samedi 6 novembre 2010

Mexafrica 2e partie : Chercheurs d'or 1936 chapitre 15.

Chapitre 15

Après la réception du cube des Johnson, André Fermat et Tony Hillerman s’étaient affairés à l’analyser afin d’en vérifier le fonctionnement. Tony avait connecté l’appareil à l’IA de l’Einstein. Fermat s’assurait de la compatibilité des branchements. Apparemment, tout paraissait conforme.

Mais rien ne se produisit. Il n’y eut aucune réaction! Le cube recevait les informations et l’énergie de l’IA, il semblait en phase, mais il ne réagissait pas! C’était un peu comme si on avait connecté une boîte vide, un leurre. Or, les senseurs de la navette montraient bel et bien que le volume géométrique était empli de tout un réseau complexe de nano cristaux mais il ne se passait rien! Comment pareille diablerie était-elle possible?

André, tout impatient et impulsif qu’il fût, ne se décourageait pas facilement. Il s’obstina pendant cinq essais. Longtemps, il avait été le meilleur ingénieur de l’Alliance. Les enjeux, énormes, n’autorisaient pas la défaite. Cependant, l’ex-commandant dut se résoudre à démonter le cube, opération plus que délicate, afin de comprendre pourquoi l’artefact ne réagissait pas. Malgré toute son habileté, il lui fallut deux heures pour venir à bout de cette tâche.

Là, amer, André ne put que constater la terrible supercherie. La Dimension p ne manquait pas d’humour! Alors qu’il séparait avec mille précautions les derniers éléments, un diable à ressorts lui jaillit brutalement à la figure tandis qu’une voix d’une ironie blessante le saluait et lui riait au nez! La mine fermée, l’ambassadeur sortit du laboratoire et informa Franz, Elisabeth et Raoul du tour dont ils avaient été victimes.

- Qui est l’auteur de ce méfait? Interrogea le duc.

- Comment l’expliquez-vous? Renchérit Elisabeth.

- Oui, vous aviez pourtant pris toutes les précautions nécessaires, du moins il me semble, compléta l’adolescent.

- En effet, le champ anentropique renforcé était inviolable. Personne ne pouvait en venir à bout. Alors, il ne reste qu’une explication, fit Fermat contrarié.

- Je vois! La substitution a eu lieu lors du transfert, proféra Franz.

- Précisément, lors de la demi-seconde où les boucliers abaissés rendaient la chose possible!

- Une demi-seconde! S’écria Elisabeth. Mais c’est là un laps de temps très court!

- Pas pour un p se mouvant dans un espace quantique! Là, justement, le temps comme nous l’entendons n’existe pas! Il est sous forme de lignes de possibilités, mais ce n’est pas le moment de faire un cours! Ricana Fermat.

- Peut-être que le Commandant Wu aurait dû assister au vol… suggéra Raoul.

- Et ainsi prévenir la supercherie? Non! La garde d’Antor à bord de l’Einstein suffisait!

- Qui, désormais possède l’IA cube? Reprit Franz. Zoël Amsq et Merritt?

- Non! J’ai eu le temps de consulter le chrono vision. Le Haän a également été blousé! La réponse ne va pas vous plaire.

- Dites toujours!

- Les nazis de cette année 1936.

- L’affaire se complique!

- Tout à fait! Mais j’y pense; il vous faut détourner les soupçons des Johnson.

- Comment cela? Fit Elisabeth.

- N’avez-vous pas été invités à déjeuner par les documentaristes?

- Si fait…

- Alors, madame la duchesse soyez à l’heure et si Osa et Martin Johnson ont constaté la disparition de leur bien, jouez les innocents et persuadez-les de ne pas prévenir la police. Orientez-les vers une piste exotique!

- Oui! Bravo! La Triade chinoise! Approuva avec enthousiasme Raoul.

- Elle fera l’affaire… conclut Franz.

Convaincus, les Aarhenberg s’en vinrent dans la propriété du couple à Malibu. Les Johnson avaient également invité Adelphe Fiacre de Tournefort. Le Français pleurait la disparition soudaine de son secrétaire chinois, Sun Wu. Elle coïncidait étrangement avec celle du cube!

Dans la cave, le coffre, forcé, montrait ses entrailles vides. A ses pieds, une petite statuette en ivoire avec un bref message en mandarin.

- Avez-vous fait traduire le texte? Demanda le duc d’un air détaché.

- Il est très court et signifiait en gros, « floué »!

- Et la police? S’enquit Elisabeth.

- Nous ne l’avons pas contactée. Nous ne voulons pas accabler notre ami, monsieur de Tournefort, fit Osa dans un soupir.

- Comment cela? Dit Raoul brûlant d’allumer une cigarette.

- Euh… j’ai eu le tort de laisser traîner sous les yeux de Mister Wu la combinaison du coffre-fort! Le renseigna confus Adelphe Fiacre.

Ici, une petite parenthèse explicative s’impose. Dans le futur, l’excentrique savant ne ferait pas allusion à cette mésaventure. Pourquoi? Parce qu’il aurait oublié l’incident? Que non pas! Réfléchissez amis lecteurs! Adelphe Fiacre de 1961 ou de 1978 n’avait pas connu cette minime déviation temporelle résultant de l’intervention de p Sigma. Exprimé plus clairement, le Français plus âgé n’était pas le même que celui de 1936!

Mais revenons à ce déjeuner. Le cuisinier hawaïen avait préparé sur la pierre chaude tout un repas fort succulent: les mets, accompagnés de sauces plus ou moins relevées, vous mettaient l’eau à la bouche.

Chaque convive allait librement réchauffer sur les pierres les aliments qu’il avait choisis au sein d’un vaste assortiment: crustacés, encornets, poulpes, calmars, tranches de loup, de lotte, rougets, thon, saumon, ananas, mangue, goyave, litchi, fruits de la passion, grenade, etc. les boissons, assorties à cet exotisme culinaire, enchantaient le palais: lait de noix de coco, jus de kiwi, de pamplemousse, lait à la pêche, à l’abricot, milk shake à la vanille, à la banane ou au chocolat. Sans oublier les nombreuses salades composées, les avocats farcis aux crevettes, les branches de céleri cru, les inévitables concombres coupés en tranches, les poivrons, les piments, les tomates, les aubergines, les courgettes et les choux chinois!

Un peu à part se présentaient les différentes sauces contenues dans de minuscules récipients: mayonnaise, béarnaise, vinaigrette, armoricaine, curry, raifort, citron et ainsi de suite.

Raoul n’avait jamais déjeuné de la sorte. Il savourait les mets en fin gourmet et, curieux, demandait au cuisinier certains détails concernant l’assaisonnement.

Pendant ce temps, une tuile ne tombant jamais seule, Kiku U Tu semait la panique en plein centre d’Hollywood!

Le chef de la sécurité n’avait plus supporté d’être confiné dans un espace réduit à quarante mètre carrés. Lui aussi avait voulu jouir d’un peu d’indépendance et se détendre. Il avait entendu les humains s’extasier sur La Mecque du cinéma. Alors, mettant à profit l’absence du commandant Wu, il s’était éclipsé discrètement tandis qu’il était censé assurer son quart! Il ne craignait ni Fermat ni Hillerman, encore moins Uruhu! Il avait tout simplement oublié les capacités d’Antor!

A plus de dix-neuf heures, les Aarhenberg prirent enfin congé des Johnson. Ils s’étaient attardés à parler de choses et d’autres et à se baigner dans les eaux limpides et tentantes de la piscine. Maintenant, Elisabeth, Franz et Raoul se promenaient parmi la foule hétéroclite en cette délicieuse soirée où les étoiles brillaient d’un éclat particulier au-dessus d’une mer splendide.

Il était vingt heures, la fin de l’avant-dernière séance pour les salles de cinéma, lorsque Elisabeth perçut la première un mouvement de panique. Surgit alors brutalement devant les Von Hauerstadt un quidam aviné, en habit de soirée en désordre qui titubait et courait en zigzaguant. Apparemment, il tentait de fuir un danger, mais lequel? Son haleine dégageait une forte odeur alcoolisée. Néanmoins, l’inconnu hurlait à peu près distinctement.

- Les dents de la terre! Oui! Le monstre aux dents de la terre!

Un flot de voitures suivit le noceur avec de nombreuses embardées, des coups furieux de klaxons, des crissements meurtriers de pneus, des virages à la limite de la perte de contrôle et des flopées d’injures et d’insultes. Certains véhicules heurtaient les bouches d’incendie ou allaient s’encastrer dans les lampadaires, ajoutant si possible à la panique.

- Bon sang! Que se passe-t-il? Pourquoi cet affolement soudain? S’écria Raoul

- Peut-être tout ce monde a-t-il assisté à une séance de film d’épouvante un peu trop réaliste? Suggéra Franz.

- Non! Répondit Elisabeth. Une personne sensée ne réagirait pas ainsi après avoir vu un simple film d’horreur!

Tant bien que mal le vide se fit dans la large avenue. Un dernier fuyard hurla avant de disparaître:

- Un homme alligator! Alligator people! Un mutant! C’est la fin du monde!

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Seuls les Von Hauerstadt et Raoul d’Arminville ne quittèrent pas la place. La foule avait déserté les lieux comme elle avait pu!

Au loin, à environ cinq cents mètres, une étrange silhouette se profilait, avançant lentement tout en se dandinant, la queue balancier fouettant l’air en un rythme syncopé. Indubitablement, le dinosauroïde était ivre! Quelle boisson avait pu le plonger dans cet état d’ébriété avancée? La tequila et l’eau de vie par tonneaux qu’il avait extorquées à un barman terrorisé quelque part dans un bar…

L’allure grotesque du Troodon était renforcée par des lambeaux de restes d’uniforme, un uniforme éclaté, déchiré, poisseux de sang et d’alcool.

Le Kronkos progressa en vacillant en direction des Von Hauerstadt et de Raoul d’Arminville. Il se curait maladroitement les dents, rotait et bavait, repu, ayant dîné de chiens errants, de chats de gouttière, d’un malheureux macaque, de deux perroquets, d’un bébé caïman et… d’un python!

Une envie pressante prit soudain notre lézard sans gêne! S’appuyant sur la devanture d’un glacier, il leva la patte sans pudeur pour uriner abondamment! Ensuite, soulagé, son cerveau embrumé avisa les trois humains qui l’observaient stupéfaits.

Kiku U Tu allait-il charger le trio qu’il n’avait pas identifié? Il était trop saoul pour réfléchir. Pourquoi pas? Les autochtones lui fourniraient un dessert de choix, hautement savoureux! En cet instant, il se fichait pas mal des règles éthiques de l’Alliance des 1045 planètes. Sur cette Terre trop primitive, n’ayant jamais connu d’extraterrestres, elles ne s’appliquaient pas! Point barre! Il pouvait donc tout se permettre, loin de tout sentiment de culpabilité. A qui rendre des comptes? A personne!

Kiku se mit en branle, accélérant tant bien que mal sa démarche chaloupée, courant comme un Velociraptor!

- Mon Dieu! Le lieutenant est devenu fou! S’exclama Elisabeth. Il nous charge!

- Vous avez raison! Répondit Raoul en écho qui, pour la première fois peut-être de son existence avait peur. Courons!

- Il est ivre et ne nous a pas reconnus! Compléta Franz. Sauvons-nous!

Alors, les Von Hauerstadt et d’Arminville s’engouffrèrent dans une rue en pente relativement mal éclairée, le Troodon sur leurs talons. Etaient-ils donc condamnés à mourir absurdement sous les cinq cents dents d’un Kronkos trop paf?

La charge de Kiku U Tu stoppa brutalement. Le lieutenant dinosauroïde voyait soudain son sentiment d’impunité s’effacer. Sa raison semblait lui revenir quelque peu. Antor lui envoyait un message d’alerte. Or U Tu ne supportait pas le vampire. Il y avait longtemps qu’il haïssait l’ambassadeur adjoint. Pourquoi? Il n’aimait pas se sentir en situation d’infériorité. Il se savait impuissant à le vaincre et cela le rendait furieux. Ce n’était pas à lui qu’il avait prêté serment d’allégeance mais au commandant Daniel Wu.

La plupart du temps, rasant les murs devant le vampire, le lieutenant de la sécurité jouait les hypocrites. Il courbait l’échine mais rêvait d’en faire son en-cas. Antor savait cela et se méfiait du Troodon. Toutefois ses dons télépathiques le préservaient des éventuels coups fourrés de Kiku.

En confrontation directe avec les recrues lycanthropoïdes, le Kronkos aurait facilement remporté la victoire. Ici, c’était autre chose…

Le message plus que perturbant d’Antor était accompagné de psycho-images terrorisantes! Kiku U Tu se voyait déjà aux trois quarts éventré, ses tripes et boyaux à l’air, son corps environné d’une myriade de mouches tandis que les loups garous du Langevin, commandés par Grarv, le chef de la meute, nullement dégoûtés par cette charogne, dansaient sur son cadavre et achevaient de le dépecer! Ces images hyper réalistes étaient suivies de la mise en garde suivante:

- Si vous ne remontez pas à bord de l’Einstein immédiatement, telle sera votre fin! J’en fais le serment! De plus, je participerai moi-même à l’éventration et au partage de votre dépouille!

- Bah! Rugit le Troodon, hésitant à obtempérer.

Mais le monstrueux Kronkos se figea une fois encore, transformé en un énorme chien d’arrêt.

De derrière une palissade sortait un humain de haute taille dont les yeux rougeoyaient d’une façon des plus inquiétantes dans l’obscurité.

- Antor! Gronda Kiku.

Ses écailles et son duvet passèrent par toutes les nuances de vert et de rouille tandis que le lieutenant se dégrisait sous l’effet de la peur. Désormais, il suait et bavait généreusement.

- Alors, lieutenant, dois-je mettre ma menace à exécution? Articula doucement le vampire. Ou acceptez-vous d’être téléporté sans un quelconque geste d’agressivité à mon encontre?

- Je… n’ai… pas de transpondeur! Bégaya le Troodon afin de gagner du temps.

- Inutile maintenant, vous le savez fort bien! Rétorqua Antor.

Effectivement, à bord de la navette, Fermat, lié télépathiquement au vampire, avait pu facilement trianguler la position du chef de la sécurité. Les senseurs biologiques avaient vu leur travail mâché. En 1936, à Hollywood, il ne pouvait y avoir qu’un seul Kronkos!

Tandis que les atomes du lieutenant se désassemblaient absorbés par un rayonnement orangé, le signal de télé portation fut capté par p Sigma! L’être déca dimensionnel toujours à l’affût, pirata aussitôt les senseurs de l’Einstein. Il sut ainsi où se trouvait la navette dissimulée quadridimensionnellement alors qu’elle était déphasée de un pour cent par rapport au temps ambiant. Il parvint également à positionner tous les membres de l’équipage hormis les Von Hauerstadt et Raoul d’Arminville. Pour p Sigma, Pacal, Geoffroy et Ivan ne comptaient pas.

Se réjouissant de cette nouvelle aubaine, la semi entité concocta un piège destiné à Daniel Wu.

Or, malgré les apparences, ce dernier n’était pas resté inactif! Il avait relevé la piste de Lady Alexandra et de ses commensaux nazis. Seul, Hugues lui échappait. Il envisageait sérieusement de jouer un tour à sa façon à l’Anglaise mais…

Pendant que se préparait un guet-apens à la mesure du commandant, Franz remerciait chaleureusement Antor pour son intervention.

- Jamais je n’oublierai que ma femme et moi-même vous devons la vie!

- Oh! Ce n’est rien! Je ne comptabilise pas ce genre de dettes! S’inclina le vampire avec son étrange sourire. Vous allez bien, c’est l’essentiel.

-Comment avez-vous obtenu la reddition de ce mal-embouché aussi rapidement? Interrogea Raoul.

- Une simple suggestion! Enfantin avec la psyché des Kronkos!

- Mais, néanmoins, s’il avait résisté?

- Madame la duchesse, Daniel n’aurait pas été content! J’aurais été dans l’obligation de le tuer et de m’en nourrir afin de ne laisser aucune trace! Voilà tout!

Raoul réprima un frisson et préféra en rester là.

A leur tour, les quatre tempsnautes regagnèrent l’Einstein. Kiku U Tu se retrouva enchaîné dans la soute et encagé derrière un champ de force après une « rouste » mentale qui le persuada de ne point recommencer ; le Troodon crut subir une nouvelle défaite physique des plus humiliantes, les quatre pattes en l’air, crachant une dizaine de dents et vomissant de la bile.

***************

Un peu auparavant, Daniel Lin et André s’étaient concertés et avaient fait le point: impossible de quitter 1936 sans avoir récupéré le cube des Johnson, avait jeté Fermat sévèrement. Qui l’avait volé et coiffé l’Einstein au poteau? Les Nazis! Le chrono vision avait fourni la réponse.

Il apparaissait donc que, pour l’instant, Fouchine était hors-jeu, coincé en 1961, en train de s’entraîner pour une autre expédition. Auprès de lui, Daniel avait reconnu « le gros homme », un des avatars du Commandeur Suprême. TQT, quant à lui, semblait avoir renoncé, peut-être à la suite de la cruelle leçon qu’il avait subie. Zoël Amsq, ayant échoué une première fois, pouvait bien avoir retenté sa chance, ailleurs, secondé par la Dimension p.

En fait, les êtres déca dimensionnels, rusés matous, adversaires imprévisibles, conduisaient manifestement leur propre barque. Ce fut ce que révéla le chrono vision! Les p usaient des propres méthodes de Daniel Wu pour remporter la mise. Ils utilisaient des alliés dans les époques où ils agissaient tout en attisant les rivalités entre les différentes bandes quitte même à les multiplier! Cela donnait une partie de cache-cache d’enfer mâtinée de course au trésor sans merci! TQT contre Fouchine, Chinois de Sun Wu contre Merritt et bien d’autres combinaisons encore!

Les Nazis participaient également à l’hallali par l’intermédiaire de Lady Alexandra, de Dieter Karl Hinckel et d’un membre de la Dimension p. Il n’y avait pas meilleure couverture que se cacher derrière les ambitions des nazis pour mettre la main ou le rayon sur le bio translateur.

Comment repérer puis annihiler le p qui avait agi? Seul Antor était à même de détecter sa présence et ce, dans un rayon d’action relativement proche. Daniel, lui, devait débrider une nouvelle fois ses capacités effrayantes, héritées de l’Homunculus Danikinensis et nous savons combien il répugnait à le faire. Pourrait-il ensuite se maîtriser, recouvrer la raison? Le pouvoir qui résultait de ce réveil était si grisant qu’il était extrêmement douloureux de redevenir un être normal, presque ordinaire; le commandant Wu redoutait ce sentiment de perte insupportable, cet arrachement d’avec le divin qui suivait l’euphorie d’avoir possédé les pouvoirs de l’Entité par excellence!

La mine soucieuse, Daniel se remémorait les mises en garde et les conseils de Sarton, celui qui avait existé dans une chrono ligne parallèle et qu’il avait croisé. S’il y avait des Nazis à Hollywood en 1936, c’était bien qu’ils pouvaient compter, sur place, sur le soutien d’espions Anglo-Saxons dévoyés. Notre daryl pensait ainsi au fameux acteur Chester Flynt.

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Il fallait y rajouter toute cette faune interlope, sympathisante du Führer, qui gravitait autour des grands studios. Ce n’était pas pour rien que Cary Grant

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avait été chargé à cette époque de surveiller les comédiens d’extrême-droite dont notamment ce personnage douteux. Mandaté par les services secrets britanniques, il accomplissait sa mission avec une discrétion remarquable des plus efficaces!

Si le public avait su les tenants et les aboutissants de cette guerre secrète, il aurait trouvé nettement moins sympathique le héros bondissant des futures aventures de Robin des bois!

Après quelques minutes de cette sombre méditation, le commandant Wu consulta les archives de l’IA qui lui fournirent tous les renseignements désirés sur les Américains et les Anglais pronazis de cette époque barbare et sanglante. Il apprit sans émotions que Lady Alexandra Pirrott Neville, fille de Daisy Neville, petite nièce de Sir Charles Merritt, avait été une grande espionne au service du IIIe Reich. Elle n’avait pas hésité à faire don d’une partie de son immense fortune aux œuvres sociales de la SS! Son époux, Lancelot Pirrott, eh oui, il y avait un mari, comte de Chester, était un membre particulièrement éminent et actif du BUF d’Oswald Mosley!

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Tandis que Daniel méditait, enquêtait pour ensuite prendre une décision lourde de conséquences, Violetta rongeait difficilement son frein. Elle enviait l’espèce de m’enfoutisme affiché par Geoffroy, Ivan et Pacal. En effet, les trois garçons ne se sentaient nullement concernés par les péripéties de cette partie de l’intrigue. Ils nageaient et renageaient à longueur de temps dans les piscines de luxe, bronzaient sur les plages merveilleuses du Pacifique, draguaient les teenagers naïves de ce temps, et snobaient notre métamorphe!

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Quelque peu jalouse et s’ennuyant ferme, Violetta transgressa les ordres de son oncle. Elle descendit de l’Einstein en catimini, et, sous les traits d’une très jeune Lana Turner, aux rondeurs encore poupines, celle de La rue gronde, de Mervin Le Roy, elle fit une virée dans les studios de la Warner et de la RKO, se remplissant les mirettes et accumulant les souvenirs cocasses ou absurdes.

***************

Le commandant Wu s’était installé dans la suite des Aarhenberg. Il avait mené son enquête à terme et était parvenu en sus à identifier le p qui s’était rangé du côté des nazis. A tort, il pensait que l’être déca dimensionnel n’allait plus se manifester, ayant obtenu l’IA cube tant convoité. Cependant, un détail le turlupinait: à son tour, Violetta avait fait des siennes. Elle avait eu beau se munir d’un transpondeur avant de « fuguer », les senseurs de l’Einstein ne parvenaient pas à la localiser! C’était totalement anormal! Antor lui-même ne captait plus ses pensées. Avait-elle été une fois de plus kidnappée? Cette adolescente se conduisait d’une manière tout à fait agaçante… Certes, c’était de son âge, mais elle excellait à se mettre dans des situations difficiles!

Méditant cette dernière supposition, Ufo lové en boule sur ses genoux, le daryl était prêt à croire en une nouvelle intervention des p.

Parallèlement, une partie de lui-même se remémorait l’enseignement de Li Wu. Ses plus anciens souvenirs remontaient à ses exercices de calligraphie alors que, tout jeune enfant, il apprenait à dessiner les quarante mille signes de l’écriture chinoise traditionnelle.

Ce matin-là, Daniel, trois ans, reproduisait patiemment le signe représentant la maison. Encore et encore, il traçait d’une main malhabile le pictogramme avec un pinceau relativement épais dont il trempait les poils dans de l’encre sépia authentique. Il en était à son soixante-dix-huitième modèle lorsque son grand-père lui dit:

- Ah! Je crois que tu saisis enfin le mouvement!

- Possible, grand-père! Répliqua le garçonnet vexé. Mais l’encre n’est pas uniforme sur le parchemin! J’y décèle des micros bavures ainsi que des irrégularités! De plus, j’en suis à mon troisième flacon d’encre!

- Tu me parais bien impatient, mon enfant! Ce que je t’enseigne là est de l’art!

- Ce n’est pas cela, grand-père! Combien de mollusques ont-ils été sacrifiés pour obtenir ces flacons d’encre?

- Quelle pensée étrange!

- Mais oui! Je m’inquiète pour cette forme de vie! Pas plus tard qu’il y a trois semaines, tu m’as expliqué qui produisait cette encre naturelle.

- Daniel, aucun animal n’a été tué, rassure-toi! Les seiches ont été leurrées et, pour se défendre, ont relâché de l’encre, voilà tout!

- Ah! Un leurre! Il n’empêche! C’est cruel!

- Nécessité fait loi…

Un autre souvenir affleura.

Cette fois-ci, Daniel, âgé de sept ans, s’entraînait à l’extérieur de la propriété à intercepter des javelots lancés dans sa direction à toute vitesse. Cet exercice, par trop facile pour lui vu ses capacités, était compliqué par un détail. Le postulant au troisième niveau de Shaolin avait les yeux bandés. Seule son ouïe exercée devait lui permettre d’éviter les lances mortelles a priori. Les lanceurs étaient au nombre de dix et, sans cesse, aux oreilles de l’enfant, les javelots sifflaient. Daniel les évitait cependant ou, mieux encore, parvenait à les saisir en plein vol!

Au niveau douze, qu’il atteindrait à l’âge de neuf ans, l’entraînement, poussé à ses limites, le conduirait à éviter plusieurs centaines de javelots projetés à la fois selon une périodicité aléatoire par une batterie de balistes mitrailleuses inspirées d’un modèle de Héron d’Alexandrie.

Jeu cruel? Que non pas! Li Wu et son fils Tchang s’étaient concertés. Ils savaient que tôt ou tard, Daniel devrait défendre sa vie. Les milliers et milliers d’exercices d’entraînement qu’il subit, les tests sans cesse renouvelés lui apprirent à maîtriser ses nerfs, sa force, son intelligence et son hyper vitesse. Voilà pourquoi, en n’importe quelle situation le commandant était capable de se contrôler. Mais aussi pourquoi il avait besoin de décompresser. Il n’avait pas eu une enfance digne de ce nom!

Le commandant Wu somnolait lorsqu’Ufo l’alerta. Moelleusement pelotonné dans les bras de son maître, ronronnant paisiblement, l’estomac repu, l’animal au poil mi-long, non agouti et blanc, se dégagea soudain, feula, cracha et fit le gros dos.

Pi Sigma passait à l’attaque!

En une femto seconde, Daniel se trouva transporté sans transition aucune, au sein d’une dimension onirique. Maintenant, il était debout au centre d’un temple bouddhique ruiné, envahi par une abondante végétation tropicale, peuplé de statues mutilées polychromes détruites soit sur ordre des prêtres shintoïstes nippons, soit à la suite d’un décret de l’empereur tibétain Lang Darma, tous ennemis reconnus de la foi en Bouddha!

Mais Daniel Lin n’était plus Daniel Lin! Incarné dans l’avatar statufié d’un bouddha souriant, il levait la main en signe de paix. La sculpture faite dans la craie remontait au IXe siècle. Face à elle, se dressait un colosse effrayant: Pi Sigma lui-même qui, ô incongruité, avait choisi d’emprunter les traits d’un Empereur tétrarque du Bas Empire romain du temps de Dioclétien. La statue étrangère, imposante, en porphyre, pierre rouge d’une dureté extrême, les traits stylisés, la laurica ou broigne rigide schématique, l’attitude hiératique, menaçait de son glaive brandi le pacifique Bouddha!

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Le diadème solaire rayonnant, le Sol Invictus d’Aurélien couronnait ce tétrarque qui rappelait par son aspect sinistre et sépulcral la statue du Commandeur de Don Juan!

Pesamment, l’être avança et, chacun de ses pas engendrait une cellule de temps quantique! Le Bouddha de craie Daniel était ainsi enfermé à l’intérieur d’une prison dont on ne s’évadait pas en théorie. Notre daryl était soumis à une accélération sensible de son cycle de vie; inexorablement, la statue vieillissait, et, sous les vagues du temps devenu fou, se fendillait, se mutilait, devenait une poudre blanchâtre.

Puis, les débris pulvérulents furent dispersés par un souffle glacé; les bras du Bouddha étaient tombés en premier et la tête en dernier.

Toutefois, bien avant que l’instant ultime n’arrivât, et que le buste lui-même ne connût un sort semblable, le daryl eut la force de penser, de crier muettement: NON!

Il rejetait ainsi la terrible illusion, renvoyant à l’Empereur maléfique ses cellules de temps mosaïque, l’emprisonnant dans des sphères contraires, provoquant ainsi l’usure accélérée de certaines des parties le composant comme la laurica et les jambières tandis que d’autres rajeunissaient, le diadème, la face, la fibule et les sandales!

Chose impossible! Le porphyre s’émoussait sur la laurica alors que la tête voyait ses traits s’effacer. Le travail de l’artiste s’estompait et la pierre redevenait brute. A la fin de la métamorphose, il n’y avait plus qu’un bloc composite de porphyre fraîchement extrait d’une carrière, mais englouti par un jet de lave sur la surface duquel surnageaient des débris épars provenant d’une statue rongée par la mousse et les excréments de pigeons!

Or, il faut savoir que, pour réussir pareille riposte, Daniel n’avait pas encore fait appel à sa transdimensionnalité. Chatouillé dans son orgueil, p Sigma trouva instinctivement la parade, courant des risques immenses. Il pensait connaître à fond son adversaire. Il osa fragmenter le Pan Multivers en plusieurs instants, chacun d’entre eux contenant un Daniel Wu se mouvant dans des histoires alternatives.

Notre Daniel Lin se retrouva confronté à son frère aîné malfaisant, le sinistre et redoutable Daniel Deng qui, ici, n’était donc pas décédé à l’âge de vingt ans! Mais il y avait également le Daniel Lin de 2505 d’une chrono ligne précédente qui hésitait entre l’humanité et le robot doté d’une intelligence artificielle hors norme. Il ne fallait pas oublier non plus le Daniel du combat contre Pamela Johnson Winka qui était parvenu à vaincre l’homuncula, avec l’aide de l’orang-outan Gllump, et tous les autres Daniel, une infinité, souffrant de jalousie, qui haïssaient leur alter ego plus chanceux car ce dernier avait réussi et sa carrière et sa vie de famille.

S’enchaînaient toutes sortes de Daniel y compris les Daniel K’Tous, dinosauroïdes, médusoïdes, Velkriss, siliçoïdes, porcinoïdes, et ainsi de suite.

Comme on le voit, chaque exemplaire, issu d’une réalité différente, s’éloignait un peu plus du Daniel que l’on connaissait, que l’on voyait vivre depuis des années déjà. Cependant les possibilités de Pi Sigma restaient limitées. Il ne pouvait suggérer des Daniel existant dans des Univers où lui, représentant de la Dimension, n’avait pas accès!

Peut-être la semi-entité escomptait-elle que Daniel Lin, perdant son sang-froid allait tuer tous ses doubles indésirables! Or, le commandant, digne successeur du Neutre Franz Von Hauerstadt n’allait pas se nuire à lui-même!

Pour sortir de ce piège, il n’y avait pas à tergiverser. Une seule solution: débrider une minuscule partie de sa puissance transdimensionnelle!

Ce qui devait arriver arriva; Daniel fusionna en toutes ses entités sauf une, celle du paria, le premier Daniel biologique!

p Sigma saisit le danger! Il était plus que temps! C’était lui, en effet, qui, maintenant, était menacé d’anéantissement par la fusion de tous les Daniel. Il tenta donc une contre-attaque désespérée, confrontant le daryl androïde à la lignée de ses parents et aïeux, misant cette fois-ci sur le côté confucéen de son éducation, pensant que les ancêtres jugeraient négativement sa conduite.

Alors, les cent-vingt-sept générations recensées des Wu apparurent depuis Fong qui participa à la conception et à la construction de la Grande Muraille jusqu’à Li et Tchang Wu. Mais il y avait aussi Chen Wu, le musicien à la cour des Song, Han Wu, le célèbre poète de la cour des Tang, qui ciselait à merveille des strophes de cinq vers, Yao Wu, l’astronome et astrologue qui vivait à la cour de Yang Kien, le restaurateur de l’unité chinoise à la fin du VI e siècle, l’amiral Zhao Wu qui, au XIIIe siècle tenta d’envahir le Japon, toute la flotte coula grâce au vent divin Kamikaze, surgi opinément!

Dans cette liste, il faut rajouter Bai Wu qui, lui, se mit au service de l’Empereur mongol Kubilaï Khan et, considéré comme traitre, finit décapité par ses coreligionnaires, et Meng Wu, qui, entrepreneur valeureux, commerça jusqu’aux Indes, ou encore, du temps des Trois Royaumes, Cao Zhi Wu, le voleur sans peur, qui alla jusqu’à usurper l’identité d’un empereur et termina sa fabuleuse existence brûlé vif sur un bûcher expiatoire!

Et s’il fallait en croire la tradition orale, les Wu mythiques tels que Xi Wu, le compagnon de Lao Tseu, le calligraphe Tchang Tchou Wu, qui vivait au temps des Ming, ou Yuan Wu, le bouffon de l’empereur Kien Long… ceci pour les branches chinoises.

Pour les ascendances occidentales, cela était plus compliqué! Il fallait prendre en compte les ancêtres de Catherine, les Malicourt, les d’Arminville, les Hautefort, les serfs carolingiens, les écorcheurs cabochiens, les hobereaux compagnons de François Premier, les hommes de main du Grand Cardinal, les planteurs de La Nouvelle Orléans… le père de Raoul d’Arminville qui mourut sur le chemin du bagne, le gentleman cambrioleur lui-même et les rejetons de Franz…

Pour p Sigma, tous devaient critiquer Daniel, ne lui faire aucun cadeau, le pousser à rejeter sa double nature, l’obliger à revenir à ses racines chinoises et humaines, à renoncer à ce combat inutile, perdu d’avance!

Pi Sigma! Quel être imbu de lui-même! De sa pseudo supériorité!

Poursuivant le débridement de ses facultés, Daniel substitua aux évocations de l’être déca dimensionnel les véritables spectres de ses ancêtres. Les faux fantômes s’effacèrent dans les limbes tandis que les aïeux, en un chœur unique, psalmodiaient:

- Il faut reprendre le combat contre celui qui a l’outrecuidance de déséquilibrer le dragon soutenant le monde! Tu le dois, tu le peux!

L’esprit de Li Wu se détacha:

- Mon enfant ne te laisse pas réduire à n’être que le jouet de cette entité orgueilleuse! Ne fais point honte à tes aïeux! Assume l’entièreté de ton héritage!

Tchang Wu rajouta:

- Tiens bon mon fils! Tu n’es point le fruit du hasard! Ta venue était nécessaire au Monde!

Un Raoul d’Arminville âgé de cinquante ans s’exprima à son tour:

- Allons, mon gars, tu en as vu d’autres! Hauts les cœurs! Mets-en plein la vue à ce pandore! Ferme-lui son caquet une bonne fois pour toutes! Ce n’est pas du sang de navet qui coule dans tes veines mais de l’or!

Pu Wu, le général qui vainquit les Hu, les Huns, conclut:

- Ce barbare inculte qui se croit supérieur aux humains ne mérite rien d’autre que ton mépris! Le véritable sage ne l’ignore pas mais l’écrase! Comme une araignée venimeuse Fais-le!

Alors, par la volonté d’un seul, unissant leurs pensées, leur essence, les Wu, les d’Arminville, les Hautefort, les Grimaud, les Von Hauerstadt se fondirent en une unique Entité qui, à son tour, suggestionna le fat, le présomptueux p Sigma! La leçon de Lao Tseu fut appliquée à la lettre. Le p crut qu’il était un papillon qui rêvait qu’il était un homme qui rêvait qu’il était un p!

Désorienté, l’être déca dimensionnel perdit la conscience de son identité réelle; il fut réduit à l’état de singe pensant, intermédiaire entre l’Orang Pendek et l’Australopithèque, bien incapable non seulement d’ordonner les mondes quantiques mais aussi de s’y mouvoir!

Blessée, la semi-entité se retira instinctivement dans la Dimension. Là, elle fut secourue par les siens, Acculés, les demi-dieux laissèrent Daniel libre et vainqueur; les p devaient soigner au plus vite un des leurs devenu aux trois quarts fou avant que tous soient contaminés!

Rouvrant les yeux, reprenant conscience avec la réalité de ce bas-monde, Daniel ne retirait aucune satisfaction de sa victoire. Au contraire, un goût de cendres perdurait dans sa bouche.

- Je m’étais promis de ne recourir à cette extrémité que si tout l’Univers était en danger, pas pour me secourir moi-même! Bouddha me pardonne!

***************

A bord du Langevin, un peu auparavant, mais le temps était plus que relatif dans cette histoire, l’Empereur Tsanu XIII Gaachak, Pi Septimus et Sertorius avaient déployé méthodiquement leurs forces de sécurité.

L’équipage, qui, sur ordre du capitaine Sitruk, s’était rendu à l’ennemi, avait été consigné sous bonne garde et transféré dans les hangars transformés en cellules de fortune pour les officiers et en dortoirs communs pour la troupe, avec accès réduit aux ordinateurs de détente et aux synthétiseurs de nourriture. Les conditions de détention étaient donc correctes sans plus, hygiène et confort pas du tout aux normes du XXVIe siècle!

Shi-Ka-Aa-Ta et sa ruche s’étaient accaparé des salles de maintenance de l’IA où étaient stockés les bios générateurs et les bios mémoires. La reine des Velkriss espérait ainsi forcer les sécurités de l’ordinateur principal car occuper le vaisseau ne signifiait nullement obtenir une totale obéissance de celui-ci. Penta p s’était arrangé à ce que la mémoire centrale se montrât rétive. Grâce à son sacrifice, l’IA du centre de commandement restait entièrement inaccessible aux envahisseurs.

Avec une colère rentrée, p Septimus s’était vite rendu compte que Benjamin et son coreligionnaire traître l’avaient roulé dans les grandes largeurs au niveau des procédures de transfert des commandes! C’était pourquoi le Langevin faisait du sur-place, ou, plus exactement, tournait selon une écliptique resserrée, refusant de passer, malgré toutes les sollicitations, en hyper supra luminique.

Le chef des p avait bien tenté de fusionner avec l’IA centrale. Cela n’avait rien donné de positif sauf à récolter une brûlure psychique, une sorte de court-circuit mental! Ironiquement, l’IA lui lançait régulièrement:

- Démarche inadéquate! Transfert inacceptable! Procédure impossible! Mise en danger du vaisseau! Risque de rupture! Perte de mémoire en cours! Empreinte psychique falsifiée!

Furibond, faisant les cent pas dans son avatar humanoïde, p Septimus avait conclu logiquement que le centre décisionnel de l’IA avait été transféré en dehors du commandement et qu’ainsi, un autre officier, qui n’était pas Sitruk, conservait le contrôle du vaisseau! Notre semi-entité rageait tout en se rongeant les ongles! Mais il ne s’agissait là que d’une figure de style! Être réduit à l’impuissance par de simples créatures biologiques primitives, alors que la Dimension avait abandonné tout corps matériel depuis des éons, était extrêmement humiliant! Depuis que ce ridicule système solaire à étoile jaune insignifiante existait, cela n’était jamais survenu!

Primesautière et cruelle, l’IA s’amusait à foudroyer les gardes ennemis n’importe où, aux endroits les plus incongrus du vaisseau, aux instants les moins appropriés. Ainsi, elle libéra un hangar empli de lycanthropoïdes fort agités, grondant, rugissant et hurlant tout en s’arrachant des touffes de poils! Inexplicablement, les champs de force s’effondrèrent et la horde sauvage se rua sur les gardes Castorii qui finirent dévorés vivants en moins de cinq minutes!

D’autres incidents tout aussi remarquables méritent d’être rapportés.

L’IA provoqua également des dépressurisations soudaines mais localisées dont les victimes sélectionnées furent les Velkriss! Alors, les mantes religieuses se retrouvèrent soit adhérant au plafond, soit écrasées violemment sur le sol de plastacier! Les corps des guerriers se retrouvèrent réduits à l’état de lymphe blanchâtre. Une sauterelle soldat vit même sa chitine se fendre car son corps expérimentait une exposition à une pression de 150 G! Expulsant sa pulpe, la sauterelle éclata!

Les plus chanceux des insectoïdes moururent de froid, leur carapace ou exosquelette virant du plus beau marron cuivré à la teinte sienne la plus laide! Désormais, des tas informes étaient maintenant disséminés un peu partout dans les corridors, dans les cabines et dans les salles de détente… Toutes ces dépouilles avaient la particularité d’être recouvertes de cristaux de givre miroitant féériquement sous la lumière artificielle. La beauté se nichait partout, même dans la mort!

C’en était trop pour Tsanu XIII Gaachak! Il ordonna de mater la résistance coûte que coûte! Sinon, tant pis pour ses guerriers Haäns! Ils connaîtraient de terribles représailles, du style précipités dans le vide de l’espace sans scaphandre afin de tester la durée de leur survie!

L’ennemi devait donc, par tous les moyens, s’emparer des codes principaux du Langevin. La victoire à la Pyrrhus des coalisés menaçait de tourner à la déroute la plus complète!

L’Empereur tonnait à son second, le Prætor Sertorius:

- Trouvez le moyen de faire avouer au capitaine Sitruk où les codes d’accès ont été transférés. Torturez-le selon le protocole!

Avec empressement, Sertorius acquiesça. Le Castorii avait une âme de bourreau. Mais, les doigts croisés, p Septimus siffla, désapprouvant:

- Votre majestueuse Grandeur, vous oubliez la femme du capitaine, Lorenza di Fabbrini! Elle a le même grade que son époux et doit certainement posséder les mêmes priorités d’accès!

- Oui… réfléchit Tsanu. Ah! Je sais que le point faible des humains est leur progéniture! Zoël Amsq me le rappelle sans cesse…

p Septimus reprit:

- Les enfants de Daniel Wu sont à bord…

- Isaac Sitruk également, compléta Sertorius.

- Employons la manière forte! Conclut Tsanu.

- Je préfèrerais la torture psychologique! Proposa la semi entité. Faisons croire à ces humains que nous allons nous en prendre à leurs gosses!

- Comment? Faire semblant? Éclata l’Empereur.

Sertorius leva un sourcil tandis que le p préféra ne pas répondre. Il méprisait profondément le Haän, ne lui octroyant que l’intelligence d’un escargot!

***************

Tsanu XIII, finalement convaincu par la semi entité, avait ordonné à tous les otages d’assister à une petite leçon qu’il avait pompeusement baptisé « séance de persuasion psychologique premier niveau »!

Devant l’équipage muet, la mine renfrognée, ligoté et immobile, la chiourme Haän, venue tout droit du bagne de Penkloss, de sinistre mémoire, bagne situé sur une planète glaciaire - l’Antarctique connaissant un climat tempéré, en comparaison - température moyenne annuelle -75°C, amena, couvert de chaînes, un Hellados squelettique, à peau noire, vêtu de haillons puants qui laissaient deviner ses multiples cicatrices martyrisant son vieux corps. Sa tête était couverte de croûtes sanguinolentes à moitié séchées tandis que sa face boursouflée était défigurée par d’importants hématomes. Malgré tout, Lorenza identifia l’amiral Trabinor. Cependant, au fond d’elle-même, elle éprouva un doute.

« Impossible que la coalition ait gagné en si peu de temps! De plus, jamais Trabinor ne se serait laissé prendre vivant! ».

Tout en se limant les ongles, Tsanu XIII entama son laïus sur un ton à la fois sardonique et furieux:

- Misérables ennemis vaincus! Voyez le sort réservé à tous ceux qui refusent de coopérer! La science multimillénaire de nos tourmenteurs patentés a été portée à son zénith. Désormais, nous maîtrisons mille et un procédés capables de délier les langues les plus réticentes. Et, si jamais vous nous obligez à recourir à l’extracteur mental, nous vous garantissons une réussite de cent pour cent pour nous, mais la réduction de votre cerveau à celui d’un chou de Bruxelles!

- Oui! Des humanoïdes réduits à l’état de légumes ou de viande avariée! Quelle splendeur! Euh! Pardon! Je veux dire: quel dommage! Compléta p Septimus narquois.

- Ah! J’oubliais! Nos proies favorites sont les enfants des sapiens! Ajouta Sertorius avec détachement.

Pendant que leurs maîtres discouraient ainsi, les gardes Haäns, un brin sadiques, envoyaient des décharges d’énergie sur le corps meurtri de Trabinor à l’aide de leurs lances laser. Oubliant toute pudeur, l’Hellados geignait. Les doutes de Lorenza se renforçaient.

Passant au curage des dents, Tsanu XIII lança:

- Conduisez les enfants humains Isaac Sitruk, Marie et Mathieu Wu dans la chambre isolée aménagée près des quartiers de contention! Puis, commencez à appliquer le premier degré de la persuasion!

Si l’Empereur escomptait des piaillements ou des hurlements de terreur, il en fut pour ses frais! Stoïquement, les enfants se laissèrent mener, ne se retournant même pas pour dire adieu aux adultes. Les otages ne songèrent pas à tenter quelque chose. Les disrupteurs pointés sur eux expliquaient sans nul doute leur attitude passive. Toutefois, avec une moue de mépris, Lorenza di Fabbrini jeta:

- Croyez-vous m’avoir persuadée? Cette mise en scène ne roulerait qu’un enfant de dix mois et encore!

Sitruk, lui, s’était contenté de hausser les épaules. Seul Bing avait manifesté son opposition. Il poussait de petits cris plaintifs, des « kaï! kaï! » à vous serrer le cœur. Un Haän particulièrement vicieux tenta de lui donner un coup de pied. Il en fut quitte pour perdre un morceau important de son mollet!

Penta p se frottait les mains.

« Ah! Mes amis humains savent détecter un être virtuel! Comme vous avez eu raison de ne point tomber dans ce piège grossier! Actuellement, le véritable Trabinor se trouve en sécurité, quelque part dans le système solaire marnousien ».

p Septimus avait capté les pensées de son ex-frère. Il répliqua sur le même mode.

- Intéressant! Vous vous êtes attaché à ces animaux! Vous aussi, vous êtes capable de menterie!

- Que voulez-vous! Vous m’avez obligé à passer des centaines d’années auprès des humains! Normal que j’aie déteint sur eux!

p Septimus claqua des doigts et le faux Trabinor s’estompa. Il fut instantanément remplacé par un cadavre froid, rigide, au visage émacié.

- Las! Mille fois hélas! Cet Hellados remarquable, cette grande âme s’est suicidée il y a neuf de vos jours à peine, après avoir appris que notre flotte se trouvait à vingt unités astronomiques de sa planète.

- p Septimus veut vous signifier que vous, membres de l’Alliance des 1045 planètes, vous ne pourrez empêcher la capitulation de votre Empire!

Ayant asséné cette vérité, Tsanu XIII laissa apparaître une langue violette gourmande qui se mit à lécher ses lèvres pleines de chocolat.

***************

En look de jeune pinup girl à couper le souffle, un peu à la Betty Page, mais en blonde, avec un modeste tour de poitrine 105 bonnet D, pour la France, des cheveux peroxydés, une robe moulante et fendue sur les côtés, Violetta se rendit au bar cabaret, The grazing Zebu, la boîte de nuit concurrente au Blue Lagoon, où les orchestres avec des rythmes africains style « jungle » se donnaient à fond. Le spectacle était relevé par des duos de chanteuses dévêtues portant quelques minuscules vestiges de peau de léopard stratégiquement placés. Ces jeunes femmes tentaient d’imiter Dorothy Lamour.

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D’autres, arborant des tenues de panthère, servaient des cocktails aux apprentis comédiens ainsi qu’aux starlettes qui s’affichaient afin de décrocher un contrat. Tous se sentaient obligés de s’imbiber de vodka mélangée à du jus de banane ou d’ananas ou encore de liqueur de cacao agrémentée de lait de noix de coco ou de grains de café.

Il était près de minuit et Violetta n’avait pas sommeil. Très excitée, elle avait déjà assisté à un tournage de Fred Astaire pour la RKO - il s’agissait du film En suivant la flotte - puis, elle avait apprécié un raccord sur le plateau de Chercheuses d’or 1937 pour la Warner toujours avec Dick Powell.

Très familière, elle avait osé suivre les vedettes en goguette jusqu’au bar, et là, juchée sur un tabouret, elle lia conversation avec le crooner et le danseur. Après avoir obtenu de précieux autographes, elle enchaîna:

- Je sais bien que je fais preuve d’une outrecuidance rare, mais ici, à Hollywood, pour arriver, il faut se montrer.

Effectivement, l’adolescente avait quelque peu exagéré: sa robe fendue largement s’ouvrait sur un corsage à pois fort échancré! Bref, les deux stars se rinçaient l’œil. Sans rechigner, Fred Astaire et Dick Powell avaient sorti leur calepin, arraché une feuille et mis un mot gentil qu’ils avaient paraphé.

Violetta oscillait entre le contentement et la déception. Elle trouvait Frédéric Austerlitz

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pas aussi beau que sur la pellicule avec son visage trop long et ses cheveux rares. Quant à Dick Powell, il puait le tabac. De plus, il manquait Ginger Rogers!

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, l’adolescente orienta la conversation sur les scènes de ballet des comédies musicales, des chorégraphies minutées à la perfection, du nombre de prises qu’elles exigeaient parfois, jusqu’à une quarantaine, ce qui était épuisant pour tout le monde, des chaussures spéciales pour les claquettes… Là, à cette seconde, Violetta songea avec raison que Fred Astaire utilisait des talonnettes pour le grandir. Toutefois, elle ne développa pas ce sujet gênant à haute voix!

- Moi, ce qui me fait rêver, déclara-t-elle sincèrement, ce sont les robes de Ginger dont la coupe est spécialement étudiée pour les ballets échevelés…

- Ah, oui! Fit Fred. Mais c’est le cauchemar des habilleuses! Vous croyez, sans doute comme tous, qu’il n’y qu’une robe pour chaque scène! Mais le tissu en est si fragile, la gaze si délicate que, parfois, il est nécessaire d’user de dix exemplaires pour un seul modèle! Et pour les raccords, c’est l’enfer!

- Je comprends! Y compris pour les raccords de maquillage! Le nez qui brille, le rimmel qui coule! Les faux cils qui se décollent ou le rouge à lèvres qui bave!

Dick avait le fou rire.

- Bah! Après tout, nous sommes bien payés pour ces petits tracas! Nous avons tous signé des contrats qui nous assurent d’avoir du travail pour sept ans au moins! Grâce aux studios qui nous emploient, nous avons la garantie de l’emploi, ce qui n’est pas négligeable dans le contexte actuel.

- Certes! Mais jouer en indépendants, cela ne vous tente pas? Lança la métamorphe.

- Vous pensez à Charlie Chaplin! Répondit Fred Astaire. Non car, voyez-vous, nous n’avons pas les épaules assez solides pour cela!

- Oh! Alors, si vos films n’ont plus le succès escompté, est-ce que le studio ne peut pas rompre vos contrats ou revoir vos salaires à la baisse?

- Nous ne sommes pas si imprudents! Répliqua Dick Powell. Nous avons des impresarios et des avocats. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là!

- Dites, les hommes, reprit notre Violetta changeant de sujet, n’y a-t-il rien à faire de plus intéressant dans cette ville à cette heure que d’avaler de l’alcool? Respirer toute cette atmosphère enfumée n’est pas très sain pour une fille de mon âge!

Après avoir lancé un regard de connivence à Fred, Dick Powell sauta sur l’occasion.

- Il y a bien un Luna Park en ville… nous pourrions y aller faire un tour. Il est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

- Un Luna Park? Marmonna l’adolescente sans comprendre immédiatement. Une imitation des premières bases sur la Lune? Surfait!

Fred Astaire leva un sourcil d’étonnement.

- Des hommes sur la Lune? Vous lisez trop de bandes dessinées, ma chère!

- Je parlais d’une fête foraine! Renseigna Dick ayant toujours une grande envie de rire.

- Une fête foraine? Ouais!!!! Super! Ça me revient! J’avais trois ans! La grand-roue, les miroirs déformants, le train fantôme incontournable, les barbes à papa, les « quenottes outre » du gorille des Acacias! Les pêches miraculeuses, les pommes d’amour enrobées de sucre! Les merguez grillées! Les diseuses de bonne aventure, la poupée brune et le gros ours bleu qu’oncle Daniel avait gagnés!

- Vous oubliez le tunnel de l’amour, très romantique! Souffla Fred intentionnellement.

Après que Dick eut réglé galamment la note, le trio embarqua dans une Chrysler Airflow bleu ciel. Arrivés à la foire, nos compères choisirent l’attraction la plus amusante: la maison truquée avec son palais des glaces, son labyrinthe, ses escaliers glissants qui se dérobaient, ses toboggans, ses greniers hantés et bien d’autres divertissements.

Les chaussures de Fred n’étaient d’aucun secours sur un tapis roulant qui allait d’avant en arrière tout en accélérant. Cependant, grâce à son agilité et à son entraînement, le danseur parvint à rester debout ce qui tenait lieu d’exploit. Dick Powell, lui, s’étala piteusement. Conservant sa dignité, il se releva tant bien que mal tout en remettant de l’ordre dans son costume. Violetta n’avait pas trouvé cette épreuve difficile. Littéralement, elle collait presque au sol mouvant. Fred Astaire remarqua son agilité.

- N’avez-vous jamais essayé de faire de la danse, mademoiselle? Vous avez un sens inné de l’équilibre!

- Oui, j’ai suivi des cours de danse rythmique et obtenu un premier prix dans ma prestation d’un morceau de bravoure classique du théâtre hellados!

Les comédiens ne comprirent rien aux propos de la métamorphe.

Cependant, le trio s’engagea dans le cylindre, c’est-à-dire un bout de tunnel qui effectuait des rotations sur lui-même, un peu comme dans une sorte de shaker. Pour changer de pièce, il fallait le traverser. Tous trois s’en sortirent plus ou moins brillamment. L’adolescente sans casse, naturellement. Elle parvenait à garder l’équilibre partout grâce à sa constitution.

Puis, ce fut le tour de l’escalier truqué. Encore une fois, Dick Powell chuta, n’anticipant pas la transformation en toboggan des marches qui se dérobaient! Ce n’était pas son jour de chance!

- Mon pauvre Dick Powell voilà ce qu’il en coûte de fumer trop de cigarettes et de ne pas faire assez de sport! Jeta Violetta avec une ironie blessante. Vous n’êtes pourtant pas si vieux! Une trentaine d’années! Même Gronkt le Marnousien se montre plus leste que vous! Vous savez, on vous refuserait dans la flotte y compris pour postuler dans une fonction très secondaire, celle du nettoyage des conduits de déjections. Qu’est-ce que ce sera lorsque vous aurez l’âge de mon père!

A moitié sonné, le crooner ne releva pas le propos. Fred Astaire avait descendu le toboggan sur les fesses mais il se releva avec grâce!

- Dick, vous me faites peine!

A une fenêtre, une tête de chameau apparut et répondit:

- Tu l’as dit bouffi!

Ensuite, le trio aventurier dut affronter la peau d’ours, bel ornement pour un chalet, auprès d’un bon feu de cheminée! Oui, mais voilà! Lorsqu’on foulait aux pieds la fourrure, elle frémissait et rugissait! On avait réellement l’impression de piétiner les muscles dorsaux d’un plantigrade en train d’hiberner.

Un trophée, une tête d’élan éclata brusquement de rire! Nullement démonté, le trio s’engagea dans un boyau, en fait un placard truqué lui aussi. Marchant le premier, Fred ouvrit la porte du meuble et, dépité, se retrouva dans une autre armoire! Ici, manifestement, le sens de l’orientation ne servait à rien. Les sas s’enchaînèrent au risque de lasser le quidam.

Toutefois, une porte s’ouvrit enfin mais au plafond, tandis que la tête d’un client inattendu surgissait: celle de Walter Slezak, bouffi, gras à souhait, le fils du ténor Léo Slezak, qui avait déjà perdu sa beauté de jeune premier, futur méchant d’Hollywood, et qui, plus tard, finirait tristement sa carrière sous la pelure de Clock King dans la série télévisée psychédélique Batman (1966-1968), avec ses onomatopées à profusion dont le célèbre kapow!

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Violetta parut surprise. Néanmoins, cédant à son instinct, elle ouvrit une porte sur sa gauche et se retrouva face à face avec Sydney Greenstreet.

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Quant à Dick Powell, il avait accompli le même geste. Pour sa part, il crut voir la créature de Frankenstein, autrement dit Boris Karloff!

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Lorsque Fred Astaire ouvrit un nouvel huis, il fut confronté à lui-même, mais avec vingt ans de plus, prêt à tourner dans La Belle de Moscou. Quelle était cette farce?

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Violetta réfléchit à toute vitesse.

« Bizarre! Si j’ai bien révisé mes cours sur Hollywood, ça ne va pas du tout! En 1936, même ce 1936 là, Sydney Greenstreet, planteur en Asie orientale et Walter Slezak n’étaient pas encore arrivés aux Etats-Unis. Qui donc peut s’amuser ainsi? Un Pi? ».

Malgré ces gags non prévus, le trio atteignit néanmoins le palais des glaces après s’être cognés maintes fois. Si les miroirs déformants n’offraient rien d’inhabituel, de formes concaves ou convexes, grossissant, aplatissant, allongeant, écrasant, étirant, il n’en alla pas de même dans la salle labyrinthe. Là, le reflet de Violetta dénonça sa véritable nature: une métamorphe mâtinée d’humaine! Le teint argenté, les traits flous, les yeux dépourvus de cils, les cheveux remplacés par de la gélatine irisée, tout en elle ou presque révélait son appartenance à une forme de vie extraterrestre!

Debout, en retrait derrière l’adolescente, Fred Astaire et Dick Powell pensèrent à un subterfuge. Mais entendant un claquement, ils se retournèrent de concert. A cet instant, les vêtements du plus jeune se modifièrent. Dick, surpris, constata qu’il arborait désormais la panoplie complète de Bela Lugosi. Et, comme de bien entendu, sa silhouette ne se reflétait sur aucun des miroirs. De plus, son teint livide, laissait davantage ressortir ses lèvres pourpres et ses iris anthracite. Quant à Fred Astaire, maintenant, il ressemblait à un hideux mutant chauve, au crâne hypertrophié, aux yeux semblables à ceux du tarsier spectre tandis que ses doigts crochus interminables se tordaient sous la nervosité. La créature immonde se reflétait soit la tête en bas, soit déportée sur la droite, ou encore de trois quart.

Des grincements sinistres vinrent rajouter à l’atmosphère déjà lourde d’angoisse.

Notre trio était bel et bien piégé à l’intérieur de cette salle aux miroirs, truquée au-delà de l’entendement des simples humains de cette époque. Incongrument, le jeune Balilla Gaetano di Fabbrini se matérialisa au milieu de la pièce déjà étroite.

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Patiemment, il dessinait sur un cahier d’écolier une série de croquis, tous plus macabres les uns que les autres: Mister Hyde,

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le loup-garou,

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le vampire, le fantôme,

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la momie,

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le squelette et ainsi de suite… D’une voix sentencieuse, il commentait avec un accent péninsulaire prononcé.

- Or donc, comme tout le monde le sait, le vampire possède des canines proéminentes, afin de mordre sa proie plus facilement. Pour se déplacer plus rapidement, il se transforme en chauve-souris ou en brume noire. Originaire de Transylvanie, il dort dans un cercueil dont le fond est tapissé d’une poignée de terre de sa patrie. Il ne peut traverser l’eau courante. Pour pénétrer dans une demeure, il lui faut au préalable avoir été invité. Il n’a bien sûr aucun reflet et ne peut être photographié. S’il se sent menacé, il se transforme en loup ou en vapeur. Il craint l’ail. On ne peut le tuer qu’en lui tranchant la tête ou en lui enfonçant un pieu dans le cœur.

Soudain, agissant étrangement, se rapprochant dangereusement de Violetta, Dick Powell souriait tout en dévoilant ses canines fort pointues. Ses yeux noirs rougeoyaient dans la semi-obscurité.

- Ah! Comme votre peau opalescente paraît aussi pâle que l’ivoire! Elle me met l’eau à la bouche!

A ces mots, l’adolescente sursauta et recula:

- Que signifie?

- Comme elle doit être tendre!

- Dites! Ça ne va pas? Se mit à crier la métamorphe inquiète. Vous n’allez pas me faire le coup de vous prendre pour un vampire! Eh! Mais! C’est que vous croyez vraiment en être un! Ouille! Vous mordez!

Violetta recula encore.

A vingt kilomètres plus au nord, Daniel Wu entendit le « cri » mental de sa nièce. Il sortait à peine de son combat contre Pi Sigma et avait besoin de se remettre. Il la localisa facilement et décida, malgré sa faiblesse relative, de lui porter secours. Mais au moment de passer en hyper vitesse, il en fut incapable, sa masse ayant été soudainement multipliée par mille cinq cent!

En fait, le temps ralentissait, s’étirait, s’immobilisait! Sentant le sommeil le gagner, le daryl pensa: « Violetta, ma grande, tu devras t’en sortir toute seule! ».

Seul Ufo échappa au phénomène qui se répercutait telle une onde dans l’hôtel. Malgré ses nombreuses mutations hétérochroniques, le chat des forêts norvégiennes au poil mi-long noir et blanc, avait conservé son intelligence prodigieuse. Pour une personne non avertie, il avait l’apparence d’un félin ordinaire de sept mois, mais n’avait rien oublié de ses expériences passées. Comme son maître, il possédait une triple mémoire avec les souvenirs qui allaient avec, y compris ceux d’un chat d’une vingtaine d’années, son âge réel! Animal transgénique, ses capacités cognitives étaient identiques à celles d’un enfant humain de six ans. Il allait jusqu’à lire des mots simples en anglais ou en français. Il ne lui manquait que la parole.

Immédiatement, Ufo comprit que son maître était en danger. Se comportant alors comme un berger allemand ou un labrador, il fila comme une flèche chercher du secours! Son problème était le suivant: réussirait-il à se faire comprendre de simples humains à l’intelligence limitée?

Or, tous les clients de l’hôtel étaient immobilisés dans des positions grotesques ou naturelles, qui en train de signer le registre d’entrée, qui lisant un journal ou un magazine, qui buvant un cocktail ou une tasse de thé… Tout ce beau monde dormait debout! Personne n’était tombé!

Dans les escaliers, Ufo rencontra les Von Hauerstadt. Mais Franz et Elisabeth étaient eux-mêmes affectés par le phénomène incompréhensible. Dépité, le félin n’insista pas. Nullement découragé, il se faufila dans les escaliers de secours et atteignit ainsi les caves, puis la rue. Là, apparemment, tout était normal!

***************

A l’intérieur de la navette Einstein, Irina veillait, allongée confortablement sur sa couchette, tout en lisant en russe, La dame de pique de Pouchkine

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dans un vieux livre dont les pages étaient en véritable papier! Soudain, de vives douleurs lui déchirèrent les entrailles. Sa fille, qu’elle portait en gestation, s’agitait, lui envoyant de violents coups de pieds. Or, juste à cet instant, la gravité à l’intérieur de la navette disparut; les officiers se mirent à flotter, ballottés dans le petit vaisseau, se cognant plus ou moins durement contre les parois ou les consoles des différentes stations. Conservant son sang-froid, André lança à l’IA:

- Alerte pourpre! Localisation des pannes et réparation immédiate!

Trop secoué, Kiku avait de sérieux problèmes d’oreille interne. Il rendit son dernier repas! Pour comprendre son malaise, il faut imaginer le spectacle que pouvait offrir le dinosauroïde de deux tonnes en train de tournoyer dans le vide, sa queue balancier ne lui servant à rien dans cette situation et qui, au contraire, ici, frappait rageusement le sol de plastacier.

La déstabilisation quantique avait touché l’Einstein en sous-luminique. Si c’était arrivé en plein vol, l’effondrement des champs inertiels aurait eu pour conséquence de réduire l’équipage en bouillie!

Le phénomène n’était pas localisé au petit bonheur. Il avait bien pour objectif les membres de l’Einstein!

Ainsi, au sol, Uruhu qui travaillait sur un plateau et installait les accessoires d’un film d’horreur à tout petit budget, se matérialisa brutalement en guerrier Orang Lord de Gentus mais nouvelle version. Le chasseur, crocs menaçants, armé d’un pieu et d’un casse-tête, se voyant entouré par des Niek’Tous inconnus qu’il pensait hostiles, attaqua les machinistes en hurlant:

« Arouu! Arouu! Brobang Niek’Tous! »

Tout ce charivari était l’œuvre de p Epsilon qui avait pris le relais de p Sigma défaillant. Mais il ne se doutait pas qu’il était épaulé par le Commandeur Suprême en personne. Les intentions réelles de l’Entité échappaient à l’entendement de la Dimension.

Parallèlement, l’être déca dimensionnel était également parvenu à dupliquer le cube IA du bio translateur et à en dispatcher les copies à travers l’espace et le temps. Ainsi, chaque équipe du scramble transtemporel, sauf évidemment les membres de l’Einstein, se retrouva donc doté de l’objet convoité! Amsq, qui entamait la manœuvre délicate d’approche au-dessus de l’Auvergne mais en 1249, profita de l’aubaine dont il se réjouit.

En 1961, Fouchine, dans la base secrète de Kola, fut mis au parfum quant à l’utilité du cube par Sergueï Antonovitch. TQT, à Sovadia Island, où il était retourné en son année 1999, testait le translateur don des p. Il eut lui aussi la surprise de réceptionner le cube IA avec un abondant dossier d’explications afin d’assembler l’engin sans difficultés! Au début des années 1970, Sun Wu et son état-major du Dragon de Jade ne s’étonnèrent point de cet héritage soudain! Même les Johnson récupérèrent un original mais cette fois-ci dépourvu de facultés mémorielles. Intrigué par la restitution subite et mystérieuse de l’artefact, Martin téléphona aussitôt à Adelphe Fiacre de Tournefort. Le savant français crut alors que Sun Wu, son ancien secrétaire, avait éprouvé des remords. Puis, le documentariste essaya d’entrer en contact avec les Aarhenberg. Peine perdue, et nous, nous savons pourquoi!

Tournefort, tout joyeux, ne perdit pas de temps et se rendit chez les Johnson afin de fêter la récupération de l’appareil prodigue. Pour rappel, Lady Alexandra Pirrott Neville avait déjà le cube.

Pendant ce temps, Ufo, courant toujours ventre à terre, parvint à la piscine de l’hôtel. Or, un bouledogue et un maître nageur gardaient les lieux. Non sans mal, le félin esquiva les coups des deux brutes. Ufo poursuivait un but: trouver du secours auprès du trio d’adolescents et de Raoul d’Arminville.

Les jeunes gens bronzaient, barbotaient, draguaient les filles, bref, roucoulaient et roulaient des mécaniques!

Pacal, le premier, s’avisa de la présence du chat. Mais les miaulements pitoyables d’Ufo ne signifiaient rien pour lui! Alors, têtu, le félin se frotta contre les jambes d’Ivan, comme s’il réclamait de la nourriture, puis, il tourna sur lui-même pour, ensuite, sauter sur Raoul, s’agripper à son maillot de bain et, enfin, se jeter sur la grille qui isolait la piscine du reste de l’hôtel, comme s’il cherchait à l’ouvrir! En son for intérieur, la prodigieuse créature transgénique pensait:

« Comme ces jeunes humains sont stupides! ».

Patiemment, il recommença son manège.

- Bon sang! Qu’arrive-t-il à ce chat? Il est pris de folie ou quoi? S’exclama Ivan.

Ne cherchant pas plus à comprendre, haussant les épaules, il replongea dans la piscine pour y effectuer un crawl magnifique! Raoul, songeur, s’était assis sur le dallage et observait Ufo. Jamais il n’avait vu un chat domestique se comporter ainsi.

- Il veut manifestement nous faire comprendre quelque chose! Finit-il par dire.

- Il veut sortir, c’est tout! Jeta Pacal abruptement.

- Réfléchissez, les gars! Marmonna le jeune voleur.

- Ouais! Tu as raison! Déclara Geoffroy. Si ce chat avait vraiment envie de sortir, il se glisserait tout simplement à travers les barreaux de la grille!

- Ah! Oui! Tiens, il me fait un peu penser à Asta, le fox-terrier des films de l’Introuvable!

Intrigué, Geoffroy s’était rapproché de l’animal. Ufo bondit aussitôt dans ses bras et commença à lui mordiller les oreilles! Quelque peu furieux, le brun adolescent voulut le jeter à l’eau. Mais le chat miaula de plus belle!

- Donne-le moi plutôt, fit Raoul.

Tandis que Geoffroy sortait de la piscine et tendait le félin à d’Arminville, Ivan se séchait déjà à l’aide d’une serviette. Se faisant, il conclut:

- Ufo veut qu’on le suive! Il doit avoir une bonne raison pour cela! On va donc lui obéir!

Naturellement, le chat comprit le sens des paroles prononcées. Il émit alors de petits miaulements d’approbation puis s’empara des sandales d’Ivan Despalions et les lui glissa sous les pieds! Rapidement, les adolescents enfilèrent un short et une chemise et décidèrent d’accompagner Ivan.

Logiquement, on pouvait penser qu’Ufo conduirait le quatuor vers son maître immobilisé. En fait, il emmena les jeunes gens secourir Violetta!

Au fait, il était une heure du matin et la piscine était toujours ouverte! Là, bien sûr, il ne s’agissait plus de bronzer mais de se faire remarquer par les teenagers richissimes, toutes héritières en millions de dollars. A cette époque, dans la jet set californienne, toutes les excentricités étaient de mise!

***************

Pendant ce temps, le véritable Dick Powell, méchamment sonné, reprenait péniblement conscience dans le plus effroyable cauchemar! Se sentant oppressé, il manquait d’air, avait l’inexplicable sentiment d’être enfermé. Pourtant, il ne souffrait pas particulièrement de claustrophobie! Plongé dans les plus noires ténèbres, il ne distinguait rien de ce qui l’entourait.

Longuement, ses mains tâtonnèrent avec une certaine fébrilité. Enfin, ses doigts rencontrèrent un tissu soyeux comme du satin! Une angoisse insupportable le saisit alors! Le crooner avait compris! Il était étendu de tout son long dans un cercueil clos dont il ne parvenait pas à en soulever le couvercle!

Cette pensée folle le tarauda alors: il était enterré vivant! Qui avait pu commettre une telle abomination?

Terrorisé, Dick Powell hurla, et hurla encore, gaspillant le peu d’oxygène dont il disposait. Tout cela pour rien! Aucun son ne filtrait de la tombe. Les secondes s’égrenèrent dans une agitation si intense qu’elle aggrava l’atroce et invraisemblable situation dans laquelle se retrouvait le chanteur.

Ses sens exacerbés par l’instinct de survie, Dick entendit distinctement des pelletées de terre jetées régulièrement sur son cercueil! Bientôt, de la poussière s’infiltra à l’intérieur de l’horrible boîte et ce, par les minuscules interstices du couvercle. L’humus, noir, froid et humide, envahit les narines et la bouche du comédien.

Dick Powell était-il perdu?

Quant à Fred Astaire, son sort n’était guère plus enviable. Certes, il n’était pas allongé dans un cercueil, en train d’être enterré vivant, mais il se retrouvait prisonnier, debout, dans une cellule fort étroite, totalement close. Dès que le danseur s’étirait, tendait un peu les mains et les bras, il touchait les parois suintantes d’humidité. Pour rajouter à son inconfort, une persistante odeur de moisi lui chatouillait désagréablement le nez et la gorge, le faisant tousser.

Un floc floc énervant accompagnait de plus un glissement régulier et mystérieux. D’où ces bruits provenaient-ils? Fred eut l’idée de lever une nouvelle fois les bras. Son mouvement fut à peine esquissé. Pas de doute! Le plafond s’abaissait, insidieusement et inexorablement!

- Qui a eu cette atroce et stupide idée de me plonger dans un scénario digne de l’Inquisition? Où a-t-on dissimulé ce fichu mécanisme que je l’arrête?

La quête désespérée d’un quelconque levier fut vaine! Depuis quelques secondes déjà, le danseur était obligé de demeurer assis. Lentement, le plafond poursuivait sa descente mécanique et régulière.

- Aah! Ce sagouin qui a manigancé ce piège est un fou détraqué! La lenteur a été calculée pour que la victime se voie mourir!

***************

De toutes ses forces, Violetta se débattait contre le vampire qui avait emprunté les traits de Dick Powell. Derrière les deux combattants, l’homme tarsier spectre coupait toute retraite. Fort excité, il grognait en montrant ses crocs pointus tandis que ses griffes grattaient furieusement les miroirs avec des grincements plus qu’énervants.

Comme si de rien n’était, Gaetano di Fabbrini poursuivait d’une voix monocorde la lecture de son cahier d’anthologie tératologique.

L’adolescente métamorphe raisonnait à triple vitesse. Sa vie était en jeu!

« Dans tout ça, il y a quelque chose d’illogique! Il faut que je me décolle à tout prix de cette glue! Comment? Vite! Une idée! Un vampire ne peut pas s’en prendre à une proie déjà morte! Oui! La voilà, la solution! En me transformant en cadavre marchant comme la créature de Frankenstein, construit de pièces rapportées, à coup sûr, dégoûté, il va se détourner de moi! ».

Aussitôt pensé, aussitôt fait! Notre adolescente futée prit donc l’aspect de Boris Karloff en créature de Frankenstein. Dans son imitation, elle atteignait la perfection! Tout y était: le teint terreux, les coutures sur le visage, les yeux globuleux, les effluves de décomposition avancée de la chair! Plus que douée, Violetta n’avait rien oublié. Maintenant, sa tenue s’était également métamorphosée. Elle portait une veste de berger en peau de mouton sur laquelle traînaient des grains de fromage agrémentés de gousses d’ail! Comme attendu, le pseudo Dick Powell recula.

Pourtant, impavide, Gaetano récitait sa litanie.

- Il est bon de rappeler que la créature de Frankenstein est en réalité un mort-vivant ressuscité par la technique du galvanisme! Cet être est constitué de divers morceaux de cadavres décomposés, assemblés et recousus avec habileté. On peut cependant y voir les coutures et les rivets. De plus, un geste un peu trop brusque a souvent pour conséquence de détacher les éléments rassemblés artificiellement.

Débarrassée désormais du vampire pot-de-colle, Violetta avait maintenant l’intention de s’attaquer à l’homme tarsier.

Mais, entre-temps, le monstre, profitant de la balourdise de la créature de Frankenstein, notre métamorphe avait en fait oublié cette faiblesse dans sa présente incarnation, s’était transformé en momie d’un film de la fin du XX e siècle, le corps criblé d’orifices béants, le visage effrayant et émacié, les dents visibles et les orbites vides! Pour achever sa reconstitution, le ressuscité espérait s’emparer des organes de sa proie. C’est pourquoi il ouvrit une énorme bouche, ouverture agrandie par un morphing surdimensionné, dans le but évident d’aspirer les fluides vitaux de la créature de Frankenstein!

Pendant ce temps, Gaetano di Fabbrini rajoutait avec pédanterie:

- La momie est à la fois un mort qui se défend et se venge! Que ce soit dans la littérature ou au cinéma, il vaut mieux prendre son parti. Elle n’a pas choisi son sort. Elle est la victime d’une malédiction parce qu’elle a enfreint un interdit. Elle peut être un prêtre voué au célibat qui a séduit la fille de Pharaon! Dans tous les cas, gare au mortel qui vient troubler son repos et violer sa dernière demeure secrète!

Lentement, Violetta sentait ses parties de zombie se minéraliser, devenir os alors qu’au contraire, les chairs de la momie se reconstituaient et arboraient le teint de la santé! Maintenant, le visage de son adversaire avait emprunté les traits de l’acteur Arnold Vosloo, bien meilleur dans le rôle du méchant que ce falot de Brendan Fraser dans celui du héros!

Acculée, l’adolescente réagit une fois encore! Elle se métamorphosa en fantôme fluide, respectant les canons énoncés par di Fabbrini.

- Le fantôme se vêt d’un suaire plus ou moins défraîchi pour ne point aller tout nu. La tenue comporte deux trous pour les yeux. Toutefois, cet esprit n’en a plus! Condamné à hanter des châteaux ou des manoirs, voire même des cinémas, afin d’expier une faute, il se voit cependant obligé de traîner derrière lui une chaîne antique terminée par un boulet!

Evidemment, notre Violetta spectre ne put aller bien loin, entravée par sa charge! Elle avait voulu trop bien faire! Ce fut pourquoi, assaillie à la fois par le vampire qui avait pris maintenant l’aspect d’une chauve-souris et par la momie devenue une sorcière chevauchant un balai, elle parut quelque peu dépassée par les événements!

Pourtant, notre métamorphe ne manquait ni de ressources ni d’imagination! Elle laissa là les créatures surnaturelles qui ne lui permettaient pas de se sortir d’affaire et prit son inspiration dans le passé de la Terre!

Ainsi, en une demi-seconde, elle se transforma en un effroyable prédateur, un carnivore de l’Eocène, l’Andrewsarchus

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qui aurait pu figurer dans Le Pacte des loups et remplacer à merveille la mythique bête du Gévaudan! Paradoxalement, il s’agissait pourtant d’un ancêtre des baleines! En un éclair, sa mâchoire puissante happa à la fois la chauve-souris et le chapeau de la sorcière. Le tout fut croqué d’un seul coup!

- Pouah! Quelle horreur! Je n’aime ni le goût ferreux du sang ni le tissu crasseux! Antor aurait été bien plus à l’aise à ma place!

Néanmoins, se reprenant, d’un coup de patte, elle désarçonna l’horrible sorcière. La créature surnaturelle chuta alors lourdement de son balai et s’étala piteusement sur le sol.

Les peurs enfantines de Violetta étaient-elles vaincues ou allaient-elles refaire surface de plus belle? Usant des mêmes pouvoirs que la jeune fille, l’entité maléfique prit alors l’aspect d’un carnivore encore plus effrayant que l’Andrewsarchus: celui du Postosuchus, monstre sorti tout droit du Trias!

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A cette seconde, il se passa quelque chose d’inexplicable et de terrible. Impuissante, Violetta ne parvint plus à contrôler son apparence. Elle ne choisit pas son incarnation suivante, celle d’un bébé Placerias, mignon tout plein à croquer, une sorte de reptile mammalien balourd et inoffensif!

Le sort de la jeune fille semblait donc réglé lorsqu’un rayon l’enveloppa ainsi que son ennemi et le jeune fasciste! Quelque chose d’inattendu se produisait. Le spectre lumineux passait de sept à douze couleurs tandis que, pris dans une cellule de distorsion, le Postosuchus et Gaetano régressaient, l’un atteignant le stade de l’œuf, l’autre celui du fœtus.

Impitoyablement, le rayon continua à scanner les êtres qu’il emprisonnait, analysant l’intégralité de leur génome et de leur phylum. Ainsi, le fœtus régressa encore dans le cours de l’évolution, remontant de l’homme au singe, du mammifère au reptile, et du reptile au poisson. L’œuf de Postosuchus, lui, ne supporta pas la nouvelle régression. Il se désagrégea.

Lorsque le rayon eut terminé son travail, Violetta avait recouvré son aspect habituel, celui d’une jeune adolescente rousse tandis qu’il en allait de même pour le jeune di Fabbrini. Toutes les créatures surnaturelles avaient disparu.

Les bruits extérieurs furent de nouveau perceptibles, un miroir se brisa, une boule de poils blancs et noirs se précipita vers la jeune fille, se frotta contre ses jambes puis sauta en ronronnant d’aise dans ses bras et se laissa caresser avec délice! Derrière Ufo, suivaient plus lentement Raoul, Ivan, Geoffroy et Pacal.

- Alors, c’est toi qui menaces Violetta et la mets en danger? Fit Raoul avec colère à Gaetano.

Désorienté par ce qu’il avait subi, le jeune fasciste répliqua avec son fort accent italien:

- Holà! Mais moi, je n’y suis pour rien! Je ne sais même pas comment j’ai atterri ici!

- Ah ouais! Tu crois que je vais gober tes mensonges! Pourquoi as-tu entraîné notre amie dans ce piège? Quelles étaient tes intentions? La molester? La tuer?

- En plus, courageux comme tu es, persifla Geoffroy, tu n’es pas venu seul! Où se cachent tes complices?

- Quels complices? Rétorqua crânement l’Italien.

- Arrête donc de nous mener en bateau! Siffla Ivan jouant la colère.

- Hé! J’entends des coups sourds! S’écria Pacal. D’où viennent-ils?

Les quatre garçons inspectèrent rapidement les lieux et y découvrirent un placard.

- Santa Virgén! Il y a quelqu’un dans ce meuble!

Brutalement, Geoffroy lâcha l’Italien qu’il tenait par le col de la chemise. Il tomba aussitôt entre les mains de Raoul.

- Alors, mon zigue, on s’explique entre deux yeux tous les deux? Comme deux personnes civilisées? Qui as-tu enfermé ici? Quelques témoins gênants? Des complices? Aboule les informations! Et qu’est-ce que cet uniforme de foire macabre? A quelle armée appartiens-tu?

- Euh… j’suis un simple Balilla! Par ordre du Duce, j’ai été placé au service de Lady Alexandra Pirrott Neville. Le secrétaire de la comtesse, le signore Hugues, m’a ordonné de venir au palais des glaces sur l’heure, afin d’y espionner cette jeune fille! Elle devait être encadrée de deux croque-mitaines, en fait des agents du capitaine Dieter Karl. On voulait lui faire une farce, lui faire peur, sans plus! J’vous le jure!

- Une simple farce! Tiens donc! Menteur! Prends ça! Tu l’as mérité!

Gaetano reçut alors un magistral coup de poing dans la mâchoire qui lui fit voir les étoiles.

Pendant ce temps, secondé par Pacal et Geoffroy, Ivan parvenait à ouvrir le placard. Le trio y découvrit deux comédiens célèbres dans un état lamentable: costume froissé, perruque décollée, visage en sueur ou ensanglanté. Dick Powell et Fred Astaire déliraient.

- Je rêve! Fit Ivan. Il faut que je me pince! Ce ne sont pas deux SS mais le crooner gominé de Chercheuses d’or 1935 et ce bon vieux danseur de claquettes merveilleux, le sublime Fred! Qui pourrait nous expliquer ce micmac?

- Alors, Violetta, dit Geoffroy ironiquement, tu te jettes à l’eau?

Embarrassée, la jeune fille entama une explication quelque peu emberlificotée.

Or, à la seconde même où l’étrange rayon avait balayé la salle des miroirs, le temps avait repris son cours à l’hôtel de luxe. Recouvrant toute sa conscience, Daniel Lin sut ce qui s’était produit. Cela n’était pas naturel! Il n’eut pas besoin d’entrer en contact mental avec Ufo pour apprendre que Violetta avait été sauvée. Quant à Franz et à Elisabeth, ils ne s’étaient rendus compte de rien.

On le comprend, le commandant Wu préféra garder le silence sur cet incident.

***************

Le rayon mystérieux, d’où provenait-il ou plus exactement de qui émanait-il?, ne s’était pas contenté d’interférer sur les événements de 1936. Après avoir ausculté Violetta, il avait délaissé l’adolescente et s’était téléporté à des parsecs de là, dans le futur. A bord du Langevin, Lorenza di Fabbrini fut sondée à son tour. Croyant à une nouvelle expérience des p, elle ne résista pas. En tant que médecin, elle restait consignée dans ses quartiers le plus souvent, jouissant d’un meilleur sort que le reste de l’équipage. Mais sa porte était gardée vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des guerriers Haäns ou Castorii.

Il faut signaler que ce sondage avait lieu peu auparavant la torture psychologique mise en place par Tsanu XIII.

Simultanément, mais en 1867, un homme brun d’une quarantaine d’années qui dévalait un précipice, et qui vivait les dernières secondes d’une existence mouvementée, fut arrêté dans sa chute mortelle au mépris des lois de la physique et se retrouva en équilibre sur les bords d’une corniche abrupte! Durant toutes ces acrobaties il n’avait cessé de tenir pressé contre son torse un précieux coffret marqueté. Profitant de cette chance inespérée, il colla à la paroi et ne fit pas un bruit, attendant que son ennemi de toujours s’éloignât.

Lorsqu’enfin, il fut certain d’être seul, ses yeux malfaisants jetèrent dans la nuit une lueur de triomphe! Puis, découvrant fort opportunément un passage praticable, il commença la lente remontée vers le sommet, prêt pour de nouvelles aventures, de nouvelles exactions. Une fois encore, le monde allait trembler!

Une semaine plus tard, alors qu’il se cachait sous une fausse identité dans une auberge de second ordre du Trentin, l’inconnu fut abordé par un client mystérieux aux yeux de nuit. L’étranger lui dit en français avec un accent anglo-saxon:

- Je sais tout de vous, monsieur le comte! Vous cherchez à vous venger, j’en ai les moyens! Suivez-moi! Vous ne le regretterez pas. Depuis vingt ans déjà, vous voulez dominer le monde. Chaque fois, vous avez échoué car il vous manquait l’arme adéquate, celle du Temps! Je vous l’offre, sans contrepartie!

***************

Après avoir reconduit les comédiens chez eux, les adolescents discutaient ferme. Geoffroy envisageait de garder l’Italien en otage. Violetta s’y opposait fermement.

- Messieurs, fit-elle de sa voix pointue, je ne suis pas d’accord avec vous! Ce n’est pas fair-play!

- Qu’est-ce qui te fait hésiter? Rétorqua Geoffroy. Toi, tu nous caches quelque chose!

- Oublies-tu donc que nous nous trouvons embarqués dans une guerre? Renchérit Ivan. Si l’un de nos ennemis commet une erreur, nous devons en profiter!

- Ivan a raison! Acquiesça Raoul. Nous allons libérer Gaetano et le pister! Voilà moi ce que je propose! Ainsi, nous connaîtrons la planque de cette Lady Pirrott Neville et de sa bande!

- Ah! Oui? Et si nous nous faisons prendre? Siffla la métamorphe. Nous nous en tirons comment?

- Tu oublies que tout à l’heure, rappela Pacal, tu as enfreint des ordres directs! Tu n’as pas hésité à te promener… et vois ce qui en a résulté!

- Nous perdons du temps! S’énerva Geoffroy. Le plan de Raoul est bon. Je vote pour lui. Gaetano va se montrer un bon petit toutou et nous conduire chez sa walkyrie!

- Pff! Vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu’à la clavicule! Jeta l’intéressé avec morgue.

Alors, Raoul brandit ses poings.

- Je saurai te persuader!

Mais Violetta, sarcastique, lança:

- Hé! Raoul d’Arminville! Tu n’as pas encore affronté la duchesse de Balsamo cela se voit! Tu te montreras diablement plus gentleman lorsque tu auras vingt ans.

Depuis quelques instants, Pacal s’était tu et observait Violetta par en-dessous. Se rapprochant d’elle, il lui dit placidement:

- Avoue donc que tu protèges ce matamore de Gaetano di Fabbrini! Nous pouvons en connaître la raison?

Ivan suggéra avec une ironie moqueuse:

- Je parie que tu es tombée amoureuse de lui!

- De ce gamin boutonneux et disgracieux? Non mais ça ne va pas? Je les aime plus mûrs!

- Alors, révèle-nous ton secret, insista Raoul.

- Si je comprends bien les bruns ne sont pas ton genre… marmonna Geoffroy.

- Tu es déçu! Hélas pour toi! Répliqua la métamorphe. Teint trop foncé… j’aime les hommes pâles comme la lune! Mais je m’égare… Gaetano di Fabbrini… hé bien… disons que c’est un mien cousin à la vingt-cinquième ou vingt-sixième génération… à quelque chose près. Un autre mouton noir dans ma famille!

- Ah! Et quel est donc le premier mouton noir? Interrogea Ivan intéressé.

- Le comte Galeazzo qui disparut mystérieusement, sans doute tragiquement en 1867, déclama la jeune fille sur un ton dramatique.

- Soit, souffla Pacal. Mais je croyais que tu t’appelais Sitruk?

- Par mon père! Ma mère, c’est une di Fabbrini à cinquante pour cent!

- Bigre! Il y en a des moutons noirs sur l’Einstein, déclara le rescapé du Moyen Age rêveusement. Daniel Wu est un parent de ce Sun Wu, le chef du Dragon de jade… Mais toi, tu bats le pompon, reprit-il plus fermement, avec ces di Fabbrini!

- Euh… non… je n’ai pas le premier prix! C’est toujours oncle Daniel… Il est également apparenté aux d’Arminville mais par la main gauche!

Raoul sursauta.

- Comment as-tu appris cela?

- Eh! En écoutant aux portes, tiens!

- Si tu m’expliquais en détails mon lien de parenté avec ton commandant?

- Euh… je ne veux pas dévoiler le futur… mais tu sais, tu seras un sacré tombeur de femme, un bourreau des cœurs! Je songe à une certaine Amélie… je ne t’en dis pas plus… je n’en ai pas le droit!

Geoffroy revint au cœur du problème.

- Alors, on conduit Gaetano pistolet au poing jusqu’à son repaire ou on le ramène sur l’Einstein?

- Je pensais que vous aviez compris qu’il ne fallait pas modifier le cours de l’histoire! Articula l’adolescente d’un ton sévère. Gaetano doit être libéré!

Depuis quelques minutes, l’Italien n’avait rien compris à la conversation pour la bonne raison que les propos avaient été échangés en français, langue qu’il ne maîtrisait pas! Mais les quatre garçons hésitaient encore.

Trouvant que le groupe tardait trop, Antor le joignit mentalement. Il lui ordonna de relâcher Gaetano qui sauva donc sa liberté!

***************

Après la nouvelle mésaventure de Violetta, Franz et Elisabeth Von Hauerstadt décidèrent de se retirer de la partie. Ils préféraient se tenir en réserve et retourner en 1961. Ils craignaient particulièrement une riposte éventuelle du commandant Fouchine et, pourquoi pas, de Sun Wu également. Pour parer à toute éventualité, Daniel confia la protection du couple à Antor et Tony Hillerman. L’ingénieur et historien noir assurerait les communications transtemporelles et le mutant garderait le contact télépathiquement. Mais il fallait aussi renvoyer Raoul à son époque. Pour l’instant, toutefois, le problème était de localiser Fouchine et de savoir à quoi il s’occupait.

Sans scrupules, le daryl androïde brancha une fois encore le chrono vision, pistant le Soviétique. En moins d’une minute, il le localisa sur la base secrète de Kola.

- Par Bouddha! Toute une flotte de translateurs! Améliorés qui plus est! On leur a visiblement greffé des IA, copies conformes de celle du bio translateur de Stankin. Franz, qui est ce grand type brun au long nez, aux cheveux noirs à la coupe impeccable et en uniforme de colonel du KGB? Il semble que ce soit lui qui supervise l’assemblage des translateurs. D’après Antor, il n’émet aucune pensée, même pas sous la forme d’ondes comme les p

Franz s’approcha, eut une moue dubitative et expliqua soucieux:

- Malgré son apparence, cet homme n’est pas un être humain! Il a plusieurs identités. Pour les Occidentaux, il se nomme Pierre Duval… pour les communistes, Sergueï Antonovitch Paldomirov… vous pensez qu’il s’agit d’un agent double, non. Mieux! Un agent quadruple! Vous avez devant vous un avatar, le clone du Commandeur Suprême. Cependant, il est inféodé au triste Humphrey Grover, une autre incarnation, mais plus aboutie de la même entité.

- Hé bien! Tout s’éclaire! Fit Daniel nullement déstabilisé par la nouvelle. Si je comprends la situation, le faux secrétaire de Lady Pirrott Neville a volé le cube IA et l’a dupliqué! Puis, il a remis les doubles à tous nos adversaires.

- Euh… Y compris Sun Wu? Interrogea le Germano-américain.

- Naturellement! Nous représentons l’équipe à abattre! Désormais, Amsq possède une grande avance. Il a à sa disposition quatre éléments du bio translateur! Je vais maintenant focaliser sur les Johnson ou sur leur chrono vision tout en remontant le temps de quelques heures. Tenez, les images confirment ma théorie… les documentaristes voient leur cube restitué et le p qui a agi sous l’apparence de Hugues n’est autre que p Sigma que j’ai neutralisé depuis…

- Ah! Mais vous changez le réglage, là!

- Il me faut absolument savoir ce que prépare Amsq! Tiens, il pique une colère! Il sait que les autres possèdent également un cube IA. Il comprend que les p se jouent de nous tous… Maintenant, voyons le pion Tournefort… Qui cherche donc à l’éliminer? Voyez… sa voiture est sabotée! Ouille! La situation empire! Amsq a pris la décision de tuer ce loufoque ethnologue… deux équipes adversaires poursuivent donc le même but!

- Teufel! Warum?

- Il veut être le seul à posséder un exemplaire de l’IA, tout simplement! A sa place, j’agirais de même! Je m’attaquerais d’abord au maillon faible, ici, en l’occurrence ledit Tournefort! Mais il me faut secourir ce dernier ainsi que les Johnson… Je me sens obligé de le faire…

- Commandant Wu, est-ce bien raisonnable? Émit alors André Fermat.

- Non, j’en ai tout à fait conscience mais ne puis agir autrement! Là, des guerriers Haäns se préparent à être téléportés dans la propriété d’Adelphe Fiacre. Il va donc falloir affronter une bande Haäns dégénérés spécialement entraînés à tuer! Êtes-vous partant?

- Daniel Lin, vous ne me laissez pas le choix! Lança l’ambassadeur.

Alors, sous l’ordre mental de son commandant, l’Einstein inclina sa courbe et, se déphasant de un pour cent, se rapprocha une fois encore d’Hollywood.

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