samedi 12 novembre 2011

Le nouvel envol de l'Aigle : 1ere partie : El Desdichado chapitre 4 2e partie.


Londres, 1825.
Le mathématicien Charles Babbage
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travaillait à la conception d’une machine à calculer révolutionnaire, mêlant vapeur et mécanique des automates.
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Ses recherches ultra secrètes étaient effectuées dans un grenier aménagé. Pour s’éclairer, il utilisait les premières lampes à pétrole. Disséminés un peu partout des plans, des livres ouverts, des mécaniques diverses, le tout exposé dans le plus grand désordre. Évidemment, le lieu était interdit à toute la domesticité de la maison. Le savant avait même pris soin d’occulter le vasistas à l’aide d’un grand morceau de toile. L’invention sur laquelle il planchait sans relâche était destinée à redonner au royaume de George IV
 
une supériorité technique décisive sur l’Empire napoléonien qui taillait des croupières à Albion depuis un quart de siècle.
Malgré tous leurs réseaux d’espions, les Britanniques n’étaient pas parvenus à s’emparer des armes fantastiques du Corse retors. La technologie guerrière de l’Empire semblait obéir à une mystérieuse loi mathématique qui permettait à ses potentialités de doubler tous les dix-huit mois.
Babbage se doutait que la France bénéficiait d’une aide occulte qui, chose impensable, ne paraissait pas appartenir à cet univers. L’Anglais s’interrogeait sur la possible véracité des écrits de Cyrano de Bergerac,
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sur l’existence d’habitants sur la Lune, sur les contes de Voltaire comme Micromegas. L’appareil qu’il concevait, produit en séries, devait accroître la capacité de l’industrie militaire britannique.
Mais sa concentration fut mise à mal lorsque retentit à ses oreilles une étrange mélodie jouée par un orgue de Barbarie.
- Ce fichu gueux est revenu! Je lui avais pourtant ordonné de décamper; s’exclama-t-il avec colère.
Hors de lui, Babbage se leva de sa chaise avec agitation pour observer par le vasistas le vieux mendiant qui tournait la manivelle de son instrument de musique moulinant ainsi sa scie agaçante.
Charles ne vit qu’un bonhomme vêtu de hardes. Pourtant c’étaient bien trois orgues en canon qui jouaient s’il devait en croire ses oreilles. La mélodie se fractionnait, se décalait d’une mesure ou demi-mesure. Bientôt, s’éleva dans les airs une véritable polyphonie de plus en plus discordante mélangeant la Marche turque de Mozart, la Symphonie des Jouets de Léopold Mozart et l’Air de la calomnie du Barbier de Séville de Rossini. Désormais, le mendiant, démultiplié, semblait posté de tous les côtés du bâtiment, y compris dans chaque voie adjacente de circulation.
- Devil! Je suis encerclé. Comment cela est-il possible? s’écria Babbage qui avait perdu son sang-froid.
Le mathématicien commit alors l’erreur de quitter son grenier, de descendre et d’ouvrir toutes les fenêtres du rez-de-chaussée alors que nous n’étions qu’au mois de mars et qu’il pleuvait dru. Maintenant, à chaque fenêtre, un groupe de deux à quatre mendiants, tous bien différents, s’activaient, souriaient béatement et suppliaient:
- M’sieur! Une petite pièce pour manger. M’sieur une petite pièce pour se remplir la panse!
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À chaque mendiant était associé un singe Sapajou avec un vêtement bien distinct pour chacun: un chasseur, un dompteur, un groom, un valet de pied, un fou, un garde de la Tour de Londres, un Punch - Polichinelle pour la France - un Richard Cœur de Lion,
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et ainsi de suite.
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Furieux au-delà de tout entendement, notre savant ouvrit brutalement la porte du hall de sa maison et se retrouva trempé comme une soupe mais ce n’était pas là le plus dangereux. Les mendiants continuaient certes à actionner leur manivelle mais les Sapajous, galvanisés, mystérieusement libérés de leurs chaînes, se jetèrent sauvagement sur leur proie surprise et impuissante et lui crevèrent les yeux, lui dévorèrent les oreilles et lui labourèrent le visage de leurs griffes acérées.
Sous le nombre, Babbage tomba à la renverse. Mis en pièces par la nuée de singes qui piaillaient et poussaient de petits cris aigus, il mourut déchiqueté dans d’atroces souffrances. L’assaut terminé, il ne resta plus du mathématicien qu’un corps démantibulé et dépecé, à peine identifiable. Autour du cadavre, les agresseurs et tourmenteurs brandissaient, tels de monstrueux trophées, des lambeaux d’habits ensanglantés ainsi que des morceaux de chair et des lanières de peau.
Curieusement, nulle circulation, nulle voiture dans les rues, nul passant, nul livreur, comme si le quartier avait été isolé et placé à l’intérieur d’une bulle hors du temps.
Au bord de la Tamise, Johann, coupant délicatement le bout de son havane, se frottait les mains de satisfaction.
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- Mon cher, fit-il à l’adresse de celui qu’on aurait pu prendre pour son alter ego, je vous félicite pour vos tramps! Ils sont d’une redoutable efficacité.
- Hon! Hon! Acquiesça le comte avec une joie cruelle dans les yeux. Mais je les paie grassement pour cela. Après tout, ne suis-je pas le roi des pickpockets de Londres et ce, quelle que soit l’époque?
Johann rétorqua:
- Ce qui ne vous empêche pas, Galeazzo, d’avoir vos entrées à Buckingham Palace!
- Sous la pelure de Castel-Tedesco.
- Noblesse oblige.
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