Un goût d'éternité 4e partie : Franz : 1942 (1).

1942

21 Janvier 1942.

Tandis que l’aviation des forces de l’Axe bombardait quotidiennement l’île de Malte, l’Afrikakorps reprenait son offensive à travers la Libye avec succès et, le 7 février reconquérait toute la Cyrénaïque.

Cependant, à Riom s’ouvrait, devant la Haute Cour de Justice, le procès des responsables de la défaite selon le régime de Vichy. Ainsi Blum, Daladier, Gamelin et Guy de la Chambre comparaissait devant ces juges tout acquis à l’Etat français. 

 

Mais le procès tourna à la faveur des accusés qui démontrèrent sans peine la part de responsabilité du maréchal Pétain en personne dans la défaite de la France en mai-juin 1940.

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Date fort approximative : 15 922 après Jésus-Christ.

A l’intérieur d’une bulle transparente, intertemporelle, à la luminescence pâlissante, un clone programmé par le Commandeur Suprême connaissait quelques difficultés notables. L’animal avait en effet atterri dans une région et à une date non prévues.

Le clone ressemblait à un marchand phénicien

 tel que l’on pouvait en croiser sous l’Antiquité, peu avant l’éclosion de la civilisation grecque. De petite taille, du moins relativement, un peu moins d’un mètre soixante, le poil brun et la barbe frisée, les mains ornées de bagues précieuses, l’individu avait passé une tunique brodée qui aurait dû le fondre parmi la foule.

Dans le véhicule du faux marchand s’entassaient des marchandises courantes au IIème millénaire avant Jésus-Christ, c’est-à-dire des fioles contenant des parfums lourds et onéreux, des étoffes de luxe, mais aussi de la laine brute, de la pourpre, du musc, des bijoux orientaux finement martelés ou ciselés.

Manifestement, le bonhomme s’était égaré dans ce lieu, à la suite d’une tempête magnétique qui avait fortement endommagé la bulle transtemporelle.

Mais le clone ignorait précisément où il se trouvait, à une époque des plus hostiles pour les étrangers, les intrus, au moment où la Terre connaissait des bouleversements physiques sans précédents. Les pôles de la planète étaient en train de basculer alors que la seconde civilisation post-atomique sombrait lentement dans la violence et la barbarie.

Désormais, l’humanité s’était scindée en deux catégories distinctes :

- des espèces d’orangs outangs améliorés, dotés d’une intelligence remarquable ;

- mais également des cyborgs dépourvus de tout sentiment. 

Or, l’intrus temporel allait vite tomber entre les mains de ces cyborgs. Ces derniers avaient détecté et localisé les perturbations résultant de l’atterrissage plutôt brutal de la bulle voyageuse. Presque immédiatement, le véhicule se retrouva entouré par des créatures d’une taille impressionnante, puis déchiqueté avec une sorte de patience froide tandis que son occupant était traîné loin de celui-ci.

Raffinement suprême, les créatures à demi artificielles allaient s’amuser à disséquer le clone, artefact après artefact, cellule après cellule. Heureusement pour lui, il mourut assez vite.

Puis, les cyborgs s’intéressèrent à la marchandise trimbalée par le faux commerçant phénicien. Mais le tout, fioles de parfum, étoffes et bijoux, leur parut dénué du moindre intérêt. Les objets furent réduits en cendres.

Mais ces créatures ne pouvaient savoir que, parmi tout ce fatras, il y avait quelques clés flashs pour ordinateurs ou objets connecté contenant les rapports en plusieurs exemplaires de l’homme robot Taamir concernant les contacts que les grands prêtres égyptiens avaient pu avoir il y avait des éons avec ce qu’il était convenu de nommer les derniers Atlantes.

Or, à la milliseconde où les clés étaient détruites, le Commandeur Suprême entrait dans une colère noire parce qu’il venait de perdre une information cruciale concernant le passé de la Terre.

Qui plus est : Taamir ne pouvait lui envoyer un autre rapport pour la bonne raison que l’espion était désormais traqué par les pseudo-Atlantes. Préoccupé à assurer sa survie, il était contraint de fuir.

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21 Mars 1942.

Gustav Zimmermann avait enfin mis le point final à son enquête sur les différents trafics du sieur van der Zelden. L’officier SS avait finalement découvert, en fouillant le passé du marchand d’armes, que ce dernier avait été en contact avec les Bolcheviks peu de temps avant de rencontrer Johanna von Möll. Faute tout à fait impardonnable.

Avec une satisfaction malsaine, Zimmermann se réjouissait de condamner à mort ce ploutocrate sans conviction. Alors, ce matin-là, les SS aux ordres de leur commandant, s’empressèrent de ligoter leur prisonnier à une chaise tandis que le peloton d’exécution attendait tout en fumant des cigarettes.

David fut fusillé dans le dos.

Ensuite, afin de s’assurer de la mort du Néerlandais, Gustav s’approcha du corps prostré et, de sang-froid, lui tira une balle dans la tête.

Ce cérémonial achevé, Zimmermann, suivi par son homme de mains favori, le triste Ludwig Hans, un adolescent vite monté en graine, revint dans son bureau, sortit une bouteille de cognac de douze ans d’âge, s’en servit deux doigts et mit en marche, sur un phonographe, la 7^ème Symphonie de Bruckner.

Claquant la langue, il jeta à son subordonné :

- Ah… Voilà une bonne chose de faite. C’en est fini de cette vermine. Portons un toast à notre Führer mais aussi à la victoire de l’Allemagne, à notre Grand Reich qui durera mille ans…

- Jawohl Sturbannführer !

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Parallèlement, en France, vers la même époque, l’agent de l’Abwehr,

 Carole Lavigne assumait avec la plus grande maîtrise le rôle qui lui avait été dévolu. A l’abri de tout soupçon, la jeune femme avait permis l’arrestation d’une centaine de Juifs mais également de trente terroristes selon la terminologie en vigueur chez les nazis et les collabos.

Quant à la Résistance du petit village de Sainte-Marie-Les-Monts, elle allait enfin s’illustrer sous la houlette d’Antoine Fargeau, de Gaspard et de Marc Fontane. Ainsi, elle prenait langue avec Londres, faisait passer des personnes de toutes nationalités en Angleterre ou recevait encore des agents britanniques qui avaient besoin de voir ce qu’il en était de leurs propres yeux sur le terrain.

Bien sûr, plus personne n’avait de nouvelles de François Granier. Présumé mort, on tentait de l’oublier, de se taire pudiquement sur sa disparition. Michel, le père, en avait déduit qu’il avait enlevé par la Gestapo et qu’il avait dû mourir ou être déporté en Allemagne pour faits subversifs. Elisabeth espérait encore mais ses craintes se renforçaient chaque jour davantage alors que le temps passait. La jeune fille prit une grave décision : celle de devenir un membre actif de la résistance locale. Certains propos de Marc ou d’Antoine Fargeau n’étaient pas tombés dans l’oreille d’une sourde.

Mais en fait, que devenait donc François ?

Désormais enrôlé auprès de Raoul d’Arminville, il avait appris à la fois la prudence et l’art du déguisement. Muni de faux papiers, il se nommait désormais Blaise Maxime et officiait en tant qu’employé du gaz en Touraine. Une belle couverture pour s’introduire presque partout et obtenir des informations précieuses.

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40 120

A l’intérieur de sa sphère noire, l’aura du Commandeur Suprême virait au violet.

- Un des Maîtres du Temps m’échappe. Il se range aux côtés de Michaël. Je dois en informer les trois autres. Ainsi, ils n’auront de cesse d’éliminer leur confrère qui trahit ainsi que les autres exemplaires des agents temporels. Ah ! Mais je me décharge… ce phénomène pourrait apparaître des plus suspects à ces séniles de S. Changeons donc de centre d’intérêt. Récoltons les données de ce 14 avril 1942 sur le secteur géographique de Riom.

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France. 14 Avril 1942.

Le procès de Riom était suspendu comme l’avait ordonné Adolf Hitler. Il commençait à faire trop de vagues.

Le 18 du même mois, Pétain rappelait Laval sous la pression des Allemands. 
 

Mais aux Etats-Unis, Otto von Möll construisait toujours des prototypes expérimentaux de chasseurs à réaction. Ce n’était pas tout. Avec de nombreux ingénieurs et techniciens américains ou britanniques, il aidait à la mise au point de bombardiers lourds, à l’exemple des B17. Ceci lui serait plus ou moins reproché par Franz dans quelques années. L’ex-baron n’avait donc pas les mains aussi pures qu’il aurait voulu le croire.

Quant à son ami William O’Gready, bombardé major – on se demande pour quel fait d’armes remarquable – il était affecté dans le Pacifique, dans le secteur de la Mer de Corail
 
 où il allait enfin pouvoir s’illustrer particulièrement. Ainsi, il participa courageusement avec plus ou moins de succès à plusieurs batailles ou coups durs, capitulation de Corregidor aux Philippines entre les 4 et 8 mai 1942, - mais il n’y était pas personnellement, défaite japonaise de Midway entre les 3 et 5 juin de cette même année 1942 où là, il était aux premières loges, et ainsi de suite. Dans ses lettres envoyées à ses amis, il jugeait les Japs durs à cuire.

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26 Mai 1942.

Rommel avait été stoppé à Bir Hakeim par Koenig.
 
 Le capitaine von Hauerstadt prit fort mal cette défaite. Bien qu’il ne fût plus nazi, bien qu’il se sût Français à cent pour cent, il faisait partie des troupes allemandes, il combattait pour l’Allemagne, il portait l’uniforme allemand. Il avait donc encore à cœur de défendre les couleurs de celle qui était officiellement sa patrie. Un autre sentiment l’obligeait à se surpasser, celui d’avoir la responsabilité de la sécurité de son frère, de sa mère et de son père sur les épaules.

Rétabli, le jeune homme, quelque peu amaigri et mûri, avait donc rejoint le front depuis quelques mois. Mais il avait changé aux yeux de ceux qui le connaissaient un tantinet. Il avait de plus en plus de mal à garder devers lui certaines réflexions, certains propos emplis d’une ironie cinglante.

Franz avait tout à fait conscience que les adversaires de ce damné et foutu Adolf étaient trop nombreux, qu’ils avaient derrière eux tout un potentiel industriel et économique d’une puissance formidable et, qu’à terme, l’Allemagne serait terrassée. Juste retour des choses, en fait puisque, au début de la guerre, les nazis avaient vaincu grâce à leur supériorité matérielle en armements et à leur audace inouïe. Son analyse rejoignait quelque peu celle de ce général français à Londres qui combattait pour la France libre.

- Jusqu’où croit-il pouvoir aller, ce débile, cet halluciné ? Cette guerre maudite et totale, que va-t-elle apporter à mes compatriotes officiels ? Au monde ? La mort assurément, la destruction, les ruines… la défaite pour les miens, le déshonneur…pourtant, des hommes splendides servent cette Allemagne détournée de sa destinée… Rommel. Mais tout ce courage, tous ces efforts sont inutiles, futiles aux yeux de cette Entité qui nous mène… quel gaspillage insensé de l’intelligence et de la pensée ! Je pense tout bas ce qui est en fait la triste et abominable réalité. Mais il n’en va pas de même de Peter… ah ! Mais je suis grandement responsable de son imprudence. Je ne me suis jamais vraiment préoccupé de lui apprendre un minimum de prudence et de dissimulation. Aujourd’hui, il me hait. Je ne reçois que le juste retour de mes manques. Je n’ai toujours vu que ma petite personne. Je n’ai jamais su conseiller mon cadet. Mais cela est normal après tout, vu que je n’étais pas capable de me conduire moi-même selon les principes de la raison. Quel retour de bâton ! Père ne m’a pas félicité pour mes faits d’armes. Il a refusé de prendre des nouvelles de ma santé d’après ma mère. Il me juge indigne du nom que je porte… un nom usurpé, volé… mais je dois celer ce secret… quel choix me reste-t-il ? Celui de me comporter toujours avec davantage de courage ? Aller jusqu’à quel degré de témérité ? D’inconscience ? De folie, pour recevoir ne serait-ce qu’un début d’attention de sa part ? Qu’une ébauche d’excuse ou de pardon ? J’ai tout gâché, j’ai gaspillé les atouts distribués par le Destin.  Aujourd’hui, je paye… mais ce n’est qu’un début… je le pressens.

Telles étaient les réflexions de ce jeune homme revenu de son inconséquence passée.

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11 Juin 1942.

Bir Hakeim, en Libye, avait été évacué par les Français. Le général Rommel avait repris son avance sur les troupes alliées. Comme on l’a vu précédemment, le capitaine Franz von Hauerstadt admirait son général, mais pas seulement. En son for intérieur, il faisait également l’éloge des forces françaises qui avaient su brillamment résister à l’Afrikakorps.

Le 21 Juin, Tobrouk tombait. Le renard du désert avait la route de l’Egypte ouverte devant lui. Allait-il réussir à conquérir l’ancienne Khémi pour son Führer, alors que même le Premier Ministre britannique ne se cachait pas du sentiment d’admiration qu’il éprouvait pour cet ennemi de valeur ? Ce stratège sans pareil, ce valeureux officier ? Quel dommage vraiment qu’il ne fût pas né Anglais !

Le 22 Juin 1942, jour anniversaire de l’opération Barbarossa, Pierre Laval eut cette phrase malheureuse, dénonçant sa vilenie et sa subornation aux nazis :

Je souhaite la victoire allemande parce que, sans elle, le bolchevisme s’établirait partout.

Ces propos furent repris par tous les journaux collaborateurs et collaborationnistes.

Antoine Fargeau allait répliquer durement. Avec quelques copains de la résistance, il parvint à voler un camion allemand qui transportait du ravitaillement pour une des garnisons situées entre Coutances et Caen. Les vivres volés furent ensuite distribués gratuitement aux familles nécessiteuses de Sainte-Marie-Les-Monts ainsi que dans d’autres villages tels Tilly. 

Ceci dit, il ne faut pas le dissimuler. Cette région de Normandie connaissait ou subissait, elle aussi, le marché noir. Gaspard Fontane avait deux fers au feu. Résistant d’un côté, trafiquant de l’autre. Ainsi, il vendait à prix prohibitifs les produits de sa ferme aux citadins qui venaient s’approvisionner chez lui mais il donnait sans contrepartie des œufs, du lait, du fromage, aux plus pauvres de ces concitoyens et administrés. D’autres commerçants sans scrupules s’enrichissaient auprès des villageois de Sainte-Marie-Les-Monts et des environs.

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