jeudi 9 février 2017

Un goût d'éternité 2e partie : Cécile : 1904



1904

France, printemps 1904.

Le lieutenant d’infanterie de ligne Arthur de Mirecourt publiait un ouvrage qui allait provoquer de sérieux remous dans les états-majors. Le jeune officier imaginait le scénario suivant : 
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En 1950, l’Empire allemand engloberait l’Autriche-Hongrie, la péninsule balkanique, - Grèce exceptée –, la Pologne – russe en 1904, il est bon de le rappeler –, ainsi que la Biélorussie. Devenue la première puissance mondiale tant sur le plan militaire qu’économique, son domaine colonial se serait accru en Afrique et en Asie, et ce, aux dépens de la France.
Arthur émettait l’hypothèse d’un conflit généralisé de l’Europe au Japon en passant, bien sûr, par les colonies africaines, conflit qui aurait lieu vers 1950. L’Empereur Frédéric IV, voulant absorber toute la Russie d’Europe, la France et la Grande-Bretagne, afin de parfaire son hégémonie planétaire, déclencherait alors une guerre sur deux fronts, fort de ses immenses richesses humaines et agricoles et de son potentiel industriel. Seuls les Etats-Unis seraient à même de lui disputer la première place puisque le lieutenant prévoyait l’existence d’une confédération américaine d’un seul tenant, s’étendant du Canada à l’Argentine. Mais il fallait pour cela que la doctrine Monroe fût revue et corrigée.
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Il apparaissait donc que la France, la Grande-Bretagne et la Russie n’étaient plus que des puissances de second ordre dans ce scénario.
Arthur de Mirecourt envisageait également la tactique de la France afin de tenter d’enrayer le danger allemand. Sa population trop peu nombreuse, la qualité de l’armement et son avancement technologique prévaudraient dans cette guerre sur les effectifs humains. Le jeune officier pensait à une guerre mobile, une « guerre éclair » de courte durée donc, dans laquelle les populations civiles seraient plus visées et touchées que les combattants. Bombardements aériens par dirigeables et aéroplanes, usage de la guérilla, mais aussi des troupes de choc, des commandos, gaz asphyxiants, automobiles blindées,
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 forteresses roulantes et canons télécommandés, bombes bactériologiques semant la peste, le choléra et le typhus (ce seraient là les armes secrètes de la France ), camps de concentration où l’on entasserait les civils faits prisonniers, où on les ferait mourir à petit feu ou encore où on les assassinerait en masse, telles étaient les joyeusetés annoncées de la guerre de 1950 selon Arthur de Mirecourt.  
Le lieutenant avançait le chiffre faramineux de cent millions de morts dans cette guerre totale. Pour vaincre l’adversaire, il faudrait détruire ses centres industriels par bombardements aériens systématiques. Mirecourt envisageait également des modèles de fusils automatiques à tir ininterrompu, des mitrailleuses multiples, des mortiers électriques, des orgues de Staline avant l’heure, des fusées téléguidées destinées à détraquer le climat des territoires de l’ennemi afin de réduire ses récoltes, voire de les détruire.
Cependant, son livre d’anticipation prévoyait malgré toutes ces armes et destructions la victoire de l’Allemagne après un désastre sans précédent supporté par les armées russes et françaises encerclées et ravagées par les épidémies provoquées par les bombes bactériologiques dont les savants du Reich avaient fini par percer le secret. Ainsi, le coq gaulois finirait par succomber malgré sa supériorité technique.
Arthur était persuadé que les réseaux d’espionnage allemand étaient responsables de cette déroute militaire française. Il achevait le livre par une réflexion, que deviendra l’esprit humaniste dans un tel cauchemar ? le XXe siècle, à n’en pas douter, sera le siècle de l’horreur absolue. Il nous faut éviter cela. Alors, prônons la guerre humaine et non la guerre totale, dépeinte avec tant de réalisme qu’elle semble proche de nous et possible. Evitons la surenchère en matière d’armements. Nous devons vivre, notre civilisation perdurer, sinon c’en sera fini de nous.
A la suite du remue-ménage provoqué par son livre, le lieutenant fut convoqué au ministère de la guerre par le général André. Pris pour un illuminé, Arthur de Mirecourt se vit contraint de retirer son œuvre. De plus, il reçut un blâme qui fit tache dans son dossier et il fut muté dans une garnison algérienne, en plein bled saharien, à fort Djerba. 
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Or, les hommes de la garnison devaient faire face aux pillages réguliers des tribus itinérantes, c’est ce que l’armée coloniale qualifiait de pacification douce.
La vie de camp s’avéra vite ennuyeuse et médiocre pour un officier de la trempe d’Arthur de Mirecourt. Le confort laissait à désirer, la nourriture était mauvaise. Sous une chaleur accablante, les patrouilles tentaient d’assurer la sécurité des caravanes marchandes.
Fort Djerba fut attaqué plusieurs fois par des bandes montées sur des dromadaires, ces vaisseaux du désert, armées de fusils et de carabines. Les assauts étaient à chaque fois repoussés mais à cause de la pestilence, il fallait enterrer les morts rapidement. 
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Après les combats, l’inaction succédait. De longues semaines s’écoulaient avant qu’encore, les pillards n’apparaissent à l’horizon.
Arthur tentait de correspondre avec son père en métropole. Mais le courrier s’égarait le plus souvent ou ne parvenait qu’avec un retard conséquent.
Pendant trois longs mois, aucune attaque de caravane ne fut signalée. Touareg et Berbères se tenaient inexplicablement tranquilles. Les soldats de la coloniale sombrèrent alors dans l’hébétude. Ils n’avaient plus que l’alcool pour se distraire. Malgré les rappels à l’ordre du colonel, les beuveries se succédaient et les punitions pleuvaient. Cependant, les officiers parvinrent à ramener le calme tant bien que mal en contrôlant la consommation de vin et en détruisant un alambic clandestin.
La chaleur se faisait insoutenable et la sécheresse détruisait tout ou presque. Les puits se tarissaient progressivement et les montures, chevaux et même dromadaires, souffraient désormais de la soif. L’oasis ne suffisait plus au ravitaillement en eau des hommes du fort et l’oued, asséché, ne pouvait suppléer aux puits.
Alors, les têtes brûlées s’adonnèrent à des paris absurdes. Il fallait coûte que coûte rompre l’ennui et la lassitude qui s’emparaient des esprits. Les soldats s’exerçaient vaille que vaille au tir sur des mannequins de chiffons, tentant de placer le plus de cartons. D’autres pariaient stupidement sur le fait de tenir le coup sans boire ni dormir durant deux jours. Le capitaine Gerbier fit cesser ces jeux.
A l’automne, ce fut le temps des manœuvres dans le désert. La pluie était revenue et l’atmosphère s’était détendue. Les hommes apprirent à contrer les embuscades tendues dans les défilés rocheux et étroits. Pour cela, ils utilisaient la tactique en vigueur chez les Touareg, montés sur des dromadaires. Ainsi, eurent lieu de véritables charges de cavalerie et d’escadrons de méharistes. 
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Puis, une tribu voisine, amie de la France, s’en vint offrir une fantasia au colonel commandant fort Djerba. L’humeur des soldats, au beau fixe, allait vite s’assombrir. En effet, lors de la reprise des manœuvres dans le désert, le capitaine Gerbier et son escorte, victimes d’une tempête de sable, se perdirent dans la vaste étendue jaune et cruelle. Le sirocco soufflait avec colère, ensablant les militaires et les étouffant. Lorsqu’enfin, la tempête s’apaisa, le paysage était bouleversé. On n’y reconnaissait plus rien. Le capitaine et sa troupe errèrent durant plusieurs jours, complètement perdus. Un caporal mourut, victime d’une insolation. Ensuite, Gerbier lui-même, piqué par un scorpion noir, dut être transporté en litière. Mais les hommes tournaient en rond.
Toutefois, l’expédition fut enfin retrouvée par des soldats venus du fort. Il s’était écoulé une semaine depuis le départ du capitaine. Celui-ci, conduit à l’infirmerie, était dans un sale état. Le médecin major avoua son impuissance au lieutenant de Mirecourt. Arthur assista, le cœur serré, à l’agonie de son ami. Jean-Baptiste expira après avoir lutté contre la mort durant de longs jours. Il n’avait pas même eu conscience de la présence du lieutenant à ses côtés. L’officier n’avait pas trente ans.
Dès lors, terriblement affecté, Arthur demandera au colonel d’intercéder en sa faveur pour être rapatrié en métropole.
Durant l’hiver 1904/1905, les puits se métamorphosèrent en mares d’eau croupie, où les moustiques venaient pondre.  Or, le lieutenant de Mirecourt, de retour d’une patrouille en décembre dans la zone des puits contaminés, apparut changé par ses supérieurs. Fiévreux et amaigri, il délira même durant deux jours entiers. Une crise de paludisme fut diagnostiquée par le médecin major. Arthur dut quitter Fort Djerba et être rapatrié dans la capitale algérienne pour y recevoir des soins intensifs.
Puis, plus ou moins rétabli, mais restant fragile, il s’embarqua pour Marseille. Ensuite, ce fut le train qui le conduisit sur la Côte d’Azur afin de profiter d’une cure de trois mois aux frais de l’armée.
A peine guéri, le jeune homme regagna l’Afrique du Nord, et se retrouva à Tanger en mars 1905. Il avait reçu de nouveaux ordres et une nouvelle affectation.

*****

Berlin, 10 décembre 1904. 
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La fille de Wilhelmine, Martha, née en septembre, mourut de la diphtérie à l’âge de trois mois.
Le couple fut profondément affecté par cette perte cruelle. De retour de l’Université, Waldemar trouva son épouse en pleurs, penchée sur un berceau vide. La jeune femme, inconsolable, ne parvenait pas à articuler des phrases cohérentes. Le jeune chercheur comprit qu’il devait changer de cadre au plus vite afin que Wilhelmine ne sombrât pas dans la dépression, voire la folie. Alors, Waldemar prit une terrible décision. Tant pis pour sa carrière. Il retournerait au Wurtemberg au plus tôt, soit au printemps 1905. En effet, une possibilité s’offrait à lui, une possibilité intéressante mais pas aussi rémunératrice et glorieuse que sa situation actuelle. Un institut de hautes études scientifiques venait de voir le jour dans sa ville natale. L’institut avait bénéficié du patronage du baron von Möll. Le fils cadet de Rodolphe pourrait donc y enseigner la physique.
Pour l’heure, Waldemar ne pensait qu’à la douloureuse perte subie et à la santé de sa femme.
- Le malheur nous touche, Wilhelmine, faisait-il ce soir-là.
- Je ne puis accepter ce décès, Waldemar… il y a une sorte d’injustice dans la mort de Martha. Le sort s’acharne sur nous. Et ce, depuis que nous nous sommes installés ici, à Berlin…
- C’est pour des raisons professionnelles que nous sommes venus dans la capitale. Mais, tu sais, ma chérie, je regrette maintenant d’avoir visé trop haut… je vois bien que tu ne te sens pas à l’aise… que ta santé est chancelante…
- L’atmosphère malsaine de Berlin a tué Martha. Mon pauvre bébé ! les hivers y sont trop rudes. Je ne supporte plus cette ville, son ambiance hypocrite et guindée, les mensonges de tes confrères, les gens que nous sommes obligés de fréquenter. Ces masques que nous sommes contraints de porter.
- Wilhelmine, toi-même, tu désirais côtoyer le grand monde, les élites intellectuelles de la capitale.
- Le prix que nous payons est trop lourd, Waldemar. Quittons Berlin. Je sens que je mourrai si je reste ici.
- Ce que tu me demandes là, Wilhelmine, est délicat.
- Tu t’obstines donc, mon mari ? Comme autrefois lorsque je te demandais de ne pas t’acharner à conduire une automobile de sport ?
- Non, je cède à ton désir, ma chérie. Jamais je ne te sacrifierais pour satisfaire mon ambition personnelle.
Waldemar était à la fois un homme de parole et de cœur. Pour conserver tout l’amour de son épouse, pour que celle-ci ait une chance de recouvrer la santé, alors que les sommités scientifiques commençaient à s’intéresser à lui, le cadet des von Möll, se résignait à voir les portes de la renommée se fermer définitivement devant lui. Ce geste profondément désintéressé allait inspirer Otto beaucoup plus tard. La passion scientifique de Waldemar n’était sujette à aucune scorie. L’argent que la gloire à laquelle il aurait pu prétendre lui aurait apporté, il s’en moquait. Ainsi, dès l’année 1905, Waldemar von Möll ne serait plus qu’un modeste professeur de physique exerçant en province.
Toutefois, les espoirs du fils cadet n’étaient pas entièrement éteints. En effet, malgré son jeune âge, les qualités intellectuelles d’Otto s’affirmaient déjà. L’esprit curieux de l’enfant lui permettait de s’intéresser à tout et, particulièrement, aux engins modernes et à la technique qui leur permettait d’exister. Le garçonnet passait ses loisirs à démonter ses trains et ses voiturettes afin de voir comment ses jouets fonctionnaient.

*****

Los Angeles, 17 Mai 1993.

L’ambition d’Otto, plus grande que celle de Waldemar, allait profiter à son petit-fils, Stephen. En effet, ce dernier, en bon Américain, savait que l’argent était indispensable à la poursuite de ses expériences.
Mais, pour l’heure, la croisière japonaise envisagée se préparait fébrilement. Tamira était parvenue à arracher à son amant la date de leur départ, celle du 20 mai. Le voyage devait durer subjectivement quelques semaines, voire quelques mois. Mais un contretemps faillit faire capoter ces vacances de rêve. Un contretemps de taille.
Trois jours seulement avant d’effectuer un nouveau saut dans le temps afin de gagner l’année 1907, le professeur Möll fut enlevé par des agents de la CIA au saut du lit alors que Michaël avait disparu fort à propos.
Malgré ses éructations et ses insultes, Stephen fut conduit manu militari devant le Président Drangston dans un lieu secret, connu d’une poignée de personnes. L’interrogatoire promettait d’être serré.
Cependant, le chercheur savait que l’agent temporel s’était rendu en 1903. Mais il n’avait fourni aucune explication à son hôte.

*****

La confrontation avec le Président ne donna rien. Stephen se mura dans le silence. Au bout de quelques heures, las de voir que le professeur Möll était têtu et refusait de répondre à des questions élémentaires, Drangston ordonna que l’on conduisit le chercheur dans un lieu approprié afin de l’interroger dans les règles. Tant pis pour l’Habeas Corpus ! 
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Pendant ce temps, Gregory Williamson, de passage dans la capitale des Etats-Unis, était reçu dans le bureau ovale par Drangston. Il fit part sans langue de bois de ses idées va-t-en-guerre au Président.
- Monsieur le Président, il faut avoir conscience du danger qui menace notre pays. Pour freiner la marée montante du Tiers Monde, mais aussi l’impérialisme soviétique qui, justement, travaille au corps toutes ces masses incultes et va-nu-pieds de ces régions, il vous faut refuser tout dialogue et donc tout compromis avec ces gens-là ! Notre nation doit faire en sorte que l’URSS et la Chine communiste en viennent à se détruire dans un conflit où nous, bons Américains, resterions neutres. Tout cela pour la galerie, bien entendu.
- Ah oui ? Intéressant. Quels en seront pour nous les avantages immédiats ? Interrogea le Président avec une fausse naïveté.
- Une fois nos deux ennemis hors de combat, le mythe américain sera plus fort, plus puissant que jamais. Alors, les pays en développement se plieront à nos lois et, en premier lieu, à la loi du marché.
Drangston acquiesça, approuvant ce discours cynique.
Or, parallèlement, le malheureux Stephen Möll, était interrogé sans relâche par des agents de la CIA. C’était à peine si on le nourrissait et si on lui laissait le temps de dormir. Il fallait vaincre sa volonté par la tactique de l’épuisement. Tous les moyens classiques des interrogatoires en règle y passèrent. Détecteurs de mensonges branchés, penthotal, illégal, tortures mentales et ainsi de suite.
Aucune personne non entraînée ne pouvait supporter pareil traitement. Le 23 mai, Stephen craqua. Dans la petite salle insonorisée et impersonnelle, dépourvue de fenêtre, le professeur dégoisa tout ce qu’il savait. Les expériences temporelles, dans leurs moindres détails, les accidents qui en résultèrent, ses erreurs de calcul, les principes de fonctionnement sur lesquels reposait le translateur, les premiers échecs, son obstination presque puérile de vouloir modifier le cours de l’histoire, la lutte sourde avec une personne qui disposait de moyens technologiques dépassant l’entendement -là, il n’alla point jusqu’à nommer qui il supposait être l’Ennemi – l’arrivée de Michaël, un individu appartenant à l’espèce des Homo Spiritus, son aide précieuse, le fait que, désormais, le translateur était inféodé à l’agent temporel et que lui, simple mortel, était désormais dans l’incapacité de le piloter et de dire dans quel interstice de la réalité était garé l’engin improbable, et ainsi de suite.
A bout de nerfs, l’épuisement, le faisant bégayer, le chercheur conclut :
- Les gars, je vous jure que je vous ai tout dit. Je ne sais rien de plus.
- Ah oui ? vraiment ? Jeta un des agents sur le mode sarcastique. Si nous reprenions depuis le début, mister Möll ?
- Je vous en supplie. Laissez-moi sortir…
- Tu rêves, l’ami. Bon. Reprenons. Nous t’écoutons.
Après les aveux de Stephen, une armada d’agents en civil fut envoyée traquer l’homme du futur. Mais Michaël ne se laisserait pas capturer aussi facilement que le professeur.
Pendant les six jours que dura l’enlèvement de Stephen, l’agent temporel commença par ne pas s’inquiéter outre mesure de l’absence du chercheur. Mais enfin, il finit par réagir. Après avoir questionné Tamira, Cynthia et Mohammed, il comprit que l’heure était grave et que la disparition de son ami n’était pas du tout volontaire. Depuis près d’une semaine, le professeur n’assurait plus ses cours à l’Institut. D’habitude, il prévenait toujours ses supérieurs. Or, cette fois-ci, cela n’avait pas été le cas.
Alors, l’homme du futur prit une décision. Usant de ses talents télépathiques, il tenta de localiser Stephen dans ce continuum espace-temps. Après quelques heures d’effort, il parvint à savoir où son ami se trouvait. Ses pensées lui parvenaient confuses et décousues. Cela signifiait que le professeur avait été torturé et que son mental était perturbé.
- Aïe ! Stephen va mal. Très mal. Ces idiots l’interrogent sans arrêt. Si cela dure, il va finir par devenir fou. Je dois intervenir. Voyons. Il est détenu dans le Nevada… sous terre. Aucun obstacle sérieux. Je puis venir à bout très facilement des armes et autres appareils dont ces messieurs disposent.
Aussitôt dit, aussitôt fait. L’Homo Spiritus, sans user du translateur, se retrouva, comme par un simple claquement de doigts, au cœur même de la base secrète de la CIA. Mais Michaël avait fait preuve d’imprudence. Il avait sous-estimé les agents. Alors que l’homme du futur venait juste de pénétrer dans la cellule dans laquelle Stephen, à demi conscient, reposait, il fut soudainement entouré par six types armés de tasers et leur esprit protégé par des isolateurs télépathiques. Inutile de dire qui leur avait fourni lesdits derniers appareils.
- Bastard ! lève les mains en l’air, espèce d’enfoiré.
- Oh ! Oh ! vous m’attendiez à ce que je vois, répliqua Michaël sur le mode ironique. Et vous vous êtes munis de boucliers mentaux. Bravo ! vous devenez très forts, messieurs. Alors, n’abusez plus de votre supériorité et relâchez monsieur Möll puisque vous m’avez, moi. D’ailleurs, c’est ce que vous vouliez, non ?
- Tout à fait…
- Voilà à quoi rimait l’enlèvement de Stephen.
- Bien. Vous comprenez qu’il serait stupide de résister, monsieur Michaël.
- Naturellement. Mais j’aimerais savoir à qui j’ai affaire…
- Capitaine Seamus Langtry.
- Merci. Mais vous devriez ranger vos armes. Je n’aime pas céder à la menace, vous savez.
- Non, il n’en est pas question.
- Vous n’avez rien à craindre de moi. Vos isolateurs vous protègent. Ainsi que cette cage de Faraday, d’ailleurs. 
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- Ah ! Vous avez remarqué.
- Ne me prenez pas pour un idiot, capitaine. Maintenant que vous me détenez, conduisez-moi à votre Président.
- Vous voulez plaisanter, sans doute ?
- Non, pas du tout, capitaine. Prenez ma demande pour ce qu’elle est, un ordre.
- Comment ?
- Oui, un ordre. Votre cage de Faraday, je puis parfaitement la désactiver. Quant à vos boucliers mentaux artificiels, pareillement. La preuve ? Observez votre bras droit.
- Kenneth ! Que t’arrive-t-il ? s’exclama Langtry.
- Je viens de pénétrer son mental, répondit innocemment Michaël. Maintenant, il croit se trouver sur Mars, sans scaphandre et sans oxygène, subissant le froid mordant. Si je poursuis, votre subordonné sera mort dans trois minutes.
- Cessez, sinon, nous tirons, hurla le capitaine.
- Seulement si vous libérez Stephen. Ensuite, vous me conduirez à la Maison Blanche. Compris ?
Alors que le délai de l’espérance de vie de Kenneth se réduisait et que l’agent devenait bleu et suffoquait de plus belle, le capitaine, blême de colère, regarda ses hommes et fit :
- Puisque notre prisonnier veut parler à notre président, dans ce cas, accordons-lui ce caprice. Baissez vos tasers, les gars.  
- Enfin ! sourit Michaël.
Stephen Möll fut donc relâché et l’agent temporel emprunta un avion spécial afin d’être amené à la Maison Blanche. Durant tout le trajet, l’homme du futur ne fit que rire et se moquer de ses gardiens. Il alla même jusqu’à réclamer de visionner son feuilleton favori Star Trek, the next Generation.
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 Langtry dut céder une fois encore au désir de Michaël.

*****