la carotide des blessés ou des infirmières, et, goulûment, se nourrissaient de leurs fluides vitaux. Ceci, dans la plus parfaite indifférence! Aucune réaction, aucun mouvement de fuite! A quoi bon?

Certaines des victimes, lorsqu’elles ne succombaient pas, voyaient alors leur corps se couvrir de kystes et de bourgeons anarchiques, puis prenaient insensiblement des proportions infantiles monstrueuses. La mutation effectuée et achevée, les nouveaux Alphaego disparaissaient dans la transdimensionnalité sans coup férir.

- Seigneur! Des têtards démoniaques sortis de l’Apocalypse! Gémit Paul Déroulède.

- Voici, dans toute leur splendeur effrayante et abjecte, les seuls véritables vainqueurs de ce conflit! S’écria Daniel Lin, ses yeux brillant d’un éclat non de folie mais d’une lueur mordorée. Les Homuculi qui éradiqueront les humains! Ils coloniseront toute la planète Terre. En 2050, régnant sans partage, affamés, ne trouvant plus aucune victime pour assouvir leur estomac, ils s’adapteront une fois encore et quitteront le système solaire. Ils migreront vers les étoiles. Malheur à Alpha du Centaure! Malheur à la Galaxie tout entière! Vous ne pouvez empêcher cela! Moi non plus! C’est le châtiment qui s’abat sur une espèce arrogante et vaniteuse, sur des humains qui n’ont pas su que le seul bien du Pan Multivers est la Vie! Monde condamné, dimension au bord du gouffre… Contemple ta fin! Oui, monsieur le Président du Conseil, vous êtes responsable de ce désastre cosmique car vous avez été un des principaux rouages conduisant à cela, cette Désolation…

- Pourquoi cette accusation?

- Pourquoi? Parce que vous avez préféré ignorer, mépriser ce danger au lieu de le combattre et de tenter de le juguler lorsqu’il en était encore temps! Ah! Si vous aviez possédé un atome de bon sens, vous auriez alloué les crédits de guerre à la recherche médicale! Vous auriez fini par venir à bout de cette épidémie, non sans mal, certes, mais vous l’auriez vaincue! Dans cette année 2050, l’Homme respirerait encore sur sa planète bleue!

- Coupable, dites-vous… de tout?

- Oui… et… Non…

- Ah! D’où viennent ces créatures, monsieur Wu?

- Mmm…

- Je suis prêt à endosser la responsabilité de cette guerre si vous me répondez, mais…

- Mais pas de cette monstruosité, bien entendu…

- Personne ne naît innocent…

- Je vous vois venir, monsieur le Président du Conseil. Nous assumons un héritage, une façon d’être, allez-vous me jeter à la figure… Une façon de penser. Nous voulons modeler le monde à notre image, faire en sorte qu’il corresponde à nos besoins… Erreur!

- Oui, le péché originel!

- Monsieur Déroulède, je ne suis ni catholique, ni chrétien… Ce que je veux que vous saisissiez, c’est que, lorsque nous agissons, vous, moi, ou tout autre individu, nous sommes dans l’incapacité d’en appréhender toutes les conséquences. Nous ne sommes pas assez sages…

- Assez, monsieur Wu! Commandez à votre IA d’éteindre cet écran!

- Le poids de votre conscience vous accable? Moi aussi, si cela vous rassure! Montrez-vous fort! J’ai le remède à votre spleen, l’antidote que je m’administre… Vaisseau… Sortie de l’orbite terrestre, puis luminique 2. Circumnavigation de tout le système Sol. Tu marqueras un arrêt à 400 000 kilomètres de Mars, pareillement pour Jupiter et pour Saturne. Tu iras jusqu’à Uranus et tu feras ensuite demi-tour. Ah! Et fais entendre la Première Gnossienne d’Erik Satie!

- A vos ordres, commandant!

- Laisse l’écran ouvert sur l’espace… je ne connais pas de spectacle plus apaisant que la contemplation des étoiles… Elle nous fait comprendre la relativité de toute chose, nous ramène à notre insignifiance… Combien nous sommes minuscules face à l’immensité de l’Univers! Poussière d’étoiles… Rêves immaculés, innocents, aspirations éternelles de toute grande âme!

Le tour du système solaire fut accompli en une heure à peine, en comptabilisant les arrêts.

- Cette magnificence, cette sublime beauté apaise-t-elle votre cœur? Demanda Daniel Lin d’une voix étrangement émue.

- Bien suffisamment. Jamais je n’ai bu de meilleure potion. C’est si beau, si grand! Je me sens minuscule, mais serein… Aucune angoisse au contraire de Blaise Pascal! Saturne a des anneaux, cela je le savais… mais Jupiter également! Des fantômes d’anneaux…

- Chut! Lorsque vous regagnerez le Palais du Luxembourg, ne divulguez pas ce que vous avez vu et appris. C’est trop tôt, monsieur le Président du Conseil.

- Oh! Je n’en avais nullement l’intention, monsieur Wu! J’ai compris les raisons de votre démonstration. D’autant plus qu’il m’a bien semblé apercevoir des sortes d’algues sur Europe et Io…

- Effectivement. Vous avez l’œil perçant. Des micro-organismes sont en train de gagner la bataille pour la Vie! Ils prendront la relève des humains dans des millions, des milliards d’années.

- Le danger des êtres têtards?

- Le froid qui règne sur ces mondes est leur meilleur bouclier! Souciez-vous plutôt de l’espèce humaine!

- j’essaierai, dans la mesure du possible, de combattre ce fléau. Je ne veux plus être accusé d’avoir déclenché des guerres à répétition, non plus…

- Vous m’en voyez heureux. Je savais, j’étais parfaitement conscient que ce voyage extraordinaire allait modifier vote façon de penser, d’envisager le monde. La contemplation des étoiles remet toujours tout en perspective.

- Dès que vous m’aurez ramené au Palais du Luxembourg, je convoquerai les ministres de mon gouvernement afin que, tous ensemble, nous présentions notre démission au Président de la République. Après tout, ces deux conflits n’ont pas encore eu lieu. Je peux peut-être infléchir le futur…

- Certes… mais il ne suffit pas de changer la tête qui dirige un pays pour modifier le cours de la trame de l’Histoire… Il existe de nombreuses constantes, des résistances…

- Hé bien, j’essaierai tout de même!

- A propos, concernant mon inculpation…

- Naturellement, je vais faire annuler toutes les procédures judiciaires contre vous. Vous serez innocenté. Mais, maintenant, je me demande qui sera le plus apte à occuper mon poste…

- Les élections législatives ne doivent avoir lieu que dans deux ans. Les candidats ne manquent pas…

- Loin de là, effectivement! Mais, monsieur Wu, vous semblez préoccupé. Votre visage est bien sombre…

- Violetta! Où a-t-elle atterri et quand? Est-elle toujours vivante, d’ailleurs?

- Vous lui portez une grande affection.

- Je la considère comme ma fille.

Daniel Lin marqua une pause puis reprit.

- IA?

- Oui, commandant.

- Recherche les traces génétiques de l’humano-métamorphe Violetta Sitruk. Dans toutes les harmoniques temporelles susceptibles d’abriter la vie humanoïde…

- Sur la Terre?

- Pour commencer! Tu pars de la date virtuelle actuelle et ensuite tu élargis aussi bien dans le passé que dans le futur. Sers-toi du potentiel des senseurs du chrono vision pour effectuer ta tâche!

- Recherche lancée… équations en cours d’examen…

- S’il te faut un supplément de charpakium…

- Inutile, commandant. Génome unité carbone Violetta Sitruk déjà localisé. Données disponibles. Résultats immédiatement consultables ou affichables.

- Bien, dans ce cas, donne-moi la réponse oralement.

- Année 1627. Entre mars et avril. Univers dévié par rapport au modèle source de 0,00074%. Abbaye de sainte Catherine, à dix-huit kilomètres de Saint-Flour.

- Précise la date.

- 17 mars 1627. Souverain de la France, Louis XIII.

- Compris.

- Commandant… Je dois vous alerter. Présences non identifiées, supposées hostiles à proximité de Violetta Sitruk. Action de secours envisageable, requise…

- Entendu. Pardonnez-moi, monsieur le Président du Conseil de devoir vous presser. Je vais vous renvoyer à l’intérieur du Palais du Luxembourg de la même manière que je vous en fais partir.

- Je ne vous en tiendrai pas rigueur, monsieur.

- Retournons dans la cabine à côté.

- Vous allez rejoindre le passé?

- Non sans avoir au préalable récupéré ma petite Marie.

Après une poignée de mains sincère, les deux hommes se séparèrent.

En moins d’une heure, Daniel Wu mit ses affaires en ordre. Rue Rambuteau, après quelques brèves explications fournies à madame Gronet, il promit à Marie André Delcourt et à Aure-Elise de revenir les chercher dans quelques semaines et de les conduire dans son monde où les deux jeunes gens pourraient ainsi à loisir y découvrir toutes les merveilles offertes par l’avenir. Adeline conserva le silence, espérant secrètement faire partie de ce fabuleux voyage. Daniel Lin se garda bien de lui révéler quel destin lui était personnellement dévolu. En fait, la logeuse devait disparaître en 1916, non pas victime de l’épidémie Alphaego, mais d’une méchante grippe. Quant à Aure-Elise, unie à Marie André Delcourt elle connaîtrait les fastes et le confort dus à l’épouse d’un brillant diplomate interstellaire!

Alors que la bombe de la démission du gouvernement Déroulède éclatait, le commandant Wu quitta ce temps dévié pour rejoindre Violetta. Avec son don particulier, l’adolescente était parvenue, une fois encore, à se mettre en mauvaise posture. Mathieu et Marie, Daniel Lin avait été sévère sur ce point, ne devaient en aucun cas débarquer de l’Einstein afin de rester à l’abri des tours de l’espionne Asturkruk Winka.

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