samedi 8 janvier 2011

Mexafrica 3e partie : Le chevalier au blanc harnois chapitre 21.

Chapitre 21

Dans le chaos décadimensionnel dans lequel Penta Pi se camouflait, la semi-entité était parfaitement consciente de l’erreur qu’elle avait commise, erreur qui mettait le Langevin et l’Univers local en danger. L’être n’avait gagné qu’un court répit.

Traqué par les siens, Penta Pi venait en effet d’être localisé par ses « frères ». Alors, il se sentit pris dans les rets de Pi Septimus et Pi Epsilon. Il reconnaissait leurs signatures. Voilà pourquoi il ne parvenait plus à rebondir de super corde en super corde comme s’il était présentement ligoté, immobilisé sur une toile invisible, appréhendé, se transformant contre son gré en caisse de résonance, bombardé de toute part par les gluons, les bosons, les quarks beauté et tau, etc.

La semi-entité se fragmentait, s’éparpillait, du moins le croyait-elle, sur chaque super corde luttant vainement pour se libérer. Terrible sensation que celle de se métamorphoser en un misérable toron d’une corde de physique théorique, chaque brin de ce toron partagé en seize dimensions!

Or, pour mémoire, les Pi ne pouvaient voyager dans ces seize dimensions! Le mirage s’avérait donc d’une efficacité redoutable, à moins qu’une « divinité » beaucoup plus puissante se fût jointe aux pisteurs.

Penta p était donc tout à fait incapable de se réassembler, et, lorsqu’il tentait de se recomposer, seuls des fragments isolés de lui-même, plus minuscules que les liants des cordes, parvenaient à s’unir. Pour recouvrer son unité et son identité, il fallait que notre entité baignât dans le flux matriciel de la dimension Pi, mais ses anciens amis et compagnons de jeu, fort de l’aide extérieure reçue, s’amusaient avec elle, la tourmentant encore et encore.

Toutefois, une picoseconde fugitive, l’ex-Axel Sovad eut le sentiment de retrouver toute son intégrité. Tragique erreur! Le chassé, la proie n’était plus qu’une caricature mosaïque malléable, soumise aux caprices, à la fantaisie mauvaise et cruelle de ses coreligionnaires, devenue à la fois liant de force, morceau de boson, parcelle tronquée de positron, antiproton, neutrino, gluon et muon.

Passant à un plan d’organisation supérieur, d’échelle de grandeur plus vaste, Penta p se fit tour à tour composé protéiforme d’atomes, extraits, essences de tous les éléments possibles et à la fois de tout le Pantransmultivers, y compris les molécules grandement instables, absentes des tables officielles, bien au-delà assurément des éléments chimiques répertoriés 200, 500 et plus! Molécules dont l’espérance de vie n’atteignait pas l’attoseconde, puis, parvenant à l’échelle organique, la semi-entité devint semblable aux tissus Picasso cubistes, aux réticulés endoplasmiques de tous les mondes possibles, chimère absolue même pas rêvée par les plus grands astrophysiciens de toutes les Galaxies présentes, passées et à venir, potentielles et réelles, créature improbable dans laquelle se mêlaient tous les plans d’organisation, tous les types d’êtres, de l’archéobactérie au gaz pensant, bref créature non émanant de la volonté absolue du Principe régissant la Supraréalité!

Achevant sa métamorphose douloureuse, Penta Pi se transforma enfin en un astre multiple, système à étoiles doubles et triples, assemblage incohérent de planétésimaux polyédriques, d’astéroïdes informes et boursouflés, de lunes et de nébuleuses, de géantes rouges, de pulsars, de quasars, de naines blanches et bleues, de trous noirs, d’étoiles à neutrons, de soleils céruléens, jaunes ou vermillons, de planètes gazeuses ou telluriques abritant le vivant, de galaxies jumelles se phagocytant mutuellement, d’ogre cosmogonique jamais rassasié.

Mais les Pi bourreaux ne pouvaient poursuivre ainsi longtemps leur badinerie! Bien évidemment, ils auraient voulu pouvoir transformer l’ancien magnat spéculateur en multi amas galactique, en extension et en régression, pulsant de cycles en cycles, rebondissant sans cesse selon la théorie du Big Bounce, enchaînant les Big Bangs et les Big Crunches, gravités quantiques à boucles, effeuillages des branes, théorie d’Everett revisitée, le tout comportant les grands attracteurs, les pouponnières d’étoiles et les tera trous noirs!

A ses dépens, le triste et pitoyable Penta Pi était devenu le catalyseur de la formation d’un supposé nouveau Pantransmultivers! Lui-même, disloqué en catalogue de destins possibles, subissait jusqu’à la lie ce tourment dépassant les neuf cercles de l’Enfer décrits par Dante!

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L’heure était venue pour lui de mourir! Avec panache ou dans la plus grande et insupportable indifférence? Dans l’anonymat ou dans la gloire?

Subitement pressés, les p remirent tout en place - à savoir comment - y compris le continuum local et le vaisseau Langevin! Penta Pi devait en effet subir un châtiment public et non une vengeance privée!

Lorsque le jeu cruel cessa, sans comprendre pourquoi, tous les passagers du vaisseau ressentirent alors un immense soulagement tout en étant incapables d’exprimer ce qu’ils avaient vécu. Pour la première fois depuis longtemps, Lorenza éprouvait même une certaine euphorie; elle se confia à Schlffpt, le professeur médusoïde spécialisé dans la xéno biologie.

- Professeur, savez-vous que, depuis quelques instants, j’ai l’impression que, désormais, nous nous en sortirons? En est-il de même pour vous?

La méduse pensante lui répondit à l’aide d’un appareil subvocal.

- Un optimisme de bon aloi que je partage, en effet! Si j’ai bien déchiffré les pensées de nos geôliers, pour l’heure, nous ne sommes plus leur cible principale!

- Qu’est-ce que cela signifie?

- Je l’ignore encore, docteur!

Penta Pi pouvait mourir le cœur et l’esprit apaisés. Il se sacrifiait pour des êtres carbones, des créatures humaines qu’il jugeait, hier encore, primitives, avec qui il avait joué tel un enfant capricieux quelques temps auparavant.

Pour l’instant, Tsanu XIII Gaachak se réjouissait de l’exécution prochaine de ce traître.

L’Empereur Haän, toujours aussi imbu de lui-même et prodigieusement orgueilleux, croyait toujours le Langevin à sa merci. Or, il était roulé dans la farine car l’IA du vaisseau persistait à n’afficher que de fausses coordonnées. Avec ruse, l’ordinateur central avait dévoilé un code façade derrière lequel se dissimulaient ses véritables programmes et instructions, entièrement sécurisés et reconfigurés, et ce, dans un langage spécifique compris seulement de cinq personnes dont, présentement, trois n’étaient plus à bord.

Si Lorenza et Benjamin avaient eu la fibre moins patriote, ils auraient pu se vendre à Tsanu XIII. Le programme en fonction actuellement, un programme hautement sécurisé intitulé abdhk, était absolument indécelable pour quelqu’un qui ne lisait pas le K’Tou!

Pour tout le monde, le Langevin abordait la frontière de l’Empire Haän et se dirigeait vers Haäsucq à vitesse de croisière, quittant Maïamär, le nom K’Tou pour désigner la terre mère.

De fait, le vaisseau scientifique et d’exploration sortait du quadrant Alpha pour prendre la route de l’Empire Olphéan, qui dominait le quadrant Delta! Or, cette partie de la Galaxie, peu explorée, sous le contrôle de machines pensantes hostiles à toute forme de vie biologique, restait des plus mystérieuses.

***************

Sans encombre, comme escompté par le diplomate, le petit vaisseau scout Szilard se rematérialisa au-dessus de l’Empire Texcoco en 2148, selon le calendrier usuel de l’Univers 1721 ter. Comme on le sait, le Szilard avait intégré la chrono ligne 1790, ce qui n’était pas une mince affaire!

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Déphasée, la machine intruse était placée en orbite et restait indécelable.

Antor et Tony n’étaient pas dépourvus d’atouts dans ce monde qu’ils allaient devoir explorer. L’historien, intellectuel et lettré, parlait à la perfection le bantou classique ainsi que le swahili. Selon les directives d’Antor, il se grima avec art en marchand Xosa, originaire d’Afrique australe. Pour cela, il revêtit un costume chamane traditionnel. Le vampire, lui, n’eut pas besoin de vêtements exotiques pour se déguiser ou dissimuler son apparence. Ses talents de télépathe suffiraient à faire croire qu’il était l’homme de confiance Basuto de Tony, c’est-à-dire un pur Bantou!

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Cependant, un grain de sable pouvait enrayer cette belle machine, Fouchine! Le Soviétique possédait le signalement détaillé du lieutenant Hillerman et pouvait donc le reconnaître quels que soient les oripeaux qui le déguisaient!

Pour s’intégrer dans la foule bigarrée et passer inaperçus, le diplomate et l’historien s’étaient encombrés de quelques marchandises: ivoire, bien sûr, cauris, gomme, alcool de palme, statues de dieux parlantes, truquées électroniquement, poignards laser, fusils mitrailleurs à feu grégeois téléguidé, tissus divers et fards nubiens dotés d’intelligence, capables de changer de couleurs selon la volonté des porteurs, bijoux de peau et bien d’autres trésors fort recherchés encore!

Arpentant le marché d’un pas détendu, les chalands étant nombreux - c’est au milieu de la foule qu’on se cache le mieux - Antor découvrit rapidement que les Mexica de souche ne portaient pas dans leur cœur l’aristocratie bantoue et mandingue. Parmi la caste de guerriers d’élite, composée des chevaliers jaguar, chevaliers aigle, chevaliers Kikomba, chevaliers Nandi, chevaliers panthère, chevaliers Quetzal, chevaliers Hoazin, chevaliers python et chevaliers Aniotos, les natifs du Yucatan n’étaient que des sujets! Comme le comprit aussi le diplomate, parmi les chevaliers, on comptait de nombreux métis de Bantous, d’Aztèques, de Toltèques, de Peuls, de Kikuyus et de bien d’autres ethnies.

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Antor remarqua également la présence de Chinois, de Polynésiens et de Scandinaves qui proposaient à la vente leurs articles plus ou moins exotiques. Ces marchands appartenaient à diverses guildes qui tenaient des comptoirs côtiers le long de l’Afrique et de « l’Amérique ». Ces compagnies se concurrençaient dans des guerres plus ou moins ouvertes, et leur sort demeurait d’autant plus précaire que l’Empire du Moro Naba de Texcoco, dans son expansion vers le nord, se heurtait aux résistances des Pueblos et Anasazi rebelles à toute conquête.

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Dans ce tableau contrasté, il fallait rajouter les visées expansionnistes des Vikings qui, de leur côté, avaient lentement colonisé la façade atlantique de ce continent que Tony Hillerman s’obstinait à appeler Amérique du Nord!

Les Mexica nommaient les Chinois Chintial(s) et les Vikings N’Varegutli(s). Quant aux Polynésiens, autres navigateurs et commerçants redoutables de ce monde-ci, ils avaient reçu le nom de Simbapotla(s), ou N’Tiki, appellation qui leur rendait hommage, les comparant aux demi-dieux qu’étaient les lions!

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Depuis déjà de longues semaines, les Français campaient à Damiette. Il ne se passait rien de notable, les Croisés paraissant attendre des renforts. À leur yeux, ils étaient nécessaires afin d’occuper le pays.

L’inaction pesait grandement parmi les troupes. Prenant leur temps, tous les frères apanagés du roi débarquaient sur la Terre Sainte. Il y avait là Robert d’Artois, Charles d’Anjou Provence, et, bon dernier, Alphonse de Poitiers qui, ayant appris la mort de son beau-père Raymond VII de Toulouse, ne débarqua à Damiette que le 24 octobre 1249.

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Geoffroy d’Évreux n’en pouvait plus et bouillait d’impatience! Il voulait passer enfin à l’action, en découdre avec les Sarrasins, et délivrer Stankin par la même occasion. Son enfance avait été bercée par les récits fortement embellis des hauts faits et gestes de Godefroy de Bouillon, de Richard Cœur de Lion

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et du roi lépreux Baudouin IV.

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Il n’avait ressenti que du mépris pour l’histoire de la IVe Croisade! S’il n’avait dû fuir une vingtaine d’années auparavant afin d’échapper aux conséquences de la trahison de son père, il se serait bien fait chevalier du Temple!

Toutefois, notre jeune noble se posait des questions. Il n’avait pas ou plus la naïveté de croire que les Croisés avaient une foi ardente chevillée au cœur, mais il avait espéré un peu plus de grandeur d’âme. Or, voir les Francs jouer aux dés, s’enivrer, trafiquer, s’acoquiner avec des filles de joie, tout cela sapait son moral. Un soir, il s’expliqua vertement avec Philippe qui paraissait s’accommoder de la situation, devant Violetta et ses inséparables compagnons.

- Je ne peux plus supporter cet immobilisme! Je ne comprends point cette stratégie! Ni celle du commandant Wu d’ailleurs! Je croyais que ça urgeait! Voyez: mon estoc commence à rouiller; or, ce n’est point faute de passer mon arme au sable chaque matin et chaque soir! Pourquoi ne pas mener vite fait bien fait une petite expédition coup de poing chez cet Ayyub? Oh! J’ai bien conscience de la distance qui nous sépare du Caire! Mais depuis le temps, le translateur devrait s’être réparé tout seul ou presque, non? Les enchantements d’Auvergne sont loin! Tiens! Nous pourrions délivrer Stankin! Sans perdre une goutte de sang en usant de ruse et de poings laser! Ici, nous nous laissons porter par des événements qui vont tourner mal! Cela, vous le savez aussi bien que moi!

Ayant proféré cette diatribe bien sentie, Geoffroy défia les yeux clairs du sire Philippe.

- Certes, messire comte! Je vous entends fort bien. Je ne puis vous dissimuler que j’ai reçu de Nostre seigneur une part, menue toutefois, de Son Omniscience. Dans le Codex divin, j’ai pu lire la page consacrée à nostre saint roi. Cette Croisade échouera ainsi que la prochaine!

- Ah! Vous l’admettez donc! Nous ne sommes pas là, nous pour revivre en direct la septième Croisade! Nous avons parcouru et remonté des centaines d’années et des milliers de lieues pour empêcher Charmeleu de s’emparer de Stankin et de tous ses secrets. Or, que faisons-nous présentement? Nous nous ennuyons ferme et oublions nos autres ennemis qui ne sont point si sots, eux!

- Messire, combien vous êtes jeune! Vous ne réfléchissez pas assez loin!

- Mmm. Vous êtes de mèche avec Daniel Wu, vous! Vous me faites la leçon alors que vous n’êtes guère plus âgé que moi!

- Détrompez-vous! Je n’ai pas d’âge! C’est par commodité que j’ai cette apparence! Mais revenons à messire Stankin. La prison dans laquelle il est détenu présentement, lui fait office d’abri. Sachez qu’Arnould de Charmeleu n’ose agir sans ordre du roi. Mais lui aussi, c’est vrai, perd patience. Cependant, il a trop besoin du soutien de son suzerain car on commence à jaser sur son compte et certaines cérémonies…

- Soit. Mais… les autres? TQT ou Lady Alexandra que nous avons perdus de vue depuis de longues semaines déjà… Eux, se sont pourvus de moyens militaires du XX e siècle! Ils s’amusent à monter des expéditions contre les autochtones, contribuant par leurs raids à accroître la haine des populations locales contre les Roumis. Et Daniel me paraît ici… comment dirais-je? Pusillanime ; il frise l’inconscience puisqu‘il laisse faire!

Philippe esquissa son étrange et doux sourire et répondit:

- Messire comte, les prisons d’Ayyub sont inviolables!

- Oh! Oh! Qui a décidé cela?

Pacal ricana.

- Vraiment, chevalier? À mon avis, c’est parce que personne n’a essayé d’y faire évader quelqu’un! Les tentatives d’évasions de cette époque ont toujours eu lieu de l’intérieur! Je ne me trompe pas!

A cet instant, Irina pénétra sous la tente, ayant perçu les derniers mots de cette conversation. Faisant comme si de rien n’était, comme si elle ne sentait aucune tension ou animosité, elle raconta paisiblement comment Antor et Tony Hillerman avaient pu remonter la piste de Franz. Plus détendu, Ivan applaudit.

- Mazette! Bel exploit! Votre vampire albinos n’a pas froid aux yeux, décidément! Il s’est aventuré avec cet intellectuel Noir en un 2148 que je ne puis pas même appréhender, dans un Mexique africain, comme moi je bois une menthe à l’eau. Désormais, tous deux pensent, sans aide, pouvoir récupérer le duc, bigre!

Geoffroy, qui voyait là un espoir d’action, hasarda:

- Et… si nous les rejoignions? Puisque, pour l’heure, il n’est pas question de délivrer Stankin…

Violetta se moqua ouvertement:

- Ouh! Tu as bien hâte de faire le coup de feu, toi! Ah! Ces hommes avec leurs hormones! La testostérone joue à plein, là! Tuer! Toujours tuer! Massacrer!

Néanmoins, incroyablement, Irina sembla approuver la suggestion de Geoffroy.

- Je ne partage pas toujours le point de vue de mon mari… Si le translateur remarche, nous pouvons quitter cette époque quelques jours et prêter main forte à Antor.

- Moui, tante Irina. Mais s’est-on assuré que le translateur fonctionnait à nouveau?

- Daniel m’assure que non.

- Comment peut-il le savoir? L’appareil est toujours au-dessus du ciel auvergnat, non? Émit Ivan.

- Mon mari est sûr de lui. Il a tenté de ranimer à distance l’IA. Échec sur toute la ligne.

- Ranimer à distance? C’est impossible!

- Pas avec un cerveau configuré comme le sien! Rétorqua Maïakovska. Ah! J’oubliais… je dois vous instruire d’une donnée fondamentale. Que ce soit dans l’Univers du Moro Naba de Texcoco, en 2148, ou ici, dans ce 1249 de moins en moins fantastique, quoique… le temps ne s’y écoule pas comme chez nous!

- Comment sais-tu cela, ma tante? Demanda la métamorphe, soudainement véritablement intriguée.

- Daniel me l’a expliqué… parfois, ses talents et dons particuliers l’apparentent à une sorte de… démiurge… Il est en communication avec Antor et, pour notre ami, quelques heures se sont écoulées depuis son arrivée en Mexafrica alors que pour nous, il y a eu plusieurs semaines de passées. Donc, peu importe le moment où nous délivrerons Stankin! Compris?

- Ouais! Fit Violetta, sceptique. Donc, ici, le temps semble s’écouler plus lentement, alors, qu’en fait, il n’en est rien! Et cela semble valable pour tous ceux qui se sont aventurés dans ce passé! Tiens! Je comprends maintenant pourquoi entre 1966 et 1969, je n’avais vieilli que d’un peu plus d’une année…

- Mais non, tu avais été victime d’un…

Irina stoppa brutalement son explication, croisant le regard de Philippe. Le chevalier faisait comprendre à la Russe qu’il n’était pas bon de révéler les agissements d’un Michaël. L’Homo Spiritus, qu’apparemment l’ange incarné avait déjà rencontré ou croisé, allez savoir quand et dans quelles circonstances, avait ralenti le vieillissement de la quart de métamorphe et ce, pour la protéger. Chacun avait sous les yeux la preuve vivante de ce prodige: le chat Ufo!

Pour rappel, notre félin gourmand et gourmet, goinfre par moment, affichait pour l’état civil dix-sept années bien sonnées au compteur! Pourtant, pour qui l’observait, ne voyait alors qu’un gros chaton de dix mois!

Pour l’heure, le chat transgénique, plein de vitalité, lorsqu’il ne dormait pas, passait son temps à chaparder dans le camp des Croisés soit de la volaille, soit des abats, soit des friandises tels que gâteaux au miel ou autres douceurs!

Une autre preuve existait que tous feignaient d’ignorer. Uruhu, le chef pilote du Langevin, avec son âge canonique de trente-quatre ans, aurait dû ressembler à un vieillard K’Tou! La médecine du XXVIe siècle n’expliquait pas tout. Là aussi, il fallait compter avec l’intervention de Michaël… A moins que…

Le capitaine Maïakovska gardait pour elle toutefois ce qu’elle pensait être la véritable explication de l’inaction relative des tempsnautes. Consulté un peu auparavant l’arrivée mouvementée au XIIIe siècle, le chrono vision de la navette Einstein avait révélé avec précision la date de la délivrance de Stankin. Il n’était donc pas à l’ordre du jour de modifier cela sous peine de complique un peu plus la situation et de mettre à mal la chronologie!

Dans cette harmonique, il était entendu que l’Hellados devait partager la geôle de Saint Louis! Or, le souverain capétien ne serait capturé qu’après Mansourah. Stankin serait délivré par Daniel bien évidemment.

Le successeur d’Ayyub assassiné, on en était encore loin, les Mamelouks gouverneraient Le Caire. Nous serions au printemps 1250!

Daniel était un cachottier! Il n’avait avoué à personne qu’il sentait pertinemment qu’une Supra Entité dirigeait les événements et les êtres. Et, s’il avait écouté ses ascendances chinoises, il aurait permis aux ambassadeurs français en Mongolie, avec l’assentiment de la mystérieuse Déité, Michaël, l’agent terminal, (?), André de Longjumeau, puis le Franciscain Guillaume de Rubrouck de signer une alliance avec le prince mongol Sartak et le grand Khan Mongke.

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Or, justement, l’Empereur avait pour conseiller un Michaël, un MX moins abouti que l’agent terminal, apparenté à la lignée de Jamiang Tsampa. Il aurait pour successeur direct Lobsang Rama. Pour la Cour du grand Khan, l’Homo Spiritus s’était affublé de l’identité de Trinlé Lapto.

Daniel avait par curiosité, étudié l’intégralité de son propre arbre généalogique. Quelle n’avait pas été alors sa surprise d’y trouver, parmi ses ancêtres, la présence d’un dénommé Tsa Wu, un MX! Aux yeux de notre daryl androïde, incorrigible idéaliste, une alliance entre Bouddha et la chrétienté n’aurait pu qu’accélérer la venue du monde de Lobsang Jacinto, une Terre pacifique qui saurait ménager ses ressources mais qui, hélas, revers de la médaille, se présenterait désarmée et nue sur un plateau aux conquérants Haäns!

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À Texcoco, Tony Hillerman prouvait enfin ses qualités remarquables d’ethno xéno ethnologue. Sous la vêture d’un fidèle bantou, vassal du Moro Naba, il fraternisa avec un imam qui lui ouvrit sa bibliothèque. Avec émerveillement, on le comprend, l’historien consulta plusieurs codex, différents textes transcrits sur des peaux de chèvres, des écorces de palmier dattier, d’acacia, de mélèze, des carapaces de tortues, des tablettes d’argile ou encore des papyrus.

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Certains de ces textes sans prix étaient rédigés en arabe ou en guèze, nahuatl, en swahili, en berbère, en nubien, en bambara, mais la plupart comportaient des glyphes aztèques et mayas reconnaissables entre tous.

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Après plusieurs jours fiévreux de prises de notes, d’enthousiasme et d’extase, notre xéno archéologue mit la main sur un ouvrage fondamental qu’il nomma « le codex d’Ogo ». Il était d’origine Dogon.

Ce texte présentait la particularité d’être rédigé en langue officielle Mexica. Le renard blanc ornait de nombreuses enluminures du manuscrit.
Pour la première fois de sa vie, Tony agit comme un voleur! Il subtilisa le livre afin d’avoir tout son temps pour le traduire à Antor. Toutefois, pour que le sage ne s’aperçût point du vol, et par un reste de scrupule, le Noir remplaça ledit codex par un succédané acceptable, un recueil de recettes Kronkos relié, rédigées sur des entrailles tannées de Grreuml, sorte d’ours à dents de sabre, doté de quatre crocs en haut et en bas des mâchoires. L’écriture des Troodons pouvait passer pour du sumérien ou de l’akkadien. C’était d’ailleurs ce que pouvaient obtenir de mieux ces dinosaures intelligents, incapables de tenir le moindre stylet, se contentant de leurs griffes comme plumes.

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S’il fallait en croire le codex, le monde mexafricain était né du mixage de deux chrono lignes l’une médiévale, l’autre antique. La première expliquait la présence d’un islam déformé chez certains colons noirs. C’était un peu comme si un temps alternatif issu d’une déviation antérieure avait soudainement surgi dans un futur, sur une autre harmonique, pour fusionner tant bien que mal avec elle. La greffe semblait avoir pris.

La chrono ligne numéro 1 voyait la réussite de l’expédition de pirogues mandingues d’Abou Bakari II en 1311, expédition qui, on le sait, avait reçu le coup de pouce d’une chrono ligne antérieure numéro 2, née à la suite du bon vouloir des Asturkruks en général et de Pamela Johnson en particulier. Ainsi, la civilisation noire d’Abou Bakari II était devenue l’héritière de la Nubie, de Méroé, de Carthage, de l’Égypte, de l’Étrurie, de la Grèce du temps de la Rome républicaine, de la Grande Grèce et de la Sicile d’Archimède…. Par tous les moyens à sa disposition, Winka avait empêché la venue de Christophe Colomb.

Quelque part dans le Pantransmultivers, elle avait pu parvenir au triomphe de « Black Athéna », mélange de Taharka,

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de Servius Tullius

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et d’Hannibal. Grâce à elle, les vaincus de l’Histoire étaient devenus les vainqueurs. Le fléau de la balance s’équilibrait. Ce n’était que justice!

Ensuite, sur cette harmonique, avaient été synthétisés les apports aztèques, toltèques et mayas… mais qui avait agi à ce niveau? Car, la chrono ligne numéro 2 avait pour source les guerres médiques et, cette fois-ci, la Grèce avait été bel et bien vaincue par une coalition entre le Roi des Rois et Carthage.


Petit rappel pour les lecteurs peu habitués à l’histoire antique. Dans notre monde, une alliance avait bien été tentée, avec la Sicile notamment où les résultats militaires brillants étaient restés sans conséquences, mais elle n’avait pas abouti.

Dans cette deuxième harmonique, après leur victoire, les Carthaginois et les Perses s’étaient partagé les dépouilles de la Grèce et de la Grande Grèce. L’Italie du Sud, punique, s’était ensuite alliée à la dodécapole étrusque. Certes, Rome avait chassé Tarquin le Superbe,

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puis proclamé la République, mais, au cours de guerres puniques survenues beaucoup plus tôt, la ville, forteresse assiégée, coincée entre l’Étrurie et l’Empire carthaginois, avait fini par succomber.

La suite coulait de source. Une hégémonie étrusco-carthaginoise était logiquement née, s’étendant des Balkans jusqu’à l’Afrique du Nord, englobant l’Espagne ainsi que le Sud de la Gaule. De leur côté, les Perses perdaient la Grèce au profit de leurs anciens alliés, et ce, dès le début du premier siècle avant notre ère dans cette histoire parallèle. Devenus le maillon faible, ils étaient dans l’obligation d’abandonner l’Égypte devant les avancées d’une civilisation soudanaise qui avait conquis le nord de Kemi et était parvenue à s’installer sur l’antique et prestigieux trône des Pharaons.

Cependant, l’Empire étrusco-punique commença à se désagréger au IIIe siècle, victime d’une anarchie militaire qui s’étala sur plusieurs décennies. Enfin, un chef étrusque émergea de ce désordre, le célèbre Maxtarna Herclé.

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Pour la petite histoire, il est bon de rappeler que ledit Maxtarna Herclé n’était autre qu’un avatar de Benjamin Maximien dans une chrono ligne parallèle.

Les Carthaginois s’étaient enfoncés dans le Sahara et le Sahel, explorateurs et géographes audacieux, mais, pour se heurter presque aussitôt à l’expansionnisme des héritiers de la Nubie des pharaons Pianki et Taharka.

Voilà comment naquit une Afrique fédérée, devenue le pôle d’une civilisation noire dominante, dans un ancien monde remodelé, civilisation qui avait brillamment synthétisé des éléments égyptiens, y incorporant le savoir militaire étrusco-carthaginois additionné de la mécanique grecque au service des cours impériales perse et étrusque. Il fallait y rajouter également la maîtrise des métallurgistes sahéliens, les connaissances de la Nubie, de Méroé et du Darfour! Les bantous y apportèrent la touche finale. Cette civilisation qui rayonnait sur deux continents avait soif de richesses et de terres. Elle partit donc à la conquête de l’Europe méridionale et du Maghreb au Nord, tandis qu’au Sud, l’Afrique centrale et le Zimbabwe tombèrent dans son escarcelle entre le VIIe et le IXe siècle.

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Dans ce monde-ci, le christianisme et l’islam ne connurent pas une grande expansion. Ils n’étaient que des sectes parmi d’autres, face à une religion officielle polythéiste et animiste.

Les siècles s’ajoutèrent aux siècles. Les souverains sahéliens et bantous reprirent avec succès le titre de Pharaon. À l’aube du XIVe siècle, ils se lancèrent sur la grande mer inconnue, la mer océane, pour atteindre « l’Amérique centrale ». Plusieurs expéditions y débarquèrent en 1311 de notre calendrier. D’autre suivirent rapidement. Les Toltèques, les Mayas puis les Mexica furent conquis, de nombreux peuples esclaves faisant sécession, rejetant avec soulagement une religion sanglante abhorrée qui, chaque mois, exigeait son lot de victimes.

Au début, les conquérants se montrèrent magnanimes mais, en un demi-siècle, ils assimilèrent les travers de l’ancienne religion y trouvant leur compte. Voilà comment les dieux bantous, mayas, aztèques, dogons, swahilis, bambaras, mandingues et toucouleurs se mêlèrent au sein d’un panthéon fourni, permettant la naissance d’une civilisation pluriethnique et pluriculturelle qui ne négligea pas cependant la recherche technologique. Une infime minorité profita toutefois des progrès scientifiques et du confort. En effet, cette chrono ligne ne connut pas de révolution industrielle.

Un seul peuple européen résista à l’expansionnisme africain. Les bantous choisirent de traiter avec les Vikings. Ces derniers, conservant l’Europe du Nord, purent donc commercer librement puis, s’emparer de l’Irlande, de l’Islande, du Groenland et de tout le nord du continent américain, le Northland dans la langue officielle des Vikings et assimilés, N’Varegucatlan pour les Mexica.

Pendant ce temps, dans le Pacifique, Chinois et Polynésiens naviguaient jusqu’à la côte ouest de ce que Daniel nommait la Colombie et le Salvador. Les guildes de Cathay et de Polynésie y fondèrent des comptoirs et remontèrent le « Panama ».

Cependant, les Mexafricains ne purent s’étendre davantage au Nord, non par la présence concurrente des Vikings, mais par la résistance dure et sans concession des Anasazi, des Pueblos, des Indiens des Plaines, des Navajos et des Sioux et de bien d’autres nations encore.

Tony rêvait devant les enluminures représentant d’une façon plus ou moins stylisée le dieu de l’Entropie et du Désordre, le renard blanc, Ogo. Il avait interrompu depuis quelques minutes déjà son long cours d’histoire.

Antor, quant à lui, réfléchissait. Comment retrouver Franz dans cette foule sans faire d’esclandre? Nous le savons, nous, Fouchine et ses hommes s’étaient déguisés en alliés Rous et Varègues des Vikings, s’encombrant d’un esclave saxon, en l’occurrence le duc Von Hauerstadt. Ainsi donc, au XXIIe siècle, ici, la Terre voyait encore prospérer l’esclavage et ce, sur tous ses continents!

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Le 20 novembre 1249, l’armée des Croisés se mettait enfin en route, espérant emporter la ville du Caire. Ayyub, dont les jours étaient comptés, venait de transférer Stankin dans la forteresse de la Mansourah.

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