dimanche 27 novembre 2011

Le nouvel envol de l'Aigle : 1ere partie : El Desdichado chapitre 5 2e partie.

Nos héros avaient pu pénétrer dans les couloirs et les premières salles de la base après avoir forcé les portes en acier blindé et en titane. Quelques coups de pistolet laser et voilà comment on venait à bout d’une technologie antérieure de deux siècles aux violeurs de sépultures!

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À l’intérieur, un froid sec régnait, mais il n’avait rien à voir avec celui du désert du Takla-Makan. L’air sentait le renfermé et quelque chose de vicié. L’obscurité était à peine percée par les faisceaux tremblotants des lampes torches pourtant puissantes.

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En avançant dans ce tombeau, les intrus faisaient voler des nuages denses d’une poussière accumulée depuis des lustres. Tout autour d’eux apparaissait saccagé et brisé. Les lampes révélaient des meubles cassés, des épaves de véhicules munis d’antiques pneus éventrés, des voiturettes électriques aux batteries déchargées depuis longtemps, des inscriptions presque effacées sur les murs, des consoles d’ordinateurs antédiluviens, des armoires renversées, toutes vidées de leur contenu.

Les inscriptions à la peinture noire étaient non en mandarin classique mais bel et bien dans l’écriture simplifiée de Mao Zedong. Ce détail, apparemment anodin, rassura Fermat. En effet, il démontrait que Daniel Lin n’avait pas commis d’erreur et que l’équipe tout entière avait bien été transbahutée dans la chrono ligne désirée.

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Près d’un pupitre de contrôle étaient regroupés, affalés sur des chaises et des tables, des squelettes, des dépouilles partiellement momifiées.

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Les portes des ascenseurs ainsi que les issues de secours portaient encore, bien visibles, des traces de combats et d’affrontements violents. Du sang désormais séché et assombri maculait les monte-charges. Mais les câbles de ces derniers pendaient inutiles, sciés, voire hachés par les tirs de mitraillettes.

Au sol, gisaient, entremêlés dans une fraternité factice, les corps de rebelles islamistes turkmènes originaires du Xinjiang et ceux des colonisateurs Hans dominants.

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Mais il fallait descendre plus bas encore, découvrir d’autres atrocités ainsi que d’autres promesses d’un avenir plus souriant, s’assurer de l’état de conservation des lieux et des antiques appareils.

Ce fut pourquoi les six explorateurs descendirent en rappel avec leurs cordes de plastacier, évitant d’extrême justesse l’ébranlement puis la chute d’une cage d’ascenseur. La petite équipe, indemne, atterrit douze niveaux plus bas.

Au détour d’un couloir, elle se heurta à un cadavre momifié portant encore une blouse désignant un scientifique. Le corps avait été transpercé par un harpon. Sur la blouse, un nom parfaitement lisible figurait: Sun Wu, directeur des recherches.

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Daniel Lin se pencha, examinant les restes remarquablement conservés, et jeta avec une ironie sarcastique:

- Capitaine Craddock, votre vœu est exaucé; voici celui que vous vouliez dépiauter il y a à peine quelques heures.

- Quelle déception! Ce cadavre ne m’intéresse pas! Il est là depuis un siècle au moins.

- 148 années précisément.

Gwenaëlle était de plus en plus nerveuse. Elle renâclait à progresser dans ce lieu souterrain qui, pour elle, était maudit. Pour la chamane, en effet, tous les corps humains devaient être enterrés dans des tombes ou, à défaut, être incinérés, non sans avoir reçu au préalable des offrandes, et non pas pourrir ainsi, sans hommage, attention ni dignité. Ici, ils se retrouvaient à la merci des esprits malfaisants.

Dans sa langue archaïque, la Celte cria:

- Des esprits en colère! Des esprits qui n’ont pas trouvé le sommeil! Des esprits en gestation… partout! Tout autour! En dessous, au-dessus, là, là et là! Vous ne les entendez pas gémir? Vous ne les sentez pas? Si nous ne partons pas, ils vont se nourrir de nous!

Affolée, terrorisée, la jeune femme se mit à courir, les yeux exorbités. Pourtant, soudain, elle s’immobilisa brutalement, non pas sous le coup d’une vision dantesque, mais par le rappel mental du commandant Wu. Derrière la porte où se tenait la Celte, se trouvait un laboratoire qui n’aurait pas dépareillé chez le comte Victor Frankenstein. Dans des bassins d’azote liquide, recouverts par des couches de poussière, on devinait des corps flottants, des dizaines et des dizaines de fœtus humains à un stade plus ou moins avancé de développement.

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Fermat qui, le premier avait passé le seuil, dit, la mine pincée:

- Mais ces fœtus ne sont pas normaux!

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- C’est exact, André. Opina Daniel Lin. Tous présentent un encéphale trop volumineux. Comme vous pouvez le constater, Sun Wu n’a pas abouti au surhomme, au daryl Timour Singh mais à ces abominations.

***************

15 avril 1868.

La bande de Frédéric Tellier entrait en action. Les affiliés du premier, du deuxième et du troisième cercles étaient sollicités et enquêtaient. Cela représentait plus de deux mille membres couvrant toutes les couches de la société, tous les métiers, les activités licites et illicites. Ils voyaient et notaient tout, partout, de Dunkerque à Marseille, de Brest à Annecy et, grâce au télégraphe, le directeur du Matin était informé sur l’heure du plus petit détail.

Ainsi, présentement, dans son bureau, Frédéric lisait les derniers rapports avec attention, les sourcils froncés. Brelan remarqua que son ami masquait sa mauvaise humeur.

- Vous êtes déçu, n’est-ce pas?

- Oui, Louise. Voyez, ces dizaines et dizaines de lettres, de messages, de télégrammes. Toutes ont un contenu négatif.

Brelan d’as s’entortilla une mèche de cheveux blonds autour d’un doigt magnifiquement manucurée tout en réfléchissant, ses yeux couleur myosotis rêveurs, laissant Frédéric déchiffrer un dernier rapport. Elle n’interrompit le silence de nouveau installé qu’au bout de quelques minutes.

- Je crois que nous ne prenons pas le problème par le bon bout, fit-elle négligemment.

- Que voulez-vous dire? Demanda l’Artiste en redressant la tête.

- S’il y a modification de la réalité, nous sommes alors modifiés nous-mêmes. Nous appartenons à cette nouvelle réalité et nous avons évidemment oublié ce qui était précédemment. Tenez, voyez cette lampe… pouvez-vous me jurer qu’elle a toujours été ainsi, de cette couleur verte, posée sur votre bureau à cette place?

La jeune femme désignait une lampe à pétrole des plus ordinaires.

- Oui, à ma connaissance, répondit laconiquement Frédéric.

- Bien, allons plus loin. Notre mémoire a été altérée et nous n’avons pas conscience de cela. Réellement pensez-vous que nous trouverons des traces matérielles même infimes de ces changements?

À son tour, l’Artiste abandonna les rapports et, se levant brusquement, marcha jusqu’à un coffre devant lequel il s’arrêta.

- Une idée vient de germer dans votre esprit, mon ami.

- Tout à fait. Vous me connaissez depuis longtemps déjà; à votre avis, quelle est la combinaison de ce coffre?

Louise répondit au bout de quelques secondes.

- Ce n’est pas votre date de naissance, à supposer que vous la connaissez. Vous êtes un enfant trouvé, élevé vaille que vaille dans la rue. Vous n’avez pas choisi non plus la date du sacre du Grand Napoléon, tout simplement parce qu’au fond de vous-même vous êtes républicain. Votre auteur de chevet, que vous lisez sous le manteau, est Jean-Jacques Rousseau et vous achetez ses œuvres à l’étranger. Alors, l’intuition et la logique me soufflent la date du 22 septembre 1792.

Ce que Brelan ignorait et que nous nous constatons, c’est que sa mémoire conservait malgré tout quelques traces de la précédente chrono ligne. Il en allait de même pour le danseur de cordes.

Tellier sourit et fit:

- Bien pensé, ma chère.

Il actionna donc les boutons du coffre en affichant les nombres suivants: 2-2-9-9-2. Aucun clic ne retentit. La combinaison ne fonctionnait pas.

- Mais cela devrait marcher! S’écria Louise dépitée. Vous n’auriez pas choisi une autre date.

- Mon amie, je ne donne pas encore ma langue au chat. Si le 22 septembre 1792 ne fonctionne pas ici, c’est qu’il ne s’est rien produit de particulier ce jour-là; essayons plutôt la date du 4 juillet 1776.

Cette fois-ci, la combinaison était la bonne. Le coffre ouvert révéla son contenu. Il n’était pas encombré par les valeurs, billets de banque ou actions au porteur. Il renfermait tout simplement quelques chèques. Mais aussi une quinzaine de billets de mille francs à l’effigie de Sa Majesté l’Empereur Napoléon IV.

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Dans un premier temps, Frédéric ne sursauta pas. Tout lui paraissait habituel. Il présenta les billets à Brelan d’as pour confirmation.

La jeune femme haussa les épaules, des épaules au galbe parfait.

- Oh? Vous vous dites que je suis bien démuni, sans doute? Ma richesse et mes trésors sont ailleurs, ma chère amie.

- Ce n’est pas cela, Frédéric. Nous n’arriverons à rien ici et ainsi, conclut Louise.

Le directeur du journal Le Matin réfléchit intensément une minute et proposa ce qui suit:

- Je pense avoir la solution pour comprendre les modifications des événements historiques. Vous savez que j’ai effectué un long séjour au Tibet; j’y ai appris quelques techniques de concentration mentale qui me seront fort utiles présentement. Je vous invite à partager avec moi cette expérience de méditation. Elle nous permettra d’atteindre un autre stade de la réalité. Ainsi, nous parviendrons à ouvrir une porte au sein de notre mémoire.

- Frédéric, je n’ai pas appris cette méthode et je suis moins qu’une novice.

- Hum… Louise, nous avons un passé commun, nous avons traversé ensemble de terribles épreuves. Je pense que c’est aussi le cas dans ce temps autre. Les constantes doivent perdurer. Essayons. Nous n’avons rien à perdre.

- Je me plie à votre suggestion.

***************

Une heure plus tard, Brelan d’as et le pseudo Victor Martin étaient montés jusqu’au grenier du journal, là où les archives étaient entreposées et classées. Fébrilement, les deux amis feuilletaient de vieux exemplaires.

- Non, rien aux dates des 2 et 3 décembre 1851.

- Il n’y a donc pas eu de coup d’État du Président de la République. Essayons les documents de la Bibliothèque nationale. Il nous faut savoir absolument quelles modifications temporelles il y a eu et, surtout, quand elles ont débuté.

- Brelan, pourquoi se rendre à la Bibliothèque nationale alors qu’ici, sont enfermés les exemplaires du Moniteur, le journal officiel?

- S’il n’y a pas eu de coup d’État le 2 décembre 1851, il n’y a pas eu non plus de proclamation de l’Empire un an plus tard, toujours un 2 décembre.

- Certes, puisque l’Empire était déjà bien installé et que Napoléon IV hérita du trône légitimement, à la mort de son frère aîné.

- Austerlitz… 2 décembre 1805... Est-ce que ça a eu lieu ici? Maintenant que ma mémoire fantôme a été activée, je m’embrouille; je ne distingue plus ce que j’ai vécu là et ailleurs.

- Louise, il nous faut remonter à la source. Courage! Encore de la poussière à respirer ainsi que l’odeur du vieux papier.

Les deux amis s’attelèrent à cette tâche ardue avec non pas un enthousiasme marqué mais avec une solide résolution. Évidemment, aucune trace de la Restauration des Bourbons en 1814-1815; pas de Louis XVIII ni de Charles X, et encore moins de Louis-Philippe.

Toujours à rebrousse-temps, ils virent également qu’aucune République n’avait été proclamée en France; par contre, à la date du 5 février 1795, un édit signé de Louis XVI rétablissait le titre moyenâgeux tombé en désuétude de connétable de France au profit du jeune comte Napoléon de Buonaparte. Quatre années plus tard, le 21 octobre 1799, Louis XVI abdiquait en faveur de son connétable, en négligeant les droits légitimes de son fils!

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Napoléon avait d’abord pris le titre de Régent de France. Fort à propos, l’ancien souverain mourait bientôt d’une crise d’apoplexie et le dauphin le suivait dans la tombe quelques semaines plus tard; le Régent n’avait plus qu’à se proclamer Empereur et à recevoir l’aval des États généraux et du pape Pie VII. Tout cela dans les entrefilets très officiels du Moniteur.

- Tout cela pue l’assassinat! Souffla Tellier;

- Oui, Frédéric. Qui a pu modifier la trame historique? Dans quel but? Où se trouve la source de tous ces bouleversements?

- Louise, dans ce monde, la France jouit d’une puissance inégalée. Vous êtes d’accord avec moi; et nous n’avons pas un Empereur d’opérette qui a perdu son temps dans l’unité italienne et bien plus encore au Mexique.

- Certes. Mais qui a permis à Napoléon Premier de se faire ainsi distinguer par Louis XVI et ensuite de s’emparer du pouvoir? Qui a pu disposer des moyens techniques?

Le danseur de cordes interrompit la jeune femme;

- Ce n’est pas tant de parvenir au pouvoir qui importe, mais bel et bien de s’y maintenir!

Louise soupira.

- Je crains que nous ne devions nous enfoncer dans des recherches fastidieuses.

Le pseudo Victor Martin sourit et articula lentement:

- André Levasseur! Voilà un travail de tout repos pour ce nouveau père.

- Il va vous en vouloir, mon cher, lui qui rêve d’aventures!

Tellier répliqua en haussant les épaules.

- Non, mon amie. Il n’est plus le même, l’oubliez-vous? Ici, il ne nous a pas aidés à combattre Galeazzo le Maudit. C’est tout juste s’il se doute de ma véritable identité.

- Je vois; s’il se tait, c’est qu’il admire vos exploits passés.

- Le comte di Fabbrini, conclut l’Artiste, n’est pas mort l’année dernière. Il a bel et bien disparu de ce monde en 1865, aux confins de l’Empire russe. Dévoré par les loups.

À ce moment de notre intrigue, une petite notice historique s’impose. Galeazzo, poursuivi par Tellier, après que ce dernier eut révélé au monde la dernière machiavélique machination du comte - soit la mise au point avant l’heure de la bombe atomique - avait été obligé d’abandonner son traîneau en pleine tempête de neige, au cœur de la forêt sibérienne. Lorsqu’il n’avait plus eu ni lumière ni cartouches de pistolets et de fusils, les loups avaient eu raison de lui. Arrivé un peu plus d’une heure plus tard sur le lieu du drame, l’Artiste n’avait pu qu’identifier les restes déchiquetés et sanglants du Maudit.

Cela fait un peu roman feuilleton populaire mais c’est tout à fait volontaire!

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Octobre 2517.

Ce matin là, le capitaine di Fabbrini avait convoqué le numéro 5 du vaisseau, le lieutenant Kermadec qui lui faisait son rapport. Le jeune homme signalait à sa supérieure hiérarchique que l’enseigne Grimaud ne s’était pas présentée à son service à 8h00. Le lieutenant, tout en parlant, tentait de garder son sang-froid et de ne pas afficher sa contrariété face aux reproches justifiés du commandant par intérim du Lagrange.

- Lieutenant, disait Lorenza d’un ton sec, la mine pincée et les yeux noirs insondables, expliquez-moi donc pourquoi vous ne m’avez pas avertie immédiatement de la fuite de l’enseigne. Comment une telle chose a-t-elle pu se produire? Elle était sous votre responsabilité directe.

- Capitaine, je reconnais que sa fuite est incompréhensible. J’ai d’abord pensé, à tort, que l’enseigne avait oublié de se réveiller à l’heure. Je me suis donc rendu dans sa cabine. Sa compagne de chambre ne savait rien. Elle a avoué qu’elle n’avait pas vu Violetta Grimaud depuis la veille, 23h00. J’ai alors poursuivi mon enquête; les caméras de surveillance n’ont rien enregistré de remarquable et les sécurités n’ont pas été activées. Elles ont été sabotées à la source.

- A la source? S’écria di Fabbrini furieuse. Impensable! À bord, seuls l’ambassadeur, le lieutenant Albriss et moi-même disposons des codes qui changent tous les deux jours. J’oubliais le chef de la sécurité qui les possède également. Mais je vois mal Omar Kirù trahir. Ainsi qu’Albriss d’ailleurs.

Mâchouillant ses lèvres, le lieutenant Kermadec hasarda une réponse.

- Manifestement, l’enseigne a été aidée dans sa fuite. Elle a bénéficié de complicités.

- Oui, c’est certain, mais qui a pu oser ainsi mettre en danger et sa carrière et sa vie?

Le jeune lieutenant opta résolument pour le silence. À bout de nerfs, le capitaine di Fabbrini se leva et arpenta son bureau. Kermadec crut un instant que l’officier politique allait demander son arrestation. Télépathe, la semi métamorphe le rassura sur ce point.

- Non, lieutenant, vous n’avez rien à craindre de ma part. cependant, il me faut aviser l’amirauté afin de lancer aux trousses de ma fille une horde de chasseurs.

La jeune femme allait rajouter quelque chose, mais elle n’en eut pas le temps. En effet, la porte du bureau du commandant par intérim s’ouvrit avec un léger sifflement. L’ambassadeur d’Elcourt se tenait sur le seuil. N’attendant pas l’invitation, il pénétra dans la cabine. Disposant de ses propres ressources de renseignements, rien de la conversation précédente ne lui avait échappé.

- Capitaine di Fabbrini, inutile de lancer des hurleurs contre l’adolescente.

- Excellence, permettez-moi d’objecter. Je vous rappelle que nous sommes en état de guerre avec Albion. Ce secteur de la Galaxie n’est pas sûr. L’enseigne Grimaud peut tomber entre les mains de l’ennemi et révéler bien des secrets. Les moyens ne manquent pas pour la faire parler.

D’Elcourt éclata de rire.

- Quels secrets? Je ne savais pas le Lagrange à la pointe de notre technologie militaire! Après tout, il n’est qu’un petit vaisseau scientifique ayant pour mission d’analyser les nébuleuses à cent parsecs alentours.

- Excellence, reprit Lorenza, vous me dissimulez quelque chose. Vous êtes à bord, c’est donc que le Lagrange a plus d’importance que vous le dites.

Sans façon, Marie André d’Elcourt s’assit, ordonnant d’un geste méprisant au lieutenant Kermadec de se retirer. L’officier ne s’offusqua pas et quitta rapidement le bureau après un salut des plus formels.

- Et si nous entrions maintenant dans le vif du sujet puisque aucune oreille indiscrète n’est là pour surprendre nos propos? Capitaine, j’ai désactivé les codes des caméras de surveillance de votre bureau.

- Compris. À ma connaissance, vous êtes officiellement à bord pour prendre contact avec une guilde dissidente des Otnikaï.

- Pour la galerie, très chère! En fait, officieusement, l’Empire a amorcé des contacts indirects avec le gouvernement des siliçoïdes. Désormais, il est plus que temps de passer à l’étape suivante.

Lorenza eut un sourire complice et répliqua:

- Voilà qui explique le détachement du lieutenant Ftampft à bord du Lagrange.

L’ambassadeur opina et enchaîna.

- Ftampft est très doué pour la diplomatie. J’envisage de demander sa mutation permanente auprès de ma personne.

- Oui, Votre Excellence, mais tout cela ne me dit pas pourquoi vous voulez garder sous le manteau la fuite de ma fille.

- Broutilles. Un détail sans importance… l’enseigne tente de rejoindre son père, voilà tout. Inutile de se creuser la cervelle pour comprendre cela! Laissons-la. Soit, elle revient vivante mais en piteux état de son expédition hasardeuse, soit il lui arrive un petit accident. Capitaine di Fabbrini, ne me faites pas croire que vous vous sentez soudain emplie pour elle d’un amour maternel!

Lorenza préféra ne pas afficher son dépit d’être ainsi dévoilée.

- Votre Excellence, me permettez-vous d’exprimer à haute voix ma pensée? C’est vous qui avez aidé ma fille à quitter le Lagrange.

- Disons que j’ai laissé faire mon épouse… car cela m’arrangeait. Violetta Grimaud aurait fini par nous gêner dans la suite de notre véritable mission.

- Ah! Développez.

- Ce matin, à l’aube, j’ai reçu une communication classée 000-ZZ de l’Amirauté et validée par le Ministre de la Guerre en personne. L’Angleterre s’allie officiellement à l’Empire du Milieu.

- Aïe!

- En effet. Le mystérieux Empereur Qin s’est rendu sur une des Lunes de Jupiter et a été accueilli avec fastes à bord du Cornwallis.

- Par les cendres de Napoléon le Grand! Si mon époux n’avait pas failli, nous n’en serions pas là présentement.

- Sans doute, mais l’ex-commandant Grimaud paie durement sa lâcheté en cet instant, croyez-moi.

- Certes, mais cela n’empêche pas que nous allons devoir combattre un ennemi supplémentaire, encore plus déterminé que les précédents. Avec une technologie supérieure à la nôtre selon les bruits qui courent.

- Voilà pourquoi il nous faut des alliés à la hauteur.

Alors que cet échange avait lieu à bord du Lagrange, Daniel Lucien Napoléon ne s’était pas encore évadé du bagne de Bolsa de basura dos. Il s’en fallait de quarante-huit heures.

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