samedi 12 mars 2011

Mexafrica 4e partie : Mexica mfecane chapitre 25.

MEXAFRICA: quatrième partie.

MEXICA MFECANE

Par Christian et Jocelyne JANNONE

Chapitre 25

Tandis que Zoël Amsq, Sir Charles Merritt, Van Vollenhoven, Varami et les mercenaires de l’année 1961 déployaient leurs forces à Texcoco et enquêtaient à la recherche du cinquième élément du bio translateur, Kiku U Tu s’ennuyait ferme dans sa cellule de contention, à bord du Raptor de feu du chercheur Haän, y ruminant sa colère.

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La prison improvisée était placée sous la garde de douze guerriers de Haäsucq, tous appartenant à la vingt-cinquième et dernière caste, celle des parias!

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C’est dire le peu de cas qu’Amsq faisait de son prisonnier! Ces Haäns ne possédaient qu’une intelligence des plus sommaires et une instruction encore plus négligée. À peine étaient-ils capables de comprendre les ordres donnés et de s’y conformer! Encore fallait-il qu’ils fussent répétés cinq à six fois au minimum! Zoël méprisait profondément le Troodon, ne lui accordant aucune chance de s’échapper! Or, il commettait là une erreur car le lieutenant, doté d’une force prodigieuse, pouvait, à l’occasion, user de ruse.

Dès son réveil, il avait envisagé de s’évader. Depuis quelques jours déjà, il méditait un plan. Endurant difficilement les quolibets, les humiliations et la nourriture infecte, des cochons si vieux à la chair si avariée qu’ils en étaient immangeables, Kiku U Tu faisait des efforts prodigieux pour contenir sa fureur et ne pas se jeter sur le champ de contention afin, malgré la cuisante douleur, de le traverser!

Non! Notre Kronkos préférait simuler le sommeil, l’anéantissement, le découragement, la résignation. Attitudes dues à la prise de somnifères dissimulés dans l’abominable viande très avancée qui lui était servie chaque soir!

Ronflant bruyamment, le ventre à l’air, les pattes remuant faiblement, allongé sur le sol de plastacier, affalé plutôt, au milieu de ses excréments et de sa bave, le Kronkos élaborait lentement toutes les étapes de sa prochaine évasion et de sa vengeance. L’une n’allait pas sans l’autre.

Après tout, notre Kiku n’était pas totalement demeuré puisque le commandant Wu l’avait confirmé à son poste de chef de la sécurité à bord du Langevin à la suite de la mort de Krumph!

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Avec la complicité des Pi, TQT et ses troupes d’élite étaient parvenus à bon port. Les ultralibéraux comptaient désormais une nouvelle recrue de poids. Il s’agissait de Jack Hawks, le Premier ministre australien, qui, en plus de professer les mêmes idées que le gouverneur du Nouveau-Mexique en matière de macroéconomie, s’avérait être aussi un ultraconservateur ainsi qu’un ultra raciste en politique intérieure! Ainsi, il avait le culot d’accuser les immigrés, entassés dans des barques peu solides, qui, naturellement finissaient par couler avant d’atteindre les côtes de la grande île, de faire volontairement naufrage et de sauter à l’eau, tout ce cinéma pour apitoyer l’opinion publique gauchiste! Pour lui, les réfugiés économiques ou autres jouaient, voire sur jouaient la comédie du malheur! Abject mais réel cependant! N’avait-il pas déclaré tout de go quelques temps auparavant concernant ces immigrés Afghans fuyant la dictature fondamentaliste religieuse d’Ibn Bakr, que, s’il avait été Premier ministre en 1939, il aurait fait refouler sans état d’âme un navire de clandestins juifs afin de se soustraire aux persécutions nazies! C’était avec cette engeance ultralibérale que les fondamentalistes religieux les plus fanatiques avaient fini par triompher dans la chrono ligne où Sarton avait échoué!

Comme de bien entendu, ledit Hawks refusait d’étendre les droits civiques et civils aux Australoïdes qui restaient ainsi tous citoyens de deuxième zone dans leur propre patrie! Dans le 2517 de Daniel Wu, l’amiral Venge payait chèrement cet ancien déni de justice. Uruhu avait une vision plus humaine de la situation. Certains Australiens étaient ses « cousins » ou « demi-frères », issus de métissages entre les Niek’Tous Sapiens et les K’Tous de Solo, Erectus évolués. Même s’il ne les aimait pas, il ne les méprisait pas, bien au contraire!

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Le Raptor de feu orbitait autour de la planète Terre en léger déphasage lumineux afin de ne pas être détecté. Pour Kiku, l’heure était venue de s’évader! Depuis trois longs jours déjà, il faisait semblant d’avaler les somnifères contenus dans son eau. Son odorat particulièrement développé lui avait permis de détecter les produits chimiques incorporés dans sa boisson.

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Profitant de l’inattention relative de ses gardes, il se mit à donner de violents coups de queue sur les « barreaux » du champ de force de sa cellule. Malgré les décharges envoyées jusqu’à ses terminaisons nerveuses qui brûlaient douloureusement, le Kronkos persévéra. Comme douleur, il avait connu plus terrible! En fait, Amsq, une fois encore, s’était montré négligent. Sur son Raptor, les champs de contention étaient adaptés aux humanoïdes et non aux Troodons.

Enfin, les Haäns sortirent de leur torpeur et s’avisèrent des intentions de Kiku. Le temps qu’ils réagissent, le Troodon avait court-circuité le champ de force. Promptement, il s’élança sur cette valetaille qui lui servait de garde-chiourme et éventra les parias à l’aide de ses redoutables griffes. Notre Kronkos affamé aurait bien mordu à pleines dents dans les viscères fumants de ses geôliers, mais il était plutôt pressé!

Pour quitter ce Raptor maudit au plus vite, il lui fallait en effet pénétrer dans le hangar à navettes et ce, sans alerter les commandos Haäns! Avec regret donc, il abandonna là les cadavres frais particulièrement appétissants et s’orienta sans difficultés. En tant que chef de la sécurité, il n’ignorait rien de l’agencement classique des vaisseaux ennemis, fussent-ils du futur! Le plus dur pour lui n’était pas de mettre la patte sur une navette, mais bel et bien de passer le déphasage de la lumière et de rejoindre ensuite la Terre sans tête détecté!

Cependant, les Raptors de feu comportaient des points faibles et le Kronkos comptait là-dessus. Les vaisseaux Haäns ne pouvaient déceler les sorties de navettes que lorsque ces dernières franchissaient la barrière d’occultation. Notre Troodon disposait donc d’une marge de manœuvre d’un quart d’heure environ, laps de temps qu’il saurait mettre à profit.

Kiku se dirigea vers le hangar de sa démarche chaloupée caractéristique et y trouva devant l’entrée un guerrier qui vacillait, manifestement ivre d’avoir trop abusé de liqueur de chiivre, un alcool à base d’encre de poulpe macéré durant cinq ans dont les basses castes étaient particulièrement friandes. Sans pitié, d’un seul coup de griffe, il égorgea la sentinelle fautive! Cependant, le sang jaillit de la plaie béante et s’en vint tâcher l’assaillant. Quelques gouttes atterrirent sur la gueule du Kronkos qui se lécha alors les babines en un réflexe primitif. Toutefois, avec une grimace de dégoût, il pensa:

« L’ambassadeur Antor avait raison! Le sang Haän n’est absolument pas comestible! ».

Le lieutenant en vadrouille n’avait pas le temps de « casser » les combinaisons du cadenas digicode électronique qui maintenait fermé le sas du hangar. Usant encore de sa queue balancier, décidément très pratique ici, il se contenta de briser tout simplement le boîtier, puis, grâce à la prodigieuse force de ses muscles, il écarta les battants du sas.

Ensuite, ce fut un jeu d’enfants de s’emparer d’une navette de maintenance, celle qui tournait autour du vaisseau-mère afin d’en nettoyer les recoins inaccessibles tels les dessous des ailes du Raptor de feu.

Bien évidemment, Kiku savait piloter presque tous les engins ennemis malgré son léger « handicap » intellectuel. En fait, le système de pilotage Haän était d’une telle simplicité que même Marie, âgée à peine de cinq ans, s’en serait sortie haut la main! Les navettes de maintenance avaient été conçues pour les ilotes ouvriers, quasiment analphabètes, ce que n’était pas Kiku, loin de là, des Haäns asservis, tout juste capables d’employer et de maîtriser cinq cents mots dans leur langage fruste. Petite information utile pour servir de comparaison: la langue des intouchables Haäns était nettement moins évoluée que celle des K’Tous de la horde d’Uruhu! Les parias de Haäsucq avaient été modifiés génétiquement afin de se contenter de leur misérable sort. Ainsi, les dirigeants évitaient toute révolte populaire.

Ouvrir le sas qui donnait sur le vide de l’espace ne posa aucun problème au Troodon, cette porte-ci étant démunie de code de sécurité. Parfaitement à l’aise dans la navette nauséabonde, l’air méphitique n’y étant jamais recyclé, presque pas entretenue et nettoyée, Kiku s’élança dans le vide sidéral sans appréhension aucune. Il lui avait suffi simplement d’appuyer la paume de sa patte droite pour mettre en route l’épave volante.

Évidemment, aucune alerte de dépressurisation ne retentit dans le hangar! À force de mépriser ainsi les inférieurs, les nobles Haäns des castes dirigeantes accumulaient les fautes! C’était là le talon d’Achille de cette civilisation hyper hiérarchisée.

Tandis que la navette poubelle s’éloignait cahin-caha sans que quiconque réagît, U Tu, valdingué dans tous les sens, finit par se demander si son « épave » allait tenir jusqu’au sol, et si le vaisseau possédait bien un bouclier thermique fonctionnel digne de ce nom pour affronter la délicate manœuvre de l’entrée en atmosphère! En attendant, la navette était près de la Lune, distance ridicule pour le Kronkos.

Pilotant d’une patte experte, le lieutenant ignorait cependant où et quand il allait atterrir précisément alors que les cadrans de l’engin affichaient les coordonnées désirées. Or, ces données étaient écrites selon le calendrier Haän en vigueur sur Haäsucq en l’an 2954! Pareil pour les repères astronomiques! Il ne fallait pas trop en demander donc à Kiku U Tu! Connaître le basic English suffisait généralement à l’exercice de ses fonctions.

Autre petit inconvénient: l’absence de téléporteur. Évidemment, les dirigeants Haäns ne tenaient nullement à ce que leur piétaille se sauvât, à supposer, bien sûr, qu’elle en ait eu l’idée!

Si l’épave volante flanchait, hé bien, Kiku rôtirait avec elle! Notre Troodon acceptait cette mort. Tout plutôt que de périr sans honneur, prisonnier!

Le vaisseau défaillant, dépourvu de tout armement, ce qui était logique, se traînait donc vaille que vaille jusqu’à son objectif à la vitesse de 0,2 subluminique. Malgré cette lenteur, la coque vibrait, tremblait, craquait de toutes parts à vous donner le frisson, dans un concert cacophonique du plus bel effet sur l’échelle de la trouille! Pour en rajouter, le tableau de bord crépitait et les étincelles se multipliaient autour du téméraire pilote avec pour résultat non seulement d’empuantir davantage l’atmosphère viciée du vaisseau poubelle, mais également de faire exploser le tensiomètre mesurant votre peur!

Sept mille ans avant la naissance du Troodon, les explorateurs Helladoï, comme le célèbre Albriss entrevu ailleurs, avaient déjà à leur disposition une technologie qui surclassait celle de ce vaisseau taudis!

Toutefois, malgré ces petits incidents, la navette ne fut repérée par les senseurs du Raptor de feu qu’après avoir parcouru trente mille kilomètres, lorsqu’en fait elle franchit le champ d’occultation, ce qui la rendit visible! L’officier Haän chargé de la surveillance accomplit sa tâche et déclencha l’alerte. Puis, Zoël Amsq fut prévenu de ce qui se passait.

Le chercheur se contenta de hausser les épaules d’un air détaché dans une attitude très (trop!) humaine. Le Kronkos, quantité négligeable à ses yeux, ne méritait pas plus! Le scientifique commit alors une nouvelle erreur en ne donnant pas l’ordre de poursuivre immédiatement le chef de la sécurité du Langevin et de pulvériser son vaisseau d’évasion! Non! Zoël sourit et murmura en français:

« Ah! Nos navettes de maintenance sont de telles épaves que depuis longtemps notre flotte ne comptabilise plus les accidents de travail dont sont victimes nos parias! À peu près 36% par mois si je dois en croire les rapports réguliers et les statistiques. Heureusement que nos laboratoires de biologie et de génétique appliquées fabriquent désormais notre main-d’œuvre à la chaîne! Dès son entrée dans l’atmosphère terrestre, cet idiot de lézard mal embouché grillera assurément! Quel magnifique feu d’artifice ce sera! ».

Puis il hurla à l’adresse de son subordonné:

- Laissez tomber! Inutile de gaspiller nos précieux cristaux d’Orona! Amsq terminé!

Dissimulant son communicateur, Amsq examina l’agencement de son camp avec une satisfaction non feinte. Celui-ci avait été établi aux environs de Tula, à proximité d’un temple en ruines de Tezcatlipoca, le seul dieu Mexica reconnu et accepté par les Africains et ce, grâce à sa couleur noire. Dans cette civilisation mixte, Ogo, le renard blanc, s’était substitué à Huitzilopochtli et à Quetzalcóatl!

À l’intérieur dudit camp, protégé par un champ de force, théoriquement infranchissable, les paras perdus de l’année 1961 s’y entraînaient activement. Sans état d’âme, bien payés, nourris excellemment, ils se sentaient partout chez eux!

Tout en jetant un coup d’œil distrait sur les humains en train de ramper dans la poussière ou d’esquiver des coups de karaté, Zoël méditait. Le Haän envisageait sérieusement de négocier une alliance avec l’Almamy d’Uxmal ainsi qu’avec le cacique de Teotihuacan! Ici, dans ce monde, cette cité n’était plus qu’une ville secondaire face à la puissante et inégalable Texcoco qui se réclamait orgueilleusement des Pharaons noirs de la XXVe dynastie et des rois Mandingues dont elle se proclamait l’héritière légitime!

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Notre Zoël Amsq présentant fort vaguement des traits amérindiens ainsi qu’un teint légèrement cuivré, maquillage ou camouflage sans doute, avait opté avec bonheur pour des vêtements portés habituellement par les autochtones. Pour mémoire, les Haäns avaient bien, dans l’ensemble, les traits asiatiques, mais les cheveux et le poil roux! De plus, leur teint pâle tranchait. Cela venait d’une exposition très rare à un soleil froid. Amsq présentait également une taille légèrement inférieure à la moyenne en vigueur chez son peuple. Sans difficultés donc, il pouvait passer pour un humain ordinaire, Mexica ou Toltèque d’une cinquantaine d’années et, si l’envie l’en prenait, il lui arrivait de se promener librement et incognito au milieu des gens de Tula.

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Par miracle, il devait y avoir un dieu Kronkos pour les téméraires du genre de Kiku, le vaisseau de maintenance volé par le Troodon tint jusqu’au bout, passant avec succès la redoutable épreuve de l’atmosphère! Néanmoins, la proue quelque peu calcinée et une aile brisée, il se posa brutalement sur le ventre. À l’intérieur, les consoles de pilotage crépitaient, flambaient, dégageant des fumées toxiques.

Si notre Troodon était parvenu jusque là, c’était parce qu’il avait pris des cours de pilotage avec Uruhu et Antor. Il maîtrisait donc parfaitement les différences de pression des multiples couches de l’atmosphère ainsi que les problèmes posés par la portance de l’air.

Malgré tout, l’appareil ayant vulgairement cassé du bois, Kiku émergea de l’épave assez groggy et ses écailles roussies. Mais il avait connu des situations autrement plus difficiles! Toutefois, désorienté, il n’était pas tout à fait capable de se diriger par rapport à la hauteur du soleil dans le ciel. À sa décharge, il n’avait que peu séjourné sur Terre, hormis son escapade dans un Moyen Âge dévié ainsi que son court séjour en 1961.

En contrebas, courait un arroyo au cœur d’un canyon constitué de roches rougeâtres. Le lieu restait aride et désolé. Nullement découragé, d’un bon pas, Kiku se mit en route. Il lui tardait de se désaltérer. Il descendit le ravin de près de huit cents mètres sans crainte, et parvint jusqu’à l’arroyo. Puis, ayant étanché sa soif, il suivit le cours d’eau, ne désespérant pas de trouver des habitations sur son chemin.

Tout Kronkos était élevé à la dure et pouvait survivre dans n’importe quel milieu, fût-il des plus hostiles.

La longue marche commença; elle dura cinq journées.

Le lieutenant progressait de son pas chaloupé caractéristique, faisant halte régulièrement, se nourrissant de petits lézards et de poissons, buvant l’eau limpide de la rivière, dormant à même le sol.

Comme les oiseaux migrateurs et les pigeons, Kiku possédait une balise dans le cerveau. Celle-ci lui permettait de rechercher le chef de la meute, dans son cas, le commandant Wu! Ayant prêté serment de fidélité à Daniel, il était programmé pour le retrouver. Or, cela ne pouvait fonctionner que si, tous deux, le dinosauroïde et l’humain, vivaient dans le même espace temps. Alors, peu importait la distance!

Peu à peu, le paysage changeait, devenait plus humide. Désormais, U Tu traversait des mangroves et des lagunes. Il approchait de la région de Tenochtitlan. Méfiant, il évita les paysans qui irriguaient leurs champs.

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Dans son long périple, Kiku remarqua d’étranges constructions qui dominaient de leur hauteur les masures de terre crue dans lesquelles demeuraient les agriculteurs qui vivaient de la culture du riz, de la patate douce, du mil, du maïs et des haricots. Ces bâtiments inattendus ressemblaient à des tours minarets crénelées, en latérite. Mais elles présentaient la particularité d’être surmontées de sortes de miroirs qui tournaient et s’orientaient sans mécanisme apparent tout en émettant des sifflements discrets.

Pour un spécialiste de l’architecture africaine, les tours rappelaient les constructions sahéliennes de Djenné et Tombouctou. Visiblement, cette civilisation mixte utilisait avec bonheur l’énergie solaire. Et les villageois rencontrés arboraient des traits africains ou amérindiens.

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Tout en évitant avec raison les autochtones, Kiku, le héros de ce chapitre, atteignit une espèce de sanctuaire dont les aîtres étaient tout rongés de mousse. Sur la bâtisse encore imposante, trônaient d’immenses têtes de basalte de type olmèque.

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Ce sanctuaire multiséculaire avait certainement vu passer de nombreux hommes et survécu à bien des bouleversements. Pour preuve, le fait que certaines têtes mélangeaient les traits amérindiens, africains et extrême-orientaux.

À l’abri des regards, le Kronkos s’adossa à un mur aux pierres délicieusement fraîches et s’endormit instantanément.

Lorsque le lieutenant se réveilla, un œil rouge électronique qui flottait suspendu dans les airs, le scrutait avec des plops agaçants. Puis, l’identification terminée, l’œil vira au vert tout en émettant un ululement strident. Aussitôt, des silhouettes se matérialisèrent comme sous l’effet de la téléportation. Cinq guerriers singuliers apparurent, portant chacun un attribut totem différent, arborant également un costume particulier distinct.

Ainsi, il y avait le chevalier jaguar au masque de félin tacheté, le chevalier aigle au bec acéré, le chevalier Kakundakari à la tête semblable à celle d’un gorille des plaines, avec toutefois des traits plus humains l’assimilant à un Paranthrope, le chevalier condor au grand bec et au long cou nu, aux ailes déployées et, enfin, le chevalier crocodile ou caïman, à l’immense gueule écailleuse ouverte, munie de rangées de dents aussi pointues que des poignards.

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Les cinq soldats étaient prêts à en découdre avec l’intrus, le sacrilège qui, dans son ignorance des us et coutumes de la contrée, avait violé le sanctuaire! Visiblement, Kiku avait intérêt à se montrer des plus coopératif bien que ses adversaires ne fussent armés que de simples casse-têtes et de sabres en obsidienne, le cœur protégé par un bouclier multicolore tout orné de plumes d’aigles, d’aras, d’écailles de tortues et d’ailes de papillons!

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Mais, ses instincts guerriers reprenant le dessus et le guidant, le Kronkos rugit et, contre toute attente, bondit et chargea!

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Immédiatement, les guerriers afro-précolombiens ripostèrent, nullement décontenancés. Leurs tenues folkloriques les avaient dotés de dons de métamorphes. Des griffes et des serres se mirent à pousser à l’extrémité de leurs doigts. De plus, Kakundakari se retrouva muni de crocs redoutables.

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Il en alla de même pour la vêture qui fut recouverte de poils ou de plumes selon les besoins. Il ne fallait pas douter que cette nouvelle protection possédât des qualités particulières qui pouvaient avantager les guerriers. Parallèlement, les mouvements des soldats s’accélérèrent tandis qu’is se déphasaient. Les boucliers paraissaient créer des champs de force individuels mais modulables à l’infini!

Daniel aurait pu facilement identifier l’incroyable phénomène. Chaque guerrier avait pris l’aspect et aussi les dons de son animal totem, un peu comme une sorte d’incarnation ou d’avatar.

Dans ce monde qui ignorait manifestement les interdictions éthiques, la caste des chevaliers avait été modifiée génétiquement pour atteindre l’efficacité redoutable que l’on allait voir dans cet affrontement au corps à corps.

Kiku U Tu aurait dû mieux maîtriser ses instincts! Désormais, face à lui, les cinq soldats se mouvaient à une vitesse effarante, prodigieuse, au sein de modulations des champs anentropiques engendrés par les boucliers! Le Kronkos avait beau charger, y mettre toute sa force, sa conviction et sa rage, rien n’y faisait! Il se heurtait à des adversaires insaisissables, dont le premier but était d’empêcher toute brèche, de la combler si elle survenait, de ne laisser aucune prise à l’ennemi, qu’il fût humain ou animal. Ni le disrupteur, ni la griffe, ni la dent ne pouvaient percer pareille défense!

La technologie afro-précolombienne de combat était donc bien plus avancée que les techniques agraires précédemment observées par le Troodon. Ainsi, en l’absence de tout scrupule éthique, la civilisation de ce 2148 dévié, même si elle possédait une informatique en retard par rapport au 2517 de Daniel Wu, avait accumulé au contraire les avancées et les progrès dans le domaine de la génétique!

Tony Hillerman aurait été curieux et effrayé d’apprendre que la technologie militaire du Moro Naba de Texcoco, mais il n’avait pas accès aux informations sensibles, combinait ainsi la génétique la plus poussée, les champs de contention et les leurres de l’imagerie virtuelle. Cette dernière avait pour effet d’accentuer les dons de métamorphe et l’impression de rapidité des guerriers.

Maintenant, Kiku, qui voyait échouer pitoyablement de façon humiliante chacune de ses charges, regrettait amèrement de ne point avoir sur lui d’armure Asturkruk! Malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à appréhender les cinq chevaliers. Ceux-ci semblaient se mouvoir sur plusieurs plans de l’espace, aussi bien au-dessus que derrière le Kronkos et les seules armes en sa possession, en plus de sa puissante queue, de ses crocs et de ses griffes, ne causaient que des éraflures à l’ennemi insaisissable! Du jamais vu! Notre Troodon aurait encore préféré se mesurer à Antor ou au commandant Wu! Honteux comme jamais auparavant, ses écailles s’échauffaient au contact furtif mais répété des silhouettes mouvantes et son duvet grésillait.

Le groupe dont la victoire était évidente allait s’emparer du dinosauroïde lorsqu’une voix froide, déformée, ordonna aux chevaliers de stopper le combat! Un nouveau guerrier, plus gradé que les membres du commando venait d’apparaître. Il était couronné d’un soleil de plumes rayonnant. Il s’agissait du chevalier Quetzal, l’homme serpent à plumes, muni de crocs saillants comme des crochets, mais enduits de poison, aux yeux couleur émeraude.

- Ne lui faites aucun mal! Fit-il à ses hommes. Ne voyez-vous pas qu’il s’agit d’une incarnation du dieu Quetzalcóatl? Certes, il est dépourvu de plumes mais serpent également! Nous devons le conduire vivant aux prêtres! Ils résoudront ce mystère et décideront de son sort!

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Obéissant aussitôt aux ordres, les guerriers repassèrent en phase normale et ôtèrent leurs masques. Kiku, plissant les yeux à cause de la lumière vive du soleil, constata que les humains - de simples humains, il était mortifié! - présentaient des traits métissés de Bambara, de Toucouleur et de Mexica. Deux hommes étaient l’un un pur Amérindien, l’autre un Africain sans mélange aucun.

- Seul le grand prêtre Koulibalyatlotl pourra prendre la décision de l’avenir ou de la mort de cette créature! Reprit le lieutenant. En route pour Texcoco, la capitale de notre divin Empereur!

Comprenant plus ou moins qu’on avait décidé momentanément de le garder en vie, Kiku se résolut à ne plus résister; il suivit donc docilement les guerriers exotiques. Il fut vite rassuré se rendant compte qu’il se rapprochait de son commandant vénéré. Mais était-ce bien le cas? Bientôt, notre inénarrable Troodon serait introduit dans les hautes sphères du pouvoir théocratique de Texcoco. Comment allait-il réagir?

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Pénétrons maintenant dans le quartier des marchands Varègues et Vikings de Texcoco afin de retrouver des personnages que nous avons délaissés depuis de top nombreuses pages. Les commerçants occidentaux, slaves et nordiques appartenant aux seules puissances européennes non colonisées par la grande nation noire, s’étaient regroupés dans des rues animées aux échoppes nombreuses. Les effluves animaliers puissants remontaient des sols de terre, remugles incontournables de ces rues où les progrès de l’hygiène semblaient inconnus.

Contrairement aux Afro-Mexica qui utilisaient, pour leurs déplacements, des charrois à vapeur commandés par des ordinateurs primitifs, les «Rous » n’avaient à leur disposition que le cheval ou encore le traîneau! En effet, la technologie était interdite aux peuples allogènes non dominants d’Europe, d’Asie et de Polynésie. Par contre, les tribus « amérindiennes » du Nord étaient parvenues au même stade de développement que les Mexica et se montraient particulièrement turbulentes. Trop souvent, elles désobéissaient à l’Empire! Alors, s’ensuivaient des guerres interminables. Les espions Hopis et Anasazi étaient devenus de véritables experts en vols et emprunts de secrets technologiques, tronqués toutefois!

En cette année 2148, une rumeur persistante courait selon laquelle les Pueblos de « Californie » préparaient une arme secrète, un obus à nitroglycérine et à dynamite. On ne comptabilisait plus les accidents industriels des usines de « San Diego », « Monterrey » ou encore de « Nievo Laredo ».

Les Soviétiques du KGB, déguisés en Varègues, occupaient une anodine maison de terre crue à deux étages, dépourvue, comme il se doit pour les peuples inférieurs, de sanitaires, d’eau chaude ou courante, et de bien d’autres commodités. Cependant, cette modeste demeure possédait un atout: son loyer très abordable, soit une demi-once de poudre d’or et cinq cauris par mois!

Comme on le voit, les Russes, manquant de monnaie d’échange, subissaient les affres de l’inconfort, non sans maugréer et afficher leur mauvaise humeur! Ils souffraient également de la chaleur excessive et leurs longues tuniques et caftans qu’ils étaient obligés de porter selon les édits de l’Empereur, n’arrangeaient pas les choses! Lesdits vêtements avaient conservé la coupe en vigueur du temps d’Ivan le Terrible, celui de notre histoire.

Les troupes d’élite de Fouchine puaient le suint, la laine rance et le tabac fort, tabac des plus ordinaires, très prisé par nos Russes. De son côté, le commandant Pavel Pavlovitch regrettait muettement les cigarettes de la Nomenklatura. L’absence de vodka rajoutait à la mauvaise humeur ambiante. Non pas que notre officier encourageât ses hommes à s’enivrer, loin de là, mais un petit verre de temps à autre les aurait aidés à mieux supporter ce long exil. Les seuls alcools qui abondaient dans le coin n’étaient pas au goût des Soviétiques. Le Pulque, à base de fruits pourris fermentés, le vin de palme, très apprécié par les Mandingues de la caste des chevaliers.

Bref, l’atmosphère tendue ne simplifiait pas la mission de l’homme de confiance de Paldomirov!

Quant à Franz Von Hauerstadt, il avait connu pire comme conditions de détention et il s’accommodait avec philosophie de son inconfort présent. Au contraire de son geôlier Pavel Pavlovitch, il n’affichait aucun signe de mauvaise humeur ou de contrariété.

Ce matin-là, désireux de lier conversation et ainsi d’en apprendre davantage, voire de semer habilement le doute et la zizanie, le duc dit en russe au commandant, sur le mode sarcastique:

- Je constate que les Soviétiques s’amollissent avec le temps! Sous Staline, cela vous aurait valu, pour le moins, la déportation dans un camp en Sibérie! Trop jeune, vous n’avez certainement pas combattu durant la Grande Guerre patriotique! Ni vos hommes! Des deux côtés, les soldats, je m’en souviens fort bien, enduraient de terribles privations!

- Effectivement, je n’avais pas l’âge de combattre à l’époque! Répliqua sèchement Fouchine. Croyez que je le regrette!

- Tiens donc! Pourtant Staline faisait appel aux adolescents, non?

- Vous vous trompez! C’était votre Führer! Cracha le Russe.

- Belle prononciation! Vous pouvez poursuivre en allemand. Je sais que vous maîtrisez ma langue « maternelle » à la perfection.

- Exactement! Au sein des services secrets pour lesquels je travaille et sers en parfait patriote soviétique, on exige au moins la connaissance d’une langue étrangère, reprit Pavel dans la langue de Schiller.

- Mais votre connaissance vient également du terrain. Je détecte dans votre voix un soupçon d’accent de Dresde!

- C’est vrai, reconnu le commandant. La meilleure école! Mais mes premières armes, je les ai effectuées lors de la répression des émeutes de Berlin-Est, en 1953. J’étais fort jeune alors et terriblement enthousiaste! Tout me paraissait si simple! Mon supérieur devait me modérer. Depuis, j’ai fait de grands progrès.

- Dans la dissimulation, je suppose! Ajouta ironiquement Franz.

- Vous supposez avec raison! Sourit Pavel faisant comme s’il n’avait pas senti le ton moqueur. Désormais, mes agissements sont beaucoup plus subtils.

- Ah oui! Le vol des translateurs! Qui se méfierait d’un petit homme falot?

- C’était mon frère jumeau qui commandait cette mission! Pas moi! Il était plus doué que je le suis et…

- En effet, je crois me souvenir avoir eu affaire à lui! Jeta l’Allemand avec désinvolture.

- Oh oui! Vous l’avez tué! Pour cela, je vous hais comme vous n’avez pas idée!

- Je ne faisais que me défendre ce funeste jour du premier février 1958! Je n’aime pas du tout que l’on s’attaque à ma famille, commandant Fouchine! À ma place, vous auriez agi de même.

- Je ne sais pas. Des fûts, une perceuse. Ah! Mon frère est mort d’une façon bien cruelle!

- Votre frère ne servait pas l’Union Soviétique! Et vous non plus d’ailleurs! Tous deux, vous avez été manipulés, et vous l’êtes encore, Pavel Pavlovitch admettez-le donc!

- C’est faux! S’écria avec véhémence l’intéressé.

- Vous vous trompez. Votre chef direct, Sergheï Antonovitch Paldomirov, plus connu à l’Ouest sous le nom de Pierre Duval, n’est plus ni à une identité ni à une apparence près! Si vous prenez le courage de l’observer attentivement, vous vous apercevez qu’il n’a rien d’humain.

- Foutaise! Reprit furieux le Russe.

- Laissez-moi achever. En fait, cet « homme » se nomme le Commandeur Suprême. Du moins en est-il un de ses clones, l’un des plus aboutis. Le troisième je pense…

- Vous dites n’importe quoi.

- J’ai raison et vous le savez pertinemment! En votre for intérieur, vous vous interrogez sur certaines anomalies par trop évidentes. Pour commencer, vous vous demandez comment vous avez pu parvenir dans ce monde si différent du vôtre.

- Les p! Cracha Pavel.

- Oh! Oh! Paldomirov vous en a parlé! Plutôt étonnant de sa part! Réfléchissez, cher ennemi… pourquoi la Dimension p aiderait-elle l’URSS? Vulgairement, elle n’en a rien à foutre!

- Je suis loyal à mon pays et à mes idéaux. Et la Dimension, comme vous la nommez, trouve sans doute que…

- Cessez de vous enfoncer dans ce leurre! Vous savez que nous nous trouvons présentement dans un temps alternatif dans lequel l’URSS n’a jamais vu le jour et n’a aucune chance d’exister. En cet an 2148 bis ou ter, peu importe, les Slaves ne sont que des barbares attardés, comme vous avez pu en juger par les costumes que vous êtes obligés de porter vous et vos hommes. De plus la technologie rudimentaire mise à votre disposition est une preuve supplémentaire de ce que j’avance. Bref, vos « compatriotes » n’en sont qu’au stade de la Moscovie d’Ivan IV le Terrible!

- Bravo pour votre venin! Vous insultez ma grande patrie!

- Je me contente de constater, c’est tout. Je n’évoque pas même les Germains! Faites un effort. Je ne vous demande pas plus. Essayez de comprendre jusque dans votre chair que le Temps est relatif! Il existe des mondes multiples dans lesquels l’histoire, l’évolution ont suivi un cours différent. Certaines Terres ignorent le genre humain. Alors, que peut rechercher ici Paldomirov? Le translateur absolu et définitif? Ne me faites pas rire! Il veut tout simplement s’assurer que les p et les humains ne s’en empareront pas!

- Non! Le colonel veut que l’URSS soit grande partout et pour toujours!

- Absurde! Je vais vous révéler un détail que vous ignorez encore. Dans la chrono ligne d’où nous sommes originaires tous deux et dans celles qui lui sont immédiatement voisines, le destin de l’URSS sera identique! Elle disparaîtra et son idéologie avec elle!

- C’est justement cela que mon supérieur veut éviter à tout prix! Vous venez de vous dévoiler, Von Hauerstadt! Vous êtes resté fidèle à vos idées de jeunesse! Vous n’êtes qu’un capitaliste mâtiné de nazi!

- Je préfère ne pas relever vos propos! Je sais que vous servez un mauvais maître, que votre cause n’est pas bonne et qu’à la fin, vous vous retrouvez gros-Jean comme devant!

- Tout ce dialogue démontre que vous n’admettez pas de rester à ma merci!

- Pavel Pavlovitch, si je le voulais vraiment, il y a longtemps que j’aurais tenté de m’évader! Autre chose. Duval Paldomirov a refait surface à l’instant précis où notre chrono ligne a déraillé. Lors de la venue inopinée de Daniel Wu. Méditez ce fait!

- Ah! Que recherche donc le colonel selon vous?

- La connaissance totale! Tout ce qui a été, est et sera!

- Pourquoi ?

- Mais pour effacer toutes les données, pour faire gagner l’Entropie à laquelle il est assujetti!

- Ridicule!

- Pas avec la deuxième loi de la thermodynamique, Pavel Pavlovitch! La mort ramasse toujours la mise à la fin!

***************

Tandis qu’il était conduit jusqu’au temple du grand prêtre Koulibalyatlotl, Kiku savait, par la présence de sa balise interne naturelle qu’il se rapprochait du commandant Wu. Il pensa:

- Mon chef se trouve au nord de la ville des lagunes, que nous venons juste de quitter pour rejoindre la capitale de l’Empire Texcoco. Ville des lagunes nommée ici Tenochtitlan d’après les diverses conversations captées par mon traducteur. Lui aussi fonctionne. Ah! Si je n’avais pas violé les ruines sacrées, jamais je ne me serais retrouvé entre de si bonnes mains! Texcoco me voici!

Or, au nord de Tenochtitlan, s’élevait la ville de Tula, dans les faubourgs de laquelle Zoël Amsq avait établi son camp. La balise interne de Kiku s’était-elle déréglée à la suite de son atterrissage mouvementé où bien s’agissait-il d’une aberration provoquée par le changement de chrono ligne?

Notre Kronkos était donc persuadé de sa libération rapide par Daniel Wu mais les heures passaient et rien de ce genre ne survenait. L’escorte progressait paisiblement sur la route menant à la capitale. Le prisonnier, on le comprend, attaché et voyageant à bord d’un char à vapeur dont la carrosserie mêlait l’obsidienne, le bronze et le jade, rongeait de plus en plus difficilement son frein.

Pendant ce temps, apparemment nullement préoccupé par la récupération de son chef de la sécurité, le commandant Wu, qui avait fini par rejoindre ce 2148 dévié, sans casse, avait envoyé Irina et André en éclaireurs. Les deux tempsnautes avaient reçu pour mission de localiser précisément le logement d’Antor et de Tony Hillerman.

Ces derniers habitaient dans le quartier privilégié des marchands Basuto et Xosa.

Les riches Africains chamarrés, couverts d’or et de bijoux, regardaient avec surprise ce couple caucasien tenter de se mêler discrètement à la foule bigarrée des lieux. Un sexagénaire maugréait dans sa barbe regrettant le temps où les étrangers respectaient à la lettre les édits d’exclusion du Moro Naba! « Tout fout le camp! », répétait-il avec colère.

André et Irina portaient des tuniques ternes d’une telle sobriété que cela en frôlait l’insolence. Une de plus aux yeux des autochtones! Cependant, nul n’osa approcher des deux intrus. Il ne fallait surtout pas se compromettre! Quant à la police, ailleurs, elle quadrillait les quartiers dits pudiquement sensibles!

Cependant, les deux tempsnautes ne s’attardèrent guère car, grâce à leurs senseurs portatifs, ils parvinrent vite jusqu’au logis d’Antor et de Tony, demeure nettement plus confortable que le triste refuge des Russes. En effet, le vampire, doté de puissants pouvoirs télépathiques, avait persuadé les voisins et son entourage qu’il était de pure souche Basuto!

Les retrouvailles furent des plus chaleureuses. Immédiatement, André fit le point tandis qu’Irina constatait en souriant dans quel luxe vivait ses amis.

***************

Dans son camp de Tula, Zoël Amsq rappelait à Sir Charles Merritt et à Cornelis van Vollenhoven combien l’avant-dernière pièce du bio translateur était précieuse. Le Haän fournissait toutes les explications désirées d’un ton sentencieux, comme s’il s’écoutait parler. Il se montrait particulièrement prolixe et sûr de lui. Cela nous rappelait quelque chose…

C’était lors de l’Histoire Numéro 1 alors que Fermat qui commandait le Sakharov passait son temps à demander à son premier officier d’être plus bref et moins technique dans ses rapports!

- Le disque translucide sacré, faisait Zoël, contient donc toutes les mémoires biologiques des formes de vie de la Voie lactée en son entier. Il nous faut le localiser le plus tôt possible! Daniel Wu, je le pressens, ne va pas tarder à nous talonner. Je suis certain que ce disque gravé en langue helladienne, se présentant sous la forme d’une capsule anodine, se trouve dans la Chambre du Trésor du Saint des Saints du temple de Nanki Bembé Coatl, le Moro Naba actuel de Texcoco! Mes ingénieurs affinent les capteurs et senseurs pour en avoir la preuve définitive. J’aurai la réponse d’ici deux heures tout au plus.

- Si les données archéologiques me paraissent incontestables, objecta Cornelis en lustrant sa moustache imposante, je ne saisis toujours pas cette histoire de mémoires vivantes stockées…

Zoël siffla d’agacement entre ses dents mais répondit assez courtoisement:

- Si vos contemporains avaient fait cas plus tôt des travaux du moine Gregor Mendel… mais puisqu’il le faut…

Alors, le Haän s’élança, heureux au fond de lui d’étaler ses connaissances. Néanmoins, il adapta ses propos, de façon à les rendre plus compréhensibles aux esprits de la fin du XIXe siècle. Partant des célèbres pois du moine Mendel, passant par Hugo de Vries, Thomas Hunt Morgan, Francis Crick, Stephen Jay Gould et d’autres biologistes, il parvint après un bon quart d’heure de monologue - et pourtant il avait simplifié! - à Stankin qui n’avait certes pas mesuré tout le potentiel des bios mémoires totipotentes, comme si, en fait, l’invention du bio translateur lui avait été dictée par une entité supérieure, entité qui avait assurément dépassé le stade humanoïde ou de chair putrescible.

En son for intérieur, Zoël espérait ardemment devenir cette entité inconnue! Son plan emberlificoté ne visait que ce seul but! Ah! Devenir si puissant qu’il pourrait, dans un jour plus si lointain, tout recomposer à loisir dans le Pantransmultivers, manipuler les passés, les êtres qui y vivaient afin d’obtenir un Monde à sa Semblance! Et si, en chemin, il parvenait à se venger sur sa Némésis, ce Daniel Lin, tant mieux!

Or, tandis qu’il extrapolait ainsi, il fut rappelé à la réalité par Sir Charles.

- En quoi le commandant Wu est-il un élément incontournable du bon fonctionnement de ces bios mémoires?

- Daniel Lin Wu est la quintessence de l’artificiel et du vivant! Son ADN, mi biologique mi synthétique, résume à lui seul tout le patrimoine génétique de la « biosphère » galactique. Je sais que mes propos paraissent boursouflés et abscons! Mais pourtant ils sont vrais! Le commandant est, ce qu’on appelle un être totipotent, « L’Être » totipotent par excellence! C’est pourquoi il nous faudra le capturer, vivant de préférence, lorsque nous aurons mis la main sur les éléments ultimes du bio translateur. En fait, eux seuls nous permettront d’activer la totipotence de l’ADN du daryl androïde.

- Autrement dit, pour résumer et si j’ai bien compris, conclut van Vollenhoven, Daniel Wu nous servira de banque de molécules d’ADN!

- Tout à fait! Bravo!

- Mais pourquoi vivant? S’inquiéta Merritt.

- Pour simplifier la tâche tout d’abord! Ensuite pour laver l’affront qu’il m’infligea autrefois!

Ces dernières paroles furent prononcées avec une telle haine et une telle hargne que Sir Charles en frémit. Néanmoins, le Britannique reprit, plus technique:

- Ces molécules, prélevées et placées dans des nano tubes couplés au disque mémoire seront disséquées puis, grâce à la microsphère activatrice, le dernier élément du bio translateur, que vous localisez dans un monde dévié démentiel, peuplé de homards géants à cinq yeux, réactivées. Selon vous, cela permettra…

- Selon la science du XXXe siècle, mon cher!

- Je reprends… permettra donc de « créer » n’importe quelle forme vivante de la Voie lactée.

- Effarant et effrayant! Renchérit le Hollandais.

- Pas mal appréhendé! S’extasia Zoël. En gros, c’est cela. Mais changeons de sujet. Maintenant, il nous faut élaborer un plan d’attaque en béton de la pyramide temple du dieu Ogo à Texcoco!

Après les deux heures d’attente annoncées, la chambre au trésor était précisément localisée, tout au sommet de la pyramide. Celle-ci, plus égyptienne que maya ou aztèque, était dépourvue d’escaliers extérieurs. Il fallait donc soit passer par les réseaux labyrinthiques intérieurs du temple, gardés naturellement par des soldats d’élite mais aussi protégés par des pièges, et gravir ensuite le sanctuaire toujours de l’intérieur, ou encore attaquer par les airs. Ce fut cette dernière option qui sembla avoir la préférence de notre Haän vindicatif. Après tout, n’avait-il pas une fois encore fait appel aux paras perdus de 1961? Il fallait bien qu’ils servent à quelque chose, non?

L’étage supérieur du temple comportait une coupole, héritage architectural gréco-romain, mis à profit par le génie des bâtisseurs africains de la pyramide. Cette coupole ne s’ouvrait qu’au zénith afin que le Soleil inondât le trésor de sa lumière divine!

Pour parvenir à son but, Amsq devait disposer d’une aviation. Il choisit de lancer son attaque en plein jour! La civilisation du Moro Naba avait certes acquis la capacité du vol spatial mais, pour l’aviation en atmosphère, elle ne maîtrisait que la technique des planeurs, celle des ailes volantes munies de moteurs à vapeur peu efficaces.

Or, le Haän avait amené des runabouts qui aéroporteraient ses troupes. Cependant, elles resteraient assez vulnérables.

Dans de telles conditions, comment risquer le coup? Les planeurs et les ailes volantes Afro-Mexica présentaient des formes d’oiseaux quetzal et d’Hoazin comportant des revêtements de plumes synthétiques. Ils étaient armés de fusils et de canons ioniques.

Face à ce casse-tête stratégique, comment ruser, trouver la faille? Après une longue méditation, Zoël Amsq décida de faire appel à la fois aux runabouts Haäns ainsi qu’à deux Raptors surarmés munis de torpilles à bosons. Or, évidemment, cela représentait un risque supplémentaire énorme de voir tout détruit dans un périmètre de dix mille kilomètres! Les appareils terriens classiques seraient également de la partie.

Le chercheur informait ses alliés de ses décisions difficiles lorsqu’un garde du camp vint l’interrompre. Un individu aux traits indubitablement asiatiques avait été repéré et neutralisé aux alentours! Appréhendé, on le conduisait vers le commandant de l’expédition.

Lorsque l’inconnu fit son entrée, solidement encadré, Amsq le dévisagea avec attention et marqua brièvement sa surprise; il venait de reconnaître l’intrigant personnage! Il s’agissait du Chef du Dragon de Jade, le redoutable et sinistre Sun Wu!

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Quel jeu jouait ce perfide? Sans se départir de son calme, le vieil homme déclara en anglais à Zoël:

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- Honorable étranger, je viens vous proposer mes humbles services! Je connais les pouvoirs extraordinaires de mon lointain cousin et je puis vous apporter beaucoup!

- Tiens donc! S’exclama le savant! Quel soudain et explicable revirement!

- Laissez-moi achever, Sir Amsq! Pour réussir votre prochaine attaque, vous aurez besoin de créer une diversion. Je m’en charge! Encouragez l’assaut de la pyramide par vos rivaux par l’intérieur! Les troupes de Nanki Bembé Coatl si occupées à contenir les Soviétiques, les Américains et les Nazis qu’elles en oublieront de surveiller le ciel!

- Splendide! S’esclaffa Zoël avec un humour grinçant. Et si vous m’expliquiez, Sun Wu, comment, primo, vous m’avez localisé, et, secundo pourquoi vous avez rompu votre alliance avec Daniel Lin Wu?

- Alliance de circonstance, Zoël Amsq, commença le Chef du Dragon de Jade. Éphémère donc.

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Les gardiens bulles avaient pris le contrôle du Langevin. On vit certains d’entre eux s’introduire à l’intérieur des consoles de commandes de la passerelle puis cheminer au sein des nanoréseaux de l’IA jusqu’à parvenir en son centre pour la neutraliser aussitôt. C’était ainsi que les Olphéans s’emparaient des vaisseaux étrangers puis les réduisaient à l’état de commensaux ou d’esclaves. Ensuite, les bulles parasites imposèrent à l’IA le passage du Langevin à l’hyper supra luminique 17, obligeant le navire à franchir la zone frontière afin que ce dernier rejoignît le grand centre de l’Empire situé à quelques deux mille années lumière de là.

Tous les occupants biologiques du vaisseau - de Benjamin à Lorenza, de Tsanu XIII à Shi Ka Aa Ta, la reine des Velkriss - étaient donc réduits à l’impuissance par les gardiens bulles. Ceux-ci pouvaient les désintégrer en moins d’une milliseconde s’ils esquissaient le plus fugace signe de résistance. Le capitaine dominait tant bien que mal sa rage. Mais l’Empereur Haän tremblait de tous ses membres. Quant à la reine insectoïde, difficile de connaître ses pensées!

Seuls les Pi et Kinktankt, non biologiques, ne paraissaient éprouver aucun ressentiment, certainement pas la colère et encore moins la peur.

Cependant, quel que soit leur statut, tous semblaient fascinés par l’inconnu de la prochaine découverte, par ce fabuleux voyage imposé qui les entraînait à la périphérie du quadrant Delta, vers un système qui mordait vers le vide conduisant à une autre Galaxie, lieu jamais exploré encore par les Helladoï bien sûr et même par les êtres décadimensionnel!

Au cœur de Tau Ceti V, l’Empire Olphéan s’était développé à l’abri de toute curiosité, et avait prospéré, « terra formant » le système en créant des astéroïdes artificiels mais aussi des sphères de Dyson bioniques. Celles-ci servaient de pouponnières aux êtres machines. Sur les planètes telluriques naturelles, des bases titanesques avaient été érigées et, désormais, se modifiaient en permanence, impassibles, ignorant les éons qui s’écoulaient, modelées par d’étranges et fantastiques mille pattes dotés de la capacité d’auto régénération. Par leur allure extérieure, ces mécaniques intelligentes ressemblaient aux animaux mythiques du Cambrien terrestre. Ainsi, on aurait pu facilement les croire apparentés à Hallucigenia, Microdictyon, Halkiera, ou encore Wiwaxia. Mais ces êtres pas si merveilleux que cela avaient anéanti toute forme de vie biologique autochtone depuis déjà des millions d’années. Dans le meilleur des cas, assez rare, la faune d’origine avait été assimilée et « cyber formée ».

Les créatures biologiques du Langevin n’avaient donc comme choix que la mort ou l’assimilation! Résister était totalement vain!

Mais comment donc se présentaient les mille pattes aux yeux d’un explorateur extérieur conscient et entièrement maître de lui? Ces créatures machines parfaites possédaient des extrémités munies de pinces et de piquants, des cerveaux primaire et secondaire logés latéralement dans de minuscules cavités, au niveau du deuxième tiers de leur organisme plus complexe qu’une observation rapide le laissait supposer.

Après un laps de temps difficile à déterminer, le vaisseau Langevin, toujours mû par la volonté des gardiens bulles, se posa délicatement sur la planète mère Olphéan, répondant à l’appellation simplifiée de Dyontronisès dont la capitale protéiforme, en remodulation constante, avait reçu comme identification celle d’AO-120-Xaptia-Upsilon-Kappa-18-26-32- et ainsi de suite! En fait les noms des métropoles qui, en langage Olphéan s’apparentaient à un bruitage électronique, n’étaient traduisibles dans les langues humanoïdes qu’à l’aide d’un code alphanumérique d’une longueur inouïe!

Petit détail qui avait toute son importance: à l’extrémité de notre Galaxie, cet Empire Olphéan existait, déphasé d’une demi-dimension, ce qui le rendait à peu près invisible dans des conditions normales de navigation et donc protégé de toute attaque éventuelle!

Si le Langevin avait pu pénétrer à l’intérieur de cet espace particulier sans risques pour sa coque, c’était bien parce qu’il avait été « amélioré » par Daniel Wu au mépris du traité de Mowelle! Le daryl androïde avait-il pu anticiper une telle rencontre? Allez savoir!

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