samedi 10 mai 2014

Le Tombeau d'Adam 1ere partie : L'Introuvable chapitre 3.



Chapitre 3

Berlin, janvier 1926. 
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Il neigeait. Le temps peu clément ne perturbait nullement les multiples allers et venues des Berlinois qui pressaient le pas avec la hâte compréhensible de se mettre chaudement à l’abri dans leurs quiètes demeures. Les tramways glissaient silencieusement sur les rails dans une atmosphère ouatée irréelle. Un pauvre jour gris diffusait une lumière blafarde digne d’un film expressionniste de Fritz Lang ou encore de Murnau. 
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Dans la Haberlandstrasse,
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il en allait de même. Au numéro 5, une main anonyme avait relevé le rideau de coton afin de pouvoir observer le spectacle monotone et quotidien de la rue par cet après-midi de janvier si semblable aux autres. L’inconnu vit ainsi une longue silhouette noire, enveloppée dans un vaste manteau sombre s’approcher à pas précautionneux de l’entrée de la maison. Puis une sonnerie aigrelette retentit dans l’appartement. Aussitôt, le rideau se baissa et l’hôtesse des lieux alla ouvrir en murmurant:
« Monsieur Simons est à l’heure. J’espère qu’Albert n’a pas oublié le rendez-vous ».
À peine Elsa eut-elle le temps de formuler cette pensée qu’une voix bourrue s’écria:
- Elsa, va ouvrir! C’est monsieur Simons.
Une dizaine de secondes plus tard, l’individu de haute taille entraperçu dans la rue faisait son entrée dans l’appartement cossu et vieillot d’Albert Einstein. Frottant les semelles de ses chaussures sur le paillasson, il remettait son chapeau et son pardessus à Elsa tout en s’excusant.
- J’espère que je n’abîme pas votre parquet.
- Oh! Il en a vu d’autres, monsieur Simons. Mon mari vous attend dans son bureau. Suivez-moi. Et soyez indulgent pour le désordre qui y règne. En ce moment, Albert est si préoccupé. Il lui manque un secrétaire.
- Je comprends, madame. Sa recherche sur les champs unitaires…
Avec amabilité, Elsa s’effaça pour permettre à Dick Simons de pénétrer dans le saint des saints: le lieu de travail du plus grand savant du XX e siècle. Les présentations effectuées, Einstein entra dans le vif du sujet.
- Votre lettre m’a prodigieusement intéressé. Ainsi, vous aussi, vous effectuez des recherches sur les quatre forces qui régentent l’Univers. Soyez donc le bienvenu.
- Herr Einstein, merci de votre accueil. Effectivement, je tente d’unifier l’électromagnétisme avec la gravitation et les interactions nucléaires faible et forte.
- Rude tâche. Peut-être qu’en nous y mettant à deux, nous parviendrons à un résultat. Mais dites-moi cher Dick, vous permettez que je vous appelle par votre prénom…
- Faites, Herr Einstein…
- Vous n’acceptez pas la théorie quantique qui est en vogue aujourd’hui?
- A vrai dire, je m’y intéresse. Laissez-moi vous expliquer…
Alors, sur un ton doctoral et d’une voix quelque peu hypnotique, Dick Simons commença son long exposé sur l’état de ses recherches personnelles. Albert Einstein, subjugué, en venait à oublier d’allumer sa pipe. Assis, le dos raide sur sa chaise, il écoutait son interlocuteur qui lui faisait face. Ce dernier, tout en poursuivant, enregistrait dans sa mémoire prodigieuse tous les détails de cette première rencontre.
L’illustre Berlinois, les cheveux poivre et sel en bataille, le vieux pull élimé, le pantalon informe, les pantoufles confortables, les chaussettes dépareillées, les étagères encombrées, l’affreuse tapisserie à rayures, les meubles lourds et disgracieux, la maigre lumière provenant d’un vasistas et les vagues effluves d’un tabac froid…
Les minutes se transformèrent en heures.
Enfin, Albert sortit de son silence pour remarquer:
- Oh! Dieu! Quel piètre hôte je fais! Je ne vous ai rien offert. Et il fait nuit. C’est l’heure du dîner. Restez donc ici ce soir. Elsa a toujours sur le feu une part supplémentaire.
- Bien volontiers, professeur.
C’est ainsi que Sarton, alias Dick Simons, devint le bras droit d’Albert Einstein, modifiant imperceptiblement le cours de l’histoire humaine, supplantant avec quelques années d’avance le professeur Mayer. Un détail infime mais pourtant lourd de conséquences…

***************

Quelques temps plus tard, le 16 janvier 1926, jour de l’inauguration de l’Institut international de coopération intellectuelle en Suisse.
Albert Einstein, accompagné du chercheur « américain » Dick Simons y était présent afin de prononcer un discours en français. Celui-ci terminé, l’Allemand fut vivement applaudi par l’assistance. Puis, après les formalités de politesse, toutes les sommités scientifiques et intellectuelles se retrouvèrent autour du verre de l’amitié.
Albert mit ces instants à profit pour présenter son nouveau collaborateur à ses confrères et notamment à Max Planck, Paul Langevin, le professeur Flexner ainsi qu’à son « ennemi », Niels Bohr.
Si Sarton avait été à même d’exprimer une émotion, ç’aurait été celle de la jubilation. Il était désormais introduit auprès des plus grands penseurs et physiciens de l’époque. Sa tâche serait facile. Il pourrait influencer tous ces cerveaux grâce à ses dons si peu humains. Décidément, Stadull était avec lui.
Notre Hellados omettait un léger détail: l’action des Haäns. Il n’avait pas encore localisé son adversaire direct, le baron Opalaan’Tsi qui, de son côté, ne demeurait pas inactif, loin s’en faut, et qui avait étendu ses tentacules dans plusieurs points focaux de la fragile histoire de Terra.
Or, déjà, les manipulations s’avéraient irréversibles. Le Haän avait choisi d’opérer en URSS, auprès de Staline et de la police secrète du tsar rouge, le Guépéou.

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Berlin, février 1926.
Une jeune femme, Cléa Bernhardt, employée comme secrétaire à l’Institut de Physique Kaiser-Wilhelm, pestait contre la tâche ingrate qui l’attendait. Se rendre chez le doyen de l’Institut et lui expliquer les raisons du retard d’Albert Einstein. Ce dernier avait promis de terminer une étude préliminaire sur l’électromagnétisme uni à la gravitation mais rien ne venait. Or, le chercheur était toujours par monte et par vaux, un jour à Zurich, un autre à Genève, lorsque ce n’étaient pas Paris, Bruxelles, Jérusalem et ainsi de suite.
- Ah! Non! Le doyen attendra, se dit Cléa, une magnifique brune aux yeux pers. Je vais d’abord chez le professeur Einstein. Il est rentré depuis quelques jours. Sa femme que j’ai eue au téléphone me l’a confirmé. Je verrai bien ce que le chercheur me dira.
Avec assurance, la jeune personne laissa là son minuscule bureau pour s’en aller relancer jusqu’à son domicile l’illustre chercheur.

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Une demi-heure plus tard, Cléa Bernhardt prenait une tasse de café dans la salle de séjour des Einstein, meublée de chaises et de tables, de buffet Biedermeier sans élégance. À ses côtés, un homme d’un charme inouï, aux yeux noirs insondables, qui s’exprimait en allemand avec un léger accent exotique ce qui rajoutait encore à son magnétisme. Fraulein Bernhardt victime du plus beau coup de foudre, en oubliait les raisons de sa visite.
Les sentiments tumultueux de Cléa n’échappaient nullement à Dick Simons qui, de son côté, observait la jeune femme discrètement, tout en trempant ses lèvres dans le noir et amer breuvage.
Malgré sa timidité native, la jeune femme osa interroger l’hôte des Einstein, tâchant de mieux connaître l’assistant du chercheur. Sarton se prêta volontiers à cet interrogatoire, car, lui, sondait les pensées les plus ensevelies de son interlocutrice. Ainsi, faisant fi des règles déontologiques des Helladoï, il se servait de ses dons de télépathe tout en élaborant à toute vitesse un plan qui lui permettrait de mieux s’intégrer sur cette Terre du passé.
Finalement, après une quinzaine de minutes de bavardages, Cléa Bernhardt aborda le véritable motif de sa visite. Quelque peu gêné de ne pas avoir encore achevé son étude, Einstein lui répondit:
- Le doyen va fulminer, c’est certain, Fraulein Bernhardt. C’est ma faute, je l’avoue. Je n’ai pas terminé le rapport promis. Des difficultés de dernières minutes. Cependant, j’ai désormais à mes côtés Herr Simons, de l’université de Berkeley en Californie et qui vient de brillamment soutenir sa thèse sur les nouvelles possibilités de la matière. Or, Dick a accepté de m’aider à rédiger l’opuscule.
- Ainsi, fit Cléa, vous aussi êtes un physicien…
- Pas que cela, Fraulein Bernhardt. Je suis également un explorateur…
- Expliquez-vous…
- Un explorateur des différents états de la matière dans l’Univers. Mais, ici, à Berlin, je ne suis qu’un étranger quelque peu perdu dans cette grande ville si attrayante…
- Herr Simons, je comprends. Je pourrais très bien vous servir de guide lors de mes heures de liberté.
- Volontiers.
Sarton se permit d’esquisser un léger sourire. Allons, il avait manœuvré avec habileté et, quelle que soit la planète, l’âme féminine était partout semblable. Mais jusqu’où notre prospectiviste était-il prêt à aller pour la réussite de sa mission? Pour peaufiner sa couverture?

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Moscou, mars 1930.
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L’hiver tirait à sa fin. La pluie transformait les rues de la capitale en bourbier ajoutant à la sinistrose ambiante. Et pourtant, dans la patrie du socialisme triomphant, il ne fallait montrer qu’une gaieté factice.
Moscou, en ce début de l’ère stalinienne, ne présentait pas encore cet aspect de ville froide et inhumaine, à l’architecture de gratte-ciel du pauvre, avec ses stations de métro surdimensionnées, véritables palais de faux marbre. Non, la capitale soviétique n’était encore qu’un immense chantier qui tentait de donner un semblant d’âme à l’antique cité qui avait perdu son faste il y avait déjà plus de deux cents ans.
Les Moscovites vaquaient à leurs occupations quotidiennes passant rapidement devant le Kremlin où Staline, le nouveau chantre de la révolution, travaillait, ne jetant pas même un regard sur certains bâtiments sinistres à la triste réputation, là où le Guépéou avait son siège. Nous parlons bien sûr des vieux murs de la Lubianka. Pénétrons dans les sombres couloirs de ces lieux interdits au commun des mortels et suivons un capitaine en uniforme, arpentant le corridor du quatrième étage d’un pas ferme, faisant claquer bruyamment sur le dallage les talons de ses bottes. 
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Mais le voici arrivé devant la porte du bureau du colonel Ramenev. Le garde en uniforme le fouilla consciencieusement avant de le laisser entrer.
- Ah! Je vous attendais capitaine Sergueï Antonovitch Simonov. S’exclama l’officier supérieur en redressant la tête. Asseyez-vous, camarade. J’ai à vous confier une mission de la plus haute importance.
- A vos ordres, camarade colonel, répliqua aussitôt Simonov, le regard direct.
Silencieux et impassible, le capitaine attendait le bon vouloir de Ramenev qui, de son côté, observait son subordonné, étudiant avec attention les méplats d’un visage anguleux, le nez en bec d’aigle, le teint légèrement cuivré et les longues mains gracieuses, de véritables mains d’artiste de Sergueï Antonovitch. Puis, rassuré par cet examen, le colonel reprit d’une voix sourde, après quelques instants de silence.
- Camarade capitaine, je pense pouvoir vous faire confiance. Vous m’avez été chaudement recommandé par le camarade Staline en personne. Et, quoique vous soyez nouveau dans le service, vous me paraissez faire l’affaire.
- La Révolution et l’URSS n’ont pas de serviteur plus dévoué que moi.
- Très bien. J’accepte de vous mettre à l’épreuve. Votre dossier est excellent. Inscrit au Parti en 1924, soutien sans réserve au camarade Staline dès cette date, contre ce rat de Trotski, mission en France et au Maroc, restructuration du parti en Allemagne…
- Des missions de routine, colonel.
- Certes. Il est temps pour vous de passer au stade supérieur. Connaissez-vous la Grande-Bretagne?
- J’y ai vécu durant deux années pendant mon enfance.
- Et votre anglais?
- Je le parle couramment.
- Attention. Pourriez-vous faire croire que vous êtes un autochtone? Ou à la rigueur un Américain?
- Sans doute.
- Alors, voici. Vous suivrez d’abord un stage de perfectionnement à notre centre de Kiev puis vous deviendrez notre taupe à Londres. Je ne vous cache pas que votre mission sera délicate. Le triomphe de la révolution soviétique doit parfois emprunter des chemins détournés. Que pensez-vous du parti travailliste?
- Un ramassis d’eunuques colonel! Oh! Veuillez pardonner ma franchise.
- Bien au contraire. Je vous félicite pour votre spontanéité. Et Oswald Mosley? 
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- Un chef potentiel. Personnage à étudier de prêt.
- Justement, vous en aurez l’occasion. Vous avez l’ordre de noyauter le Labour et de le rendre favorable à nos thèses. Mais je vous recommande de vous tenir plus que jamais sur vos gardes.
- Je saisis colonel. Je devrai agir prudemment et avec lenteur, pas d’une manière trop directe.
- C’est tout à fait cela. Nous nous sommes compris. Votre couverture sera en béton. Un Américain expulsé des Etats-Unis pour opinions subversives. Un ex-journaliste actuellement au chômage…
Les sourcils froncés, les mains nerveuses se croisant et se décroisant sans cesse, le colonel Ramenev poursuivit ses explications, entrant dans les détails.
Très attentif, le capitaine Simonov enregistrait tout ce que disait son supérieur, ses moindres recommandations.

***************

Quelques heures plus tard, le même soir, dans son modeste appartement, le capitaine Sergueï Antonovitch Simonov faisait le point. Par instant, un léger sourire de satisfaction marquait son visage austère.
« Décidément, Stadull me protège toujours, dirait-on. Il est vrai que je me sers à bon escient de mes facultés télépathiques et qu’il est extrêmement facile de duper ces Homo Sovieticus! Par contre, je n’ai toujours pas identifié l’agent des Haäns. Or, je sens qu’il est dans les parages. S’il s’était muni d’un bouclier mental artificiel? Pour le moment, il n’a entamé aucune action pour me contrer. Je pense que lui non plus n’est pas parvenu à me localiser précisément. Néanmoins, je dois demeurer sur mes gardes ».
Sarton avait raison de se montrer prudent car au même instant, dans le bureau du colonel Ramenev, un certain Illya Radetzky d’origine russo-hongroise, recevrait des ordres qui auraient terni la satisfaction éprouvée par l’Hellados.
- Commandant Radetzky, ce que je vais vous dire doit rester secret. Sans nul doute, la mission que je vous confie va vous étonner. Or, si vous échouez, vous ne serez pas couvert par mes services.
- Colonel, je suis entièrement à vos ordres, répondit d’une voix sourde et profonde le russo-hongrois.
- Il y a quelques heures à peine, je recevais ici même le capitaine Simonov pour l’envoyer en Grande-Bretagne. Vous allez suivre discrètement cet homme durant son voyage et faire en sorte qu’il lui arrive un accident.
- C’est parfaitement clair, camarade colonel. Je me réjouis de recevoir de tels ordres.
En effet, le commandant Radetzky dissimulait fort mal une intense satisfaction. Ramenev en tant que supérieur d’Illya, se permit alors de l’interroger sur son antipathie évidente éprouvée à l’encontre du capitaine.
- Oui, colonel Ramenev, vous avez bien vu. Je hais ce Simonov. C’est un faux jeton. Je le connais et le surveille depuis longtemps. Il s’agit d’une vieille histoire qui remonte avant la révolution.
- Précisez donc, cher Illya…
- Nos chemins se sont souvent croisés depuis près de vingt ans. Simonov est un homme sans honneur qui est prêt à se ranger du côté du plus fort à la moindre occasion. Il ne professe aucun idéal si ce n’est celui du pouvoir. La preuve? Il s’est mis du côté du camarade Staline. 
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- Tandis que vous et moi avons choisi Boukharine.
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 Mais nous avons eu tort. C’est pour cela que vous devez agir le plus rapidement et le plus discrètement possible. De par nos positions, nous sommes à la merci d’une épuration.
- Ne craignez rien. Staline ne peut rien contre nous. Son article dans la Pravda montre qu’il est en train de faire machine arrière.
- Peut-être… mais ce Simonov doit être neutralisé. Il compte parmi ceux qui ont trahi le véritable idéal de la révolution. Avoir dénoncé Boukharine pour dérive droitière. Camarade commandant, je compte sur vous.
- Camarade colonel, je n’ai jamais failli. Je vaincrai!
Sur ces paroles clamées haut et fort d’où tout doute était absent, Illya Radetzky se retira afin de réfléchir quant à la meilleure façon d’éliminer le capitaine Sergueï Antonovitch Simonov.
Il n’est nul besoin de révéler que derrière la pelure du pseudo russo-hongrois se dissimulait en fait le baron Opalaan’Tsi qui traquait Sarton depuis plus de dix ans. Or, il possédait sur l’Hellados un avantage certain, celui d’avoir identifié son adversaire. Le Haän savait user de ruse et ne pas attaquer directement. Mais, las, trois fois las! Chaque fois qu’il croyait le tenir, le destin s’en mêlait et sa proie lui échappait par un retour du sort inexplicable. Pourtant, aujourd’hui, il semblait bien que la chance était en train de tourner. Il était temps.

***************

Deux jours venaient de s’écouler. Ils avaient été mis à profit différemment par le Haän et l’Hellados. Le commandant avait ainsi construit une bombe miniature et l’avait dotée d’un déclencheur. L’engin de mort était indétectable par la technologie rudimentaire de ce premier tiers du XX e siècle. Illya Radetzky comptait placer sa bombe dans le wagon même où devait prendre place son adversaire. En effet, grâce à son grade dans les services secrets, il lui avait été facile de connaître l’emplacement exact qu’occuperait Sarton dans le direct Moscou-Berlin. Tant pis si, avec lui, devaient périr d’autres personnes innocentes! Pour notre baron, elles n’étaient guère plus que des ombres déjà ensevelies sous la poussière des siècles. De plus, des humains, une espèce notoirement inférieure… alors, pourquoi éprouver le moindre scrupule?
De son côté, Sarton avait également agi; non seulement, il avait retenu une place dans l’express, mais il avait aussi télégraphié en Grande-Bretagne pour signaler son arrivée à Londres et d’y avoir un point de chute. Puis, il avait soigneusement mis au point sa couverture concernant sa seconde identité. Pour lui, tout semblait lui sourire; il allait pouvoir mettre un terme à l’existence de quelques personnes responsables à ses yeux du déclin de Terra.
Il était 22h30 dans le compartiment de première classe occupé par le seul capitaine Sergueï Antonovitch Simonov. Ce dernier s’apprêtait à goûter un peu de repos. Il commençait à somnoler, déjà à mi-chemin entre la veille et le sommeil. Ses perceptions sensorielles n’étaient donc plus aussi nettes. Néanmoins, les pensées enchevêtrées des autres voyageurs du train lui parvenaient dans une sorte de murmure confus un peu comme si un radio amateur s’amusait à passer d’une station émettrice à une autre.
Les êtres non télépathes ignoraient cette sensation étrange, ce ravissement quelque peu euphorique accompagné d’une sourde culpabilité à sonder malgré soi des créatures intelligentes et sensibles, à violer leurs pensées les plus intimes. Mais Sarton préférait agir ainsi, renonçant, par sécurité, à dresser ses boucliers mentaux, dans un réflexe salutaire engendré par sa situation paradoxale. De toute manière, ici, personne à sa connaissance était doté du don de télépathie.
Alors que, déjà, l’Hellados avait fermé les yeux et ne captait plus que des bribes de plus en plus incompréhensibles de pensées décousues, plongeant dans le sommeil, soudain, il reçut de plein fouet des schémas mentaux d’une violence infinie, schémas doublés d’un sentiment d’ignoble satisfaction.
Alors, Sarton sortit de sa léthargie et rouvrit brusquement les paupières. Son regard perçant laissait entrevoir sa colère dirigée à la fois contre lui-même et contre le Haän qu’il était enfin parvenu à localiser.
- Vraiment, je suis à fouetter. Se morigéna-t-il. L’envoyé Haän est dans le troisième wagon et il a piégé mon compartiment. La bombe doit exploser dans vingt secondes terriennes. Que puis-je faire dans un délai aussi bref? Ah! Non! Décidément cela m’apprendra à sous-estimer le peuple Haän. Je suis piégé. La porte est verrouillée. L’enfoncer. Trop tard. Une solution… ne paniquons pas…
Sarton se précipita vers la fenêtre du compartiment afin d’en abaisser la vitre. Las! Celle-ci avait été sabotée tout comme la porte.
- Tant pis! Se dit l’Hellados. Je n’ai plus le choix.
Il recula alors jusqu’au fond de l’étroit compartiment puis se jeta de toutes ses forces en avant, projetant ses pieds devant lui. Ainsi, il parvint à fracasser la glace de la fenêtre. L’inévitable s’en suivit.
Notre Hellados fut projeté à cent vingt kilomètres à l’heure dans la campagne ukrainienne, puis eut la chance de rouler dans un fossé avant de s’arrêter, tout contusionné et assommé, les vêtements en lambeaux à quelques dizaines de mètres de la voie ferrée. Un humain normalement constitué ne s’en serait pas sorti.
Juste à temps. Dans le lointain, une forte explosion retentissait tandis que le train, tanguant sous le choc, déraillait.
Opalaan’Tsi, pressé d’en finir avec son ennemi juré, avait négligé sa propre sécurité. Il avait été trop généreux avec la matière explosive de sa bombe. Le direct Moscou-Berlin n’arriverait jamais à destination.
La catastrophe ferroviaire fit quinze morts et cinquante-deux blessés. Parmi ces derniers, le commandant Illya Radetzky. Lorsqu’il reprit conscience, douze heures plus tard tout de même, dans un hôpital de Kiev, ce fut pour constater qu’il avait un bras cassé et un poumon perforé. Quant à Sarton, il avait disparu dans la nature. Nul ne savait ce qu’il était advenu du capitaine Simonov.
Tout était donc à refaire. À Moins que…

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 C’est avec quatre jours de retard que le commandant Illya Radetzky se présenta devant son supérieur au Guépéou, le colonel Ramenev. L’officier était furieux contre son subordonné. Il lui dit d’un ton peu amène les paroles suivantes, lourdes de menaces: 
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- Commandant, écoutez. Je me refuse à connaître vos excuses; pour moi, elles n’ont pas lieu d’être. Vous êtes un incapable. Dans cette affaire, vous avez merdé! Maintenant, à cause de votre impéritie, une enquête est ouverte par le service concurrent. Il lui sera facile de remonter jusqu’à vous et donc jusqu’à moi.
- Je vous assure, camarade colonel que j’avais pourtant pris toutes les mesures nécessaires et même au-delà! Se défendit maladroitement Radetzky. Toutes les issues étaient verrouillées. Les complicités achetées. Le capitaine ne pouvait donc logiquement pas réchapper à l’attentat. C’était impossible. J’ignore ce qui a pu l’alerter. Même le chef de train ne pouvait savoir que le wagon était piégé.
- Commandant Radetzky, je ne puis plus vous faire confiance. Vous savez pertinemment les raisons de cet échec et ne pouvez me les avouer. Reconnaissez-le. Si je suis parvenu jusqu’à ce poste, ce n’est pas par hasard. J’ai l’habitude des hommes. Alors?
Un silence gêné s’installa durant quelques minutes. En son for intérieur, le baron Opalaan’Tsi s’avouait que l’humain qui lui faisait face jugeait avec justesse la situation.
« Puis-je lui dire tout de go que l’être que je pourchasse depuis si longtemps est un extraterrestre télépathe qui a pour but la préservation de l’espèce humaine tandis que moi-même, représentant de la haute noblesse Haän poursuis un but diamétralement opposé? Ce colonel qu’est une créature inférieure, même pas digne d’être exécutée par un poignard de sang! Ah! Les ordres de mon souverain bien-aimé sont parfois durs à suivre ! ».
Enfin, le colonel Ramenev se décida à élever la voix tout en fixant celui qu’il appelait Illya Radetzky.
- Il est clair que ma personne doit être préservée. Je vous envoie donc loin d’ici, en Indochine auprès de N’Guyen Ai Quoc qui vient de fonder le parti communiste indochinois. Depuis l’échec de la révolte des tirailleurs de Yen Bai, en février dernier, la situation là-bas est délicate. Vous serez le conseiller d’Ai Quoc. Vous devez réussir… cela reste dans vos cordes. Vous connaissez bien l’Asie après tout. 
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- Mais pas cette région, camarade colonel, rétorqua Illya. J’étais en poste en Chine auprès de Tchang Kaï Tchek juste avant qu’il rompe l’accord avec le PC chinois de la manière que vous savez. Je n’ai réchappé au massacre que d’extrême justesse.
- Commandant, vous n’avez pas le choix. Je vous éloigne pour vous sauver la vie. Sachez que c’est une faveur de ma part.
- Colonel, j’en suis parfaitement conscient. Bien que cet ordre me contrarie, je vous obéirai à la lettre. Après tout, le capitaine Sergueï Antonovitch Simonov est sans doute en mauvaise posture.
- Ne vous occupez plus de lui et partez sur le champ pour Hanoi. De mon côté, je poursuis l’enquête pour savoir ce qu’est devenu ce capitaine.
- Oui, colonel.
Après un salut impeccable, Illya Radetzky prit congé de son supérieur. Son visage figé cachait parfaitement le tumulte de ses pensées.

***************

Qu’était-il donc advenu de Sarton? Pour répondre à cette question il nous faut revenir quelques minutes après le déraillement du direct Moscou-Berlin alors que le train gisait couché sur la voie. La locomotive laissait encore entendre son halètement fatigué d’asthmatique auquel se mêlaient les cris d’angoisse des survivants et les gémissements pathétiques des blessés. Le spectacle offert aux rares témoins du drame était tout à fait sinistre.
Les secours tardaient alors que le froid s’intensifiait. C’est à peine si quelques rougeoyantes lueurs éclairaient cette scène dantesque. Pourtant, le plus terrible se déroulait à trois cents mètres de là.
Au fond d’un fossé boueux, un corps reprenait vie dans la souffrance et les ténèbres. La peur taraudait le rescapé. Celle d’être reconnu comme un étranger, un monstre, un Alien. Sarton rouvrit enfin les yeux pour constater qu’au-dessus de lui, la nuit était sombre et le ciel sans étoiles. Un court instant, il parut désorienté. Puis, la mémoire lui revint brutalement et, avec elle, la douleur. Certes, l’Hellados était vivant, mais à quel prix! Deux côtes et un bras cassés, une longue estafilade à la joue gauche laissant goutter un sang couleur jaune soufré, et un violent mal de tête qui handicapait ses facultés télépathiques.
Pourtant, il lui fallait disparaître au plus vite. Recouvrant son sang-froid et enfouissant sa douleur au plus profond de lui, Sarton fouilla méthodiquement ses poches. Il parvint avec soulagement à mettre la main sur le témoin de rappel de son vaisseau personnel, un patrouilleur léger capable de se déplacer dans l’hyper espace à luminique 5. Alors, son index droit effleura les touches de la télécommande. Au bout de trente secondes, durée nécessaire au vaisseau pour se positionner, un éclair bleuté dématérialisa les atomes constituant le prospectiviste helladien pour les rassembler aussitôt au centre même de la cabine de repos. Notre Hellados était sauvé.

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Une semaine venait de s’écouler. Alors qu’Illya Radetzky empruntait un bimoteur qui le conduirait jusqu’à Hanoi, à Londres, au siège du parti travailliste, plus précisément dans le bureau privé de son leader Ramsay Mac Donald, le Premier ministre en exercice recevait l’envoyé du journal The Sentinel, le reporter Dick Simons, originaire de Los Angeles. L’entrevue s’avéra des plus cordiales. 
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Il n’est nul besoin d’évoquer une fois encore les talents spéciaux de Sarton pour expliquer comment il réussissait à susciter immédiatement la sympathie. En quelques minutes, l’Hellados obtint ce qu’il voulait: une place d’observateur privilégié au sein du Labour Party ainsi qu’un emploi rémunéré auprès du journal britannique The Guardian.
Désormais, il ne restait plus à notre extraterrestre qu’à entamer la traque du dénommé Thaddeus Von Kalmann. Notre scientifique connaissait sur le bout des doigts tous les déplacements de l’économiste autrichien et il attendait avec la plus grande impatience sa venue en Grande-Bretagne.
Mais Sarton agissait également ailleurs. Devenu l’ami d’Oswald Mosley, il le poussait inexorablement sur la voie du fascisme. Notre Hellados faisait flèche de tous bois et son but paraissait encore bien obscur. D’autant plus qu’à ses heures perdues, il était invité chez John Maynard Keynes. Naturellement, il l’influençait discrètement, le poussant à rédiger son ouvrage majeur, La théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie qui ne serait publié qu’en 1936. 
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La traque de l’ultralibéral Von Kalmann aboutit aux résultats que l’on sait. Grâce à un déviateur et à un amplificateur d’ondes cérébrales, ce fut un jeu d’enfant pour Sarton d’obtenir la plus parfaite docilité de tous les habitants d’un village, une docilité qui alla jusqu’à l’assassinat de l’Autrichien!
Lorsque ce fait s’accomplit, l’Hellados se trouvait à luminique 2 dans l’hyper espace, à l’abri de la modification temporelle qui aboutirait à la mise en place quasi instantanément d’un univers alternatif. Mais il n’en allait pas de même de son ennemi, le baron Opalaan’Tsi.

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Hanoi, janvier 1931.
Dans les larges avenues percées par le colonisateur, une foule colorée et bigarrée se pressait. Et parmi elle, se trouvait l’envoyé du Guépéou, Illya Radetzky, sous l’identité d’un respectable représentant d’import-export. Le ciel était d’un bleu limpide, la température des plus agréables. Pourtant, le baron Haän arborait une figure renfrognée aux traits tirés et aux yeux cernés enfoncés dans leurs orbites.
Depuis plus d’une semaine déjà, le pseudo Russo-hongrois était en proie à des périodes d’insomnie alternant avec des rêves angoissants. Opalaan sentait confusément qu’un danger le menaçait. Mais il était impuissant à l’identifier. Par instant, comme frappé d’amnésie, le Haän ne parvenait pas à rassembler ses idées. Dans ses moments de répit, il tentait d’analyser ce qui se passait.
C’est ainsi que, tout en marchant d’un pas rapide sur un trottoir bordé d’arbres, il se faisait les réflexions suivantes:
«  Allons. Que m’arrive-t-il donc? Je ne suis pourtant pas sujet aux angoisses de femmelettes! Qui pourrait s’en prendre à moi? Je suis bien plus fort et plus courageux que tous ces minus d’humains. Si l’un d’entre eux s’avisait de m’agresser, je l’enverrais aussitôt en vol plané et ce qui atterrirait ensuite serait à peine identifiable! Je me fais honte. Ne suis-je pas un guerrier qui a déjà vaincu en plus de cent combats singuliers des adversaires autrement plus redoutables que ces ridicules humains? À moins que la menace soit plus sournoise et émane de ce maudit Hellados. Avant de me rendre sur ce monde primitif, j’aurais dû me renseigner sur les conséquences engendrées par les manipulations temporelles. Ah! Le phénomène recommence. Tout devient flou autour de moi et je ne parviens plus à percevoir distinctement les sons alors qu’un vide m’envahit… ».
Subitement, le baron Opalaan’Tsi cessa de penser clairement. Sous les coups d’une douleur intense, il tomba à genoux sur le trottoir; son visage marqué et déformé par la souffrance grimaçait atrocement. Il avait l’impression d’étouffer, de manquer d’air alors que sa respiration se faisait de plus en plus difficile.
Bientôt, ce ne fut pas l’univers entier qui entourait le Haän qui s’estompa mais bien le corps d’Opalaan’Tsi qui quitta cette réalité pour se fondre dans le néant, sans même avoir eu le sentiment d’exister un court moment au sein d’un Pantransmultivers malmené.
La transition s’avéra plus délicate que prévu entre un temps alternatif parallèle qui se formait et l’ancien qui retournait dans les limbes. Pourtant, le passage s’effectua instantanément pour les humains de cette Terre du XX e siècle. Intervention d’une entité protectrice?
Personne sur la planète ne se rappellerait la présence d’un certain commandant Illya Radetzky, membre actif du Guépéou, pas même le colonel Ramenev et encore moins Staline. L’existence des familiers du Russo-hongrois reprenait son cours, tout naturellement, sans perturbation aucune, chacun étant dorénavant doté d’une mémoire différente.
   Le sort du baron Opalaan’Tsi fut moins enviable quoique… victime de la disparition de Thaddeus Von Kalmann, il réintégra sa planète natale brutalement, toujours identique apparemment mais changée subtilement en réalité.
Dans sa résidence privée, l’amiral Opalaand discutait âprement avec quelques intimes de la situation politique. Soudain, il sembla à tous que la réalité basculait et que la lumière du soleil faiblissait. Mais tout revint rapidement à la normale; le haut officier se retrouva désorienté quelques secondes. Il fit part de son malaise à ses amis qui lui avouèrent à leur tour avoir ressenti l’étrange phénomène. Puis la conversation reprit son cours.
- Il nous faut le reconnaître, soupirait le commandant Garktan. Le passé glorieux de Haäsucq ne reviendra pas! L’Empire ne se concrétisera jamais. Notre époque n’est que décadence. Les soldats de nos armées que des corrompus et des ambitieux.
- Hélas, fidèle compagnon, opina Opalaand, tu pourrais bien avoir raison. Mais il ne sert à rien de se lamenter comme des femmes. Nous sommes des guerriers et nous devons réagir comme des guerriers!
- Cette situation est intolérable, reprit le dénommé Garktan. L’Alliance des 1045 Planètes a su, elle, mettre à profit nos dissensions. A l’heure actuelle, Terra alliée à Hellas domine la Galaxie et toutes deux, unies comme jamais, se sont lancées dans l’exploration de M33... Avec le succès que l’on sait.
- C’est tout à fait exact! Quelle humiliation pour notre peuple dont la civilisation est bien plus ancienne que celle de ces pâles et efféminés d’humains! Nous nous trouvons réduits à ne gouverner que quatre misérables systèmes solaires dont seulement cinq planètes abritant la vie! Pitoyable! S’exclama Ostraahan, un Haän autrefois commandant la flotte de Tsanu XIV.
- Ne perdons pas espoir, rassura Opalaand. Les dernières rumeurs en provenance du palais sont encourageantes.
- Comment cela cher ami? Sois plus clair.
- Nous pensons tous avec justesse que le regain de notre grandeur passe par la force et la puissance guerrière.
- C’est plus qu’évident. Mais comment agrandir notre flotte dans la conjoncture actuelle? Nous manquons de devises et de minerais précieux.
- La solution est pourtant différente. Nos scientifiques y travaillent… ils seraient près d’aboutir.
- Tu veux plaisanter sans doute, ricana Garktan.
- Écoutez-moi donc au lieu de vous moquer, bande de pleutres! Hurla Opalaand, rendu furieux devant la sottise de ses compagnons. Nos scientifiques se sont penchés sur le problème. Ils ont mis en chantier le projet Kalkan sous la houlette d’un expatrié.
- Le projet Kalkan… en langage sacré Kalkan veut dire Temps…
- C’est cela.
- Précise où tu veux en venir, Opalaand, s’impatienta Ostraahan.
- Je résume ce que je sais. Le projet Kalkan est à la fois audacieux et ambitieux. Il consiste à modifier la structure du passé de la galaxie en notre faveur.
- Impossible! Contra Garktan. Cela exigerait de nous de connaître la totalité des actions et des interactions de tous les êtres de la galaxie depuis la nuit des temps. À supposer que cet obstacle soit franchi, il resterait à situer exactement le point nodal sur lequel il nous faudrait agir. Une telle recherche prendrait des milliers d’années.
- Tes objections auraient été valables, Garktan, si une aide extérieure ne s’était pas manifestée.
- Une aide extérieure… sommes-nous donc descendus si bas qu’il nous faut perdre notre indépendance?
- Tais-toi Ostraahan! Nous n’avons pas le choix. Un certain Penta p, de l’Univers décadimensionnels est entré en contact avec l’Empereur Tsanu XV et avec le chercheur Zoël Amsq. Il s’est proposé de nous aider à mettre fin à l’hégémonie de l’Alliance des 1045 Planètes.
- Pourquoi tant de sollicitude pour notre sort?
- Penta p a reconnu que l’Alliance le gênait, empêchait son Univers de prospérer. Un accord a donc été signé. Il sera valable durant cinq cents ans et… surtout renouvelable…
- Un accord signé avec le Diable, dirait-on… qu’adviendra-t-il de notre monde si nous modifions le passé?
- Garktan, les Haäns retrouveront tout simplement la gloire, la puissance et la grandeur qui leur sont dues. 
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L’amiral Opalaand se réjouissait. Il n’avait pas tout dévoilé à ses amis. Les scientifiques avaient identifié l’être qui, à leurs yeux, était responsable du déclin de l’Empire Haän. Un dénommé Sarton, prospectiviste et diplomate, originaire de la planète Hellas et vivant au XXIIIe siècle, était intervenu dans le passé de Terra. Ses actions avaient pour résultat la naissance de l’Alliance des 1045 Planètes. L’Hellados s’était contenté d’empêcher une théorie économique de prendre son essor et de triompher dans les siècles futurs de la Terre. Malgré lui Opalaand admirait cette réussite. 
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Ces données tronquées laissaient croire à Opalaand qu’il lui suffirait d’agir seulement sur le paramètre économique pour remettre en place le temps réel, celui où, bien évidemment l’Empire Haän dominait la Galaxie. Comme nous le savons déjà, il manquait les actions de Sarton auprès d’Albert Einstein. Éliminer Thaddeus Von Kalmann était insuffisant pour bouleverser à ce point le cours de l’histoire terrestre.
Opalaand avait également omis de dire à ses amis qu’il avait été choisi par l’Empereur en personne pour se rendre sur Terra et contrecarrer les agissements de l’Hellados. L’amiral était persuadé que sa tâche assez simple consistait à tuer Keynes. Il se trompait lourdement comme il s’en rendrait compte bientôt.

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