dimanche 3 mars 2019

Un goût d'éternité 4e partie : Franz : prologue.


Quatrième partie : Franz (1936-1943)

Prologue

Cassel. 10-12 Avril 1677. 
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La guerre de Hollande voyait s’affronter Guillaume d’Orange
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 et le roi Très Chrétien Louis XIV.
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 Le Stathouder voulait écraser l’armée de Monsieur, frère du roi, dans les Flandres.
A l’aube du 10 avril, Guillaume apparut sur la plaine, venant de Sainte-Marie Capelle. Son armée, rangée en bataille, le prince passa à l’attaque tentant l’assaut d’une hauteur où s’élevait l’abbaye de Peene.
Chez les Français, le maréchal de Luxembourg
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 avait pris la tête des troupes du monarque, et faisait face tant bien que mal. La bataille, parmi les plus furieuses et les plus sanglantes de l’histoire, dura jusqu’à cinq heures du soir.
Parmi les officiers fantassins du roi Soleil, un jeune homme blond, aux yeux clairs et de haute taille, fut atteint par un sabre hollandais alors qu’il résistait brillamment. Sous la douleur, son long fusil à baïonnette lui échappa des mains et il tomba sur la terre meuble, sa grave blessure faisant s’écouler de sa poitrine un sang du plus beau pourpre. Tandis qu’il agonisait, perdant peu à peu conscience de la réalité qui l’entourait, d’autres soldats mouraient à ses côtés. Un court instant, il leva les yeux vers le ciel en train de chavirer tel un vaste et tourbillonnant entonnoir noir, puis, tout s’effaça.
Mais, presque instantanément, le revoilà debout, bien vivant, toujours vêtu d’un uniforme militaire, avec le même physique. Pourtant, quelque chose avait changé. D’abord la date : 1812. Ensuite, le continent. Désormais, l’inconnu se retrouvait en train de se battre en pleine guerre anglo-américaine, luttant contre les Britanniques qui n’avaient jamais accepté l’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique. Pris entre deux feux, instinctivement, il se jeta sur la terre battue et rampa vers un fourré protecteur. 
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Parvenu derrière le feuillage, déboussolé, il reprit son souffle, s’épongea le front à l’aide d’un mouchoir qu’il sortit de son havresac et essaya de comprendre ce qui était en train de lui arriver.
Marmonnant entre ses dents, il se dit :
- Mais… n’étais-je pas mort tantôt ? Ces éclairs lumineux parmi les ténèbres… mon uniforme a changé. Pourquoi ? Je me trompe. D’où vient ce souvenir incongru ? S3 vient tout juste de me donner l’ordre de me rendre en Amérique, ici, il n’y a pas cinq secondes… auparavant, je suis bien passé par les programmateurs et les éducateurs… du moins, ce me semble. Que de souvenirs confus ! Ma poitrine me fait mal. Je sens une vive douleur sourdre… or, je ne porte aucune blessure. Pourtant, je revois encore ce maudit sabre en train de me transpercer. S’agissait-il de moi ? Ne me suis-je pas réincarné ? Ou alors, cela est arrivé à un de mes confrères… Mais, dans ce cas, pourquoi est-ce que c’est moi qui ai cela en mémoire ? C’est à n’y rien comprendre… Bon sang ! Qui suis-je ? Que suis-je ?
Après une fraction de secondes, l’inconnu reprit ses réflexions.
- Un simple outil que les Douze S sacrifient… oui… ensuite, ils le réassemblent et le reprogramment sans cesse, selon les nécessités. Ne faut-il pas rendre pérenne leur civilisation ? Tant pis pour celui qui est doté de mémoire, de conscience… tant pis pour l’esclave obligé d’obéir encore et toujours ! Oui, S1 se joue de moi… Il me prend pour un imbécile mais ses mensonges, je les devine et je les vois désormais. Tout est en train de me revenir. Toutes ces images qui affluent dans ma tête… Espagne, 1522, à la Cour de Carlos Quinto, 1626, le Louvre chez Louis XIII, Chine, 1644, alors que les Mandchous vont prendre le pouvoir, vers l’an – 100 000, les Néanderthaliens, 2 150, le Renouveau de la Première civilisation post-atomique… moi, quoi qu’il arrive, toujours présent, toujours assistant aux événements clés, au cœur de l’Histoire humaine… Pourquoi ? Pourquoi ? J’ai en moi toutes les mémoires du Monde…
Parallèlement, le 11 avril 1677, la bataille avait repris.
Ce jour-là, Philippe d’Orléans, Monsieur,
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 chargeait courageusement à la tête de sa cavalerie. Devant lui, se dressait, en personne, Guillaume d’Orange. La mêlée qui s’en suivit fut digne des héros les plus épiques des grands romans de chevalerie. Philippe, ici, ressemblait à Tancrède
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 ou encore à Olivier, l’ami de Roland. Tel un démon survolté, le Prince se battait avec la furia francese si redoutable et si redoutée. L’épée au poing, il tailladait dans les chairs, ne ménageant ni son corps ni sa monture, rechargeant plus de vingt fois au moins. Son cheval tomba, vite, il en prit un autre. Sa cuirasse amortit deux coups de feu. Mais, ignorant toute peur, toujours debout, il repartait à l’assaut, échevelé, splendide, magnifié par sa rage de vaincre.
Enfin, après des heures de durs combats, les lignes hollandaises furent percées. Philippe d’Orléans était sorti vainqueur et quel vainqueur de cette bataille d’abord indécise. Quant à Guillaume d’Orange, il rageait, tempêtait, se mordait les doigts de ne pas avoir abattu le maudit Prince français.
… Nimègue, 10 août 1678, onze heures du soir. 
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 Le traité de paix mettant fin à la guerre de Hollande était signé et, le 10 octobre de cette même année, à Saint-Cloud, Monsieur offrait à son frère Louis XIV une fête célébrant avec tout le faste possible la paix de Nimègue.
Louis XIV ne put que s’extasier devant les nouvelles constructions et le luxe de cette réception somptueuse. Tout était splendide, parfait, dans le goût de ce siècle, la musique, les ballets, les jeux d’eau, les costumes, les feux d’artifice… avec grâce, il félicita son frère pour son accueil.
- Monsieur mon frère, merci…
- Sire, j’espère que tout vous a plu.
- Je n’ai rien trouvé à y redire, fit le monarque en s’inclinant.
- Je n’ai cherché qu’à vous faire plaisir, Monsieur mon frère. Telle était mon ambition…
- Vous y avez réussi.
Dans son for intérieur, le roi Soleil bouillait de jalousie. Désormais, il allait faire en sorte que son cadet ne commandât jamais plus le moindre régiment de cavalerie, la plus petite armée. Sa gloire ne devait plus lui porter ombrage… plus jamais…

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