Le Nouvel Envol de l'Aigle 4e partie : Pour que vive Mumtaz Mahal chapitre 30 3e partie.

A Plessis-Lez-Tours, Philippe de Commynes

 

 quittait les appartements de Charlotte de Savoie

 

 à qui il venait de porter son compliment. Il rencontra Daniel Lin qui, à son tour, s’apprêtait à saluer la reine. En fait, le jeune Ying Lung désirait prévenir secrètement Louise et Aure-Elise de plier bagage au plus vite. Les deux jeunes femmes allaient devoir se battre dans les souterrains protéiformes et multidimensionnels de Cluny. L’heure approchait de la fatidique Révélation.

- Messire Grimaud, sire de Montfermeil, vous voici donc de retour. Vous m’en voyez heureux. Votre voyage s’est-il bien passé? Le roi d’Angleterre n’a-t-il point trop affiché son insatisfaction en apprenant le décès de Monsieur Charles?

- Oh! Edouard IV n’a pas toute l’habileté nécessaire à masquer ses sentiments. Il perdrait largement s’il était confronté à Louis le Onzième en chair et en os. Je pouvais presque toucher sa colère et son dépit. Toute la durée de mon séjour m’a pesé. J’ai dû supporter une surveillance constante. Mais enfin, me voici.

- Vous avez l’air bien las. Une tempête d’équinoxe sans doute. 

 

- Pas tout à fait, mon ami. Si j’osais…

- Ah! Hé bien, osez donc, Daniel Lin.

- Au tréfonds de vous-même, vous désirez ardemment connaître l’auteur des désordres dans le ciel, le responsable des phénomènes cataclysmiques qui se multiplient présentement, et secouent le Panmultivers.

- Oui, j’aspire à ce savoir. Non par passion mais par curiosité.

- Naturellement, fit le commandant Wu avec ironie. Je vais vous faire une offre. Libre à vous de l’accepter ou de la refuser. Philippe, sachez que je ne vous forcerai pas la main. Cette offre est tentante, et au-delà, je ne le nie pas. Si vous la repoussez, je ne vous en voudrai pas.

- Vous désirez que je vous accompagne en tant que témoin dans un… duel?

- Que de circonvolutions, Spénéloss! Pas en tant que simple témoin. En tant que partie prenante, en tant que champion! J’ai besoin de vous. Vraiment. De vos bras, de vos talents. Je ne puis, en cet instant crucial, négliger la moindre aide supplémentaire, aussi minime soit-elle. En échange, je ne vous promets rien de spécial. Rien de plus que de comprendre la Réalité intrinsèque du Panmultivers.

- Que voulez-vous me signifier? Les subtilités du français, tel que vous le maniez, m’échappent quelque peu. Pourquoi ne pas passer à une autre forme de communication plus aboutie?

- J’y compte bien. Retrouvez-moi dans une heure dans l’antichambre de la baronne de Sarrieux. Vous saurez alors tous les tenants de cette histoire.    

- Soit, Daniel Lin. Je ne me montrerai pas en retard à ce rendez-vous. Mais, si je puis me permettre, vous avez visiblement besoin de repos. Une fois de plus, je constate que les humains ont souvent tendance à dépasser leurs limites.

- Oui, Philippe, vous avez tout à fait raison, approuva le commandant Wu. Votre humour, franchement involontaire dans mon cas, me ravit.

Retenant son rire, Dan El entra enfin dans l’antichambre de la reine. Mais dans son esprit, la mise en garde de l’Observateur tonnait.

- Surgeon, vous dépassez les bornes. Vous n’avez pas le droit de …

- Vous faites erreur, mon père. Ici, j’ai tous les droits. Ma victoire, votre existence, celle de l’Unicité, me les donnent. Je sauve qui je veux! J’affranchis qui je veux! Je donne la vie à qui je veux! Y compris à l’IA des Olphéans que je vais momentanément sacrifier! Sans oublier tous les agents temporels que je regrette d’ avoir réduits à la condition de  fantômes, à des traces sans importance! Point final.

- Dan El! Vous voulez trop de choses. Vous voulez tout.

- Vous ne souffrez pas mille morts en cet instant! Vous ne supportez pas la destruction de ces millions et millions de petites vies, certes simulées mais qui pensent, ressentent et craignent la mort! Alors, affichez votre compassion ou du moins faites semblant. Communiez avec moi dans l’effroi, la douleur, le remords et le déchirement. Ne me critiquez pas! J’ai tant besoin de réconfort! J’ai tant besoin de recevoir votre approbation! Ah! Vous vous en montrez incapable… dans ce cas, à plus tard, où vous savez. Avec tous mes amis, et non mes féaux, mes commensaux. Avec mes égaux. ils méritent de l’être et je les mérite.

- Y compris Ufo que vous avez pris soin de matérialiser dans vos bras? 

 

- Oui, mon père! Bien évidemment.

- Pourquoi cela?

- Parce que l’essentiel vous échappe comme toujours.

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Or, tandis que le sire de Montfermeil faisait sa cour à la reine Charlotte et qu’il prévenait parallèlement Brelan et Aure-Elise de quitter au plus vite les lieux afin de gagner les souterrains de Cluny, simultanément, toutes les chronolignes se mélangeaient, s’emberlificotaient, s’interpénétraient et se heurtaient, prêtes à dérailler et à se fondre dans une sorte de kaléidoscope démentiel. Notre jeune Ying Lung n’avait jamais tant mérité son nom de Préservateur. Patiemment, un à un, il se saisissait des filaments de la Réalité pour les réassembler, les recoudre, dénouait les incongruités et les paradoxes, stabilisait le tout, contraint de garder une certaine cohérence à un scénario écrit depuis le tout début, aux dépens de mille autres esquissés et désormais inutiles ici. Ce tour de force était réalisé alors qu’il discourait plaisamment sur les vicissitudes de sa traversée du Channel sans que ses interlocuteurs ressentissent le moindre hiatus.

Déjà Antor, Shah Jahan, Benjamin, Alban, Guillaume, Paracelse, Craddock, Gaston et tous les autres champions de l’équipe avaient été transportés dans la crypte secrète de Cluny. Il ne manquait plus que Gana-El.

À bord du Vaillant, Alexandre, qui observait la Terre par écran interposé, s’exclama soudain sur un ton impossible à rendre:

- Marie, viens vite! Un phénomène incroyable est en train de se produire là, tout en bas.

- Seigneur! Vierge Marie ma patronne! Protégez-moi. Protégez-nous.

Quel était donc l’événement extraordinaire en train de survenir qui suscitait une telle frayeur?

Lentement, particule après particule, la Terre et tout ce qu’elle portait, tout ce qui l’entourait, se figeaient, s’immobilisaient. Puis, vision délirante et terrifiante, la planète tout entière s’effrita. Grain après grain, atome de silice après atome de silice, tout chutait dans le sablier du non créé, au sein du non conceptualisé et non pensé. Ce sable, engendré par la volonté pervertie de l’Inversé, ce Songe un instant matérialisé se déconstruisait inexorablement. Tout était happé par l’A-Temps, l’A-Monde, Terra aussi bien que Sol, Alpha et Beta Centauri que la Voie Lactée en sa totalité, les innombrables Galaxies que la matière noire. Un immonde et insatiable trou noir, sans pitié aucune, engloutissait toute la pseudo création. Mais dans ce cas, il n’aboutissait pas au trou blanc, de l’autre côté, car, là, il n’y avait rien. Absolument rien!

Aucun objet, aucun être vivant n’y réchappa. Ni le Vaillant et ses hôtes, Alexandre Dumas bis et sa compagne, ni à Plessis-Lez-Tours Saturnin de Beauséjour, Delphine Darmont, Jean Simmons,

 

 Bette Davis, Pauline Carton, Louis XI, Olivier le Daim,

 

 les courtisans et les suivantes, les officiers de Spénéloss. Il en fut de même à Dijon. Charles le Téméraire et son jeune protégé Louis d’Orléans subirent le même sort avec tous leurs vassaux. À Paris, les truands survivants ne le furent pas longtemps. Pleurez Va-à-confesse, Joyeux Drille, Rentre dans le lard et tous leurs compères et commères, les innocents bourgeois, les riches marchands, les seigneurs et les godelureaux, les gentes dames et les matrones, les chèvres et les porcs, les rats et la vermine. Oyez la misérable complainte de ces êtres réduits à l’état de poudre, réduits au néant après n’avoir été que des marionnettes au mieux, des ombres au pis.

Personne ne fut épargné par cette destruction non créatrice sauf… sauf la fine équipe de Daniel Lin Wu bien sûr.

Dans la cité de l’Agartha, ailleurs dans le temps, mais pas tant que cela, la première défense percée, enfoncée, détruite, la deuxième, composée de braves parmi les braves, prenait, sans trembler ni frémir la relève, vaillante et admirable. Toutes les gorges clamaient.

« Ensemble! Tous pour un. Tous pour Daniel Lin, Dan El! Pour le Préservateur, tous unis. À jamais. Viva la vida! Siempre! ».

Alors, le mur humain ou assimilé, inébranlable, se mit en marche.

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  Temps immobile, temps gelé, monde imaginé, hors de l’intrinsèque réalité. Dan El avait cédé une femto seconde au sommeil irrépressible dans l’antichambre de la comtesse de Mons. Mais il se releva aussitôt, vif, jeune, empli d’une énergie nouvelle, plus résolu et splendide que jamais, ses yeux brillants relevant la structure exacte du Panmultivers.

« Merci! Merci à tous! J’y suis ».

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