dimanche 16 mars 2014

Le Nouvel Envol de l'Aigle 4e partie : Pour que vive Mumtaz Mahal : épilogue.



Epilogue

15 novembre 1888, date plus qu’approximative, quelque part le long du fleuve Congo, à l’orée d’une clairière.
Un groupe d’explorateurs savourait un repos plus que mérité après une marche épuisante dans la moiteur de la forêt équatoriale africaine. Il était près de huit heures du soir et la nuit, déjà, était tombée, ne laissant entrapercevoir aucune étoile dans le firmament. Bientôt, il pleuvrait.
Pourtant, malgré la pénombre, tout bruissait d’une vie souterraine et arboricole. Le capita avait donné l’ordre aux porteurs de monter le campement pour la nuit. Les grands Noirs musclés s’affairaient tandis que Saturnin de Beauséjour s’épongeait le front, un front tout ruisselant, puis ôtait son casque colonial dans le but de le secouer, ce qu’il fit immédiatement. Ainsi, il s’assurait qu’aucun hôte indésirable ne s’y était niché.
L’ancien fonctionnaire, contrairement à son habitude, n’était pas d’excellente humeur. Il maugréait car ses pieds, à l’étroit dans ses bottes noires le faisaient souffrir tandis que ses guêtres ridicules mais obligatoires lui grattaient furieusement les mollets. L’ex-chef de bureau ayant à cœur de faire le plus possible authentique, avait pour cela, revêtu la tenue du parfait colon. Voilà pourquoi notre inénarrable Saturnin gémissait et se plaignait tant et plus à Symphorien Nestorius Craddock qui perdait patience.
- Espèce de sous-Stanley d’opérette marseillaise! Encore une de vos tartarinades et je vous écrabouille le pif! Jeta le Cachalot de l’Espace excédé. 
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- Essayez pour voir, répliqua Saturnin d’une voix aiguë. Sans aucun doute, le commandant Wu s’interposera, ne permettant pas que vous me violentiez! Est-ce ma faute, aussi, si je suis moins endurant que vous? Je n’ai ni bourlingué sur les sept mers ni parcouru en long, en large et en carré la Voie Lactée, moi! Avec cette température d’étuve et toute cette humidité, je ne veux pas risquer d’être piqué par les tsé-tsé ou encore souffrir de chiques aux pieds.
- Mais mon gars, il ne fallait pas venir si vous teniez tant à votre petit confort!
- Albriss et le Conseil m’ont attribué une place dans l’expédition présente. J’ai saisi l’occasion. À Paris et à Bonnelles n’ai-je pas montré mon utilité?
- C’est une façon de voir plutôt spécieuse! Enfin! De toute manière, ce pisse-froid d’Hellados qualifierait n’importe qui sauf moi! Jeta le capitaine d’écumoire avec amertume. Il ne peut pas me pifer.
- Que vous dites. Vous semblez oublier que le Conseil vous a également sélectionné.
Gaston de la Renardière qui venait d’achever l’inspection des provisions, fit sarcastique:
- Symphorien a raison, Saturnin. Albriss ne le supporte pas. Je comprends cette attitude. Notre capitaine a tendance à interpréter les ordres… mais quant à vous, palsambleu, je me demande encore comment vous avez réussi l’exploit d’être retenu pour cette mission alors que vous avez peur de votre propre ombre!
Vexé, ce que dénonçait sa lippe boudeuse, l’ancien chef de bureau, fronçant les sourcils, rétorqua:
- J’ai eu le maximum aux épreuves écrites, contrairement à d’autres, si je me souviens bien, déclara-t-il en regardant d’un œil noir en direction de Craddock. Je me suis appliqué, moi, lorsque j’ai su que j’avais une chance de voyager en dehors de la Cité. J’ai donc appris par cœur toute la géographie d’Elisée Reclus,
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 tous les voyages extraordinaires et dans le texte encore, A travers le continent mystérieux d’Henry Morton Stanley. Qui plus est, à mes heures perdues, au lieu d’aller boire une pinte avec les amis, j’ai potassé la totalité du catalogue ethnographique du Musée du Trocadéro!
- Bah! Vous vous faites mousser. Tout ça pue le favoritisme et le fayotage! Conclut Symphorien.
Le Vieux Loup de l’Espace n’avait pas tout à fait tort. Saturnin, quoi qu’il fît, restait le protégé de Daniel Lin, le Superviseur général de l’Agartha. Cependant, dans son aigreur relative, le capitaine oubliait également de se remémorer que lui aussi avait bénéficié de l’appui, de taille, du commandant Wu. Le daryl androïde avait insisté auprès d’Albriss et consorts pour que lui, Symphorien, fasse partie de cette aventure.
En fait, le Conseil aurait bien volontiers qualifié tout le monde hormis notre Daniel Lin, se méfiant de sa propension à côtoyer le danger.
Julien Carette, son éternel mégot de cigarette aux lèvres, s’approcha du trio et demanda avec son accent et sa voix inimitables:
- Bon. Qu’est-ce que je vous cuisine comme boustifaille ce soir? Du colobe? 
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Dalio, qui se tenait légèrement en retrait, entendit cette proposition et leva un sourcil.
- Du singe encore! Tu exagères, Julien! Cette viande commence à peser sur mon estomac. N’as-tu pas mieux?
- Toi, tu voudrais toujours goûter à la cuisine du Ritz!
Se pourléchant les babines avec gourmandise, Craddock émit son grain de sel.
- On ne pourrait pas rajouter à la viande des oreillons de pêches au sirop? Ça améliorerait l’ordinaire. J’ai vu deux ou trois boîtes de conserves dans le havresac de Gaston…
- Brr… j’en frémis! Siffla le Parisien. Tes goûts culinaires exotiques, le Britannique, achèveraient un mourant.
- Julien, tu refuses de l’admettre, mais tu n’es pas très doué pour préparer la bouffe, dit l’Ecossais en enfonçant le clou. Tiens! Tu me rappelles un certain bosco d’eau douce qui puait le bélier mal lavé. Il avait essayé, le pauvre, de m’arnaquer de dix pièces de chrome pour un semblant de repas que, même Ufo, ce satané ventre-à-pattes aurait refusé.
Spénéloss, qui s’était joint au groupe expéditionnaire en Afrique et qui, pour cela, avait laissé Tellier et Pieds Légers poursuivre leur mission en Italie, faisant ici office de conseiller technique es-ethnologie de la petite équipe, venant d’allumer deux feux de camp, se mêla à la conversation.
- Si les Otnikaï avaient été des cuistots primés et récompensés, toute la Galaxie l’aurait su.
Comme on le voit, cet Hellados-ci était capable d’humour. Certaine mésaventure au XVe siècle y était pour beaucoup.
Sitruk s’étira, faisant craquer ses articulations puis lança. 
- Qui a envie de parler d’Otnikaï? Laissons-les à leurs spéculations. Ah! C’est pourtant bien vrai qu’il serait bon de varier le menu. Alors, pas de viande de singe ce soir. C’est un ordre.
- Qui t’autorise à commander? Grogna Julien.
- Je suis le numéro deux dans la hiérarchie de l’équipe, vous l’avez oublié vous tous?
- Non. Reconnais Benjamin, que tu t’es converti au végétarisme… pour faire plaisir à Daniel Lin, notre commandant en chef.
- Pas du tout. Pour une fois, j’aimerais digérer sans troubles intestinaux, le Parisien.
À son tour, Louis Jouvet apostropha Carette. 
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- A propos, il te reste une cigarette?
Julien souffla.
- Tout à l’heure, lorsque tout le monde sera couché, je te passerai le reste de mon paquet de gauloises. Tu sais bien que le commandant Wu n’aime pas nous voir fumer. Or, il sait lorsque nous nous adonnons au plaisir de la clope même en douce. Mais tant pis, moi aussi, je meurs de griller une sèche ! Daniel Lin nous prend pour des chenapans en train de fumer une taffe dans les WC ou quoi? Parfois, il nous jette un de ces regards qui me glacent le sang. Alors, lorsque cela arrive, vaut mieux s’éloigner une heure ou deux.
- Oui, je vois ça. Mais il n’a jamais formulé de reproches.
- Manquerait plus que ça! Louis, nous sommes adultes que diable!
 Craddock remarqua, non sans ironie:
- Julien, ce mégot là, dans ta bouche, c’est pour la galerie?
- Pff! Il est éteint depuis des heures. Je le mâchouille.
- Comment es-tu parvenu à dissimuler dix cartouches de cigarettes dans ton barda? Demanda Jean Gabin avec humour tout en s’affairant près d’une tente. 
- C’est tout un art, Jean. Michel Simon m’a aidé. Il est resté à Paris prêter main forte à Erich et à Alban. Comme je les envie!
- Ils ne sont pas à la fête, contredit Louis Jouvet. Ils pistent Oskar Von Preusse et Werner Von Dehner. Ces deux Boches en savent un peu trop et il faut absolument les empêcher de débarquer ici, en Afrique. On frise la crise diplomatique, là.
- C’est tout à fait exact, renchérit Spénéloss.
- Qu’en est-il du programme de demain? S’enquit Gabin qui avait fini sa part de travail en installant les lits de camp.
- Aucune idée! Siffla Gaston.
Sitruk en savait un peu plus en tant que numéro deux de l’équipe. Il se permit de sourire tout en faisant de l’humour.
- Il serait question de passer sur un pont de lianes fort dangereux.
- Dangereux pourquoi? Parce qu’il est fragile? S’inquiéta Beauséjour.
- Broutilles! Non! Des pythons molures y auraient élu domicile…
Évidemment, Saturnin s’affola.
- Benjamin, vous plaisantez. On ne peut pas changer d’itinéraire? Daniel Lin semble oublier que nous avons avec nous deux femmes et une enfant.
Sitruk laissa alors filtrer une lueur amusée dans ses yeux bleus.
- Je ne pense pas que le commandant Wu soit capable d’ignorer ce fait. Mais c’est un obstacle à franchir si nous voulons faire notre jonction avec la colonne de porteurs de Barbenzingue. C’est notre objectif premier.
- Je me demande comment Pierre s’en sort dans son double rôle, dit Jean perplexe, faisant allusion au comédien Pierre Fresnay qui servait dans l’équipe du commandant Hubert de Mirecourt.
- Barbenzingue. Je me demande pourquoi on a ainsi surnommé Boulanger, fit Craddock entre ses dents. Toi, Spénéloss, tu dois certainement le savoir… alors, aboule-nous tes infos.
Nullement offusqué par le ton plus que familier du capitaine d’écumoire, l’Hellados s’exécuta tout en jetant une pointe de fiel.
- Vous n’avez pas du tout écouté les cours d’Histoire d’Albriss, comme à l’accoutumée, capitaine Craddock… enfin… Georges Boulanger doit ce sobriquet à Géo Smile alias Georges Méliès.
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 Faute de débouchés en métropole, du moins dans cette chronoligne, il est parti tenter l’aventure dans cette Afrique enténébrée. En fait, il recherche de la pechblende… Vous savez, pour obtenir des minerais irradiants nécessaires à la fabrication d’une arme atomique…
- Je ne suis pas si idiot, l’Hellados. J’y étais à Bonnelles. Je devais voler les plans du sous-marin secret pendant que tu te la coulais douce en Angleterre à la recherche de Merritt.
Gaston mit un terme à cet échange qui s’envenimait avec sa courtoisie habituelle. Ce fut alors qu’un raffut pas possible vint troubler la nuit sereine ou presque.
- Allons bon. Que se passe-t-il maintenant? Trembla Saturnin.
- Je crois entendre aboyer O’Malley, ce stupide cabot, proféra Jean Gabin qui, décidément, ne portait pas dans son cœur le chien de DS de B de B.
- Ouille! J’ai vu filer une boule noire et blanche par-là, émit Julien.
- Encore cet Ufo. Il aura chapardé la nourriture du briard, siffla Sitruk se retenant de rire.
- Ouais… Commandant, vous avez raison, approuva Carette. Encore un mauvais tour de ce ventre-à-pattes. La preuve. Voici miss en personne. Elle a l’air plutôt en colère. 
- Vous, je vous ai entendu, grinça Deanna Shirley. Ce sale chat a volé la cuisse de canard de mon O’Malley. 
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- Une cuisse de canard? Comment avez-vous eu ce régal?
- J’ai amené mes propres boîtes de conserve.
- Futé, miss. Bravo! Fit Symphorien admiratif. Il est vrai qu’en matière de repas, vous nous battez tous. Pff! Quel appétit vous avez…
- Mon appétit est normal… mister le malappris.
- Normal dans votre état, oui, miss…
- Quoi? Qu’insinuez-vous? Se fâcha Deanna Shirley.
- Moi aussi j’ai les oreilles qui traînent par-ci par-là…
- Bah… émit Benjamin… vous avez une langue de commère, Craddock.
- Non. Je dis la vérité. Notre délurée a rapporté un petit cadeau de son séjour au Chabanais… un moutard dans le tiroir… c’est comme ça qu’on dit en argot french, le Parisien?
- Oui, un moutard princier voire royal… opina Julien.
- Oh! Vous les hommes, vous êtes tous des goujats! Geignit Deanna Shirley. Personne ici ne me fait de cadeau. La preuve? Je suis ridicule avec cette chemise de nuit en pilou.
- Fallait pas perdre une partie de vos malles durant la traversée de l’Océan, la belle, jeta Louis Jouvet ironique.
- Mmm… Si on se calmait un peu, suggéra Sitruk. Ce n’est pas vraiment le moment d’envenimer les choses entre nous.
- Comment détendre l’atmosphère?
- Monsieur de Beauséjour, j’ai une idée, déclara Spénéloss. J’ai envie d’apprendre à jouer au poker…
- Au poker? Bigre! S’esclaffa Craddock.
- Pourquoi pas? Marmonna DS de B de B en reniflant. Je suis partante.
- Si notre miss est d’accord, j’en suis, approuva Symphorien.
-Moi itou, appuya Saturnin.
- Décidément, il y en a ici des caves qui se montrent pressé d’être ratissés, constata Gabin.
- Ratissés, c’est vite dit, contra Louis Jouvet. Jean, Spénéloss est télépathe.
- Je jure de ne point user de mes facultés, articula l’Hellados solennellement.
- Je ne sais pas pourquoi mais je me méfie, souffla Carette.
- Bon. Vous en êtes ou pas? Demanda Craddock.
- Je préfère retourner à mes casseroles, siffla le Parisien.
- Je t’accompagne, déclara Louis, un sourire sur son visage caractéristique.
A la lueur artificielle de lampes futuristes, seul détail anachronique autorisé par les deux commandants de l’expédition, il fallait se prémunir contre une éventuelle attaque de la faune locale, une partie de poker d’enfer débuta avec pour joueurs Spénéloss qui assimila rapidement les règles, Saturnin, Gaston, Jean Gabin, Benjamin Sitruk, Deanna Shirley et bien évidemment Symphorien. Devinez qui l’emporta? Non, pas l’extra-terrestre. Encore moins le capitaine d’eau de cale… Comment? Vous n’avez pas saisi? Mais DS de B de B bien sûr!
Pendant ce temps, O’Malley avait rejoint Ufo et les deux animaux se regardaient en chien de faïence. Le chat faisait le gros dos et le canidé grondait.
- Holà, tous les deux, commanda Marcel Dalio qui avait fini d’installer la table de cantine. Vous allez cesser où je vous envoie ma botte sur votre museau?
- Comment? Vous menacez ces malheureuses bêtes? Fit une voix amusée.
- Commandant Wu, répondit aussitôt le faux comprador. Où étiez-vous passé?
-  J’ai effectué une inspection des environs. Rien de particulier à signaler.
- Tant mieux. Vous m’en voyez soulagé.
- Ici, pas de chambard? À part, bien entendu mon chat et ce satané O’Malley… 
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- Le briard a des excuses. Votre animal familier lui a boulotté son dîner.
- Je vois… Ufo, je te prive de dessert…
Faisant comme s’il n’avait pas compris, le félin s’en vint se frotter contre les jambes de son maître tout en miaulant.
- Ah! Lala! Que vais-je faire de toi, mon chat?
Cependant, Daniel Lin s’empressa de se saisir d’Ufo et le serrant contre lui, lui donna une tape amicale sur son postérieur.
Puis le daryl androïde ou supposé tel pénétra sous une des tentes alors que Lorenza prenait un bain de pieds dans une bassine emplie d’eau salée délicieusement fraîche tout en recoiffant sa fille Violetta dont les cheveux en broussailles témoignaient qu’elle en avait bien besoin. Pour l’heure, la tignasse rebelle de l’adolescente arborait un joli blond mordoré. Mais cela ne durerait guère. Bientôt, elle deviendrait aussi rousse qu’une Irlandaise.  
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- Merci maman. Tu es plus douce que d’habitude. Dis, tu crois que, demain, on verra des crocodiles? Sont-ils aussi effrayants et dangereux que ceux des archives de l’holo bibliothèque?
- Chut, Violetta. On dirait que tu souhaites vivre en permanence auprès du danger.
- Mais enfin! Nous sommes en Afrique! Au temps où la faune sauvage vivait en liberté avant d’être massacrée par l’homme! Sais-tu si les panthères vont nous attaquer cette nuit?
- Aucun risque, Violetta.
- Oui, je vois ça. A cause des détecteurs… j’ai vraiment hâte de croiser le regard d’un fauve. J’aimerais un peu de mouvement, quoi. C’est de mon âge.
- Hum… fit Daniel Lin en se raclant la gorge.
- Bonsoir commandant, salua la doctoresse. Voulez-vous essayer de raisonner ma fille? Moi, je n’y parviens pas.
- Maman s’inquiète… parce que je veux de l’action… tu sais, toi, oncle Daniel que j’ai lu tout Tim la Brousse, Tiger Joe et j’en oublie…
- Violetta, tu as omis de citer Simba Lee… cela m’étonne de ta part.
- Pff… Toi et ta mémoire de daryl… au fait, oncle Daniel, je sais très bien pourquoi Oncle Saturnin a été qualifié pour la suite de cette expédition malgré les bourdes qu’il a commises en France…
- Dis-m’en donc la raison, petite futée…
- Ben… Tu lui fais tenir le rôle de Troulouloup, le métropolitain gaffeur idiot qui avait gagné à la loterie nationale.
Daniel Lin se retint de rire de justesse. Il y avait un peu de vrai dans ce que déclarait l’adolescente.
- Violetta, le commandant n’est pas venu pour entendre tes sottises, gronda le docteur di Fabbrini.
- Laissez Lorenza. Violetta m’amuse, c’est vrai mais je pense qu’il faut savoir savourer ces instants de détente…
- Ah! Dois-je me vexer? Je préfère prendre cette dernière phrase pour un compliment. Quand aurons-nous donc droit à la tribu hostile, aux animaux préhistoriques, à la cité perdue Viking ou… Atlante?
- Ma fille, tu exagères!
- Mais non… Violetta est encore en dessous des menaces que nous courons…
- Voilà que maintenant c’est vous qui m’inquiétez Daniel lin…
- Cette Afrique est sous une domination occulte… des forces obscures sont en train de la remodeler peu à peu… Comme en témoigne le fait que nous avons failli chavirer avant d’accoster… Nous nous en sommes tirés de fort peu…
- Effectivement. Mais qu’entendez-vous par forces obscures?
- Je voudrais bien le savoir! Soupira le commandant Wu.
- Cela a-t-il à voir avec ce qui est advenu dans notre cité? Les apparitions et les disparitions incongrues?
- Tout à fait…
- Oui, mais toi, oncle Daniel, tu triompheras encore des forces mauvaises. Comme tu l’as toujours fait d’ailleurs. Jusqu’à maintenant, nous nous en sommes toujours sortis intacts… parce que tu étais là…
- Ah! L’insouciance de la jeunesse…
- Elle ne doute de rien, docteur.
- Vous attendiez-vous à tant de modifications dans la chronoligne, commandant?
- Oui, en quelque sorte.
- Mais vous avez omis, volontairement, de faire part de vos inquiétudes au Conseil…
- Il n’aurait pas autorisé cette expédition, Lorenza, vous le savez tout comme moi.
- Or, elle était nécessaire…
- Plus que jamais. Si notre adversaire l’emporte, c’est tout l’équilibre du Multivers qui est remis en cause…
- J’en ai conscience, Daniel Lin… Est-ce pour cela que vous n’avez pas amené Gwen?
- En partie… Sa présence aurait créé un souci de plus… ma compagne invoque les dieux celtes pour un oui ou pour un non… alors, face à une véritable menace…
- En effet. Mais je l’aime bien. Malgré sa rusticité, sa candeur et sa rudesse aussi parfois.
- Merci pour elle.
- Vous savez, Daniel Lin, nous n’avons pas toujours été d’accord, sur bien des points, autrefois, notamment à bord du Langevin…
- Je m’en rappelle fort bien.
- Mais je comprends mieux aujourd’hui pourquoi, les difficiles décisions que vous avez dues prendre en tant que commandant d’un vaisseau intergalactique… sans votre présence d’esprit, je pense que nous serions morts à l’heure actuelle.
- Jamais nous n’aurions abouti à l’Agartha, voulez-vous dire…
- Précisément.
- Hé bien, je partage votre point de vue, docteur di Fabbrini.
- Cette cité tient du miracle. Dommage que je ne me souvienne pas très bien comment nous avons trouvé ce havre de paix, mais je puis dire que je ne le regrette pas.
- Moi non plus…
- Daniel Lin, je ne rêve plus que d’une seule chose…
- Laquelle, Lorenza?
- C’est d’être pour vous une amie sincère  et de l’être toujours…
- Moi aussi, j’ai cette ambition… ne changez jamais, demeurez toujours le docteur Lorenza di Fabbrini…
- Vos yeux s’assombrissent…
- Ce n’est rien…
Dan El n’en dit pas plus. Il avait encore en mémoire la Simulation dans laquelle Lorenza avait été l’ombre d’elle-même, un officier politique cruel sous les Napoléonides, qui n’avait pas hésité à sacrifier et son vaisseau et son époux à sa haine de l’ennemi. Les yeux mi-clos, dissimulant la texture résille qui brillait dans ses pupilles lorsqu’il était ému ou encore lorsqu’il s’adonnait à sa fonction de Ying Lung, le jeune prodige observa la métamorphe. Il savait tout de Lorenza di Fabbrini, ses pensées, ses espoirs, ses souvenirs qu’il remodelait lorsque cela était nécessaire. Ne lui avait-il pas donné directement la vie il y avait des éons? Ou ressuscitée depuis hier? L’Italienne était particulièrement chère à son cœur. Il ne regrettait aucun des efforts qu’il avait fournis pour lui permettre d’exister réellement… pour qu’elle ait un destin heureux auprès de Benjamin Sitruk, de Violetta, de Maria et d’Isaac…

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À suivre dans Cybercolonial