samedi 25 avril 2020

Un goût d'éternité 4e partie : Franz : 1942 (3).


A Berlin,
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 dans un appartement autrefois cossu, dans lequel les Von Hauerstadt venaient d’emménager – leurs biens immobiliers venaient en effet d’être saisis par le Reich – Amélie lisait et relisait la dernière missive envoyée par son aîné. Sur la tablette de la cheminée, il y avait également d’autres lettres dont deux émanant de Peter. Le jeune homme s’y épanchait longuement, racontant les brimades subies au sein de son bataillon. Mais il disait y faire front avec courage. De toute manière, il n’avait pas le choix, n’est-ce pas ?
Madame la duchesse se demandait comment soulager les angoisses de son cadet, oui, certes, mais son esprit était surtout tourmenté par ce qui pouvait survenir à son cher Franz, son François. Karl, en pyjama, s’en vint s’allonger auprès d’elle.
- Que lisez-vous donc ? Grinça le duc.
- Des lettres, mon ami, reçues avant-hier… elles ont mis un certain temps à me parvenir à cause du changement d’adresse.
- Ah ? Qui vous a écrit ?
- Peter et…
- Et ce foutu écervelé, je suppose. Moi, il y a longtemps que je déchire ses lettres… je n’en ai rien à faire de recevoir des nouvelles de cet… emmerdeur ! Il peut s’étendre durant des pages et des pages sur sa soi-disant piété filiale, sur son respect, je n’y crois pas une seconde…
- Karl, après tout ce temps, vous ne lui avez pas encore pardonné ?
- Non ! Jamais je ne le ferai.
- Mais Franz a fait les premiers pas… il a reconnu ses erreurs.
- Baliverne ! Hypocrisie !
- Je vous assure que vous vous vous trompez… il a été muté là-bas, sur le front russe par… représailles…
- Un mensonge ! Peter, lui aussi, se trouve en Russie… Songez-vous à lui ? 
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- Toujours, mon ami…
- Mais vous vous tourmentez pour l’autre, ce morveux, ce fumier… cet assassin…
- Karl, faites preuve de davantage de psychologie… Franz a changé. Toutes ses lettres le démontrent.
- Franz par ci, Franz par là… vous m’agacez… je ne veux plus vous entendre parler de lui… vous entendez ? Plus jamais ! Hurla Karl avec une colère telle que son épouse s’inquiéta.
- Oui, Mon chéri… Je vais vous donner votre pilule…
- Bien… Et jetez-moi cette lettre…
- Karl, je ne peux pas…
- C’est ce que l’on va voir !
Rudement le duc s’empara des quelques feuilles qu’Amélie tenait entre ses mains, les froissa et les déchira avant de les jeter dans la poubelle qui se trouvait sous la petite table de chevet. Puis, s’adressant à son épouse qui essayait de faire bonne figure, il lui dit d’un ton sans répliques :
- Désormais, lorsque vous recevrez du courrier, vous me le montrerez d’abord avant de le lire…
- Euh…
- Vous refusez ?
- Je… c’est un abus d’autorité, Karl.
- Exactement !
Puis, le duc se retourna et prenant un livre sur sa tablette de chevet, entreprit de le lire, ignorant sa femme.

*****
Cité souterraine de l’Agartha. Plateau de tournage numéro 6. Les comédiens Marthe Keller et Claude Rich
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 faisaient une pause amplement méritée. La scène précédente avait été difficile à plus d’un titre. En effet, tous, qu’ils fussent acteurs, techniciens, scriptes ou réalisateurs, avaient franchement l’esprit ailleurs que de mettre en boite le feuilleton pourtant suivi par tous les résidents. Personne ne savait ce qu’il était advenu de l’équipe en expédition à l’extérieur de la Cité. Plus aucune nouvelle de Daisy Belle. Birgit,
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 dont le dernier message avait été des plus laconiques, semblait, elle aussi, en danger. Mais, bon sang, sacré nom d’une pipe ! Que se passait-il donc dans le Temps extérieur ? La preuve que tout allait mal ? le Superviseur lui-même avait été obligé de s’absenter afin de remonter la piste de la délicieuse et chaleureuse Daisy Belle. 
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- A-t-on enfin des nouvelles ? S’enquit Marthe tandis qu’elle ôtait sa perruque.
- Non… Rien de neuf depuis hier matin, lui répondit le cinéaste Henri Verneuil.
- Ce silence commence à être usant, lança Claude, appuyant sa pensée d’une moue significative.
- Est-ce que quelqu’un, ici, sait pourquoi Birgit et Daisy Belle ont dû ainsi s’absenter de la Cité ? Demanda Veronika qui faisait office de maquilleuse.
- Pour obtenir des infos fiables, reprit Claude, il faudrait poser la question à Spénéloss. Mais je doute qu’il y réponde.
- Les Helladoï sont si réservés, si discrets. Des tombes, émit Brelan qui vérifiait la tenue de la robe de Marthe.
- Vous, Louise, aussi, ironisa Henri.
- Comment cela ? Qu’est-ce que vous voulez sous-entendre ? S’offusqua la muse de Gaston.
- Je veux dire que vous devez en savoir plus que nous tous ici, voilà, jeta Henri.
- Je sais simplement que Daisy Belle et ses amis avaient reçu une mission importante concernant sans doute la sécurité de notre Cité. Pas davantage… et, à supposer que je fusse dans le secret des dieux, je ne pourrais en révéler plus.
- Qu’est-ce que j’avançais ? Ricana le cinéaste.
- En attendant, nous sommes bien obligés de tourner d’autres scènes où Daisy Belle n’apparaît pas, constata Marthe.
- Tant que notre quota est dans la boite, nous ne prenons aucun retard.
- C’est tout à fait vrai, opina Claude. J’ai vu le planning, du moins le planning modifié. Nous avons même un peu d’avance sur les prévisions. Alors, pourquoi se faire du souci ? A ce que j’ai cru comprendre, lorsque le commandant Wu part à la rescousse, il n’y a pas de casse, non ?
- Vous voulez tous nous rassurer, souffla Louise de Frontignac. Mais c’est plutôt raté malgré mon expérience passée car, mon ami, je sens votre inquiétude…
- Oui… Vous avez déjà participé à des missions extérieures, vous, murmura Marthe.
- Beaucoup d’entre elles se sont avérées être presque des échecs, proféra Veronika… oh ! Mais c’est ce que m’a dit Denis… ne vous fâchez donc pas, Louise…
- Je ne suis nullement fâchée. Cependant, je dois admettre que vous avez raison… en partie.
- Nous discutons dans le vide, conclut Claude. Cessons de nous ronger les sangs. Les choses vont s’arranger…
- L’avenir nous le dira…
Sur ces dernières paroles, tout disparut… pour se réaccorder, se rerouter… puis, comme si rien de tout ce qui précèdait n’avait jamais eu lieu, les personnages, les acteurs reprirent leurs marques et une nouvelle séquence s’amorça.
Dan El était intervenu et avait remis les pendules à l’heure. Daisy Belle avait été retrouvée, récupérée saine et sauve et l’affaire sous la Guerre froide réglée.

*****

Les moments de détente étaient plus que rares sur le front de l’Est. Une énorme pression pesait sur les épaules des troupes allemandes. Pour Hitler, il fallait absolument que la ville de Stalingrad tombât.
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 Son nom était tout un symbole. Si cela arrivait, cette chute signifierait la supériorité définitive du peuple aryen sur ces serviles slaves. De plus, la route des puits de pétrole, de Bakou et de tout le reste serait désormais ouverte aux armées hitlériennes.
Pour l’heure, la Wehrmacht menait le siège de la ville avec une résolution et une dureté sans précédent. Elle réussit à pénétrer dans les faubourgs de l’agglomération pour y être toutefois bientôt assiégée à son tour. En effet, des troupes fraîches soviétiques étaient venues en renfort délivrer la ville.
Pour appuyer l’armée régulière allemande, il y avait les corps de la SS. Or, c’était une sorte de compétition entre qui commettrait le plus d’atrocités. La haine exacerbait les crimes, les horreurs et on ne comptabilisait plus les cadavres parmi les soldats et les civils, quel que fût le camp.
Les combats, rudes, au-delà de l’entendement au niveau de l’acharnement, de la cruauté, auraient pu remplir des livres et des livres entiers. A croire que jamais l’humanité n’avait atteint un tel degré dans l’horreur. Les films gore de la fin du XXe siècle n’étaient qu’un pâle reflet avec ce qui se déroulait ici. Ils manquaient d’imagination.
Bienvenue en enfer, donc…
Les cadavres s’accumulaient, tous plus mutilés les uns que les autres. Hommes, femmes, enfants, civils, soldats réguliers, partisans, milices, la Grande Faucheuse ne faisait pas de différence. Ici, la Mort régnait en maître. Ici, elle était libre d’aller et venir sans que quiconque s’en offusquât. Ici, toute pitié était abolie aussi bien que la raison. 
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A la guerre brutale, sauvage, inhumaine, se rajoutait une véritable lutte idéologique. Massacres, fusillades, tortures, éventrations, dépeçages, mutilations, énucléations, démembrements, enterrements des victimes encore vivantes, expositions au froid, aux loups, aux charognards, aux corbeaux et aux corneilles, aux rongeurs… des corps à demi morts, à demi conscients…
Sans état d’âme, les officiers de la Wehrmacht s’étaient transformés en bourreaux, en chefs d’orchestre des massacreurs… qui gagnerait la palme dans cette course à la monstruosité ? L’armée régulière, la SS, l’Armée rouge, les partisans ?
Destructions systématiques des villages et de leurs populations s’enchaînaient comme la sombre noria charriant non de l’eau mais du sang. Comme des convois tractant des corps blancs, des corps massacrés, mutilés, des troncs, des membres, des têtes aux rictus terribles, en une ronde qui jamais ne devait s’achever. 
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Les maisons pillées et encore pillées, saccagées, brûlées, les terres rendues incultes, vouées à l’accueil des charognards, les ponts détruits, les routes transformées en rivières de la désolation, sous un ciel d’un gris laiteux, devenu le couvercle de la prison de ces damnés, condamnés aux pires souffrances, en l’absence d’une divinité empathique. Têtes fracassées à coups de crosses, organes exposés à tous les vents, égorgements, émasculations, seins coupés, yeux crevés, doigts arrachés, bébés ayant encore le cordon ombilical jetés aux ordures, tombes profanées, croix renversées, cercueils balancés dans les fossés… oui, ici, on faisait même la guerre aux morts ! 
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Plus aucun respect pour quoi que ce soit, pour qui que ce soit.
Par grappes, les pendus oscillaient sous les rafales d’un vent aigre chargé de neige, répandant leurs effluves putrides sur des centaines de mètres. Voilà ce qu’était devenue cette région, un charnier, un immense charnier à ciel ouvert, où l’odeur du sang tourné, du sang froid, vous saisissait à la gorge, où vos yeux ne savaient plus où se poser afin d’échapper à ces tableaux dignes de l’Apocalypse, où le spectacle de la mort se faisait applaudir, où chacun devait faire preuve d’inventivité dans la façon d’exterminer l’ennemi. Les plus chanceux de ces promis à Thanatos n’étaient que fusillés. Dans l’autre camp, le bon camp, les soldats de la Wehrmacht étaient voués à une lente agonie, abandonnés nus et blessés sur la neige glacée. Mais les Russes capturés n’étaient pas mieux lotis. Ils étaient pendus par les pieds et exposés toute la nuit par des températures frisant les – 20°C, leurs plaies suppurantes recouvertes de sel. 
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-Une guerre de l’âge des cavernes… oui… une guerre où seule la sauvagerie a droit de cité, marmonnait Franz le cœur au bord des lèvres, à bout de tout… 
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En lui, la conscience hurlait, la raison chavirait. Devant les massacres ordonnés par le Sturbannführer Zimmermann, le commandant von Hauerstadt, oubliant toute retenue, décida de lui cracher au visage ce qu’il pensait de cette foutue, de cette putain de sale guerre.
Alors, les yeux rouges, les mains raides, le jeune homme alla trouver cet assassin, ne voulant pas voir que la Wehrmacht était tout autant responsable de ces crimes que la SS. Sur la plaine glacée, sous un ciel où les différents tons de gris devenaient ténèbres, le commandant et le lieutenant-colonel se lancèrent les quatre vérités à la figure, l’un risquant le peloton, l’autre étant à deux doigts d’être descendu par le bouillant comte.
- Oberststurmbannführer, nous ne sommes pas payés comme de vulgaires malfrats, des gangsters sans conscience pour assassiner ! Nous ne faisons pas la guerre aux enfants que je sache… pourquoi tous ces petits corps entassés sous les pelleteuses ? Pourquoi tous ces bébés massacrés ?
Cette scène se déroulait à l’arrière du front, à seulement dix kilomètres des combats en train de se dérouler ce matin-là, dans un bureau de fortune, quartier général de Gustav Zimmermann, dans un ancien immeuble en briques, dont aujourd’hui le toit crevé laissait deviner le ciel lourd, le ciel pesant et puant. Tous les étages supérieurs du bâtiment s’étaient effondrés. Au sol, des ballots, des gravats, des mitrailleuses, des cartouches de munitions, sur la table bancale, des carnets noirs, un crayon et une lampe à pétrole éteinte.
Dehors, on entendait le tonnerre des canons crachant leurs obus mais aussi le croassement des corbeaux à proximité, un chant macabre qui ne s’arrêtait jamais.
- Ah ! Mais… de quel droit me faites-vous pareilles remarques, commandant ? Quelle mouche vous pique, jeune blanc-bec ? Vous semblez oublier à qui vous parlez, von Hauerstadt. Excusez-vous au plus vite, sinon je vous fais fusiller.
- Osez si vous en avez dans le ventre…
- Un commandant de la Wehrmacht avec un nom qui se décroche, un uniforme impeccable et qui refuse de se salir les mains ? Mais de quel livre d’images sortez-vous ? La guerre vous rend malade, la mort vous fait vomir…
- La guerre telle que vous la faites, telle que nos hommes la font, oui ! J’ai honte… honte pour notre armée, honte pour notre drapeau…
- Tss. Tss. Mais nos soldats éventrés, retrouvés morts, mutilés, enterrés nus dans la neige ? Il nous faut répliquer… Montrer à ces ordures que nous n’avons peur de rien… que nous n’avons aucune leçon de courage à recevoir. Ces terroristes veulent nous voir faiblir, reculer ? Eh bien, ce sont eux qui vont se casser les dents.
- Œil pour œil, dent pour dent ?
- Inutile de me sortir l’Ancien Testament, commandant ! Je ne suis pas croyant.
- Bien sûr… ou du moins votre religion, je la connais, jeta Franz sur le ton le plus sarcastique qui fût. Mais qui a commencé ? Ces civils, ces vieillards, ces enfants innocents, ces femmes violées, les seins coupés, ces hommes aux lèvres tailladées et aux bouches pleines de terre ou de… Non, je ne peux pas le dire… c’est trop ignoble…
- Quoi ? Vous ne pouvez pas dire organes génitaux ? Cela vous choque ? Quel sang coule donc dans vos veines, monsieur le demi-Français ? Du sang de navet… de l’eau claire… sans nul doute…
- Vous voulez voir mes blessures, colonel ? Mon dos ? Mais vous ? Où sont vos cicatrices ? Ah ! Vous n’avez rien à m’objecter tout à coup. Je vous coupe le sifflet, là !
- Quel ton !
- Je vous parle sur le ton que vous méritez. C’est nous qui sommes les envahisseurs, c’est nous qui sommes les premiers coupables. A trois kilomètres de votre bureau, ce matin, j’ai vu des fossés emplis de cadavres à demi rongés par les vers ou les rats, je ne sais.
- Oui, et alors ?
- Des Juifs, s’est-on contenté de me répondre alors que je m’inquiétais de la quantité invraisemblable de corps. Ce sont vos hordes criminelles n’est-ce pas qui ont abattu autant de besogne ? Sur l’ordre de Himmler ?
- Dois-je vous vous supporter longtemps encore ?
- Ah ! Vous en avez assez… dans ce cas, qu’attendez-vous pour me jeter aux loups ? Enfin, entre les mains de vos séides… Vous n’osez pas, vous tremblez… pourquoi ? Parce que j’ai sorti mon arme ? Vous vous dévoilez, colonel. Mais rassurez-vous. Je n’irai pas jusqu’à vous descendre, vous tirer dessus comme si vous étiez une bête malfaisante… bien que l’envie m’en tenaille…   
- Pourquoi ? La crainte du peloton ?
- Non ! Je ne veux pas m’abaisser à votre niveau d’ignominie, voilà tout. Je ne me suis pas engagé dans l’armée pour couvrir vos exactions, je n’ai pas signé pour me métamorphoser en assassin ou en bourreau, colonel. C’est en cela que nous sommes différents, du moins, je l’espère…
- Vous y viendrez, Hauerstadt, vous y viendrez… vous n’en avez pas encore assez vu… mais vous deviendrez comme nous tous ici, lorsque la coupe sera trop pleine…
- Jamais ! Au fait, hier, où étiez-vous alors que notre armée se battait, alors que j’étais avec mes hommes en train d’affronter l’ennemi ? Bien à l’abri, ici, en train de programmer quelque futur massacre… c’est évident… protégé par mille de vos hommes, savourant un verre de cognac et un bon cigare…
- Espèce de petit morveux donneur de leçon ! Commandant, il faut bien que quelqu’un fasse cette besogne de police ! Hauerstadt, j’ai déjà signalé votre tiédeur à qui de droit à Berlin, votre peu d’enthousiasme pour l’œuvre gigantesque que mène notre Führer.
- Qu’est-ce que cela peut me faire ? Vous me menacez ? Vous croyez que je vais revenir à de meilleurs sentiments ? Allez vous faire foutre ! Votre place est en enfer. Mais Satan lui-même est trop dégoûté à l’idée de vous y accueillir. C’est pour cela que vous êtes toujours en vie… Ah ! Mais non ! Suis-je sot… C’est à votre lâcheté que vous devez d’être encore de ce monde.
- Hauerstadt, vous dépassez les bornes… mais je veux essayer de comprendre… la fatigue, la dureté des combats d’hier… autrefois, il y a peu, vous étiez un bon soldat, un excellent officier, bien noté, décoré de la croix de fer… félicité, reçu par le Führer… que s’est-il passé ?
- Je me suis réveillé…
- Moi, je dirais que vous frère Peter a déteint sur vous… le sang pollué de votre mère a fini par prendre le dessus…
- Je ne vous permets pas d’insulter ma mère…
- Une Française, issue donc d’une nation de dégénérés…
- Zimmermann !
-  Hum… disons que les mots ont dépassé ma pensée…
- Ah oui ? Plutôt parce que je tiens toujours mon Mauser… Vous avez la frousse…
- Mais votre père dans tout cela ? Que devient-il ? Que pense-t-il de ses deux fils ? N’a-t-il pas honte de les voir se comporter comme de mauvais Allemands ?
- Le duc von Hauerstadt déteste la violence, toute forme de violence…
- Depuis quand ? S’il m’en souvient, il y a eu des von Hauerstadt sous les Croisades ? Ils s’y sont particulièrement illustrés d’ailleurs… C’est là qu’ils ont été anoblis.
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- Je n’ai rien à dire sur ce point…
- Evidemment, commandant. Mais pour en revenir au sujet principal, ma mission est une mission de salubrité publique, peu agréable, peu gratifiante mais nécessaire. Alors, un dernier conseil. Ne revenez plus me donner la leçon, car…
- Car ?
- La prochaine fois, je vous envoie dans le fossé en face…Sans procès aucun. J’ai carte blanche du haut état-major. Compris ?
- Vous vous défilez… avec art, je le reconnais, mais vous vous défilez malgré tout. Oh ! Une dernière chose… un détail… vos galons ? Où les avez-vous gagnés ? A l’arrière, comme d’habitude ? Vos fesses confortablement assises sur une chaise en bois ou en velours, en train de comptabiliser vos meurtres ?
- Petit fumier de comte !
- Moi, je m’en retourne combattre, risquer ma peau pour le Grand Reich… je ne vous dis pas Heil Hitler, puisque vous savez pertinemment que je n’en pense pas un mot !
Franz quitta Zimmermann sidéré, claquant la porte derrière lui. Tout en marchant d’un pas vif, il murmura en français :
- Sale ordure ! Va brûler en enfer avec ton idole !

*****

23 Octobre 1942.
A El Alamein, Rommel était battu par le général britannique Montgomery.
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 Quelques semaines plus tard, le 8 novembre plus précisément, débutait l’opération Torch en Afrique du Nord. Puis, entre les 18 et 19 novembre, sur un autre champ de bataille, la contre-offensive d’hiver des Russes était déclenchée.
Pris sous un déluge de fer et de feu sans précédent, les Allemands ne parvinrent pas à faire face à celle-ci. Rue par rue, immeuble par immeuble, sous une averse continue de bombes et d’obus, de rudes combats eurent lieu tandis que ça tirait de partout, au son de la canonnade, de la mitraille, des bazookas, des orgues de Staline, sous un ciel bas et empli de fumée.
Lentement mais sûrement, les armées de Hitler étaient repoussées, bientôt encerclées par de nouveaux renforts russes.
Stalingrad sous le feu nourri des bouches d’acier de centaines de milliers d’hommes, sous la neige et sous la cendre, dans le froid et dans le vent, odeurs pestilentielles charriées par vagues, cris et hurlements, blessés laissés pour morts, injures et insultes à Dieu, lâcheté et courage, atrocités et abnégation, ruines où la grande maîtresse de toute chose, Madame la Mort se tenait en embuscade, où les toits des maisons dissimulaient l’ennemi tapi derrière une cheminée, où les souterrains eux-mêmes pouvaient être meurtriers.
Des corps meurtris, abandonnés, des cadavres violacés, défigurés tandis que même les corbeaux avaient déserté cet enfer. Entonnoir antichambre de l’horreur.
Plusieurs hommes appartenant à la compagnie du commandant von Hauerstadt étaient prisonniers sous les décombres d’une maison bombardée dont les ruines branlantes menaçaient de s’écrouler. Parmi ces soldats, il y avait le lieutenant Hermann Schiess. Alors que ça canardait de partout, qu’un tir nourri des Soviétiques barrait tout accès à ce bâtiment, que les snipers se tenaient dissimulés qui, à ce qui restait d’une fenêtre, qui, derrière un pan de mur, qui, dans un creux, Franz, au mépris du danger, plus téméraire que jamais, se faufila et rampa jusque vers ses frères d’armes alors que le lugubre et caractéristique chant des balles s’en venait siffler à ses oreilles. 
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Bien qu’il reçût un éclat de shrapnel dans le dos, le jeune officier, ignorant délibérément la douleur qui le lancinait, parvint, en dépit du feu qui ne cessait pas, à arracher du piège mortel quinze des soldats survivants de son régiment. Par les caves en enfilade, portant sur ses épaules Hermann inconscient, salement sonné, montrant le chemin au petit groupe aux yeux hallucinés, il ressortit vivant de la nasse. L’uniforme souillé de plâtre et de sang, le casque ou la casquette laissé sur le champ de bataille, les seize Allemands s’enfuirent ensuite par une ruelle pourtant sous la mitraille continue des Russes. Jouant de bonheur, ils rejoignirent d’autres soldats hitlériens et malgré le feu qui ne voulait pas marquer une pause, se tarir, tous ou presque se retrouvèrent à l’extérieur de la ville assiégée mais aussi, hors de portée des troupes ennemies.
Le commandant von Hauerstadt, auteur de cet authentique exploit avait désormais à son actif le sauvetage de quarante-deux hommes. Cependant, une dizaine de cadavres allemands marquait le cheminement sanglant, assassin, vers les faubourgs de Stalingrad.
Ensuite, ces soldats en déroute, mais conduits par un chef d’exception, à la suite de plusieurs jours de chassés-poursuite à travers la plaine enneigée, sous la bise glaciale, haves, grelottant de froid, dans la brume hallucinatoire engendrée par la soif et la faim, manquant d’armes et de munitions, ne dormant que d’un œil - lorsqu’ils y parvenaient, au risque de ne pouvoir se réveiller au petit matin - atteignirent un village encore aux mains des troupes hitlériennes.
Les Allemands espéraient une éventuelle contre-offensive, de nouveaux ordres du Führer avec, bien sûr, des troupes fraîches. Or, le dictateur était dans l’impossibilité de fournir tout cela. Franz, quant à lui, ne se faisait aucune illusion. Hitler avait bel et bien et perdu Stalingrad et perdu l’URSS.

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samedi 11 avril 2020

Un goût d'éternité 4e partie : Franz : 1942 (2).


Egypte. 30 Juin 1942.
Les troupes de Erwin Rommel n’étaient plus qu’à soixante kilomètres du port d’Alexandrie,
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 point stratégique majeur pour les Anglais. Si Alexandrie tombait, le Canal de Suez également. Alors, l’Empire des Indes, encerclé, pris en tenaille, non approvisionné, chuterait aussi.  Mais, trop éloignées de leur base arrière, faute d’essence, elles furent contraintes de s’arrêter.
L’autochenille de Franz von Hauerstadt connaissait le même sort. A bout de nerfs, le jeune capitaine déchargea sa colère sur ses hommes.
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- Gott Himmel ! Tous ceux que j’ai sous mes ordres sont des incapables. Vous le premier, Helmut ! vous ne pouviez pas prévoir un ou deux bidons d’essence supplémentaires ? C’était trop vous demander sans doute ! Décidément, le Haut Commandement se moque de nous. Il ne se préoccupe que du front de l’Est. Seul celui-ci compte à ses yeux. Mais il a raison. Oui… dans cette armée d’Afrique, à part le général Rommel, il n’y a que des imbéciles. 
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- Euh… Herr Hauptmann, se défendit le dénommé Helmut, vous ne m’aviez pas ordonné de prendre des bidons en plus.
- Mais cela n’excuse en rien votre stupidité ! Anticiper, prévoir, cela dépasse vos compétences. De plus, vous n’avez pas songé à contrôler la jauge d’essence. A croire que vous ne savez pas lire un compteur.
- Herr Hauptmann, j’étais trop occupé à conduire et à éviter de sortir de la piste.
- Helmut, vous êtes le plus idiot de tout ce ramassis d’imbéciles que j’ai sous mon commandement. En fait, tout aussi bête et inconscient que le Haut état-major qui nous a distribué ce mauvais matériel et ce peu de munitions.
- Ja, Herr Hauptmann, opina le chauffeur du capitaine von Hauerstadt.
- Ach ! Vous me tapez sur les nerfs avec vos oui ou vos non. L’OKW
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 nous méprise. Nous ne sommes qu’un front secondaire. Quant au Führer, il s’entête contre l’URSS. Il poursuit son rêve et nous oublie. Il ne voit que son mirage à l’Est. S’il continue, il se retrouvera dans la peau de Napoléon…
- Herr Hauptmann, grommela Helmut, vous ne savez pas ce que vous dites. Notre Führer ne se trompe jamais.
- C’est ce que vous croyez ? Que le Führer est à la fois omniscient et omnipotent ? Qu’il voit l’avenir ?  Je préfère en rire ! Mais revenons aux Anglais… pendant que nous sommes contraints à stopper en plein désert, eux, ils ont refait leur retard sur nous. Ils peuvent donc nous chasser d’Egypte aujourd’hui, de Libye demain et d’Afrique du Nord après-demain, nicht ist es…
- Mon capitaine, vous parlez bien mal de notre Führer bien aimé. De nos supérieurs. Vos propos sont plus que tendancieux…
- Helmut, votre esprit est passé dans une lessiveuse. Comme celui de tous nos compatriotes d’ailleurs. Vous me reprochez de faire preuve de lucidité. J’en ai assez de ce groupe de minables. Je vais demander une mutation. Je ne supporte plus de servir dans une armée de laissés pour compte.
- Herr Hauptmann, je ne vous comprends plus… tous vos faits d’armes, vos décorations… est-ce la fatigue qui vous fait parler ainsi ?
-Non, Helmut… ah… mais voici une voiture qui nous rattrape. Arrêtez, sergent Grass.
- Ja Herr Hauptmann ?
- Je crois que je vais profiter de votre véhicule… le mien est en panne d’essence.
- Gern, Herr Hauptmann, fit le sergent avec joie.
- Désolé, Helmut. Je poursuis ma route. Débrouillez-vous…
Le dénommé Helmut ne put qu’acquiescer tandis que Franz grimpait sans remords dans l’auto du sergent Grass laissant là son chauffer et le reste de ses hommes tenter de rejoindre à pieds le nouveau campement de l’armée allemande. Le sous-lieutenant qui se tenait à la droite du sous-officier fut contraint de céder sa place au capitaine. Il allait bien vite apprendre l’esclandre qu’avait causé von Hauerstadt.
- Alors, sergent, je vous vois la mine plus réjouie que jamais. Pourquoi donc ? Demandait Franz pendant ce temps.
- Euh… mon capitaine… j’ai reçu une nouvelle affectation…
- Sur le front russe ? S’inquiéta le jeune homme.
- Nein ! Im Frankreich… en Normandie… près de Caen.
- Mais c’est merveilleux… du moins pour vous…
- Oui…. Je suis récompensé pour mes services en Pologne, en France en 40 mais aussi pour ceux d’ici.
- Vous allez pouvoir profiter de l’hospitalité française.
- Euh… si ce n’était pas trop vous demander…
- Dites donc, sergent…
- Vous pourriez m’apprendre quelques mots de vocabulaire… bonjour, bonsoir, comment allez-vous… mademoiselle, madame, monsieur… et ainsi de suite…
- Ma foi, pourquoi pas ? Sourit Franz. Soyez attentif, sergent. Ecoutez-bien et retenez…
Tandis que le jeune homme donnait ainsi sa première leçon de français à Otto Grass, il savait qu’il s’était montré de la plus grande imprudence quelques minutes plus tôt.
- Hum, murmurait-il pour lui-même. Mes propos vont être rapportés à qui de droit, c’est sûr. Je ne vais pas tarder à me retrouver sur le front de l’Est… mais, c’est ce que je voulais au fond de moi…
Le 1er Juillet 1942, les Allemands reprenaient justement leur offensive en URSS. Peu après, la ville de Sébastopol tombait entre les mains des nazis.

*****

10 Septembre 1993.
La télévision américaine, toutes chaînes confondues, annonçait une grave nouvelle. Un poste d’observation en Alaska avait été attaqué par un commando sino-japonais allié à l’URSS. Ledit commando voulait s’emparer du système de contrôle américain du Détroit de Béring.
Mais le 11 septembre, les envahisseurs furent rejetés à la mer. Il n’empêche, les missiles d’autodéfense du territoire états-unien étaient placés en état d’alerte maximale. Quant au général en chef des forces armées américaines, il pressait le Président Malcolm Drangston d’envoyer un ultimatum explicite à Diubinov, lui faisant comprendre que l’Amérique allait répondre militairement à l’attaque qu’elle venait de subir.
Un peu plus tard, un croiseur de nationalité américaine fut aperçu par les forces navales chinoises au large de Shanghai, tandis que le même jour, c’est-à-dire le 12 septembre, l’équipage d’un sous-marin espion soviétique était arraisonné au large de Vancouver.
Ainsi donc, la guerre approchait et le général Williamson y poussait encore plus que ses adversaires.
Cependant, au Moyen-Orient, le front paraissait s’être immobilisé. Les Libyens piétinaient aux portes d’Alexandrie comme dans une autre sphère de temps les troupes du général Rommel.
Cependant, à Washington, Drangston refusait le texte de l’ultimatum présenté par Gregory Williamson.
Le lendemain, le 13 septembre donc, le conseil de sécurité de l’ONU ne parvenait pas à s’entendre sur une résolution commune. Les diplomates passèrent de longues heures à s’affronter verbalement et à s’insulter.

*****

Cent mille ans avant notre ère, quelque part dans ce qui allait devenir l’Allemagne.
Une horde de Néandertaliens, comprenant une trentaine d’individus pas davantage, s’enfuyait, apeurée, vers la forêt, après avoir aperçu un étrange engin se poser sur la clairière enneigée, tel un grand oiseau blanc luminescent. 
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La lumière finit par s’éteindre et le vaisseau paraissait s’être endormi. Pas un bruit n’émanait de l’astronef futuriste. Les heures passant, la tribu, sa crainte non envolée, mais assoupie, se risqua vers l’oiseau bizarre, poussée à la fois par la curiosité et par la vénération. En effet, ces hommes du Paléolithique moyen croyaient avoir à faire à la manifestation d’une divinité aérienne.
Mais voilà qu’un étrange individu, n’arborant nullement les traits communs aux K’Tous,
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/e/e8/Neanderthalensis.jpg/170px-Neanderthalensis.jpg
 descendait les marches quasi invisibles d’un escalier hypothétique, tel un esprit incarné. Le dieu n’était pas seul. Une escorte l’accompagnait.
Avec des cris plaintifs, les Néandertaliens reculèrent. Ils se demandaient en quoi ils avaient pu fâcher ce dieu blanc, si beau et si différent. Réfugiés derrière des haies et des bosquets, ils assistèrent au comportement incompréhensible de la divinité.
L’homme robot auscultait le sol autour de lui, mais aussi l’air et la flore à l’aide de ce que l’on aurait pu prendre pour une sphère de lumière. Enfin, il se préoccupa des créatures primitives à ses yeux et analysa leur comportement.
Soudain, le ciel se déchira une nouvelle fois tandis qu’un autre vaisseau spatio-temporel se matérialisait près du premier.
Cette fois-ci, l’astronef arborait le sceau officiel et reconnaissable de la civilisation post-atomique numéro 1.
L’homme synthétique n’était qu’un rebelle traqué par les forces de l’ordre du chercheur Okland di Stefano et il avait été pris en chasse à travers le temps. Rattrapé dans cette sphère de temps, il allait devoir faire payer chèrement sa liberté nouvellement acquise.
Les deux groupes de gardes, lourdement armés, entamèrent un combat où des mitrailleuses déchargeaient des rayons d’énergie hautement mortels, des disrupteurs désintégraient tout objet ou créature vivante qui étaient visés, le tout accompagné par des sifflements stridents, des éclairs aussi brillants que mille soleils allumés ensemble, des cris surhumains effrayants.
Les membres de la horde, revenant à eux, tirés de leur catalepsie artificielle, fuirent à toutes jambes loin de ce spectacle dantesque, de cette manifestation de la colère divine.
Mais le rebelle dut s’avouer vaincu. Il se rendit alors que nombre de ses gardes gisaient à demi carbonisés sur le sol herbu.
L’homme synthétique ne se faisait aucune illusion quant à son sort. Il allait être prestement exécuté, sans procès aucun. Toutefois, usant de sa montre communicateur transtemporelle, il lança le message suivant à son maître, posté en aval de cette époque éloignée.
- Maître, mission avortée. J’ai été retrouvé par la police cybernétique de Shalaryd. Hommes de Neandertal trop primitifs pour avoir permis à une civilisation évoluée de voir le jour en une période aussi reculée du temps.
Le séide de Johann ne put en dire plus car les robustes policiers le propulsaient à l’intérieur d’un double feuillet séparant deux époques différentes. Ainsi écartelé, il allait finir sa brève existence en subissant un sort guère enviable : la désintégration, oui, mais en restant conscient jusqu’au bout.
Son travail achevé, la police de di Stefano regagna l’an 3000 et quelques.

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4 Juillet 1942.
Les Japonais débarquaient à Guadalcanal,
https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a8/Marines_rest_in_the_field_on_Guadalcanal.jpg
 aux Îles Salomon, et menaçaient ainsi la Nouvelle Calédonie. Mais le 7 août suivant, les Américains arrivaient à leur tour dans la région. William O’Gready se retrouva à combattre en première ligne. Digne et courageux, le valeureux officier s’illustra lors d’un affrontement en pleine forêt, affrontement au cours duquel il fut légèrement blessé. Avec l’aide de sa compagnie, l’ami d’Otto von Möll parvint à neutraliser un avant-poste japonais qui empêchait l’avance des GI’. Les soldats américains jetèrent maintes grenades incendiaires sur les nids de mitrailleuses camouflées. Après l’explosion des engins de mort, les Jaunes – pour employer la terminologie raciste et haineuse de l’époque – durent fuir, transformés en torches vivantes, et gagnèrent tant bien que mal les fourrés. Mais ils ne réchappèrent pas pour autant à l’avance des troupes alliées.
Parallèlement, vers la même période, plus précisément le 22 juillet, le recul de Rommel devant la contre-offensive anglaise de Libye était entamé.

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1er août 1942.
Franz von Hauerstadt, à la suite de la manifestation de son défaitisme, était muté sur le front de l’Est. Des plus lucides, le jeune homme écrivit à sa mère, lui faisant comprendre à demi-mots qu’il n’avait que fort peu de chances d’en revenir vivant.
Cependant, le 21 août, les Allemands lançaient une offensive dans le Caucase. Ils parvinrent aux pieds de l’Elbrouz. Leur objectif était de mettre la main sur les puits de pétrole de la région. Mais les troupes russes l’avaient compris et détruisaient systématiquement ces puits qui auraient pu ravitailler la Wehrmacht. Or, tandis qu’une sorte de course de vitesse était entamée, les soldats hitlériens furent ralentis par les premières neiges.
Pendant ce temps-là, Franz était arrivé sur le territoire soviétique. Le jeune homme avait été promu commandant. Mais il prenait ce nouveau galon avec la plus parfaite désinvolture.
Le 16 juillet précédent, la bataille de Stalingrad, restée dans toutes les mémoires pour les atrocités qu’elle allait entraîner mais aussi pour le tournant majeur qu’elle représentait pour les troupes du Reich, sonnant pour elles les premières notes du glas de la fin, avait simplement débuté par des échanges de coups de feu entre les patrouilles de la VIème armée de von Paulus
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a1/Bundesarchiv_Bild_183-B24575%2C_Friedrich_Paulus.jpg
 et la LIIème armée russe. Les premiers grands combats eurent lieu entre les 4 et 13 septembre 1942.
Le jeune commandant von Hauerstadt avait directement sous ses ordres quelques officiers moins gradés et notamment un capitaine, personnage peu sympathique au regard glacial, un nazi fanatique, avec lequel il n’entretiendrait que des rapports professionnels, mais également un lieutenant de son âge environ, à peine plus âgé, muté là pour insubordination notoire – c’était là la raison officielle – qui deviendrait vite un ami pour Franz. Hermann Schiess n’était pas un lieutenant comme la plupart des gradés de l’armée hitlérienne. Cultivé, raffiné, soucieux de son apparence, il tranchait quelque peu avec cette soldatesque ordinaire qui ne pensait qu’à en découdre, à exterminer ces maudits sous-hommes de Russes.
Il ne fallut pas deux jours au comte von Hauerstadt pour sympathiser avec Hermann. Il l’invita à passer la soirée avec lui avant les combats du lendemain, afin de partager quelques heures précieuses de détente au son du phonographe.
Tout naturellement, les deux jeunes gens commencèrent par évoquer leur enfance respective, mais, les minutes passant, toute gêne envolée, Hermann finit par avouer à son supérieur les raisons de son affectation ici, aux environ de Stalingrad.
- Commandant, lorsque je servais en France, il y avait un colonel qui m’avait pris dans le nez.
- Comment cela, Hermann ?
- C’est-à-dire que le colonel Koch savait que j’avais été renvoyé de mon école technique quelques années auparavant alors que je n’avais pas encore dix-huit ans.
- Pourquoi donc ?
- A la suite d’une… affaire de mœurs. Or, celle-ci avait eu un certain retentissement à Mayence, ville d’où je suis originaire, et, depuis, cette tache me poursuit. Elle n’a jamais été effacée de mon dossier.
- Hum… une affaire de mœurs, dites-vous ? Un… viol ?
- Non, pas du tout… Bon… comment vous expliquer ?
- Vous savez, je puis tout entendre… j’ai l’esprit plus large que mon nom le laisse supposer.
- C’est si difficile, commandant… j’ai eu beau essayer de changer, je n’y suis pas parvenu. Pourtant, j’en ai vu des médecins, des psychologues… je suis obligé de faire attention, de réprimer mes élans, bref… de me cacher.
- Votre personnalité pose des problèmes.
- Oh oui, mon commandant ! Soupira Hermann. Je ne suis pas attiré par les filles… Voilà…
-  Mais par les hommes. N’allez pas plus loin, Hermann. J’ai parfaitement compris. Vous êtes homosexuel.
- Hélas ! Je suis né comme cela… Je me sens mal dans mon corps… je ne le supporte pas…
- J’imagine fort bien ce que vous avez dû souffrir et endurer… ce que vous subissez actuellement.
- Réellement ?
- Oui, réellement. Mais n’allez pas croire que j’ai les mêmes tendances que vous. Je ne puis que vous offrir mon amitié. Pas plus. L’acceptez-vous ?
- Oui, commandant… bien sûr… vous serez mon… confident…
- Pourquoi pas ? Vous me raconterez vos tourments… Je suis assez doué pour écouter, en fait… bien plus que je ne le croyais depuis certain jour de printemps chez moi…
- Euh… Je ne comprends pas…
- Pardonnez-moi, Hermann, je ne puis vous révéler ce que je dissimule… non pas parce que vous n’avez pas le droit de recevoir une telle confidence, mais parce que ce secret ne m’appartient pas totalement. Je me dois de protéger quelqu’un que j’aime par-dessus tout… 
- D’accord… je n’insisterai pas.
- Ceci dit, appelez-moi Franz en dehors de nos heures de service… et puis, espérons tous deux nous sortir de ce piège le mieux possible.
-Merci… Franz. Vous savez, ce n’est pas le courage qui me fait défaut, bien au contraire !
- Je m’en doute. Vous devez prouver bien plus que d’autres officiers que vous êtes à la hauteur…
- Tout à fait. Autrefois, alors que j’étais encore au début de mon adolescence, mes parents se sont rendu compte qu’il y avait quelque chose d’anormal chez moi. J’aimais me vêtir en fille. Plus d’une fois mon père m’a surpris ainsi travesti. Que de corrections j’ai reçues ! Les psychanalystes n’ont rien pu faire…
- Oh, les psychanalystes… Je ne les aime pas… connaissez-vous la poésie française, Hermann ?
- Un peu… cependant je ne parle pas très bien le français. Et je n’ai eu accès qu’à des traductions, certainement maladroites. Toutefois, j’ai lu La Légende des Siècles, quelques extraits tout au moins, de Victor Hugo et des poèmes de Lamartine.
- Mais Baudelaire, Verlaine,
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1d/CarrierePortraitVerlain.jpg/220px-CarrierePortraitVerlain.jpg
 Rimbaud, Apollinaire ? Rien d’eux ?
- Rien, Franz… Ces auteurs sont interdits en Allemagne parce que considérés comme trop décadents et … étrangers.
- Mein Gott ! Décadents… que ne faut-il pas entendre ! Pourtant, il y a des vers si beaux, qui n’ont rien à envier à ceux de Novalis
 https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1e/Novalis-1.jpg
 ou de Heine… écoutez…
Mais le vert Paradis des amours enfantines,
L’innocent Paradis plein de plaisirs furtifs…
- Euh… pourriez-vous me les traduire ?
-Bien sûr.
Franz s’exécuta aussitôt.
- Alors ?
- Ils sont touchants, empreints d’une douce mélancolie, d’un regret sur ce que l’on a perdu…
- Notre Führer est d’une inculture abominable, lança Franz avec un sourire malicieux.
- Parlez plus doucement, Franz. Il peut y avoir des oreilles indiscrètes…
- Vous avez tout à fait raison, Hermann. Il faut que je me contrôle un peu plus. Tenez, écoutons plutôt le dernier disque que m’envoie ma mère Amélie. Du Beethoven… C’est assez allemand pour nos dirigeants, non ?
- Euh… oui ! Sourit Hermann.
- La sonate Clair de Lune…
Tout en remontant le phonographe, Franz siffla les premières mesures de cette œuvre musicale dans le ton juste. 

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