jeudi 15 août 2019

Un goût d'éternité 4e partie : Franz : 1939 (3).


1498. Milan. 
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Leonardo da Vinci venait de commencer à brosser le tableau de la Sainte Cène. Il avait en tête d’appliquer de nouveaux pigments, plus naturels. La fresque devait être son chef d’œuvre…
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 mais lesdits pigments, fort fragiles, allaient mal résister au temps.

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40 120.
Les Douze Sages, supérieurs du Commandeur Suprême, recevaient un SOS de leur agent temporel en exercice.
-Suis tombé entre les mains des Soviétiques… le dénommé Johann van der Zelden leur a fourni un annihilateur d’énergie… Impossibilité de m’approvisionner… Déclenchement de la Troisième Guerre mondiale dans H moins deux heures et cinquante-trois minutes… du XXe siècle… Attends instructions… ceci est mon unique et ultime message…
Dans l’obligation de délibérer sur le champ, les Douze Sages devaient en convenir : il y avait un traître parmi eux… mais qui ?
- Si Johann van der Zelden, surnommé l’Ennemi, a réussi à fournir un annihilateur d’énergie aux Russes, c’est manifestement qu’il y a ici quelqu’un qui veut notre disparition. Nous savons tous que ce n’est pas un Homo Sapiens ordinaire du XXe siècle qui peut ainsi tromper et emprisonner un de nos agents temporels…, assena S1.
- Dans ce cas, qui ? Un autre agent ? Un S ?
- C’est stupide ! S3, vous ne proférez que des sottises, gronda S5.
- Moi, je dirais qu’il s’agit plutôt d’un Maître du Temps… ou alors…, commença S2.
- Allez jusqu’au bout de votre pensée, reprit S1.
- Le Commandeur Suprême…
- Notre régisseur de la bonne marche de notre civilisation ? Je n’y crois pas… pas du tout, formula S3.
- Oui, cela reviendrait à dire que notre Super IA est atteinte de schizophrénie, enchaîna S5. Or, cela est impossible.
- Une IA aussi sophistiquée qu’elle ne peut vouloir se suicider. Il en va de même pour tout agent temporel ou encore pour l’un d’entre nous, argumenta S1. Une réplique précédente de notre exemplaire actuel ne peut logiquement vouloir assassiner son duplicata futur amélioré encore et encore… S3…
- Oui, S1 ?
- Il vous revient de vous rendre en 1993 afin de porter secours à l’agent terminal M 22 435 X 71 642. Vous avez une picoseconde.
S3 disparut pour reparaître presque instantanément. Aussi courte qu’avait été son absence, le leader des Douze Sages avait eu le temps de penser à l’égard de ses confrères.
- J’espère qu’ils ne l’auront pas trop abimé, notre agent terminal temporel. Jamais nous n’en pourrons programmer un autre… jamais… il est la perfection. Pousser plus loin reviendrait à lui rendre sa conscience en son intégralité. Or, cela nous ne pouvons nous le permettre… car nous ne serions plus rien…

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Québec, 23 août 1993.
Johann van der Zelden – celui de 1995 – rencontrait Piotr Balankhinov, chef du KGB,
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 dans un motel discret des faubourgs de la ville. Immédiatement, les deux hommes en vinrent au vif du sujet, le translateur qui connaissait les problèmes techniques que l’on sait.
- Piotr, fit durement le financier, vos chercheurs et ingénieurs ne sont que des imbéciles. J’ai pourtant fourni les plans détaillés des micro mémoires manquantes à l’ordinateur principal. De plus, tous les calculs avaient été refaits et vérifiés maintes fois. Je croyais seulement que vous aviez besoin de davantage d’éclairage sur l’annihilateur d’énergie. Vous m’avez menti !
- Le module sera bientôt fonctionnel, monsieur van der Zelden, répondit le dénommé Balankhinov humblement. Le chef de nos techniciens vient de me confirmer la chose il n’y a pas une heure. Les difficultés majeures sont derrière nous.
- Oui, mais ?
- Construire l’annihilateur parapsychique dépasse notre technologie et notre savoir-faire actuels. Oubliez-vous donc que la structure de l’appareil repose sur le cristal ?
- Très bien, reprit Johann avec un soupçon en moins de colère. Je comprends. Il ne me reste plus qu’à faire venir la personne adéquate pour tout régler.
- Euh… oui, monsieur… mais qui donc ?
- Le Commandeur Suprême, mon cher !
A peine van der Zelden eut-il prononcé le nom du très haut personnage qu’il se saisit d’un micro miniature dissimulé sous le revers de son veston et qu’il l’actionna de manière à déclencher un signal sonore, une modulation trillée tout juste audible pour des oreilles humaines, trille traversant les millénaires, que l’IA de la Quatrième Civilisation post-atomique assimila. Aussitôt, le Commandeur envoya un de ses clones résoudre le problème de Johann.
Alors, instantanément, un gros homme atteint d’alopécie, imberbe, de taille médiocre, revêtu d’un costume beige clair enveloppant sa bedaine proéminente, se matérialisa dans le pavillon loué par le Soviétique au grand dam de Piotr. Le clone n’avait pas eu même besoin de franchir le seuil de la chambre. D’un pas lourd et chaloupé, il s’avança jusque devant l’agent du KGB.
- Oh ! Déjà ? Quelle stupéfiante rapidité, vraiment ! S’extasia Balankhinov.
Mais cet exemplaire du Commandeur Suprême n’avait pas le cœur à plaisanter.
- Je n’ai pas de temps à perdre, dit-il d’un ton courroucé dans un russe parfait. Voici le contrôleur électronique qui stabilisera les molécules du cristal. Avec, en prime, la notice de fonctionnement. Ne me dérangez plus pour de telles broutilles à l’avenir.
D’une main tremblante, Piotr prit le tout avec un remerciement.
Moins de dix secondes après sa venue, le clone était déjà reparti.
- Il n’a pas l’air commode, votre supérieur, monsieur van der Zelden.
- Parce que vous l’avez obligé à délaisser une tâche importante…
Balankhinov se garda bien de demander laquelle.

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1er Décembre 1805.
Veille de la célèbre bataille d’Austerlitz.
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/56/Austerlitz-baron-Pascal.jpg/1280px-Austerlitz-baron-Pascal.jpg
L’Empereur Napoléon Premier examinait une fois encore son plan d’attaque. A ses côtés, sous la tente qui laissait passer un air froid malgré les braseros qui tentaient de réchauffer l’atmosphère, se tenaient Ney, Murat, Lannes,
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 Soult, tous les grands noms des fastueux et remuants maréchaux du Premier Empire.
Avec son accent corse caractéristique, Napoléon donna ses dernières recommandations. Le souverain s’inquiétait du temps annoncé pour le lendemain. Il fallait absolument que le brouillard se dissipât afin d’assurer la victoire de son armée. Mais pas trop tôt toutefois. Ainsi l’ennemi ne connaîtrait que trop tard la position des Français.
Un peu plus tard, le petit tondu passait ses troupes en revue avec des mots encourageants. Alors que les fantassins étaient tous attentifs, il leur fit cette confidence :
- Cette soirée est la plus belle de ma vie. 
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/53/Napoleon_Bonaparte_by_Auguste_Raffet.jpg
Sous les bivouacs, ce ne furent ensuite qu’acclamations.

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